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La commission a pris note du rapport du gouvernement ainsi que des débats et commentaires qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1987.
Elle rappelle que ses commentaires portent sur le système de l'unicité syndicale, sur les liens entre le Parti communiste et les syndicats ainsi que sur le droit de réunion soumis à autorisation préalable.
1. Droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable
Dans des commentaires formulés depuis 1960, la commission avait relevé que tout congrès, toute conférence et toute réunion, aux termes de l'arrêté no 908 du 15 mai 1935, devaient faire l'objet d'une autorisation préalable. Elle avait estimé que cet arrêté pouvait donner aux autorités publiques la possibilité de s'opposer à la création d'une nouvelle organisation ou d'une nouvelle fédération ou confédération en refusant par exemple d'autoriser la réunion d'une assemblée constitutive d'organisation professionnelle.
Dans ses rapports antérieurs, le gouvernement avait maintes fois indiqué que les dispositions de cet arrêté n'avaient jamais été appliquées aux organisations professionnelles et qu'elles étaient considérées comme caduques.
La commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée de tout changement de la législation à cet égard.
Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que l'arrêté no 908 du 15 mai 1935 a cessé de s'appliquer à la tenue des congrès, conférences et réunions des organisations coopératives, syndicales et autres organisations sociales, en vertu de l'arrêté no 391 du Conseil des ministres de l'URSS du 29 mars 1988, et il fournit une copie du texte de cet arrêté qui dispose expressément dans son titre que l'arrêté no 908 du 15 mai 1935 cesse partiellement d'être en vigueur et, plus précisément dans le corps du texte, que l'arrêté no 908 du 15 mai 1935, "en ce qui concerne l'autorisation de la tenue des congrès, conférences et réunions" organisés par les organisations coopératives, syndicales et autres organisations sociales, cesse d'être en vigueur.
La commission prend note avec satisfaction du contenu de l'arrêté no 391 du 29 mars 1988.
2. Droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix en dehors de la structure syndicale existante
Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait relevé plusieurs dispositions des Codes du travail des Républiques fédérées et de leurs règlements d'application qui consacraient la prééminence du comité syndical local de fabrique ou d'usine dans la représentation des travailleurs à l'exclusion, dans la pratique, de toute autre organisation syndicale qui voudrait exercer des activités de défense des intérêts professionnels et économiques des travailleurs au sein d'une fabrique ou d'une usine, en particulier pour la RSFSR:
- l'article 7 du Code du travail de 1971 qui dispose que la convention collective est conclue au nom du personnel par le comité syndical local de fabrique ou d'usine avec l'administration de l'entreprise ou l'organisation intéressée;
- l'article 230 du Code qui traite des droits du comité syndical local de fabrique ou d'usine et de ses rapports avec l'administration d'une entreprise, d'un établissement ou d'une organisation, à savoir notamment: représenter les travailleurs de l'entreprise, de l'établissement ou de l'organisation dans les domaines de la production et du travail, et organiser conjointement avec l'administration la compétition socialiste et le mouvement pour une attitude communiste envers le travail;
- les articles 231, 233, 234 et 235 du Code qui traitent des pouvoirs et fonctions du comité syndical; et
- le décret du Présidium du Soviet suprême sur le règlement relatif aux droits du comité syndical local de fabrique ou d'usine du 27 septembre 1971 qui décrit en détail les attributions de ces comités.
Dans ses précédents rapports, le gouvernement avait indiqué que les principes fondamentaux de la législation du travail de l'URSS et les dispositions des Codes du travail des Républiques fédérées n'interdisent pas la création de syndicats autres que ceux existants.
La commission avait estimé qu'il semblait impossible pour un syndicat qui viendrait à se créer en dehors de la structure existante d'exercer des fonctions syndicales pour la défense des intérêts professionnels et économiques de ses membres, dans la mesure où le règlement de 1971 relatif aux droits des comités syndicaux locaux, de fabrique ou d'usine (ainsi que certaines dispositions du Code du travail de la RSFSR) attribue ces fonctions aux comités syndicaux de l'entreprise, de l'établissement ou de l'organisation, organes de la structure syndicale existante, et elle avait demandé au gouvernement de réexaminer sa législation pour garantir aux travailleurs qui le souhaitent le droit de constituer des syndicats de leur choix en dehors de la structure syndicale existante, conformément à l'article 2 de la convention, et de préciser si des initiatives avaient été prises par les travailleurs en vue de créer des organisations indépendantes de la structure syndicale existante, et dans l'affirmative quels en avaient été les résultats.
Au cours des débats au sein de la Commission de la Conférence en 1987 et dans son dernier rapport, le gouvernement a déclaré à nouveau que ni la Constitution, ni les principes fondamentaux de la législation du travail, ni le Code du travail de la RSFSR ne limitent le nombre des organisations professionnelles dans une entreprise. L'Etat n'intervient pas dans la vie interne des syndicats qui agissent conformément à leurs statuts et la législation ne prévoit pas l'enregistrement de ces statuts. En URSS, les syndicats participent à la gestion de l'Etat puisque la législation leur reconnaît le droit à l'initiative législative et de participer à l'élaboration des lois. La nouvelle loi du 30 juin 1987 sur l'entreprise (groupement) d'Etat liée aux réformes de la gestion économique les associe plus étroitement à travers les collectifs de travailleurs, à la gestion des entreprises sur de nouvelles bases de collaboration entre travailleurs et direction.
A propos du règlement de 1971, le gouvernement a indiqué à nouveau qu'aucune disposition n'interdit la constitution de syndicats. Le gouvernement a insisté sur le fait que la législation nationale n'impose pas l'unicité syndicale; cependant, les travailleurs de l'URSS sont d'avis que l'unité du mouvement syndical est la réalisation la plus importante des travailleurs et que l'existence de plusieurs organisations syndicales qui s'affrontent à l'intérieur d'un même pays nuit à la lutte des travailleurs pour leurs droits. Le gouvernement a réitéré ses déclarations antérieures selon lesquelles l'unité du mouvement syndical en URSS s'est faite immédiatement après la révolution socialiste de 1917. Il a admis, cependant, la nécessité d'améliorer la législation syndicale et a annoncé que des propositions ont été faites visant à l'adoption d'une loi spéciale sur les syndicats qui définira les droits des travailleurs, la fonction, les tâches et le rôle des syndicats, et leur donnera le pouvoir de repousser toute décision du gouvernement contraire aux intérêts des travailleurs, prise sans l'accord des syndicats, faisant ainsi jouer aux syndicats un rôle de contrepoids face aux pouvoirs technocratiques. Le gouvernement a par ailleurs fourni des données statistiques sur l'accroissement des fonctions des syndicats, et il a indiqué en réponse à l'observation de la commission sur ce point qu'il ne dispose pas d'informations sur la question de savoir si des initiatives ont été prises par les travailleurs en vue de créer des organisations de travailleurs indépendantes de la structure syndicale existante.
La commission prend note de ces déclarations et informations et relève que la nouvelle loi sur les entreprises de 1987 accorde aux collectifs des travailleurs - regroupant des ouvriers, chefs d'équipe, contremaîtres, spécialistes, représentants de l'administration et des cellules du Parti, du syndicat, des jeunesses communistes et des autres organisations publiques - une plus grande autonomie en matière de gestion d'entreprise. Elle note également que le décret du Présidium du Soviet suprême de l'URSS no 8430-XI du 4 février 1988 introduit le système d'autogestion des collectifs des travailleurs et confère au comité syndical d'entreprise des pouvoirs accrus de contrôle en matière de licenciement des cadres de l'entreprise.
Tout en prenant note de ces mesures, la commission rappelle que les principes de la convention no 87 n'ont pas pour effet de prendre parti en faveur de l'unicité syndicale ou du pluralisme. L'objectif de la convention est que le pluralisme soit possible dans tous les cas; or, de l'avis de la commission, la législation nationale, notamment le règlement de 1971 qui attribue les fonctions syndicales uniquement aux organes de la structure syndicale existante, restreint la possibilité pour d'autres organisations qui viendraient à se créer en dehors de cette structure d'exercer des fonctions syndicales pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres et risque de freiner l'intérêt des travailleurs de constituer d'autres organisations syndicales en dehors de cette structure.
La commission, notant la volonté réaffirmée du gouvernement de poursuivre le dialogue, veut croire qu'il tiendra compte, dans le cadre des réformes entreprises, de ses commentaires et que des mesures pourront être prises pour lever les restrictions législatives et reconnaître à toute organisation syndicale qui voudrait se créer en dehors de la structure existante les droits et fonctions nécessaires à la défense et à la promotion des intérêts de ses membres.
3. Rôle dirigeant du Parti communiste
Dans ses commentaires précédents, la commission avait relevé aux termes de la Constitution - notamment l'article 6 selon lequel le Parti communiste de l'Union soviétique est la force qui dirige et oriente la société soviétique, le noyau de son système politique, des organismes d'Etat et des organisations sociales - que le Parti définit un cadre et une orientation sociale dans lesquels doivent s'inscrire les activités des syndicats, ce qui, contrairement à l'article 3 de la convention, ne garantit pas aux syndicats le droit d'exercer leurs activités librement et en toute indépendance.
Dans son rapport, le gouvernement insiste à nouveau sur le fait que les relations entre le Parti et les syndicats ne concernent pas l'application de la convention dans la mesure où cette relation n'est pas de nature juridique mais politique. Le gouvernement rappelle que le Parti et les syndicats ont des objectifs communs et que le rôle du Parti, en tant que guide historique du mouvement syndical, est d'accroître le rôle des syndicats dans toutes les sphères de l'activité du pays sans que pour autant le Parti n'exerce les activités des syndicats. Le gouvernement rappelle que l'article 7 de la Constitution prévoit que les syndicats participent à l'administration de l'Etat et aux décisions touchant des questions d'ordre économique, politique et sociale dans le cadre des fonctions qui leur sont reconnues par la loi. Les syndicats agissent en toute indépendance et les statuts des syndicats adoptés au XVIIIe Congrès ne contiennent aucune disposition qui accorderait au Parti le droit de restreindre la liberté ou l'action des syndicats qui demeurent des organisations de masse, indépendantes et non politiques.
Tout en prenant note de ces déclarations, la commission relève que le principe inscrit à l'article 6 de la Constitution soviétique est repris à l'article 6 de la loi de 1987 sur les entreprises (groupement) d'Etat qui dispose que la cellule du Parti dans l'entreprise est le noyau politique du collectif des travailleurs, qu'elle fonctionne dans le cadre de la Constitution de l'URSS et qu'elle dirige le travail du collectif dans son ensemble et les activités de ses organismes d'autogestion, des cellules syndicales, des jeunesses communistes et autres organisations publiques, et qu'elle contrôle les activités de l'administration.
La commission se voit donc obligée d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance de l'indépendance des syndicats, condition indispensable pour leur permettre de jouer un rôle de défense et de promotion des intérêts de leurs membres. De l'avis de la commission, la relation que la législation nationale institue entre le Parti et les organisations syndicales est contraire à l'article 3 de la convention parce que l'Etat, en tant que législateur, limite par cette disposition les droits de ces organisations d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action.
La commission exprime l'espoir que ces questions pourront être réexaminées à la lumière de ses commentaires. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de toutes mesures prises ou envisagées pour assurer la conformité de la législation avec la convention en ce qui concerne le droit des travailleurs de constituer des organisations syndicales en dehors de la structure syndicale existante s'ils le désirent et le droit des organisations de travailleurs d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action, en toute indépendance et sans ingérence des autorités publiques.