National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission a pris note des rapports du gouvernement et des informations communiquées par une représentante gouvernementale à la Commission de la Conférence en 1991, ainsi que des observations formulées par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans sa communication du 31 janvier 1991. Elle a également pris note des observations communiquées par la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC) sur les observations antérieures de la commission et sur les commentaires de la CISL.
Dans ses observations antérieures, la commission avait indiqué que la mention expresse de la Centrale des travailleurs de Cuba dans le Code du travail (notamment dans ses articles 15 et 16) était en contradiction avec la convention.
Dans son rapport, le gouvernement rappelle une nouvelle fois que l'article 13 du Code du travail reste pleinement en vigueur; aux termes de cet article "tous les travailleurs, tant manuels qu'intellectuels, ont le droit de s'associer volontairement et de former des organisations syndicales sans autorisation préalable". Le gouvernement indique que, en vertu de ce texte, 98 pour cent des travailleurs ont ainsi décidé de se grouper en syndicats de branche fédérés au sein de la CTC et que les textes juridiques mentionnant celle-ci, loin de limiter la liberté syndicale, avaient pour objet de garantir qu'aucune décision administrative relative aux droits des travailleurs ne soit adoptée sans consultation des organisations syndicales. Selon le gouvernement, ces organisations agissent et exercent leurs droits conformément aux principes, statuts et règlements démocratiquement débattus et approuvés par leurs membres.
Tout en prenant note des déclarations du gouvernement, la commission rappelle qu'en mentionnant spécifiquement la "Centrale des travailleurs" de Cuba divers articles du Code du travail consacrent au niveau central le principe de l'unicité syndicale dans la législation. Aussi la commission souligne-t-elle une nouvelle fois que, dans son Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective, elle avait précisé que, même dans le cas d'un monopole de fait, conséquence d'un regroupement de tous les travailleurs, la législation ne doit pas institutionnaliser cette situation de fait en citant nommément, par exemple, la centrale unique, et ceci même s'il s'agissait là d'une revendication de l'organisation syndicale existante. En effet, même dans le cas où, à un moment donné de la vie sociale d'un pays, une unification du mouvement syndical a eu les préférences de tous les travailleurs, ceux-ci doivent cependant pouvoir sauvegarder, pour l'avenir, le libre choix de créer, s'ils le souhaitent, des syndicats en dehors de la structure syndicale établie.
La commission note que les commentaires de la CISL portent sur les points suivants:
- impossibilité de créer des organisations syndicales indépendantes; - désignation de dirigeants syndicaux par le Parti communiste et non par les travailleurs;
- parmi les fonctions assignées au syndicat, augmentation de la production et de la productivité du travail;
- imposition d'une discipline du travail et pressions exercées sur les travailleurs pour leur faire exécuter des tâches à titre "volontaire".
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement ne mentionne pas spécifiquement ces commentaires. En revanche, en ce qui concerne la désignation des dirigeants syndicaux, la CTC signale dans un document annexé au rapport que la désignation des candidats au comité national est parfaitement démocratique et ne comporte ni pressions ni campagnes en faveur d'un candidat ou d'un autre. Durant l'organisation du XVIe Congrès ouvrier qui a eu lieu en janvier 1990, les listes des candidatures à ce comité, qui compte 195 membres au total, ont rassemblé plus de 800 candidats proposés par les organismes intermédiaires, après que le comité organisateur national, conjointement avec tous les secrétaires généraux des syndicats, eut élaboré un avant-projet de candidatures qu'il a présenté aux délégations provinciales formées de tous les délégués élus pour participer au congrès. Dans ces réunions, chaque délégué avait le droit de s'opposer, arguments à l'appui, à la candidature de toute personne qu'il ne souhaitait pas voir figurer sur la liste des candidats ou de proposer une autre personne à condition de ne pas modifier le chiffre total de 195 membres. Cela ne signifiait pas que le résultat était prévu d'avance, puisque les délégués disposaient de deux possibilités pour exprimer leur choix: lors de la présentation de l'avant-projet de candidatures à la délégation de leur province et lors de l'élection du congrès lui-même.
En ce qui concerne les fonctions des syndicats liées à l'augmentation de la production et de la productivité du travail, à l'imposition d'une discipline du travail et aux pressions exercées sur les travailleurs pour leur faire exécuter des tâches à titre "volontaire", la CTC déclare que, dans un Etat ouvrier et paysan, il faut tenir compte du fait que servir les travailleurs est l'objectif principal et que, par conséquent, l'augmentation de la production et de la productivité améliore le bien-être des travailleurs et du peuple, puisque les travailleurs se sont libérés de l'exploitation et que tous leurs efforts se traduisent par la création d'équipements contribuant au développement du pays.
La commission observe également que, aux termes du préambule des statuts de la CTC, bien que l'organisation syndicale ne fasse pas partie de l'appareil de l'Etat et que la centrale et les syndicats ne soient pas des organisations du Parti, les statuts admettent ouvertement et consciemment l'autorité supérieure de ce Parti - considéré comme l'avant-garde et l'organisation suprême de la classe ouvrière -, reconnaissent, approuvent et suivent la politique du Parti et agissent conformément aux principes du centralisme démocratique.
Toujours aux termes du préambule, les tâches des syndicats nationaux sont les suivantes: organiser et développer le travail volontaire, comme pierre angulaire de l'éducation communiste des travailleurs; élever constamment le niveau de conscience de classe socialiste des travailleurs par un renforcement de la discipline du travail favorisant l'augmentation de la production et l'amélioration constante de la productivité du travail; organiser l'émulation socialiste entre les travailleurs.
A ce sujet, la commission considère que l'énumération de ces tâches dans les statuts ne permet pas à l'organisation de conduire ses activités librement vis-à-vis des pouvoirs publics. En outre, la consécration, par la législation, de la CTC comme organisation unique au niveau central ne permet pas aux travailleurs de constituer des organisations de conception syndicale différente indépendantes des pouvoirs publics ou de s'y affilier contrairement aux articles 2, 3, 5 et 6 de la convention.
La commision souhaite également rappeler à cet égard le paragraphe 5 de la résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1952: "lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec des partis politiques ou d'entreprendre une action politique conforme à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays".
La commission demande donc de nouveau au gouvernement de lui faire connaître les mesures qu'il entend adopter pour supprimer dans la législation les nombreuses références précises à une organisation syndicale unique désignée sous le nom de "Centrale des travailleurs", de façon à permettre réellement aux travailleurs de constituer des organisations de leur choix pleinement indépendantes des pouvoirs publics et de s'y affilier, conformément à l'article 2 de la convention. La commission demande au gouvernement de lui communiquer des informations à ce sujet.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 79e session.]