National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note de l’adoption du nouveau Code du travail (loi no 033-2004/AN du 29 octobre 2004). Elle note avec intérêt que l’article 5 dispose que nul ne peut recourir au travail forcé ou obligatoire, sous aucune forme, dans les cinq cas prévus à l’article 1 de la convention.
La commission souhaiterait rappeler à titre de remarque préliminaire que le travail imposé à des personnes comme conséquence d’une condamnation judiciaire n’a, dans la plupart des cas, aucun rapport avec l’application de cette convention. Par contre, si une personne est, de quelque manière que ce soit, astreinte au travail, notamment au travail pénitentiaire, parce qu’elle a exprimé certaines opinons politiques, s’est opposée à l’ordre politique, social ou économique établi ou parce qu’elle a participé à une grève, cela entre dans le champ d’application de la convention. Ainsi, les peines de prison, lorsqu’elles comportent du travail obligatoire, relèvent de la convention dès lors qu’elles sanctionnent l’interdiction d’exprimer des opinions ou de manifester une opposition ou la participation à une grève. A cet égard, la commission avait noté dans sa précédente demande directe que, en vertu de l’article 86 de l’arrêté no 642 APAS du 4 décembre 1950 portant réglementation des prisons, le travail est obligatoire pour tous les condamnés de droit commun. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations complémentaires sur l’application de certaines dispositions de la législation pouvant avoir une incidence sur l’application de la convention. La commission constate que le dernier rapport du gouvernement ne contient pas d’informations pertinentes à cet égard. Elle le prie de bien vouloir répondre aux points suivants.
1. Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant une obligation de travailler en tant que sanction pour la manifestation d’opinions politiques ou d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.
a) Liberté d’opinion et d’expression. La commission note que certains articles du Code pénal pourraient permettre de sanctionner l’expression d’opinions politiques par des peines de prison comportant l’obligation de travailler. Elle note en particulier les articles 177 à 180 en vertu desquels toute atteinte à l’honneur ou à la délicatesse de certains dépositaires de l’autorité publique (art. 178 et 180), à l’autorité de la justice ou à son indépendance (art. 179) constitue un outrage pouvant être sanctionné par une peine de prison. En outre, les articles 361 à 364 du Code pénal punissent l’atteinte à l’honneur et à la considération des personnes, l’injure, la dénonciation calomnieuse et la diffamation. L’article 364 prévoit des peines de prison pour toute personne reconnue coupable de diffamation - diffamation définie à l’article 361 comme «toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé». Aux termes de l’article 365, une personne poursuivie pour diffamation a la possibilité d’apporter la preuve de la véracité de ses propos et ainsi de faire cesser la poursuite. La commission note également que les articles 114 à 123 de l’ordonnance no 92-024bis/PRES du 29 avril 1992 portant Code de l’information comportent des dispositions similaires. Cette ordonnance contient en outre des dispositions punissant certains délits de presse de peines de prison.
Dans la mesure où la législation pénale ou pénitentiaire ne semble pas contenir de dispositions réglementant spécialement le régime pénitentiaire des personnes condamnées pour des infractions à caractère politique, les personnes condamnées pour l’un des délits prévus par les dispositions précitées du Code pénal ou du Code de l’information peuvent être astreintes au travail pénitentiaire. Afin de pouvoir évaluer la portée et le champ d’application de ces dispositions, la commission souhaiterait que le gouvernement communique des informations détaillées sur leur application pratique, y compris copie de toute décision judiciaire pertinente.
b) Liberté d’association. La commission attire l’attention du gouvernement sur l’importance que revêtent, pour le respect effectif de la convention, les garanties légales relatives aux droits de réunion, d’expression, de manifestation et d’association, et sur l’incidence directe que la limitation de ces droits peut avoir sur l’application de la convention. En effet, c’est souvent dans l’exercice de ces droits que l’opposition politique à l’ordre établi peut se manifester. A cet égard, la commission note que, aux termes des articles 220 et 221 du Code pénal, le maintien ou la reconstitution d’une association jugée comme illégale par les autorités ainsi que la non-conformité aux injonctions concernant la reconnaissance d’une association sont punissables d’une peine d’emprisonnement comportant, comme indiqué ci-dessus, l’obligation de travailler.
La commission rappelle que la convention ne permet pas de sanctionner les personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, par des peines de prison impliquant du travail, comme c’est le cas des sanctions prévues aux articles 220 et 221 précités du Code pénal. Elle prie le gouvernement d’indiquer quels sont les critères permettant à l’autorité d’interdire ou de reconnaître une association et de fournir des informations sur l’application pratique des articles 220 et 221 du Code pénal. La commission prie également le gouvernement de fournir copie de la loi no 10/92 réglementant la liberté d’association.
c) Liberté de réunion et de manifestation. La commission note que l’article 120 du Code pénal interdit la formation d’attroupement non armé, sur la voie publique, de nature à troubler la tranquillité publique. Elle prie le gouvernement d’indiquer la peine encourue en cas d’infraction à cette disposition du Code pénal et, le cas échéant, de communiquer copie des décisions judiciaires y relatives.
2. Article 1 b). Mobilisation et utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique: Service national de développement. La commission note que, en vertu de l’article 4 du décret no 98-291/PRES/PM/DEF fixant l’organisation et le fonctionnement du Service national de développement (SND), tout Burkinabè âgé de 18 à 30 ans peut être requis pour le SND. Le temps passé au SND (douze mois) est considéré comme temps passé sous les drapeaux. Les modalités d’accomplissement du SND sont réglées par le décret no 98-292/PRES/PM/DEF qui prévoit que ce service s’accomplit en deux phases successives, à savoir la formation et la production. Au cours de la première phase, l’appelé reçoit une formation essentiellement civique et patriotique dans le but de le préparer moralement et physiquement aux tâches de développement socio-économique (art. 24 et 25) et acquiert des rudiments de formation professionnelle dans les secteurs d’activité prioritaires au développement (art. 28). Au cours de la seconde phase, l’appelé apporte sa contribution au développement socio-économique du pays dans les secteurs de l’enseignement, de l’agriculture et de l’élevage ainsi que dans d’autres secteurs comprenant les salariés et les appelés des secteurs rural et informel (art. 30 à 35).
La commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que les programmes comportant la participation obligatoire de jeunes gens, dans le cadre du service militaire ou en lieu et place de celui-ci, à des activités tendant au développement de leur pays ont été estimés incompatibles avec les conventions sur le travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations complémentaires sur le Service national de développement ainsi que des exemples concrets des travaux entrepris dans le cadre de ce service.
3. Article 1 d). Participation des fonctionnaires à une grève. La commission note que le droit de grève des fonctionnaires est garanti par l’article 45 de la loi portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique (loi no 013/98/AN du 18 avril 1998), et plus particulièrement par la loi no 45-60/AN du 27 juillet 1960, portant règlement du droit de grève des fonctionnaires et des agents de l’Etat. Ce droit peut cependant être restreint pour certaines catégories de fonctionnaires dans la mesure où l’article 1 de la loi no 45-60/AN précise que certains statuts particuliers pourront déroger au droit de grève des fonctionnaires. En outre, des réquisitions peuvent être prononcées par ordre des ministres concernés à l’encontre des fonctionnaires afin d’assurer la permanence de l’administration et la sécurité des personnes et des biens (art. 6). Les personnes qui refusent de déférer à l’ordre de réquisition peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires (art. 7). A cet égard, la commission constate que l’article 137 de la loi no 013/98/AN précitée dispose que tout manquement du fonctionnaire à ses devoirs expose ce dernier à des sanctions disciplinaires, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la législation pénale.
La commission rappelle que la réquisition de fonctionnaires n’est possible que dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire à ceux dont l’interruption mettrait en danger l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population. Elle prie le gouvernement d’indiquer les services pour lesquels des fonctionnaires peuvent être réquisitionnés afin d’assurer un service minimum en cas de grève ainsi que les conditions régissant ces réquisitions. Elle souhaiterait également que le gouvernement indique les sanctions pénales qui peuvent être appliquées aux fonctionnaires ayant refusé de déférer à l’ordre de réquisition. Prière enfin de fournir copie des statuts particuliers qui dérogent au droit de grève des fonctionnaires, tels que prévus à l’article 1 de la loi no 45-60/AN.