National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note de la communication de l’Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS) du 23 mars 2010 ainsi que du rapport du gouvernement.
Articles 3 a) et 7, paragraphe 1, de la convention. 1. Vente et traite des enfants et sanctions. La commission a précédemment noté que, en vertu de l’article 2 de la loi no 02/2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes du 29 avril 2005 (loi no 02/2005 du 29 avril 2005), le maximum de la peine prévue est prononcé lorsque l’infraction de traite des personnes a été perpétrée à l’égard d’une personne mineure. Cependant, la commission a observé que, bien que la traite d’enfants aux fins d’exploitation économique ou sexuelle soit interdite par la législation nationale, elle demeure un sujet de préoccupation dans la pratique.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle les poursuites et les sanctions prévues par la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 et l’arrêté no 3749 fixant et interdisant les pires formes de travail des enfants du 6 juin 2003 constituent des mesures pour lutter efficacement contre la traite des enfants. Cependant, la commission prend note de l’information contenue dans le Rapport mondial sur la traite des personnes de l’UNODC de 2009 selon laquelle le nombre de personnes appréhendées pour traite de personnes ou pratiques similaires a diminué de 37 en 2004 à 15 en 2006 alors que la loi relative à la lutte contre la traite des personnes est en vigueur depuis avril 2005. Elle note en outre que, d’après le rapport intitulé «Rapport 2010 sur la traite des personnes – Sénégal» (rapport sur la traite des personnes), publié sur le site Internet du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (www.unhcr.org), la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 a été principalement appliquée pour lutter contre le trafic de migrants à destination de l’Espagne. En outre, d’après le document-cadre du Plan national d’action de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants au Sénégal, du 24 juin 2008, la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 n’a jamais été utilisée pour la poursuite d’infractions de traite. D’après ce document, cela est principalement dû au fait que les personnes chargées de l’application de la loi méconnaissent très souvent ou connaissent mal la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 en raison du manque de diffusion des textes de loi.
Le rapport sur la traite des personnes fait état du démantèlement d’un réseau de trafiquants par la police sénégalaise en mars 2009. Ces personnes auraient envoyé des jeunes filles du Sénégal au Maroc afin de les y exploiter comme travailleuses domestiques. Toutefois, d’après ce même rapport, les trafiquants auraient été libérés quelques semaines après leur arrestation et les charges abandonnées en raison de leur statut et de leur position d’influence au sein de la société sénégalaise. La commission exprime sa profonde préoccupation devant le défaut d’application de la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 ainsi que devant les allégations d’impunité à l’égard de certains trafiquants. La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces afin de s’assurer que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes qui se livrent à la vente et à la traite d’enfants de moins de 18 ans sont menées à leur terme, en veillant notamment à renforcer les capacités des organes chargés de l’application de la loi par la diffusion de la loi no 02/2005 du 29 avril 2005. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées à l’égard de ces personnes.
2. Travail forcé ou obligatoire et sanctions. Mendicité. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales sur le deuxième rapport périodique du Sénégal d’octobre 2006 (CRC/C/SEN/CO/2, paragr. 60 et 61), s’est dit inquiet du grand nombre d’enfants qui travaillent et en particulier des pratiques dans les écoles coraniques dirigées par des marabouts qui consistent à utiliser à grande échelle les talibés à des fins économiques en les envoyant travailler dans des champs agricoles ou mendier dans les rues ou effectuer d’autres travaux illégaux qui rapportent de l’argent, les empêchant ainsi d’avoir accès à la santé, à l’éducation et à de bonnes conditions de vie. Elle a également noté que, bien que l’article 3, alinéa 1, de la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes interdise à quiconque d’organiser la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit ou d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire, et ce y compris à l’égard d’un mineur, le phénomène des enfants talibés reste une préoccupation dans la pratique.
La commission prend note des commentaires de l’UNSAS qui indiquent que la situation des enfants de la rue demeure plus que jamais préoccupante à cause du phénomène de la mendicité qui prend de l’ampleur, notamment dans les grandes agglomérations du pays. Elle note l’indication du gouvernement selon laquelle les mesures nécessaires pour assurer l’application de la législation nationale sur la mendicité sont prises. Cependant, elle note que, d’après le document-cadre du Plan national d’action de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants au Sénégal, du 24 juin 2008, la loi no 02/2005 du 29 avril 2005 n’a jamais été utilisée pour la poursuite d’infractions de mendicité. En outre, d’après le rapport sur la traite des personnes, le gouvernement démontrerait une certaine tolérance, aux niveaux local et institutionnel, à l’égard de la traite des enfants talibés à des fins de mendicité.
La commission note que, selon des informations récentes de l’UNICEF datées du 26 mars 2008, le nombre d’enfants qui vivent dans les rues au Sénégal est estimé à 100 000. En outre, d’après un rapport conjoint OIT/IPEC, UNICEF et Banque mondiale intitulé «Enfants mendiants dans la région de Dakar» de novembre 2007, l’ampleur du phénomène de la mendicité, dans la seule région de Dakar, touche environ 7 600 enfants. Les enfants talibés constituent la grande majorité des enfants mendiants (90 pour cent). Les enfants mendiants sont dans l’ensemble très jeunes, la moyenne d’âge se situant entre 11 et 12 ans, et la majorité (95 pour cent) provient d’autres régions du Sénégal ou de pays limitrophes, tels la Guinée-Bissau, la Guinée, le Mali et la Gambie. Le rapport révèle par ailleurs que les enfants talibés consacrent en moyenne six heures par jour à la mendicité, ce qui semble laisser peu de temps disponible à l’enseignement coranique.
La commission rappelle que, dans son observation sur le Niger de 2006 relative à la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, elle a relevé qu’il convient de bien distinguer trois formes de mendicité: la mendicité classique, la mendicité éducative et la mendicité qui utilise les enfants à des fins purement économiques. La mendicité classique est celle pratiquée par les populations indigentes. La mendicité éducative est celle pratiquée dans le sens prôné par la religion musulmane, c’est-à-dire comme un apprentissage de l’humilité de la part de celui qui la pratique et de la compassion pour celui qui fait l’aumône. Finalement, la mendicité qui utilise les enfants à des fins purement économiques est celle qui fait des enfants un fonds de commerce. Exprimant sa grave préoccupation face à l’ampleur du phénomène de l’instrumentalisation des enfants talibés à des fins purement économiques, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces afin de s’assurer que les marabouts qui utilisent la mendicité des enfants de moins de 18 ans à des fins purement économiques font effectivement l’objet de poursuites et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur sont imposées en application de la loi no 02/2005 du 29 avril 2005. A cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de veiller à ce que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des contrevenants soient menées à leur terme. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises et sur les résultats obtenus, en particulier en ce qui concerne le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées à l’égard de ces personnes. Dans la mesure du possible, toutes ces informations devraient être ventilées par sexe et âge.
Article 6. Programmes d’action. Plan national d’action de lutte contre la traite des personnes. La commission note avec intérêt l’adoption d’un Plan national d’action de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2008-2013) en juin 2008. D’après le document-cadre du plan national d’action, il s’articule notamment autour des objectifs suivants: i) renforcer et adapter le dispositif juridique de protection des victimes; ii) appliquer la législation de manière effective; iii) assurer la gratuité de la scolarité obligatoire; iv) renforcer le système de protection sociale en faveur des enfants les plus vulnérables des principales zones pourvoyeuses de la traite; v) assurer une protection effective des témoins et des victimes; et vi) améliorer la prise en charge et la réhabilitation des victimes de la traite. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre du Plan national d’action de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et sur les mesures prises et les résultats obtenus dans le cadre de ce plan d’action afin d’éliminer la vente et la traite d’enfants de moins de 18 ans.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques. Enfants des rues et enfants talibés. Faisant suite à ses commentaires précédents, la commission prend note des commentaires de l’UNSAS qui indiquent que les mesures prises à l’égard des enfants talibés demeurent insuffisantes même si elles s’avèrent efficaces. A cet égard, elle note la recommandation de l’UNSAS, laquelle préconise d’impliquer davantage les partenaires sociaux dans la recherche de solutions, notamment en matière d’accueil, d’éducation et d’insertion sociale. La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles un projet d’éducation à la vie familiale dans les daaras (écoles coraniques) a été élaboré par le ministère de la Famille, de la Solidarité nationale, de l’Entrepreneuriat féminin et de la Microfinance. D’après le gouvernement, ce projet vise notamment à contribuer à lutter contre la mendicité et le phénomène des enfants de la rue, à préparer les enfants talibés à la vie sociale et professionnelle par le développement de projets d’action éducative et d’activités professionnelles et à promouvoir le développement d’activités génératrices de revenus. Elle note également qu’un partenariat pour le retrait et la réinsertion des enfants de la rue (PARRER) a été créé en février 2007, qui regroupe à la fois des membres de l’administration sénégalaise, d’ONG, du secteur privé, des partenaires au développement, d’organisations religieuses, de la société civile et des médias. Ce partenariat s’est fixé comme objectif d’inciter les pouvoirs publics à appliquer effectivement la législation nationale tout en menant des activités de plaidoyer aux niveaux national, sous-régional et international pour éradiquer le phénomène des enfants de la rue. Elle note également les informations du gouvernement selon lesquelles, entre 2001 et 2009, 1 080 enfants ont été retirés de la mendicité. En outre, la commission note que, d’après le rapport intitulé «Rapport 2008 sur les pires formes de travail des enfants – Sénégal» (rapport sur les pires formes de travail des enfants), publié sur le site Internet du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (www.unhcr.org), le ministère de la Famille, de la Solidarité nationale, de l’Entrepreneuriat féminin et de la Microfinance offre un programme de soutien à 48 écoles coraniques qui se sont engagées à ne pas exploiter la mendicité des enfants talibés. Considérant que les enfants vivant dans la rue et les enfants talibés sont particulièrement exposés aux pires formes de travail des enfants, la commission encourage le gouvernement à redoubler d’efforts en matière d’identification, de retrait et de réinsertion des enfants qui vivent dans la rue, et particulièrement en ce qui concerne les enfants qui mendient. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations supplémentaires sur les mesures prises et les résultats obtenus dans le cadre du projet d’éducation à la vie familiale dans les daaras et du partenariat pour le retrait et la réinsertion des enfants de la rue.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.