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Direct Request (CEACR) - adopted 2019, published 109th ILC session (2021)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Norway (Ratification: 1932)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Norway (Ratification: 2015)

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La commission prend note du premier rapport du gouvernement sur l’application du protocole de 2014 relatif à la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention, et article 1, paragraphe 3, du protocole. Mise en œuvre effective du cadre juridique et application des sanctions. La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle les articles 257 et 258 du Code pénal de 2005 (entrés en vigueur en 2015) incrimine la traite des personnes à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, et prévoient des peines allant jusqu’à six ans d’emprisonnement pour les infractions impliquant des victimes adultes et 10 ans lorsque les victimes sont des enfants. L’article 224 prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement pour le fait d’exploiter une personne à des fins de travail forcé en recourant à la force ou à la menace, en abusant de la vulnérabilité d’une personne ou en ayant une conduite répréhensible.
La commission note également que depuis 2014, l’article 93, paragraphe 3, de la Constitution interdit l’esclavage et le travail forcé. La commission prend note aussi de la décision de la Cour suprême qui est jointe au rapport du gouvernement de juin 2017. Dans cette décision, la Cour suprême a pris en compte des sources internationales, en particulier la définition du travail forcé dans la convention no 29 et dans le protocole de 2014. La commission note également que le cas examiné par la Cour suprême portait sur trois travailleurs saisonniers. Engagés en Inde pour travailler dans des jardineries, ils se sont trouvés dans une situation d’exploitation relevant du travail forcé. La Cour suprême a indiqué dans son analyse que, même si ces saisonniers indiens avaient conclu des accords volontaires sur leur emploi en Norvège, ils étaient exploités à des fins de travail forcé. A ce sujet, la Cour suprême a fait référence à divers indicateurs de travail forcé – entre autres, mauvaises conditions de travail, isolement, connaissance de base insuffisante de la langue du pays. De plus, la Cour suprême a souligné que plusieurs éléments avaient empêché ces travailleurs de pouvoir mettre un terme à leur relation de travail, notamment le fait que leurs employeurs avaient confisqué leurs passeports et leurs billets de retour. A cela s’ajoutait la crainte de perdre la totalité de leur salaire. La Cour suprême a conclu que ces éléments coercitifs les avaient mis dans une situation de vulnérabilité à laquelle ils ne pouvaient pas échapper. Les employeurs dans ce cas ont été condamnés à des peines d’emprisonnement. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 257 et 258 du Code pénal qui incrimine la traite des personnes, et d’indiquer le nombre de condamnations prononcées et la nature des peines appliquées.
Article 1, paragraphe 1, de la convention et article 1, paragraphes 1 et 2 du protocole. Cadre institutionnel. La commission prend note de l’adoption en 2016 du plan d’action contre la traite des personnes. Le plan compte cinq volets: i) action renforcée et ciblée contre la traite des personnes; ii) mesures coordonnées et efficaces pour protéger et promouvoir les droits des victimes; iii) amélioration de l’organisation et de l’action de la police; iv) meilleure connaissance des moyens pour identifier et prévenir la traite; et v) coopération internationale renforcée contre la traite.
Le gouvernement indique également qu’une stratégie de lutte contre les infractions liées au travail a été adoptée en 2017. Ces infractions sont complexes et revêtent de nombreuses formes, dont des activités qui enfreignent la législation sur la rémunération, les conditions de travail, la sécurité sociale et la fiscalité. Selon le gouvernement, l’infraction la plus grave liée à la vie professionnelle est la traite qui aboutit au travail forcé mais, dans le monde du travail en Norvège, le délit le plus fréquent est le travail non déclaré et l’inobservation de certaines dispositions de la loi sur le milieu de travail. La commission note en outre qu’un Groupe de travail interministériel contre la traite des personnes et une Unité nationale de coordination pour les victimes de la traite (KOM) ont été institués en 2011. La commission prie le gouvernement d’indiquer: i) les mesures prises pour mettre en œuvre le plan d’action de 2016 contre la traite des personnes; ii) les activités menées par l’Unité nationale de coordination pour les victimes de la traite des personnes afin de s’assurer que les autorités compétentes mènent une action systématique et coordonnée pour combattre la traite des personnes; et iii) les mesures prises par la KOM et les difficultés rencontrées pour mener ses activités. La commission prie aussi le gouvernement d’indiquer les mesures prises dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre les infractions liées au travail pour combattre le travail forcé.
Article 2 du protocole. Mesures pour prévenir le travail forcé. Travailleurs migrants. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle plusieurs centres pour travailleurs étrangers ont été créés dans cinq localités. Dans ces centres, l’Autorité norvégienne de l’inspection du travail, la police, l’administration fiscale norvégienne et la direction norvégienne de l’immigration (UDI), agissant en collaboration, fournissent des services consultatifs et traitent rapidement les demandes de travailleurs étrangers. La commission note également que l’article 26 de la loi sur les services de l’emploi interdit de faire payer les services de placement aux demandeurs d’emploi. Le gouvernement indique aussi que l’administration norvégienne du travail et de la protection sociale met gratuitement à la disposition des personnes à la recherche d’un emploi tout un ensemble de services, notamment: i) une vue d’ensemble des emplois à pourvoir; et ii) une base de données pour les demandeurs d’emploi ainsi que des informations et des services consultatifs pour les personnes qui ont besoin d’aide pour entrer en contact avec des employeurs. Selon le gouvernement, le travail forcé est la plus grave infraction liée au travail, et il inclut souvent de multiples activités délictueuses. La lutte contre les différentes formes de délits liés au travail est un défi commun et intersectoriel qui dépasse les frontières nationales. Souvent, enquêter est complexe car les cas peuvent relever du domaine de responsabilité de plusieurs autorités et avoir des ramifications internationales. Le gouvernement affirme que, pour empêcher les délinquants d’occuper de larges pans de la vie professionnelle, il faut une approche globale axée à la fois sur la prévention et sur la lutte contre les infractions liées au travail.
En outre, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour renforcer l’Autorité de l’inspection du travail: i) accords de coopération avec les Autorités de l’inspection du travail en Lituanie, en Estonie, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie; ii) faculté de prendre des ordonnances et imposer des sanctions dans le cadre du contrôle de l’application générale de la convention collective de 1993 (loi d’application générale); et iii) création d’un groupe d’inspecteurs et d’interprètes polyglottes et diffusion, dans plusieurs langues locales, de brochures sur les droits et les obligations des entreprises et des travailleurs étrangers. D’après le gouvernement, en 2017, des groupes mixtes d’opérations ont inspecté 3400 entreprises. Soixante et un réseaux délictueux ont été découverts et les capacités de quelque 480 acteurs délictueux ont été réduites et, parfois, leurs produits ont été retirés du marché.
Enfin, la commission note que le gouvernement a pris plusieurs mesures dans le domaine des marchés publics de biens, de services et d’immeubles pour prévenir les infractions liées au travail, notamment les suivantes: i) instructions données en 2018 à toutes les entités publiques de mettre en place et d’assurer un suivi systématique de leurs marchés publics afin de prévenir les infractions liées au travail; et ii) adoption de réglementations relatives à la rémunération et aux conditions de travail dans des entités du secteur public qui obligent les autorités contractantes à assurer aux travailleurs des fournisseurs et des sous-traitants des conditions de rémunération et de travail spécifiques. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises par l’Administration norvégienne du travail et de la protection sociale pour prévenir toutes les formes de travail forcé, en particulier à l’encontre des travailleurs migrants. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre d’infractions constatées par l’inspection du travail, y compris au cours du processus de recrutement ou de placement. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour appuyer le secteur privé, dans le cadre de la diligence raisonnable dont il doit faire preuve, pour prévenir les risques de travail forcé et y faire face.
Article 3 du protocole. Identification et assistance des victimes. Selon le gouvernement, il n’y a ni organisme public ni acteur non étatique chargé spécifiquement de la responsabilité première d’identifier les victimes de la traite. En principe, toutes les entités, organisations ou personnes qui ont des raisons de craindre qu’un individu soit victime de la traite – travailleurs sociaux, membres de la police, personnel médical, inspecteurs du travail, fonctionnaires chargés de la protection de l’enfance, personnel des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, organisations non gouvernementales, entre autres – ont l’obligation légale d’identifier les victimes potentielles et de les orienter vers les autorités compétentes et les programmes d’assistance, tout en respectant les règles relatives à la confidentialité et à la vie privée. Le plan d’action de 2016-19 contre la traite des personnes mentionne des mesures pour donner à la KOM un rôle effectif dans l’identification et l’orientation des victimes.
Le gouvernement déclare également que les victimes de traite ont droit à tout un ensemble de mesures d’assistance prévues par la législation nationale, notamment: i) une période de rétablissement et de réflexion qui donne droit à un permis de séjour et de travail temporaire de six mois; ii) une aide juridique puis une aide juridictionnelle gratuite avant les procédures pénales; et iii) des mesures de sécurité (après évaluation des risques) assurées par la police ainsi qu’un endroit sûr où vivre. De plus, l’administration norvégienne du travail et de la protection sociale fournit à court terme un logement et une aide financière (assistance socio économique) aux victimes de traite pendant leur période de rétablissement et de réflexion. L’aide financière, qui est la même que celle apportée aux citoyens norvégiens, est fonction des besoins de la personne et son montant n’est donc pas fixe. De plus, la direction du travail et de la protection sociale a établi une pratique qui permet, après un délai de réflexion, de demander puis d’obtenir l’affiliation au régime national d’assurance, conformément à la disposition 2-7, paragraphe 3 b) de la loi sur l’assurance sociale. Cette affiliation est nécessaire pour avoir droit à la plupart des prestations prévues par la loi sur l’assurance nationale.
D’autres acteurs fournissent logement et assistance: une nouvelle mesure importante du plan d’action contre la traite des personnes est le soutien du gouvernement à un centre d’accueil que l’Armée du Salut a ouvert à Oslo en 2016. Jusqu’à six personnes aux parcours professionnels différents peuvent y travailler. Les clients ont accès à un plan individuel couvrant soins de santé, réseau social et services consultatifs. Des cours de norvégien et d’anglais leur sont proposés et ils peuvent travailler au magasin de l’Armée du Salut. Le centre compte quatre places pour les hommes victimes de traite à des fins de travail forcé. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour assurer la protection, le rétablissement et la réadaptation des victimes. Prière aussi de donner des informations sur les mesures prises pour assurer que les mesures de protection ne sont pas subordonnées à la volonté des victimes de coopérer dans le cadre d’une procédure pénale. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations statistiques sur le nombre de victimes qui ont bénéficié des services susmentionnés.
Article 4, paragraphes 1 et 2 du protocole. Accès à des mécanismes de recours et de réparation, et obligation de ne pas traiter les victimes de travail forcé comme des délinquants. 1. Accès à des mécanismes de recours et de réparation. D’après le gouvernement, les victimes de la traite peuvent demander réparation dans les affaires pénales ou engager des poursuites au civil contre les auteurs. Elles peuvent également bénéficier d’une indemnisation de l’Etat, en application de la loi no 13/2001 sur l’indemnisation des victimes d’infractions violentes. Pour que cette indemnisation soit accordée, l’infraction doit avoir été commise en Norvège et signalée à la police. Toutefois, l’indemnisation peut être accordée même si l’affaire pénale a été classée faute de preuves. Elle peut aussi être accordée pour les motifs suivants: perte de revenu, frais médicaux, lésions physiques de longue durée, préjudices non économiques (douleur et souffrance). Les lésions physiques ne sont pas une condition nécessaire pour être indemnisé et les dommages psychologiques sont également considérés comme des lésions. L’indemnisation de l’Etat est subsidiaire aux autres formes d’indemnisation. L’Autorité chargée des réparations indemnise la victime à la suite d’une condamnation judiciaire et demande réparation à la personne condamnée. En l’absence d’action en justice, elle peut accorder une indemnisation selon son évaluation du cas. Les victimes de la traite qui ont été exploitées en Norvège peuvent lui soumettre une demande d’indemnisation même après avoir quitté la Norvège. Les décisions de l’Autorité chargée des réparations d’actes criminels peuvent être contestées devant la commission d’indemnisation des victimes d’actes délictueux violents.
Depuis 2007, une trentaine de victimes de traite ont été indemnisées par l’Autorité chargée des réparations d’actes criminels. Le montant maximal des indemnisations, depuis sa mise à jour en 2011, est de 5 404 080 couronnes norvégiennes (environ 584 000 euros). A titre d’exemple, 5 victimes de traite ont reçu en 2014 une indemnisation d’un montant compris entre 100 000 couronnes norvégiennes (environ 11 000 euros) et 707 022 couronnes norvégiennes (environ 76 000 euros). Dans tous les cas, l’indemnisation a été effectivement versée aux victimes. La commission prie le gouvernement de continuer à communiquer: i) des informations statistiques sur le nombre de victimes de la traite qui ont demandé et obtenu réparation alors qu’elles se trouvaient encore dans le pays (en indiquant si cette réparation a été accordée dans le cadre d’une action pénale ou civile); ii) des informations sur le nombre de victimes de traite qui ont soumis une demande à l’Autorité chargée des réparations d’actes criminels après avoir quitté la Norvège et sur les mesures prises pour encourager les victimes ayant quitté le pays à faire valoir leurs droits et obtenir réparation.
2. Obligation de ne pas traiter les victimes de travail forcé comme des délinquants. L’article 61 du Code pénal de 2015 permet aux tribunaux de ne pas imposer une peine lorsque des raisons particulières le justifient, le Code pénal ne mentionne toutefois pas les cas de traite en particulier. Il n’y a pas de jurisprudence fondée sur l’article 61 en ce qui concerne les cas de traite des personnes. En outre, l’article 69 de la loi de procédure pénale de 1981 permet au ministère public de ne pas poursuivre une personne qu’il considère comme étant par ailleurs l’auteur d’une infraction. Le Directeur des poursuites publiques publie chaque année des directives à l’intention des autorités chargées des poursuites. Comme cela a été le cas les années précédentes, les directives de 2015 rappellent aux procureurs la possibilité de renoncer aux poursuites contre des victimes de la traite, conformément au Code pénal. Entrer illégalement en Norvège, utiliser des faux papiers et travailler sans permis de travail sont des exemples typiques d’infractions pour lesquelles les poursuites peuvent être abandonnées. La commission prie le gouvernement d’indiquer comment l’article 61 du Code pénal est appliqué dans la pratique dans les cas de traite des personnes. Elle le prie aussi de communiquer des statistiques sur le nombre de victimes de traite qui n’ont pas été poursuivies pour leur participation à des activités illicites qu’elles auraient été contraintes de réaliser et qui seraient une conséquence directe de leur soumission au travail forcé.
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