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A. Analyse des plaintes
A. Analyse des plaintes
- 875. Dans les plaintes présentées par la Fédération syndicale mondiale et par le Mouvement syndical unitaire de Grèce (E.S.K.E) au Conseil économique, et social et renvoyées par celui-ci, à sa 14ème session, à l'O.I.T, les plaignants ont allégué les griefs suivants.
- 876. La Fédération syndicale mondiale a allégué que les autorités grecques s'ingèrent dans l'administration et le fonctionnement des organisations syndicales et prennent des mesures de répression contre le mouvement syndical ; cette plainte contient une liste de syndicalistes qui, en raison de leur activité syndicale, auraient été soit exécutés, soit condamnés à mort. Dans les deux plaintes émanant du Mouvement syndical unitaire de Grèce (E.S.K.E.), il est également allégué que, parmi les personnes poursuivies devant le tribunal militaire d'Athènes se trouveraient des syndicalistes poursuivis en raison de leur activité syndicale. Cette organisation allègue que les arrestations de syndicalistes auxquelles ont procédé les autorités, et le fait que les personnes ainsi arrêtées n'auraient pas été jugées selon une procédure régulière, indiqueraient le désir des autorités d'entraver le développement du mouvement syndical.
- 877. La plainte de la Fédération syndicale mondiale allègue en second lieu qu'au cours d'un congrès syndical tenu à Athènes le 24 septembre 1950, des pressions auraient été exercées pour empêcher que les travailleurs ne soient librement représentés, et notamment qu'il aurait été demandé aux délégués de signer à l'avance une déclaration de loyauté à l'égard de la Confédération internationale des syndicats libres, que des syndicalistes auraient été rayés des listes syndicales, que la représentation des syndicats opposés à la politique des dirigeants qu'aurait imposés l'Etat aurait été excessivement réduite alors que la représentation des syndicats favorables à cette politique aurait été artificiellement enflée. Les dirigeants qu'aurait imposés l'Etat auraient eu recours à des méthodes de falsification et à des actes d'intimidation à la suite desquels 600 délégués auraient quitté le congrès en signe de protestation, alors qu'un délégué qui aurait critiqué l'activité des dirigeants syndicaux aurait été arrêté et battu par la police. La plainte fait état de divers extraits de presse à cet égard, ainsi que d'une déclaration du Mouvement syndical unitaire de Grèce (E.S.K.E.) contestant la régularité des travaux de ce congrès.
- 878. Le Mouvement syndical unitaire de Grèce allègue en outre que le gouvernement aurait pris la décision de mettre en application les dispositions du Code pénal qui abolissent le droit de grève pour les fonctionnaires et le personnel des services d'utilité publique, ce qui viserait à dissoudre les organisations syndicales en privant les travailleurs de l'arme de la grève.
- 879. La plainte déposée par cette organisation incrimine également la méthode de fixation des salaires et demande que des contrats collectifs soient conclus en cette matière et que les salaires soient rajustés au coût de la vie.
- 880. La même plainte critique aussi la législation relative au mode de placement des fonds des organismes de droit public et des caisses d'assurance, qui équivaudrait à une confiscation du capital des assurés.
B. Analyse de la première réponse du gouvernement
B. Analyse de la première réponse du gouvernement
- 881. Dans sa lettre du 17 décembre 1952, le gouvernement grec fait en premier lieu remarquer que le Mouvement syndical unitaire de Grèce (E.S.K.E.), dont émanent deux des nouvelles plaintes, n'a pas d'existence légale dans ce pays, vu qu'il n'a jamais déposé de statuts ; les plaintes émanant de cette organisation n'auraient par conséquent pas de fondement juridique. L'activité de ce syndicat serait d'ordre purement politique.
- 882. Sur le fond même des plaintes, le gouvernement déclare ce qui suit.
- 883. En ce qui concerne l'accusation relative à l'arrestation et à l'exécution de dirigeants syndicalistes, il se réfère aux réponses qu'il a déjà fournies à des accusations similaires et répète qu'aucune condamnation pénale n'a jamais été infligée dans le pays en raison de l'activité syndicale des personnes condamnées, mais uniquement en raison de l'activité criminelle ou des actes de trahison commis par ces personnes. Le gouvernement rappelle à ce sujet la politique de clémence qu'il a pratiquée en commuant tontes les condamnations à mort en condamnations à l'emprisonnement à vie et en permettant la révision des procès.
- 884. En ce qui concerne les conditions dans lesquelles se serait tenu le congrès syndical de 1950, le gouvernement déclare que ce congrès a été convoqué par la Confédération générale du travail de Grèce conformément aux statuts de cette organisation, qui ont été inspirés par les principes de la liberté syndicale. Les travaux de ce congrès ont été suivis par trois représentants de la Confédération internationale des syndicats libres et tous les délégués ont bénéficié de la liberté de parole. La C.G.T de Grèce n'a pas insisté pour que les délégués fassent des déclarations de loyauté à l'égard de la C.I.S.L. Le congrès aurait pris des décisions relatives à l'épuration des syndicats de leurs éléments fascistes, conformément au droit qu'ont les syndicats de rédiger librement leurs statuts. Il serait faux que 600 délégués se soient retirés du congrès ; un seul délégué en fut expulsé en raison de son attitude violente, et il le fut non pas par la police, mais par les délégués chargés du service d'ordre.
- 885. En ce qui concerne le droit de grève, le gouvernement déclare que, si le Code pénal de 1950 prévoit un certain nombre de sanctions contre les fonctionnaires publics qui se mettraient en grève, il ne considère pas ceci comme une violation des principes de la liberté syndicale, étant donné qu'il s'agit d'une question qui est du ressort du gouvernement ; il ajoute que, de toute manière, les fonctionnaires grecs sont organisés en associations, et aucune sanction ne leur a jamais été infligée en cas de grève, même après l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal. D'autre part, le droit de grève du personnel des entreprises d'utilité publique serait pleinement reconnu à condition que l'employeur ou les autorités en soient avisés, et de nombreuses grèves de ce personnel ont eu lieu depuis l'introduction du Code pénal.
- 886. Le gouvernement ajoute, en ce qui concerne la plainte soumise par l'E.S.K.E, en relation avec sa politique des salaires et le placement des fonds des organismes de droit publie, qu'elle porte plus sur la politique économique du gouvernement que sur la liberté syndicale.
C. Demande d'informations supplémentaires
C. Demande d'informations supplémentaires
- 887. Après avoir examiné ce cas à ses réunions des 1er et 2 décembre 1952, le Comité a formulé certaines conclusions préliminaires, mais il a décidé, avant de prendre une décision définitive sur les recommandations à présenter au Conseil d'administration, de demander au Directeur général d'obtenir du gouvernement grec certaines informations complémentaires sur les allégations de la Fédération syndicale mondiale selon lesquelles un certain nombre de dirigeants syndicalistes auraient été soit exécutés pour leurs activités syndicales, soit condamnés à mort, mais non encore exécutés, en le priant, en particulier, de lui faire parvenir le texte des décisions judiciaires relatives à ces condamnations.
- 888. Le 10 décembre 1952, le Directeur général a envoyé au gouvernement grec une lettre en ce sens, lui demandant des informations concernant MM. Pergialides, Paparigas, Demetriou, Georgiou, Xenakis, Lefkos, Zerbinis, Doukas, Boutyras et Merkatas - dirigeants de différents syndicats - qui auraient été exécutés, ainsi que MM. Kanelatos, Papoutsas Skaltsas et Nicopoulos, dirigeants de l'Union des syndicats de Patras, et les présidents des syndicats de Chio, de Mytilène, de Larissa et de Lamia, qui auraient été condamnés à mort, mais pas encore exécutés.
D. Analyse de la deuxième réponse du gouvernement
D. Analyse de la deuxième réponse du gouvernement
- 889. Le gouvernement a répondu par deux lettres en date du 24 janvier et du 1er février 1953.
- 890. Il renouvelle tout d'abord sa déclaration antérieure selon laquelle personne n'aurait jamais été condamné ni poursuivi pour activité syndicale et, si certains syndicalistes ont été condamnés, ils l'ont été pour des infractions à la loi pénale, civile ou militaire, et non pas en raison de leurs activités syndicales.
- 891. En ce qui concerne les personnes qui auraient été condamnées à mort, le gouvernement se réfère, dans sa lettre du 24 janvier 1953, aux cas de MM. Pergialides, Paparigas, Demetriou, Georgiou, Xenakis, Doukas et Merkatas, au sujet desquels il fournit les précisions suivantes.
- 892. Paparigas a pris part dès 1922 aux activités communistes et, avant la guerre, il a déjà été arrêté à plusieurs reprises en raison de ses activités clandestines et illicites. Après la guerre, il n'a pas renoncé aux activités de ce genre, organisant des groupes armés de saboteurs et d'assassins et se chargeant lui-même de leur instruction, tout en exerçant pendant quelque temps les fonctions de secrétaire général de la Confédération général du travail de Grèce. Déporté en juillet 1947, il est rentré peu après et a continué à diriger des groupes armés déployant une activité subversive. Déclaré hors la loi en 1948, il a été arrêté au mois d'août de la même année. Il s'est suicidé en prison avant d'être traduit en justice.
- 893. Dirigeant communiste dès avant 1930, Demetriou était chargé de l'organisation du mouvement communiste clandestin. Il avait étudié la tactique communiste en U.R.S.S. Déporté en 1938, il s'est évadé et a repris son activité subversive. Il a été de nouveau déporté en 1938. Une enquête officielle a ensuite établi qu'il avait collaboré avec les ennemis de la Grèce, en vue de détacher une partie de son territoire national. Il a été traduit devant un conseil de guerre et, reconnu coupable, a été exécuté le 15 avril 1949.
- 894. Le gouvernement suppose que le nom de Georgiou se rapporte à un nommé Derveniades ou George Demosthènes. Ce dernier, membre du parti communiste, avait pris part, dès 1936, aux activités subversives et a donné tout son appui à l'insurrection de décembre 1944 ; il a provoqué à l'époque l'arrestation et l'exécution de plusieurs de ses collègues nationalistes parce qu'ils n'étaient pas affiliés au parti communiste. Il a été arrêté par la suite mais, une fois relâché, il a fourni une aide active à des groupes de bandits, ce qui a amené une nouvelle déportation. Il est ensuite rentré à Athènes et a dirigé des activités de sabotage contre les services publics et déployé une activité de traître. Arrêté le 26 novembre 1948, il a été condamné par le Conseil de guerre et exécuté le 30 septembre 1949.
- 895. Xenakis appartenait déjà au parti communiste avant la guerre. Il a été déporté à deux reprises pour activité illicite, et notamment pour port d'armes illégal et mutinerie. En 1946, il a été désigné à une fonction syndicale, mais il ne s'est jamais livré à une activité de défense des intérêts des salariés. Il recrutait des groupes de bandits auxquels il s'est finalement joint en qualité de représentant politique du parti communiste. Il a été tué en 1949 lors d'une opération de nettoyage entreprise par l'armée grecque.
- 896. Doukas était un dirigeant communiste bien connu. Il aurait péri noyé en 1947 lors du naufrage du S.S. Himara.
- 897. Merkatas avait adhéré au parti communiste bien avant la guerre et, en 1936, il fut un des chefs révolutionnaires de Salonique ; le parti communiste aurait eu l'intention de lui confier le poste de gouverneur de la Macédoine, dans le cas où il se serait emparé du pouvoir. Merkatas a été ensuite déporté mais, en 1938, il a été libéré pour raisons de santé. Ses activités ultérieures sont demeurées inconnues. Il est mort à l'hôpital le 19 décembre 1948.
- 898. Les autorités centrales ne possèdent pas de renseignements suffisants concernant M. Pergialides et ont prié le gouvernement de s'adresser à ce sujet aux autorités de l'île de Crète. Le gouvernement n'a pas voulu retarder sa réponse en attendant que ces renseignements lui soient communiqués, mais il déclare que M. Pergialides était un dirigeant important du parti communiste et qu'il a pris part à des activités révolutionnaires.
- 899. En ce qui concerne MM. Lefkos, Zerbinis et Boutyras, le gouvernement déclare, dans sa lettre du 1er février 1953, qu'il n'a pu trouver aucune trace de leurs prétendues condamnation et exécution. Il ajoute que cela peut être dû au fait que de nombreuses personnes prennent part aux activités subversives sous des noms d'emprunt. A défaut de plus amples détails que ceux indiqués dans la plainte, le gouvernement n'est pas à même de fournir d'autres précisions.
- 900. En ce qui concerne les personnes qui auraient été condamnées à mort, mais non encore exécutées, le gouvernement demande au Comité de se reporter à ses communications antérieures et déclare qu'aucun des condamnés à mort n'a été exécuté depuis la promulgation de la loi no 2058/1952 relative aux mesures de clémence, loi que le gouvernement actuel a maintenue en vigueur.
- 901. Le gouvernement n'a pas pu communiquer le texte des décisions judiciaires relatives à la condamnation des personnes en question, étant donné qu'à son avis de longues recherches seraient nécessaires pour rassembler ces décisions qui n'ajouteraient, d'ailleurs, aucun élément nouveau à l'affaire, vu que personne n'ignore quelle était la stratégie d'après-guerre du parti communiste qui s'efforçait d'imposer au pays le régime communiste, de détruire la démocratie et de porter atteinte à l'intégrité territoriale de la Grèce.
E. E. Conclusions du comité
E. E. Conclusions du comité
- Question de la recevabilité de la plainte du Mouvement syndical unitaire de Grèce (E.S.K.E)
- 902 Le gouvernement semble considérer cette plainte comme irrecevable du fait que cette organisation n'a pas d'existence légale en Grèce, étant donné qu'elle n'a jamais déposé de statuts et que l'activité de ce syndicat serait d'ordre purement politique.
- 903 A cet égard, le Comité a posé en principe, lors de sa première réunion de janvier 1952, qu'il possède entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme organisation professionnelle au sens de la Constitution de l'O.I.T et il ne se considère lié par aucune définition nationale de ce terme. Le Comité estime en l'occurrence que le fait qu'un syndicat n'a pas déposé ses statuts, ainsi que pourrait le requérir la loi nationale, ne saurait suffire pour rendre sa plainte irrecevable, étant donné que les principes de la liberté syndicale exigent justement que les travailleurs puissent, sans autorisation préalable, constituer des organisations professionnelles de leur choix. Cependant, dans le cas d'espèce, la question ne présente, de toute façon, qu'un intérêt théorique puisque, même sur les points soulevés par le seul Mouvement syndical unitaire de Grèce le gouvernement a bien voulu fournir une réponse.
- Allégations relatives à la condamnation et à l'exécution de syndicalistes
- 904 La plainte émanant de la Fédération syndicale mondiale allègue que le gouvernement pratique une politique de répression syndicale et énumère les noms de divers syndicalistes qui auraient été exécutés depuis 1947 pour leur activité syndicale, ainsi que les noms d'autres syndicalistes qui auraient été condamnés à mort, mais non exécutés.
- 905 Dans sa première réponse à cette allégation, le gouvernement a déclaré qu'aucune condamnation pénale n'a jamais été infligée en Grèce en raison de l'activité syndicale des personnes condamnées, mais uniquement en raison d'agissements criminels ou visant à détacher certaines parties du territoire national de la Grèce au profit de puissances étrangères, agissements dont ces personnes se seraient rendues coupables. Le gouvernement rappelle qu'il a suivi une politique de clémence en promulguant une législation tendant à commuer les condamnations à mort en condamnations à emprisonnement à vie et autorisant la révision des procès criminels.
- 906 Dans sa deuxième réponse, le gouvernement, après avoir renouvelé sa déclaration concernant le fait qu'aucune condamnation n'a jamais été infligée en raison de l'activité syndicale des personnes condamnées, fournit des précisions sur les cas de sept des dix personnes qui auraient été exécutées pour leur activité syndicale. Aux termes de la réponse du gouvernement, M. Demetriou a été exécuté après avoir été reconnu coupable par le Conseil de guerre d'avoir collaboré avec les ennemis de la Grèce en vue de détacher une partie de son territoire national, et M. Georgiou, arrêté parce qu'il avait dirigé des actes de sabotage contre les services publics et commis des actes de trahison, a été reconnu coupable par le Conseil de guerre et exécuté. Le gouvernement dément que MM. Paparigas, Xenakis, Doukas et Merkatas aient été exécutés et déclare que Paparigas, arrêté en raison des crimes dont il s'était rendu coupable en dirigeant des groupes armés qui déployaient une activité subversive, etc., s'est suicidé en prison, que Xenakis avait fait partie d'un groupe armé et a été tué au cours d'une opération militaire, que Doukas aurait péri noyé lors d'un naufrage et que Merkatas, dont lés activités récentes sont demeurées inconnues, est mort à l'hôpital. Au moment où le gouvernement préparait sa deuxième réponse, il n'était pas à même de fournir de renseignements concernant M. Pergialides, mais il déclare que ce dernier avait pris part aux activités révolutionnaires du parti communiste. Dans sa lettre du 1er février 1953, le gouvernement ajoute qu'il n'a pu trouver aucune trace des dénommés Lefkos, Zerbinis et Boutyras. Le gouvernement précise qu'il ne communique pas le texte des décisions judiciaires relatives à la condamnation des personnes en question étant donné que de longues recherches seraient nécessaires pour rassembler ces décisions, qui n'apporteraient d'ailleurs rien de nouveau en ce qui concerne la stratégie bien connue du parti communiste qui s'efforçait, après la guerre, d'instaurer en Grèce le régime communiste, d'abolir le régime démocratique et de porter atteinte à l'intégrité territoriale du pays.
- 907 Enfin, en ce qui concerne les personnes qui auraient été condamnées à mort mais non encore exécutées, le gouvernement déclare, dans sa réponse du 24 janvier 1953, que la loi relative aux «mesures de clémence » a été maintenue en vigueur par le gouvernement actuel et que celui-ci reste attaché à la politique de clémence.
- 908 Le Comité a noté, quant au premier grief relatif à la politique de répression syndicale que pratiquerait le gouvernement, qu'il a déjà été saisi d'une allégation semblable, qui était contenue dans les plaintes présentées par la Great Lakes licensed Officers Foremen's Association of America, et par le Queensland Trades and Labour Council (cas no 18). Etant donné le caractère essentiellement politique de cette question et les informations fournies par le gouvernement au sujet des mesures de clémence qu'il a fait adopter, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette allégation ne mérite pas un examen plus approfondi.
- 909 En ce qui concerne plus particulièrement le second grief, relatif à la condamnation à mort de dirigeants syndicalistes, le Comité estime que, encore que le gouvernement grec ne lui ait pas communiqué le texte même des décisions judiciaires, il ressort suffisamment des renseignements détaillés fournis par le gouvernement en ce qui concerne six des dix personnes alléguées d'avoir été exécutées que ces personnes avaient pris part a des activités illicites revêtant un caractère de trahison. Il a constaté en effet que deux seulement de ces six personnes ont été exécutées, pour des actes de trahison, et non pas en raison de leurs activités syndicales. Bien que le gouvernement ait déclaré qu'il ne possédait pas de renseignements concernant le cas d'une autre personne et qu'il n'avait trouvé aucune trace des cas des trois autres, tout au moins sous les noms indiqués par le plaignant, le Comité estime qu'il n'y a aucune raison, compte tenu de toutes les circonstances connues de cette affaire, de mettre en doute l'assurance donnée à diverses reprises par le gouvernement qu'aucune personne n'a jamais été condamnée pour activités syndicales, mais uniquement en raison d'agissements criminels dont elle s'était rendue coupable ; de plus, il prend acte avec satisfaction du fait que les personnes qui ont été condamnées mais non encore exécutées ont bénéficié de la loi relative aux mesures de clémence, loi que le gouvernement actuel a maintenue en vigueur. Le grief formulé par le plaignant à cet égard vise également une question qui a déjà été soulevée dans les premières plaintes contre le gouvernement grec, c'est-à-dire la poursuite et la condamnation des dirigeants de l'O.E.N.O, et que le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner (cas no 18). Dans le cas no 18, il est arrivé à la conclusion que, compte tenu des renseignements complets et détaillés transmis par le gouvernement, les condamnations avaient été infligées non pas en raison des activités syndicales des condamnés, mais du fait que ces derniers s'étaient rendus coupables de certaines activités contraires à la loi pénale, au sujet desquelles le Comité n'avait pas à se prononcer et que, dans ces circonstances, il avait recommandé au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelait pas un examen plus approfondi. Dans le présent cas, dont les circonstances sont similaires à celles du cas no 18, le Comité confirme la décision qu'il a prise au sujet du cas no 18, et recommande au Conseil d'administration de décider que, pour les mêmes raisons, cette partie du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux conditions dans lesquelles s'est tenu le Congrès syndical de 1950
- 910 Il est allégué dans la plainte de la F.S.M que le Congrès syndical de 1950 se serait tenu dans des conditions irrégulières en raison des diverses mesures prises par les dirigeants de la Confédération qu'aurait imposés l'Etat.
- 911 Le gouvernement déclare par contre qu'il n'est nullement intervenu dans les travaux du Congrès, qui s'est tenu sous la surveillance de délégués de la C.I.S.L, dont la Confédération générale du travail de. Grèce constitue une section.
- 912 En ce qui concerne plus précisément le grief d'après lequel il aurait été demandé aux délégués de signer à l'avance une déclaration de loyauté à l'égard de la C.I.S.L, le gouvernement déclare que la Confédération générale du travail de Grèce n'a pas insisté pour que de telles déclarations soient demandées aux délégués avant le Congrès.
- 913 Pour ce qui est de l'allégation d'après laquelle un délégué aurait été arrêté et brutalisé par la police, le gouvernement répond qu'en raison de son attitude injurieuse, ce délégué aurait été expulsé non par la police, mais par les délégués chargés du service d'ordre.
- 914 D'une manière générale, le gouvernement, qui dément formellement d'autres griefs tels que celui d'après lequel 600 délégués auraient quitté le congrès en signe de protestation, ajoute que les diverses questions mentionnées dans la plainte, ainsi que celle de l'épuration des syndicats de leurs membres fascistes, sont du ressort exclusif de la C.G.T de Grèce, qui agit conformément à ses statuts, ceux-ci étant inspirés par les principes de la liberté syndicale.
- 915 Le Comité estime que, si le plaignant avait apporté des preuves d'une intervention des autorités dans la préparation et les travaux du Congrès syndical de 1950, cette intervention aurait certainement constitué une violation des droits syndicaux. Il note toutefois que les critiques du plaignant visent essentiellement des mesures qu'auraient prises les dirigeants de la C.G.T de Grèce, sans qu'il soit apporté par ailleurs de preuves de l'allégation d'après laquelle ces dirigeants auraient été imposés par l'Etat.
- 916 Le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette allégation ne mérite pas un examen plus approfondi de sa part.
- Allégations relatives au droit de grève
- 917 Il est allégué dans la plainte du Mouvement syndical unitaire dé Grèce (E.S.K.E.) que le gouvernement aurait décidé de mettre en application les dispositions du Code pénal qui abolissent le droit de grève pour les fonctionnaires et les employés des entreprises d'utilité publique et qu'il aurait ainsi pour but de dissoudre les organisations syndicales en privant les travailleurs du droit de grève. A ce sujet, le gouvernement distingue le cas des fonctionnaires publics et celui du personnel des entreprises d'utilité publique.
- 918 Pour les fonctionnaires publics, le droit de grève se trouve, ainsi qu'il ressort de la réponse du gouvernement, interdit en droit par les sanctions prévues dans le Code pénal. Le texte de l'article incriminé du Code pénal est rédigé comme suit.
- ARTICLE 247
- Grève des fonctionnaires publics
- 1 Des fonctionnaires publics qui, au nombre de trois au moins, et après en avoir délibéré et décidé en commun et en vue d'empêcher ou d'interrompre le fonctionnement d'un service public: a) ont demandé de démissionner du service, ou b) ont abandonné le service qui leur avait été confié, ou c) ont négligé l'exécution de leurs fonctions, ou d) se mettent d'accord d'une manière quelconque pour déclarer une grève ou menacent d'en déclarer une ou, de quelque manière que ce soit, rattachent directement ou indirectement l'acceptation de leurs demandes à l'abandon de leur travail, sont punis d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an.
- 2 Tout fonctionnaire qui se rallie ultérieurement à l'une des actions indiquées au paragraphe précédent est puni de la même peine.
- 3 Les membres du Conseil d'administration d'une association ou union de fonctionnaires publics qui ont décidé la déclaration d'une grève sont punis d'un emprisonnement de trois mois au moins et d'une amende. L'association ou union est solidairement responsable pour le paiement de l'amende.
- 4 La condamnation de l'une des peines mentionnées aux paragraphes 1 à 3 entraîne la privation temporaire des droits civiques.
- 919 Le gouvernement déclare au sujet de cette allégation que le droit d'organisation et le droit de grève des fonctionnaires relèvent de sa responsabilité, mais le Comité estime que le principe de la liberté d'association devrait être reconnu même aux fonctionnaires publics, ce droit n'impliquant toutefois pas nécessairement aussi le droit de grève. Le Comité note à cet égard que, si le recours à la grève est interdit par la loi grecque aux fonctionnaires, ceux-ci se voient par contre reconnaître le droit de constituer des associations et qu'ils ont en fait formé une association professionnelle. D'autre part, si le recours des fonctionnaires à la grève peut donner lieu à l'application de sanctions en vertu des dispositions du Code pénal grec, ces dispositions ne semblent pas avoir reçu d'application en fait, le gouvernement précisant qu'aucune sanction n'a été infligée à des fonctionnaires grévistes, même après l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal.
- 920 Pour le personnel des entreprises d'utilité publique, le gouvernement déclare que le droit de grève lui est pleinement reconnu, à condition que les employeurs ou les autorités de la police en soient avisés. Le Comité est d'avis que cette formalité n'est pas de nature à limiter sensiblement le recours à la grève, ainsi qu'il ressort du fait que de nombreuses grèves auraient effectivement eu lieu.
- 921 Dans ces conditions, le Comité estime que le plaignant n'a pas fourni des preuves suffisantes de son allégation d'après laquelle le gouvernement aurait décidé de mettre en application les dispositions du Code pénal relatives à la grève des fonctionnaires et que cette mesure viserait à dissoudre les organisations syndicales en privant les travailleurs du recours à la grève. Il recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas no mérite pas un examen plus approfondi.
- Allégation relative à la fixation des salaires
- 922 Le Mouvement syndical unitaire de Grèce (E.S.K.E.) incrimine la méthode de fixation des salaires et demande que ceux-ci soient fixés par négociation collective et soient rajustés au coût de la vie. Le gouvernement semble faire allusion à cette allégation lorsqu'il déclare que cette plainte traite surtout de questions ayant trait à sa politique économique générale.
- 923 Il y a lieu de noter à ce sujet que, si la demande d'un rajustement des salaires au coût de la vie a un aspect principalement économique et est sans rapport avec la liberté syndicale, il en est autrement de la question du mode de fixation des salaires par voie de conventions collectives, dont il est également question dans la plainte. Le développement des procédures de négociation volontaire de conventions collectives constitue en effet un aspect important de la liberté syndicale. Toutefois, une règle absolue serait difficile à établir en cette matière car, dans certaines conditions, les gouvernements pourraient estimer que la situation économique de leur pays appelle à certains moments des mesures de stabilisation dans le cadre desquelles il ne serait pas possible que le taux des salaires soit librement fixé par voie de négociation collective. Ainsi, le Comité estime que la situation économique de la Grèce au cours des dernières années aurait pu justifier l'adoption de telles mesures de stabilisation, mais il note qu'ultérieurement, à une date postérieure à la présentation de cette plainte, le gouvernement grec a fait une plus large part à la négociation collective en faisant adopter la loi no 2053 du 23 avril 1952 réglementant les relations collectives et les différends du travail, loi qui institue un conseil de seize membres comprenant notamment cinq représentants de l'Etat, cinq représentants des employeurs et cinq représentants des travailleurs ; ce conseil est chargé en particulier d'approuver les conventions collectives ou les décisions administratives en matière de salaires, de fixer lui-même les salaires dans certains cas et de s'efforcer d'étendre le domaine des conventions collectives.
- 924 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ce grief ne se présente pas de manière à mériter un examen approfondi.
- Allégation relative au mode de placement des fonds des organisations de droit public et des caisses d'assurance
- 925 Le plaignant critique aussi la législation relative au mode de placement des fonds des organismes de droit public et des caisses d'assurance, et le gouvernement semble également se référer à ce grief lorsqu'il déclare que cette plainte vise surtout sa politique économique.
- 926 Le Comité estime à ce sujet que, du moment que la plainte ne porte que sur le mode de placement des fonds des organismes de droit public et des caisses d'assurance et non pas de ceux des organisations syndicales, la question n'a pas trait à la liberté syndicale et n'appelle pas, de ce fait, un examen de la part du Conseil d'administration.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 927. Pour les raisons indiquées au sujet de chacune des diverses allégations contenues dans les plaintes présentées contre le gouvernement grec, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que l'ensemble du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 928. Le Comité a noté avec intérêt que, dans un rapport envoyé au Directeur général du B.I.T, le 10 octobre 1952, au titre de l'article 19 de la Constitution de l'O.I.T. (Conventions non ratifiées et recommandations), le gouvernement grec déclare qu'un projet de loi prévoyant la ratification de la convention (no 87) sur la liberté syndicale, 1948, avait été déposé sur le bureau du parlement le 22 mai 1952. Le Conseil d'administration estimera sans doute que la ratification de cette convention par la Grèce constituerait un témoignage positif du désir du gouvernement de consacrer pleinement le principe de la liberté syndicale en Grèce.