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- 61. Poursuivant l'étude des plaintes en violation de la liberté syndicale déposées contre l'Espagne par la C.I.S.L, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil et la F.S.M, le Comité de la liberté syndicale a présenté au Conseil d'administration, à sa vingt-troisième session (novembre 1959), un nouveau rapport intérimaire, qui a été adopté par ce dernier et contenait certaines conclusions, recommandations et demandes d'informations complémentaires.
- 62. Les informations attendues du gouvernement étant parvenues trop tardivement pour que le Comité puisse les examiner à sa vingt-quatrième session (février 1960), celui-ci a décidé d'ajourner l'examen du cas à sa présente session. Le présent document ne traite que des allégations restées en suspens.
Allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève
Allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève- 63. Ces allégations, de même que les réponses du gouvernement à leur sujet, ont déjà été analysées et examinées aux paragraphes 125-131 du trentième rapport du Comité et aux paragraphes 81-88 de son quarante et unième rapport. En conclusion de son examen de cet aspect du cas à sa réunion de novembre 1959, le Comité a soumis les recommandations suivantes au Conseil d'administration dans le paragraphe 104 b) de son quarante et unième rapport:
- 104. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève:
- i) de noter à nouveau la déclaration du gouvernement selon laquelle les travailleurs ne sauraient être punis en vertu des dispositions du Code pénal pour le simple fait d'avoir cessé leur travail;
- ii) de noter que, dans leur application et en raison de leur rédaction, les textes législatifs actuels risquent de ne pas être interprétés conformément à ce principe;
- iii) de demander, pour cette raison, au gouvernement espagnol, en admettant que tel est bien l'esprit de la loi, s'il a pris les mesures nécessaires pour que les autorités chargées d'engager des procédures légales soient pleinement conscientes de cet esprit et de la portée exacte des textes qu'elles ont la tâche d'appliquer;
- iv) de constater que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève risque d'être interprétée comme interdisant les grèves d'une manière absolue, ce qui ne serait pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
- v) de suggérer au gouvernement que, dans ces conditions, il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportées les modifications appropriées à cette législation.
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- Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 144ème session (1er - 4 mars 1960) et ont été communiquées au gouvernement par une lettre du Directeur général en date du 14 mars 1960. Etant donné que le gouvernement n'a pas présenté d'observation sur cet aspect du cas dans sa lettre du 15 février 1960 ou à une occasion ultérieure, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur les conclusions contenues au paragraphe 104 b) du quarante et unième rapport du Comité et de demander en particulier au gouvernement de bien vouloir fournir les informations demandées au paragraphe 104 b) iii).
- Allégations relatives aux grèves de mars 1958
- 64. A sa vingtième session, le Comité, ayant constaté les divergences existant entre les informations très complètes fournies par les plaignants tendant à prouver que les grèves dont il est question avaient leur origine dans des revendications d'ordre économique et la déclaration du gouvernement selon laquelle les grèves auraient constitué un complot subversif, avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de lui fournir des informations plus détaillées sur cet aspect du cas.
- 65. A sa session de novembre 1959, le Comité, après avoir examiné les communications du gouvernement datées des 22 mai et 28 juillet 1959, avait noté que pour toute réponse - outre certaines considérations sur le fait que la qualité de syndicaliste attachée à un citoyen ne saurait faire échapper ce dernier à sa responsabilité pénale en cas de délit de sa part-, le gouvernement renvoyait aux observations qu'il avait présentées par sa communication du 17 octobre 1958 et au vu de laquelle, précisément, le Comité et le Conseil avaient estimé qu'il leur serait nécessaire, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, d'obtenir des informations plus détaillées.
- 66. Dans ces conditions, considérant, comme il l'a toujours fait, que les allégations concernant le droit de grève n'échappent pas à sa compétence quand elles mettent en cause la liberté syndicale, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration d'affirmer, comme il l'a fait à maintes reprises, que le droit de grève des travailleurs et des organisations de travailleurs constitue un des moyens essentiels dont ils disposent pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts professionnels.
- 67. En ce qui concerne les allégations relatives aux mauvais traitements et autres mesures punitives qui auraient été infligés aux travailleurs ayant participé aux grèves de mars 1958 et en ce qui concerne également les procédures légales auxquelles se référait le gouvernement dans ses observations, le Comité, notant que le gouvernement s'était abstenu de fournir les informations demandées, renouvela ses recommandations antérieures au Conseil d'administration d'attirer à nouveau l'attention sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que les syndicalistes, comme toutes les autres personnes, bénéficient des garanties d'une procédure judiciaire régulière conformément au principe contenu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations plus détaillées sur ces aspects du cas.
- 68. Etant donné que, tant dans sa communication du 15 février 1960 qu'ultérieurement, le gouvernement s'est abstenu de répondre au sujet des points soulevés plus haut, le Comité estime opportun de faire à nouveau au Conseil d'administration les mêmes recommandations que celles qui sont rappelées aux deux paragraphes précédents.
- Allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de grévistes, et à l'arrestation de syndicalistes et de travailleurs
- 69. Dans une communication du 12 décembre 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil se réfère aux mesures qui auraient été prises à l'encontre de travailleurs des chantiers de construction navale de Sestao et des mineurs du puits Maria Luisa à la suite de grèves.
- 70. Dans une lettre du 15 mai 1958, la F.S.M allègue que 44 citoyens espagnols auraient été arrêtés le 28 janvier 1958 sous prétexte qu'ils auraient assisté au Festival mondial de la jeunesse. Parmi les personnes arrêtées, se trouveraient 6 syndicalistes, dont les plaignants donnent les noms; il se serait agi de responsables syndicaux d'atelier n'ayant en rien pris part audit festival.
- 71. Dans une communication du 31 décembre 1958, adressée au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par ce dernier à l'O.I.T, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil donne le nom de 34 travailleurs qui seraient encore emprisonnés après avoir été arrêtés pour avoir participé à la grève des mineurs des Asturies en mars 1958; 17 autres travailleurs auraient été exilés en Estrémadure.
- 72. Enfin, dans une lettre du 17 mars 1959, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que 32 travailleurs ont été arrêtés à Saragosse en 1948 pour avoir tenté de réorganiser l'Union générale des travailleurs, maintenus en prison une année durant, relâchés sous caution et, enfin, le 17 février 1959, onze ans après, condamnés à des peines d'emprisonnement de trois mois à six ans. Les plaignants donnent les noms des personnes intéressées.
- 73. En l'absence des observations gouvernementales sur ces questions, le Comité, à sa réunion de novembre 1959, a décidé de charger le Directeur général de demander au gouvernement de bien vouloir présenter sur elles ses observations avant de formuler à leur sujet ses recommandations au Conseil d'administration. Les allégations en question rentrant dans la catégorie de celles qui doivent être traitées d'urgence, puisqu'elles sont relatives à des questions mettant en cause la vie ou la liberté d'individus, le Comité a chargé en outre le Directeur général d'attirer sur ce fait l'attention du gouvernement et de prier ce dernier de bien vouloir fournir les informations attendues de lui dans les plus brefs délais possible.
- 74. Dans sa communication du 15 février 1960, le gouvernement déclare que les activités pour lesquelles les personnes intéressées ont été poursuivies et condamnées n'avaient pas un caractère professionnel, mais étaient incontestablement subversives et contraires à l'ordre public. Elles donnaient suite, en fait, aux instructions émises par le cinquième congrès du parti communiste, tenu à Prague en novembre 1954. Le gouvernement déclare que, dans le logement de certains détenus, on a trouvé de nombreux tracts de propagande communiste reçus de l'étranger, des machines à polycopier d'origine étrangère ainsi que d'importantes sommes d'argent dont on n'a pas pu découvrir la provenance. Les détenus ont été déférés au juge d'instruction dans les délais légaux; certains des intéressés - déclare le gouvernement - ont été relâchés sur l'ordre du juge alors que les autres ont été jugés conformément aux dispositions du Code pénal ordinaire.
- 75. Au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 70 ci-dessus, le gouvernement déclare que les personnes intéressées n'ont pas été arrêtées pour avoir participé au Festival mondial de la jeunesse, mais pour avoir organisé à Saragosse une cellule du parti communiste, qui est interdit par la loi espagnole, «conformément aux consignes qu'ils avaient reçues du cinquième congrès du parti communiste, réuni à Prague en novembre 1954, et qui préconisaient la «démocratisation» et la « coexistence » au moyen de l'infiltration communiste parmi les milieux intellectuels et ouvriers ».
- 76. En ce qui concerne les six personnes mentionnées nommément par la F.S.M, le gouvernement déclare que M. Rafael Tejero Sánchez était membre du secrétariat du parti communiste de Saragosse, que M. Manuel Gil Prieto était l'ami et l'homme de confiance du secrétaire général du parti communiste, que M. Antonio Rosel Martinez était le fils du secrétaire général du parti et secrétaire de l'organisation et des finances, que M. Luis Zalaya Navarro était membre du secrétariat du parti communiste et que M. Ramón Gorriz Espez (et non pas « Ramón Gorri ») et M. Jesús Gamboa (Matute) étaient des membres actifs du parti communiste. Les arrestations ont eu lieu - déclare le gouvernement - en raison du fait que tous les intéressés étaient militants du parti communiste interdit et elles sont totalement étrangères à toute considération professionnelle ou syndicale.
- 77. Etant donné les explications fournies par le gouvernement, le Comité estime que l'arrestation des personnes mentionnées dans la plainte de la F.S.M paraît avoir pour origine les activités politiques illicites déployées par les intéressés et non pas leurs activités syndicales. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration de constater que les plaignants n'ont pas apporté de preuve suffisante tendant à montrer que les arrestations incriminées aient eu pour origine les activités syndicales de ceux qui en ont été l'objet - allégations que le gouvernement conteste - et de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- 78. Le gouvernement s'abstient de faire allusion aux mesures qui auraient été prises contre les travailleurs des chantiers navals de Sestao et les mineurs du puits Maria Luisa à la suite de grèves (voir paragraphe 69 ci-dessus), aux 34 travailleurs qui auraient été arrêtés pour avoir participé à des grèves (voir paragraphe 71) et aux 32 travailleurs qui auraient été condamnés pour avoir tenté de reconstituer l'Union générale des travailleurs (voir paragraphe 72).
- 79. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir fournir ses observations sur ces aspects du cas; d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que les allégations en question rentrent dans la catégorie de celles qui doivent être traitées en priorité par le Comité et le Conseil, conformément à la décision prise par le Conseil en novembre 1958, puisque, aussi bien, elles ont trait à des questions qui mettent en cause la vie ou la liberté d'individus; de demander en conséquence au gouvernement de fournir sur ces questions une réponse particulièrement rapide.
- Allégations relatives aux «détenus sociaux » (cas de M. Félix Carrasquer)
- 80. Selon les allégations présentées le 6 mai 1958 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, M. Felix Carrasquer, dirigeant syndical, aurait été arrêté en 1946 sous prétexte qu'il était secrétaire régional pour la Catalogne de la Fédération nationale du travail; il aurait été libéré sur parole en 1947. Au cours de la même année, il aurait été arrêté de nouveau, accusé cette fois d'être membre du Comité de la Fédération nationale du travail, à Madrid. Il aurait été condamné à trente ans de prison, peine qui aurait été ultérieurement ramenée à vingt ans.
- 81. A sa réunion de novembre 1959, le Comité a décidé, le gouvernement n'ayant pas encore présenté d'observations sur cet aspect du cas, de charger le Directeur général d'obtenir sur lui des informations du gouvernement avant de formuler à son sujet des recommandations au Conseil d'administration. Ces allégations rentrant en outre dans la définition des allégations à traiter d'urgence en ce qu'elles mettent en cause (da vie ou la liberté d'individus », le Comité a chargé le Directeur général d'attirer sur ce fait l'attention du gouvernement et de demander à ce dernier de fournir les informations attendues de lui dans les plus brefs délais possible.
- 82. Dans sa communication du 15 février 1960, le gouvernement déclare que lorsque M. Felix Carrasquer a été arrêté en novembre 1947, on a trouvé chez lui deux revolvers, une mitraillette, trois grenades et une quantité abondante de munitions; le 21 janvier 1949, il a été jugé avec d'autres personnes par le tribunal ordinaire compétent pour activités terroristes - notamment pour avoir tenté de placer des explosifs à l'ambassade de France à Madrid - et condamné à vingt-cinq ans de réclusion. Depuis le 7 février 1959 - déclare le gouvernement -, il a été mis en liberté provisoire.
- 83. Le Comité estime qu'il ressort des détails fournis par le gouvernement que l'intéressé a été condamné par le tribunal compétent conformément à une procédure judiciaire régulière le 21 janvier 1949 et qu'il a été mis en liberté provisoire le 2 février 1959 et il recommande au Conseil d'administration de décider - l'intéressé se trouvant maintenant en liberté provisoire et les plaignants n'ayant pas apporté la preuve qu'il ait été condamné en raison de ses fonctions ou de ses activités syndicales - qu'il serait inutile pour lui de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- Allégations relatives à un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public
- 84. Par une communication du 21 juin 1959, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil déclare que le bulletin officiel des Cortès du 12 juin 1959 contient le texte d'un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public. D'après ce projet, les actes suivants seraient punissables comme étant contraires à l'ordre public: actes susceptibles de nuire à la sécurité publique; actes susceptibles de nuire à la circulation et à la distribution des marchandises et denrées; actes susceptibles de nuire au fonctionnement normal des services publics; arrêts du travail, grèves et fermetures d'établissements. Le projet de loi ajoute que si les actes préjudiciables à l'ordre public sont considérés comme sérieux, le ministre proclamera l'état d'urgence dans tout le pays. Dans ce cas, il aura le pouvoir d'arrêter toute personne qui, à son avis, constitue une menace pour l'ordre public, de perquisitionner les domiciles privés de jour ou de nuit, d'établir une censure de toutes publications, émissions radiophoniques et spectacles publics, d'instituer, enfin, des tribunaux d'exception.
- 85. Les plaignants déclarent qu'une telle loi, si elle devait être appliquée, priverait les travailleurs de moyens essentiels de défendre et de promouvoir leurs intérêts ou de protester contre des injustices éventuelles, tout arrêt du travail devenant en effet un délit qui serait jugé par des tribunaux d'exception.
- 86. En l'absence des observations du gouvernement sur cet aspect du cas, le Comité, à sa réunion de novembre 1959, a décidé de charger le Directeur général d'obtenir du gouvernement lesdites observations avant de présenter sur cet aspect du cas ses recommandations au Conseil d'administration.
- 87. Dans sa communication du 15 février 1960, le gouvernement déclare que le projet de loi mentionné dans les allégations formulées est devenu depuis la loi sur l'ordre public du 30 juillet 1959.
- 88. Le gouvernement nie que la loi rende punissables comme contraires à l'ordre public «les arrêts de travail, les grèves et les lock-outs ». L'article 2 de la loi, déclare le gouvernement, qui ne fait pas allusion aux grèves (huelgas), dispose que les arrêts collectifs du travail (paros colectivos), les lock-outs ou fermetures illicites d'entreprises seront considérées comme contraires à l'ordre public.
- 89. Le gouvernement nie que le ministre compétent soit habilité à décréter l'état d'urgence dans l'ensemble du territoire espagnol; la loi établit des critères rigoureux pour la proclamation d'« ordonnances proclamant l'état d'urgence et suspendant les garanties constitutionnelles », ce qui est prévu dans la législation de tous les pays. Aux termes de l'article 25 de la loi, le gouvernement (et non le ministre) peut déclarer l'état d'exception par voie de décret qui doit immédiatement être soumis aux Cortès, lesquelles ratifient ou annulent le décret (art. 26), si le décret est ratifié, il doit passer à nouveau devant les Cortès au bout de trois mois.
- 90. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles la déclaration de l'état d'urgence habilite le ministre compétent à effectuer des arrestations, des perquisitions et d'établir la censure, le gouvernement déclare que de telles prérogatives sont inhérentes à l'état d'exception et qu'elles existent dans tous les pays en pareille circonstance. Toutefois - déclare le gouvernement -, des précautions sont prises pour éviter les abus: ainsi, l'article 25, al. 2, de la loi stipule que le décret proclamant l'état d'exception doit indiquer les garanties juridiques qui sont suspendues, alors que l'article 30 garantit le caractère objectif des perquisitions et enquêtes et que l'article 32 prévoit le versement d'indemnités en cas d'éventuels préjudices causés à ces occasions.
- 91. Le gouvernement nie que la loi autorise le ministre à instituer des tribunaux d'exception. Lorsque l'état d'urgence est proclamé, les tribunaux ordinaires se constituent automatiquement en tribunaux d'exception relevant uniquement du pouvoir judiciaire: ainsi, les juges mènent en toute indépendance l'instruction des affaires en appliquant les règles de procédure de l'instruction criminelle « sans les modifier plus que ne le réclament les besoins de la procédure d'exception» et en donnant aux accusés toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière en matière de défense, de preuve et d'appel, telles qu'elles sont établies par les articles 49, 50 et 51 de la loi.
- 92. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle « l'exercice du droit de grève est considéré comme un délit passible des tribunaux d'urgence indiqués par la loi », le gouvernement déclare que la loi n'établit pas de nouveaux délits, mais se contente d'énumérer les actes contraires à l'ordre public. L'article 44 stipule que les tribunaux « ne connaîtront que des actes énoncés à l'article 2 qui constituent des délits ». De tels actes ne constituent pas toujours des délits.
- 93. Le point essentiel sur lequel il convient d'avoir une idée nette avant que le Comité puisse aboutir à une conclusion est la signification de l'expression « arrêts collectifs du travail » contenue à l'article 2 de la loi. Il est allégué que la loi rend la grève illégale. Le gouvernement déclare que le mot huelga - signifiant normalement « grève » - n'est pas utilisé, mais que l'article 2 de la loi rend contraires à l'ordre public et par suite punissables les « arrêts collectifs du travail » (paros colectivos). La nuance n'est pas claire. Avant d'examiner cet aspect du cas plus avant, le Comité estime devoir demander au gouvernement de lui indiquer quelle est la portée exacte de l'expression « arrêts collectifs du travail» (paras colectivos) et les circonstances dans lesquelles la cessation du travail est considérée comme une grève (huelga) et non comme un arrêt collectif du travail (paro colectivo) punissable en vertu de la nouvelle loi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 94. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- 1) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève:
- a) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur les conclusions contenues au paragraphe 104 b) du quarante et unième rapport du Comité;
- b) de demander en particulier au gouvernement de fournir les informations sollicitées au paragraphe 104 b), alinéa iii), de ce même rapport;
- 2) de décider:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives aux grèves de mars 1958, d'attirer l'attention du gouvernement sur le paragraphe 104 c) i) du quarante et unième rapport du Comité;
- b) en ce qui concerne les allégations relatives aux mauvais traitements et autres mesures punitives qui auraient été infligées aux travailleurs ayant participé aux grèves de mars 1958, et en ce qui concerne également les procédures légales auxquelles se réfère le gouvernement dans ses observations, de réaffirmer la conclusion contenue au paragraphe 104 c) ii) du quarante et unième rapport du Comité, par laquelle le Conseil d'administration attirait l'attention sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que les syndicalistes, comme toutes les autres personnes, bénéficient des garanties d'une procédure judiciaire régulière conformément aux principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme;
- 3) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de grévistes et à l'arrestation de syndicalistes et de travailleurs:
- a) de demander au gouvernement de fournir ses observations:
- i) sur les mesures qui auraient été prises à l'encontre de travailleurs du chantier naval de Sestao et de mineurs du puits Maria Luisa à la suite de grèves;
- ii) sur l'allégation selon laquelle, depuis la grève de mars 1958 des mineurs des Asturies, 34 travailleurs auraient été maintenus en prison et 17 autres exilés en Estrémadure pour avoir participé à des grèves;
- iii) sur l'allégation selon laquelle, le 17 février 1959, 32 travailleurs auraient été jugés et condamnés pour s'être rendus coupables d'avoir tenté de reconstituer l'Union générale des travailleurs à Saragosse;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la décision du Conseil d'administration de novembre 1958, les allégations en question rentrent dans la catégorie de celles qui doivent être traitées en priorité, étant donné qu'elles sont relatives à des questions mettant en cause la vie ou la liberté d'individus, et de demander en conséquence au gouvernement de fournir, au sujet des questions posées par ces allégations, une réponse particulièrement rapide;
- 4) de noter, en ce qui concerne les allégations selon lesquelles 44 citoyens auraient été arrêtés pour avoir participé au Festival mondial de la jeunesse, que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes tendant à montrer que ces arrestations auraient eu pour origine les fonctions ou les activités syndicales des intéressés - allégation qui est contestée par le gouvernement - et que cet aspect du cas n'appelle donc pas de sa part un examen plus approfondi;
- 5) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à M. Felix Carrasquer, que, l'intéressé se trouvant maintenant en liberté provisoire et les plaignants n'ayant pas apporté de preuves suffisantes tendant à montrer que sa condamnation ait eu pour origine ses fonctions ou ses activités syndicales, cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
- 6) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport sur cet aspect du cas lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement.