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- 96. Le Comité, ayant déjà été saisi de ce cas à sa 26ème session (novembre 1960), a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui fait l'objet des paragraphes 307 à 334 de son quarante-neuvième rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 147ème session (novembre 1960); le Comité ayant de nouveau examiné ce cas à sa 27ème session (février 1961), a présenté un autre rapport intérimaire, qui figure aux paragraphes 163 à 201 de son cinquante-deuxième rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 148ème session (mars 1961).
- 97. Le paragraphe 201 du cinquante-deuxième rapport du Comité est conçu dans les termes suivants:
- 201. Pour ce qui est du cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence dans les réunions syndicales:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il convient, en prenant les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public, de veiller à ne pas compromettre en même temps le libre exercice des droits syndicaux et de faire en sorte que les officiers de police respectent les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par Costa Rica;
- ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, lorsque les autorités envoient leurs représentants à des assemblées ou réunions générales des syndicats se déroulant dans les locaux syndicaux, ou à d'autres réunions syndicales privées, la présence de ces représentants peut être considérée comme une ingérence dont les autorités publiques doivent s'abstenir en vertu de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
- b) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives aux actes antisyndicaux des employeurs, à l'éviction des bureaux syndicaux, à (interdiction de certaines réunions syndicales, à la détention de dirigeants syndicaux et à la demande d'enregistrement présentée par la Fédération unique des travailleurs du Pacifique sud, étant entendu que le Comité fera un nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations qu'il a prié le gouvernement de bien vouloir fournir.
- 98. Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949;
- 99. Ayant été invité par le gouvernement de Costa Rica à envoyer une mission pour faire une enquête sur le bien-fondé des accusations formulées par les organisations plaignantes, le Directeur général du B.I.T a désigné comme son représentant, M. H. S. Kirkaldy, professeur de relations professionnelles à l'Université de Cambridge et rapporteur de la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, en vue « de procéder à une enquête sur les faits cités dans les différentes plaintes portant sur des allégations concernant la violation des droits syndicaux à Costa Rica, qui avaient été soumises au B.I.T par des organisations syndicales de ce pays, et de présenter un rapport au Directeur général ». M. Kirkaldy, accompagné d'un fonctionnaire du Bureau international du Travail, a effectué cette mission entre le 15 et le 28 août 1962 et a soumis au Directeur général un rapport à ce sujet. Le Comité a examiné le rapport du représentant du Directeur général et a trouvé que les informations réunies sur le terrain, sur les circonstances qui entourent les faits, étaient d'une grande utilité pour l'examen des allégations formulées.
- 100. Le présent cas comprend huit séries d'allégations concernant, respectivement, des actes antisyndicaux des employeurs, l'interdiction de certaines réunions syndicales, l'éviction de bureaux syndicaux, la détention de dirigeants syndicaux, la demande d'enregistrement présentée par la Fédération unique des travailleurs du Pacifique sud (FUTRA), le droit d'accès, un projet de règlement syndical et l'ingérence dans des réunions syndicales. En ce qui concerne ces deux dernières allégations, le Comité a présenté ses conclusions définitives au Conseil d'administration, respectivement, au paragraphe 334, b), de son quarante-neuvième rapport et au paragraphe 201, a), de son cinquante-deuxième rapport.
A. Allégations relatives à des actes antisyndicaux des employeurs
A. Allégations relatives à des actes antisyndicaux des employeurs
- 101. Dans leurs communications datées, respectivement, des 12 septembre et 22 août 1960, la FUTRA et le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company déclarent qu'ils ont demandé à plusieurs reprises au ministère du Travail d'intervenir, soit par voie d'arbitrage, soit par une action en justice, pour mettre fin aux poursuites exercées contre les syndicats et leurs dirigeants par les compagnies bananières qui les emploient et par des journaux financés par ces compagnies (des coupures de ces journaux sont jointes aux communications susmentionnées). Parmi les exemples cités par la FUTRA, il convient de mentionner les allégations concernant la pression qui serait exercée sur les travailleurs de Corredores par leurs employeurs en vue de les obliger à quitter leur syndicat; les allégations concernant les manoeuvres de la Compagnie bananière de Costa Rica et de la Chiriqui Land Company visant à constituer « un comité d'employés » - contrôlé par les employeurs - pour concurrencer le syndicat, manoeuvres soutenues notamment par une campagne de presse et par des tracts distribués par avion, etc. (ainsi que cela est décrit dans la lettre du 4 avril 1960, adressée par la FUTRA au ministre du Travail et dont copie est jointe à la plainte). Les plaignants déclarent que pour ces campagnes, les employeurs utilisent souvent, comme agents, d'anciens employés, afin de pouvoir eux-mêmes, par la suite, décliner toute responsabilité. Le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company, se plaint également, dans sa communication du 22 août 1960, des tentatives que les employeurs auraient faites pour l'éliminer en lui opposant le Comité des employés. Les deux plaignants déclarent que, malgré le fait que le gouvernement de Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, toutes les demandes qu'ils ont adressées au ministre compétent pour que ce dernier intervienne, soit par voie d'arbitrage, soit par une action en justice, sont restées sans suite (les plaignants font parvenir des copies des différentes lettres qu'ils déclarent avoir adressées au ministre à ce sujet).
- 102. Dans sa communication du 5 février 1961, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company déclare que la United Fruit Company a pris de nombreuses mesures réglementant l'emploi, afin de réduire le coût de la production, et que, devant la résistance du syndicat, la Compagnie a dépensé des milliers de dollars pour de la propagande accusant les syndicats d'être communistes. Il est allégué que le gouvernement aurait permis que les syndicats soient persécutés et que le ministère du Travail aurait pris prétexte d'études et d'enquêtes pour faire obstacle à l'action des syndicats qui n'obéissent pas aux directives de l'ambassade des Etats-Unis. C'est là le but - déclarent les plaignants - d'une circulaire publiée récemment et prévenant les syndicats des conséquences possibles d'« activités illégales » de leur part. Les plaignants fournissent copie de la circulaire en question, d'où il ressort que le ministre du Travail demandera aux tribunaux de dissoudre tout syndicat qui s'écarterait de son but essentiel, à savoir: la défense des intérêts économiques, sociaux ou professionnels des travailleurs, et qui se livrerait à des activités politiques ou appuierait de telles activités.
- 103. Le gouvernement a présenté ses observations à l'égard des faits qui lui sont reprochés par la FUTRA dans ses communications des 1er et 2 novembre 1960, de la manière suivante. C'est injustement - déclare le gouvernement - que le ministre du Travail est accusé de n'être pas intervenu alors qu'il aurait dû le faire, soit par voie d'arbitrage, soit par une action en justice, puisque, dès que la requête de la FUTRA lui est parvenue, il a chargé un inspecteur du travail de procéder à une enquête approfondie au sujet des circonstances entourant les faits allégués. Selon le rapport établi par ce fonctionnaire - dont le texte est annexé à la réponse du gouvernement -, les accusations en question ne sont pas fondées. Le fait qu'aucune action en justice n'a été ouverte à la suite de ces événements - poursuit le gouvernement - ne peut être interprété comme un déni de justice, puisque les éléments d'information rassemblés ne permettaient pas au gouvernement de partager l'opinion des plaignants, selon laquelle de tels actes auraient en fait été commis ou seraient illicites et que, par ailleurs, les lois en vigueur disposent d'une manière tout à fait claire que toute personne - physique ou morale - est libre, si elle considère qu'elle est lésée de ses droits, de demander justice aux tribunaux, lesquels sont dans l'obligation, en vertu du « pouvoir d'intenter action d'office » de poursuivre la procédure jusqu'à ce qu'elle ait été conclue par le prononcé du jugement.
- 104. Afin de réfuter l'allégation selon laquelle une pression aurait été exercée sur les travailleurs en vue de les inciter à quitter leur syndicat, le gouvernement invoque également le rapport d'un inspecteur du travail. Ledit fonctionnaire fait état d'entrevues avec différentes personnes qui ont été en relations directes avec les événements en question, notamment le chef du Bureau du travail et des affaires sociales de la Compagnie bananière, certains des travailleurs ayant quitté le syndicat et, enfin, la personne se trouvant à l'origine de la plainte, M. Solis Barboza. D'après la première des personnes susnommées, la Compagnie n'a, en aucun cas, exercé de pression tendant à inciter les travailleurs à quitter le syndicat, et ceux qui l'ont quitté l'ont fait spontanément. Les travailleurs auxquels l'inspecteur du travail a parlé ont confirmé ce qui précède, indiquant qu'ils se sont retirés de leur plein gré et les questions posées ont permis d'établir qu'ils n'avaient pas connaissance du fait que certains de leurs compagnons de travail avaient fait l'objet d'une pression de cette nature. Enfin, M. Solis Barboza, pressé lui-même d'indiquer le nom exact de tout travailleur qui aurait été soumis à une telle pression, s'est montré dans l'impossibilité de se rappeler un seul nom.
- 105. La réponse du gouvernement porte ensuite sur l'allégation selon laquelle la Compagnie bananière de Costa Rica et la Chiriqui Land Company ont constitué le « Comité d'employés » destiné à contrecarrer les activités du syndicat. Le gouvernement déclare que ce comité est une association de fait, formée de travailleurs appartenant aux deux plus grandes compagnies bananières, mais ne fonctionnant pas en qualité d'agents de celles-ci. Pour appuyer cette déclaration, le gouvernement annexe à sa réponse deux télégrammes qui ont été envoyés au ministre du Travail, l'un par le directeur de la Compagnie bananière de Costa Rica et l'autre par le « Comité d'employés ». Ils précisent l'un et l'autre que le comité en question n'est pas un organisme dépendant des entreprises et qu'il ne reçoit d'elles ni ordres, ni instructions, ni aide financière. Le gouvernement produit également un communiqué publié par le « Comité d'employés » dans le journal La Nación, du 13 février 1960, exposant la nature et les objectifs dudit comité et destiné à répondre à ceux qui ont prétendu qu'il y avait collusion entre les entreprises et lui. Le gouvernement estime que l'existence de ce comité est parfaitement normale en vertu même du système démocratique de la liberté d'association qui est établi aux articles 25 et 28 de la Constitution politique de Costa Rica. En l'absence d'une preuve quelconque - soutient le gouvernement - établissant que le comité agit comme agent des entreprises, il ne peut être procédé à une enquête relative à ses activités en prétextant que celles-ci constituent une atteinte à la liberté syndicale. Tant que cette preuve n'aura pas été apportée - continue le gouvernement - toute expression de la part dudit comité d'une opinion que les syndicats estimeraient offensante ou diffamatoire à leur égard tombe sous la juridiction des tribunaux pénaux, devant lesquels les parties intéressées doivent ouvrir les actions appropriées. Des explications du même ordre sont données dans la lettre envoyée par le ministre du Travail à M. Solis Barboza le 29 juillet 1960, dont le gouvernement a joint une copie à sa communication.
- 106. Le gouvernement décline toute responsabilité en ce qui concerne l'allégation selon laquelle les entreprises se servent, pour pouvoir mener impunément leur campagne antisyndicale, d'anciens employés influents, en particulier d'un membre de l'Assemblée législative, lequel a affirmé qu'il existe des liens entre les syndicats des zones bananières du Pacifique sud et le communisme international. La liberté d'expression - fait observer le gouvernement -, garantie par la Constitution, ne permet pas au ministère du Travail d'interdire ou de punir des déclarations de ce genre. C'est aux personnes lésées elles-mêmes de s'adresser aux tribunaux pour faire établir les responsabilités.
- 107. A sa session de février 1961, le Comité a estimé qu'il convenait tout d'abord de déterminer si le gouvernement était tenu d'intervenir, ainsi que le prétendent les plaignants, en ouvrant une action en justice ou par voie d'arbitrage. Le Comité a estimé que la question de savoir si un gouvernement devait exercer ses pouvoirs légaux pour engager une action en justice dans le cas où une organisation d'employeurs interviendrait dans les activités d'une organisation de travailleurs est une question sur laquelle il appartient au gouvernement lui-même de se prononcer en tenant compte, dans tel ou tel cas particulier, du point de savoir si ces procédures sont justifiées et si elles sont susceptibles d'être couronnées de succès, sous réserve que le refus d'agir d'un gouvernement n'équivale pas à un déni de justice ou à un refus de faire respecter une garantie prévue par un instrument international tel qu'une convention qui serait ratifiée par le gouvernement intéressé.
- 108. Le gouvernement désirait en l'espèce, ainsi qu'il l'indique lui-même, vérifier, avant toute intervention, l'exactitude des faits invoqués et établir si la loi avait été violée. C'est sur la base des résultats obtenus qu'une action ultérieure aurait pu être décidée. Les accusations portées se ramenaient essentiellement aux deux faits suivants: pression exercée par les entreprises sur leurs employés en vue de les inciter à quitter leur syndicat, et mise sur pied par les entreprises d'un « comité d'employés » ayant pour but, selon les plaignants, de concurrencer leur syndicat. Il était nécessaire d'établir en premier lieu la réalité de ces faits et, au cas où ils auraient été confirmés, de déterminer s'ils avaient revêtu le caractère d'une violation des droits syndicaux. En ce qui concerne le premier des faits mentionnés, le ministre du Travail a chargé l'un de ses inspecteurs d'enquêter sur les circonstances sur lesquelles portent les accusations des plaignants. Le rapport établi par ce fonctionnaire a amené le gouvernement à estimer que l'accusation était sans fondement. En ce qui concerne le second fait, le gouvernement a accepté les déclarations catégoriques du « comité d'employés » et de la direction des entreprises, selon lesquelles ces deux entités n'avaient aucun rapport l'une avec l'autre. Le gouvernement attire l'attention sur ces preuves, tout en déclarant que, ne partageant pas l'opinion des parties intéressées, il ne s'est pas senti obligé de prendre les mesures que celles-ci sollicitaient. Quant au refus du gouvernement de porter l'affaire devant les tribunaux, il n'aurait pu, dans ces circonstances, constituer un déni de justice que si les plaignants n'avaient pas eu d'autres moyens d'obtenir la protection des droits qu'ils considéraient avoir été violés. Mais le gouvernement déclare qu'ils pouvaient s'adresser eux-mêmes aux tribunaux en vertu des dispositions du Code du travail de 1943 et des modifications qui lui ont été apportées. L'article 557 donne largement la possibilité de s'adresser aux tribunaux et « d'ouvrir l'action en justice appropriée en cas d'infraction aux lois du travail et du bien-être social ». L'article 558 va même plus loin en spécifiant que de telles infractions devront être obligatoirement signalées par « ... b) tout individu qui a connaissance d'un acte commis en violation de l'une quelconque des interdictions formulées par le présent Code. » La compétence des juges et des tribunaux du travail ainsi établie les met dans l'obligation de se prononcer à l'égard des plaintes qui leur sont soumises selon la procédure prévue à l'encontre d'actes commis par des individus ou des organisations en violation apparente des dispositions légales en vigueur.
- 109. A sa session de février 1961, le Comité a également estimé qu'il était nécessaire d'examiner si le fait, pour le gouvernement, de ne pas engager une action en justice était compatible avec les obligations internationales qu'il a contractées. En ratifiant la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, le gouvernement de Costa Rica s'est engagé à l'observation des principes énoncés à l'article 2 de ladite convention, aux termes duquel « les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tout acte d'ingérence les unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Sont notamment assimilées à des actes d'ingérence, au sens du présent article, des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs. » Pour donner effet aux dispositions de cette convention, le gouvernement est donc dans l'obligation de veiller à ce que la législation nationale offre aux organisations professionnelles les moyens de faire respecter les droits garantis par lesdites dispositions.
- 110. Le Comité a estimé qu'avant de s'efforcer d'aboutir à des conclusions définitives sur le point de savoir si le refus d'intervenir du gouvernement était ou non justifié, du point de vue de la justice nationale ou de celui des responsabilités internationales incombant au gouvernement, il convenait d'élucider un élément essentiel de la réponse du gouvernement. On ne voit pas clairement, en effet, quel article du Code du travail aurait pu être invoqué par les plaignants pour intenter une action en justice sur la base d'une prétendue violation des dispositions dudit code. Les articles 70, c) et i), 271 et 275, d), prévoient des garanties diverses destinées à protéger les droits des travailleurs contre de telles violations commises par les employeurs, cette protection étant de même nature que celle qui est prévue à l'article 1 de la convention mentionnée ci-dessus. Mais le code ne semble pas contenir de dispositions relatives à la protection des organisations de travailleurs contre des actes d'ingérence de la part des employeurs ou des organisations d'employeurs, ainsi qu'il est prévu à l'article 2 de ladite convention.
- 111. Dans ces conditions, et avant de présenter des recommandations définitives au Conseil d'administration, le Comité a décidé, à sa session de février 1961, de demander au gouvernement de bien vouloir indiquer quels articles du Code du travail auraient pu éventuellement être invoqués par les plaignants pour faire trancher par un tribunal du travail la question de l'ingérence alléguée par eux à l'égard des droits, non pas des travailleurs individuels, mais de leurs organisations - en particulier celle qui a été commise par le « comité d'employés » - ou, accessoirement, à quels autres moyens légaux auraient pu recourir les plaignants pour faire respecter leurs droits, dans l'hypothèse où leurs allégations auraient été fondées.
- 112. Le Comité note qu'en ce qui concerne le « comité d'employés » qui serait créé en vue de contrecarrer les activités des syndicats, le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que:
- ... le « comité d'employés » n'est pas un syndicat enregistré. Selon certains membres de son comité exécutif avec qui je me suis entretenu, il a été formé durant la grève de 1959-60 en vue d'informer l'opinion publique concernant la nature politique de la grève et de s'opposer aux actes de violence dont quelques dirigeants syndicaux avaient exprimé la menace. Le comité comptait alors plus de huit cents travailleurs. Il exprimait, selon ses dirigeants, l'effort spontané et d'ordre privé d'employés qui estimaient que la sécurité de leur emploi et de leur gagne-pain était menacée par les activités irresponsables et dangereuses des syndicats qui représentaient un danger non seulement pour la compagnie, mais aussi pour la main-d'oeuvre. On m'a assuré qu'il n'existait aucun lien avec la compagnie et que le comité ne recevait aucun appui financier des employeurs... Il m'a été dit que les fonds du comité provenaient de cotisations régulières des membres, ainsi que de contributions volontaires de négociants et de travailleurs locaux... A l'heure actuelle, le comité d'employés semble se borner à des activités d'épargne et de crédit et a cessé son action antisyndicale. Les relations qui existent entre le comité d'employés et la compagnie sont difficiles à définir. Les représentants de la compagnie avec qui je me suis entretenu ont énergiquement nié qu'ils avaient contribué à former, à financer et à appuyer le comité. D'autre part, ils n'ont exprimé aucune désapprobation des activités passées ou présentes du comité, qui a toujours compris parmi ses membres importants quelques-uns des principaux employés de la compagnie.
- 113. En ce qui concerne la pression que les employeurs auraient exercée sur les travailleurs en vue de les inciter à quitter leur syndicat, le Comité note que le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que:
- Cela paraît être l'un des principaux problèmes soulevés par les syndicats, qui allèguent que leurs effectifs diminuent à cause de la pression que subissent leurs membres. Selon les chiffres que les syndicats m'ont communiqués, le Syndicat des travailleurs de la région de Golfito avait, en octobre 1960, plus de 1.900 membres alors qu'il n'en comptait plus que 475 en juin 1962. Le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company avait vu ses effectifs passer de plus de 400 à 54 durant la même période. En mars 1960, c'est-à-dire postérieurement aux plaintes des syndicats, un inspecteur du travail qui avait fait une enquête sur la question déposa son rapport. Il avait interrogé un certain nombre de travailleurs qui s'étaient retirés du syndicat, mais n'était pas parvenu à établir un cas dans lequel des agents de la Compagnie bananière auraient exercé une pression certaine pour inciter les travailleurs à quitter le syndicat. L'inspecteur avait également demandé à l'un des dirigeants syndicaux de citer des cas concrets, mais n'avait pas obtenu de résultats. Lorsque je fus reçu par le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, on me communiqua un rapport d'un autre inspecteur du travail, daté du 5 juillet 1962. Cet inspecteur avait été chargé d'examiner les conditions dans lesquelles un certain nombre de membres du Syndicat des travailleurs de la région de Golfito avaient quitté ce syndicat à la suite d'une plainte du 3 avril 1962 alléguant que la compagnie avait fait pression sur les intéressés. Cet inspecteur avait interrogé les membres démissionnaires: neuf d'entre eux lui avaient déclaré qu'ils avaient démissionné volontairement, tandis que deux avaient reconnu avoir subi une pression de la part de représentants de la compagnie. Durant mes discussions avec les représentants de la compagnie, j'ai reçu l'assurance que celle-ci n'avait nullement l'intention d'exercer une pression sur les travailleurs pour les amener à quitter leurs syndicats, ou à exercer une discrimination à l'encontre des syndiqués. Dans tous les bureaux de la compagnie des différentes plantations, ses représentants m'ont dit que des formules étaient à disposition pour permettre aux syndiqués de demander à la compagnie de procéder au recouvrement par retenue sur le salaire des cotisations syndicales. De la même manière, d'autres formules étaient également à disposition pour permettre à la compagnie de cesser le prélèvement sur le salaire représentant le montant de la cotisation syndicale. Dans la région de Golfito, j'ai rencontré l'inspecteur du travail qui, le 5 juillet 1962, avait fait un rapport sur la question. Il m'a dit qu'il avait interrogé les travailleurs intéressés dans son propre bureau ou dans les plantations. Il nia énergiquement l'allégation des syndicats selon laquelle ces conversations auraient eu lieu en présence de représentants des employeurs, méthode qu'il n'aurait jamais acceptée. J'ai vu moi-même quelques-uns de ces travailleurs; ils ont confirmé les déclarations qu'ils avaient faites à l'inspecteur ainsi que le fait qu'ils avaient été interrogés sans témoin. Durant mon séjour dans la région de Golfito, j'ai rencontré individuellement, pour la plupart dans les habitations qu'ils occupent dans les plantations, plus de trente travailleurs, que j'ai interrogés sur les expériences qu'ils avaient personnellement faites à cet égard... Tous les travailleurs que j'ai interrogés à la demande des syndicats ont déclaré que des représentants de la compagnie les avaient invités à quitter le syndicat. Quelques-uns ont prétendu qu'ils avaient été brimés après avoir refusé et d'autres ont dit qu'ils ne l'avaient pas été. Aucun d'entre eux n'avait démissionné du syndicat. La plupart des travailleurs dont les noms m'avaient été communiqués par les syndicats travaillaient dans la même plantation et il m'a semblé que l'atmosphère de cette plantation était extrêmement tendue et différait profondément de celle qui régnait dans d'autres plantations où j'avais interrogé des travailleurs à la demande des syndicats ou de ma propre initiative. Dans ce dernier cas, des délégués du syndicat s'étaient rendus dans la plantation la veille de ma visite. La plupart des travailleurs que j'avais interrogés au hasard ont déclaré qu'ils n'étaient pas syndiqués et qu'ils n'avaient pas l'intention d'adhérer à un syndicat. Les raisons invoquées pour justifier cette attitude étaient diverses. Un petit nombre d'entre eux ont déclaré qu'ils ne voulaient rien avoir à faire avec les syndicats parce qu'ils étaient dominés par les communistes ou ne s'occupaient que de questions politiques. D'autres ont indiqué qu'ils craignaient des brimades de la part de l'employeur. D'autres encore ont dit que les syndicats ne les intéressaient pas, mais quelques-uns savaient que des syndiqués avaient été victimes de brimades de la part de la compagnie. Parmi les travailleurs que j'avais interrogés au hasard, un très petit nombre seulement étaient syndiqués. Aucun d'eux n'estimait avoir reçu un traitement défavorable parce qu'il était syndiqué. Un ouvrier m'indiqua que son contremaître lui ayant promis une augmentation de salaire s'il démissionnait du syndicat, il avait donné sa démission, mais n'avait pas reçu l'augmentation promise. Ayant de nouveau adhéré au syndicat, il n'a subi aucune brimade. Ce travailleur a été le seul parmi ceux que j'avais interrogé au hasard qui a fait état d'une pression exercée sur lui personnellement pour démissionner du syndicat ou ne pas y adhérer.
- 114. Le Comité note également que le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que:
- ... aucune disposition particulière n'existe dans le Code du travail interdisant à l'employeur d'organiser un syndicat d'entreprise;
- et que:
- ... les fonctionnaires du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, avec qui j'ai discuté la question, estiment que l'enregistrement serait refusé à une organisation de ce genre parce qu'elle contredirait l'esprit de la loi et violerait les dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui, en raison de sa ratification, a été incorporée à la législation nationale.
- 115. Le Comité note, d'une part, que la législation nationale ne contient pas de dispositions spéciales pour protéger les organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs ou de leurs organisations; il constate, d'autre part, que l'article 15 du Code du travail dispose que « les cas non prévus par le présent code, par les règlements pris pour son application ou par les lois complémentaires ou connexes seront résolus selon les principes généraux du droit du travail, l'équité et les usages locaux; à défaut, seront applicables d'abord les dispositions contenues dans les conventions ou recommandations adoptées par l'Organisation internationale du Travail, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux lois du pays, et, ensuite, les principes et lois du droit commun » et que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, du fait de sa ratification par Costa Rica, a été incorporée dans la législation nationale de ce pays. Le Comité estime donc qu'il serait souhaitable que le gouvernement de Costa Rica étudie la possibilité d'adopter des dispositions nettes et précises visant à protéger de manière efficace les organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs ou de leurs organisations.
- 116. Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration de suggérer au gouvernement qu'il serait opportun d'adopter des dispositions nettes et précises visant à protéger de manière efficace les organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs ou de leurs organisations, conformément aux dispositions de l'article 2 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui a été ratifiée par Costa Rica.
- Allégations relatives à l'interdiction de certaines réunions syndicales
- 117. Il est allégué, dans l'un des documents annexés à la plainte de la FUTRA du 12 septembre 1960, que, par l'intermédiaire du Service de sécurité du Palmar sud, la Compagnie bananière de Costa Rica a interdit, à partir du 6 septembre 1960, toute réunion syndicale dans les quartiers ouvriers où les plaignants déclarent que ces réunions s'étaient toujours tenues depuis plus de dix-sept ans.
- 118. Dans sa communication du 5 février 1961, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company allègue que l'assemblée générale du syndicat devait avoir lieu ce même jour, à Laurel, dans des locaux propriété de la compagnie où de telles assemblées s'étaient toujours tenues depuis huit ans. L'autorisation de tenir la réunion avait été accordée par le ministère de l'Intérieur; il est allégué que, malgré cette autorisation, le maire, fonctionnaire politique en chef de la région de Golfito (représentant local du Président de la République), aurait déclaré que la réunion ne pouvait avoir lieu, « la compagnie ne l'autorisant pas ».
- 119. Le gouvernement indique, à cet égard, dans sa communication du 2 novembre 1960, qu'il n'a pas jugé bon d'ordonner aux compagnies d'autoriser des réunions de travailleurs dans des immeubles dont elles sont légalement propriétaires; que, cependant, conformément à sa politique d'assurer au mouvement syndical costaricien le maximum de protection, il espère obtenir que le règlement syndical actuellement en préparation prévoie - et que les compagnies acceptent -l'introduction de dispositions autorisant des réunions de ce genre, à condition que leur objectif soit purement syndical. Le gouvernement n'a pas encore eu l'occasion de présenter ses observations sur les questions soulevées par le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company.
- 120. A sa session de février 1961, le Comité a fait remarquer que, dans un cas antérieur où il fut appelé à examiner des allégations relatives à l'opposition des employeurs des plantations à l'exercice d'activités syndicales dans les propriétés leur appartenant, il avait estimé, tout en reconnaissant que les plantations constituent une propriété privée, que « lorsque les travailleurs vivent dans les plantations où ils travaillent de manière que les représentants syndicaux doivent se rendre dans lesdites plantations pour s'acquitter normalement de leurs fonctions syndicales parmi eux, il est particulièrement important que ces représentants puissent accéder librement aux plantations pour y exercer légalement leurs activités syndicales, à condition de ne pas gêner la besogne pendant les heures de travail et à condition que des précautions suffisantes soient prises pour la protection de la propriété ».
- 121. Le Comité a souligné à la même session que ce sont ces mêmes considérations qui ont amené la Commission du travail dans les plantations à affirmer, dans une résolution relative aux relations professionnelles dans les plantations (Bandung, décembre 1950), le principe selon lequel les employeurs des plantations « devraient accorder aux syndicats des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux gratuits à usage de bureau, la liberté de tenir des réunions et la liberté d'accès ».
- 122. Dans ces conditions, le Comité, compte tenu de l'importance qu'il attache aux principes énoncés ci-dessus, a exprimé l'espoir que le gouvernement, en conformité des déclarations contenues dans sa communication du 2 novembre 1960, prendrait toutes mesures susceptibles de conduire à un accord entre les employeurs et l'organisation plaignante à l'égard de la tenue de réunions syndicales. Avant de formuler toutefois sa recommandation définitive au Conseil d'administration, le Comité a demandé au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations au sujet des questions soulevées dans la dernière communication du Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company.
- 123. Le Comité constate qu'en ce qui concerne les allégations formulées par le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company, le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que:
- ...les représentants de la compagnie ont déclaré que le fonctionnaire politique en chef de la région n'avait jamais été invité à interdire la réunion sous prétexte que « la compagnie ne l'autorisait pas ». Cela me fut confirmé par la personne en question, qui n'a plus aucune fonction politique, mais qui est un employé de la compagnie. Il a précisé que, dans le cas mentionné, la réunion syndicale était, en réalité, une réunion politique, où des opinions procommunistes auraient été exprimées. Selon les instructions qu'il avait reçues de ses supérieurs, aucune « réunion communiste » ne devait être autorisée. D'autre part, il croyait que, lorsque le gouverneur avait délivré l'autorisation de tenir la réunion publique, il ignorait qu'elle aurait lieu dans un local privé. Les organisateurs n'avaient pas l'autorisation de la compagnie de tenir cette réunion dans ses locaux. Pour toutes ces raisons, il décida d'interdire la réunion. Les représentants de la compagnie ont déclaré que toutes ces réunions syndicales tournent en général en discussion politique. Les représentants syndicaux eux-mêmes sont du même avis.
- 124. En ce qui concerne les réunions privées tenues dans les plantations, le représentant du Directeur général signale dans son rapport que:
- ... les représentants de la compagnie ont déclaré qu'ils ne s'y opposent pas et qu'ils ne peuvent pas s'y opposer. Mais, selon eux, une réunion, pour être privée, doit avoir lieu dans un local fermé. Si les discussions peuvent être entendues hors du local, la réunion ne peut pas être considérée comme étant privée. A cet égard, j'ai reçu des plaintes des syndicats alléguant que des travailleurs avaient été brimés pour la raison que des réunions avaient été tenues dans leurs habitations. J'ai discuté la question des réunions syndicales publiques et privées avec le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, qui m'a déclaré que c'était là l'un des points qu'il avait l'intention de traiter personnellement avec la compagnie.
- 125. Le Comité note également, à propos de la distinction entre les réunions publiques et privées, que le représentant du Directeur général a déclaré dans son rapport que:
- Le principe général est, m'a-t-on dit, que les syndicats n'ont pas besoin d'autorisation pour tenir une réunion privée, mais qu'ils doivent en avoir une si la réunion est publique. Les plaintes présentées par les syndicats contiennent différentes allégations portant sur l'interdiction de réunions syndicales par la police et, dans ses réponses, le gouvernement a allégué qu'il s'agissait de réunions tenues sans autorisation. D'autre part, les syndicats ont affirmé que c'étaient des réunions privées tenues dans le « corridor » d'une maison (soit un balcon ouvert d'un côté et donnant accès de l'autre aux pièces d'habitation), dans un espace ouvert situé sous une habitation bâtie sur pilotis, etc. ... J'ai reçu un certain nombre d'autres plaintes traitant du même problème. Il s'agissait généralement de l'ingérence d'autorités dans une réunion tenue sans permission qu'elles considéraient comme une réunion publique et que le syndicat considérait comme étant une réunion privée. J'ai discuté la question de savoir le sens du terme « privé » et « public » avec différents fonctionnaires du gouvernement, de dirigeants syndicaux et de représentants des employeurs. Bien qu'il n'y ait pas d'unanimité sur la question, les fonctionnaires du gouvernement de toute catégorie et les représentants de la compagnie donnaient à ces termes une interprétation restrictive. Par contre, les dirigeants syndicaux avaient une interprétation plus libérale. Selon l'opinion généralement admise par les fonctionnaires du gouvernement et les représentants de la compagnie, une réunion est privée si elle se tient entre quatre murs, mais les avis diffèrent sur la question de savoir si les portes et les fenêtres doivent rester fermées ou peuvent être ouvertes. Dans quelques cas, on admettait que les fenêtres pouvaient être ouvertes, afin d'assurer l'aération de la pièce. Dans d'autres cas, on ne s'opposait pas à ce que les portes fussent ouvertes au moins pour permettre aux arrivants tardifs d'entrer. Il semble que la principale préoccupation était d'empêcher que des gens se tenant en dehors du local fermé n'entendent les discussions. Les représentants syndicaux estimaient qu'une réunion n'est pas publique si elle ne se tient pas dans un local public ou dans la rue. Il n'existe pas de définition légale de ce que sont des réunions « publiques » et « privées », et il semble que des règlements ou des instructions n'ont pas été envoyés aux autorités locales pour les orienter dans l'application de la loi. L'article 26 de la Constitution politique de Costa Rica dispose seulement ce qui suit: « Il n'est pas exigé d'autorisation préalable pour les réunions qui ont lieu dans des enceintes privées. Celles qui se tiennent dans des lieux publics sont réglementées par la loi. » Aucun des cas d'ingérence dans des réunions prétendument privées signalés par les syndicats n'a été soumis aux autorités judiciaires supérieures, et il semble qu'il n'existe pas de décision judiciaire finale concernant des cas particuliers du genre de ceux qui sont mentionnés ci-dessus. Des procédures arbitraires sont, par conséquent, possibles au niveau local. Il arrive que les organisateurs sont arrêtés pour quelques heures et l'on m'a signalé des cas où les organisateurs d'une réunion avaient été invités à fermer les portes parce qu'aucune autorisation de tenir une réunion publique n'avait été délivrée; les personnes qui sont arrivées tardivement n'ont donc pas pu entrer dans la salle. D'autre part, il semble que, dans certains cas, les autorités ont agi d'une manière beaucoup moins restrictive, mais les syndicats estiment que leurs activités ont été indûment entravées.
- 126. Le Comité, tout en prenant note de la déclaration du ministre - selon laquelle ce dernier avait l'intention de traiter personnellement cette affaire avec la compagnie -, souligne, une fois de plus, l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir des réunions syndicales. D'autre part, le Comité estime qu'afin d'éviter toute équivoque, il est extrêmement important que des dispositions soient adoptées en vue de faire une nette distinction entre les réunions qui doivent être considérées comme « réunions privées » et celles qui doivent être considérées comme « réunions publiques » et que les dispositions en question soient portées à la connaissance de toutes les personnes qui, à un titre ou à un autre, sont chargées de veiller à leur application.
- 127. Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir des réunions syndicales et de lui suggérer qu'il serait opportun d'adopter des dispositions précisant ce que l'on doit entendre par « réunions publiques » et par « réunions privées ».
- Allégations relatives à l'éviction de bureaux syndicaux
- 128. Ces allégations ont été formulées par le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company dans une lettre du 20 octobre 1960, à laquelle est annexée la copie d'une plainte adressée à l'autorité d'inspection générale au sujet des événements en question. Selon les plaignants, les faits se sont déroulés de la manière suivante: le jeudi 13 octobre 1960, le chef de la police de Puerto González aurait ordonné à ses subordonnés de mettre le syndicat à la porte d'une maison qu'il occupait depuis plus de six ans dans le domaine de Laurel, et qui avait été mise à sa disposition par la Chiriqui Land Company pour y installer les bureaux du syndicat, ainsi que le fonctionnaire syndical qui en a la charge. La police a jeté dans la rue tous les livres, papiers et documents qui se trouvaient dans le bureau et a enlevé les tables et les bancs. Aux protestations opposées, insistant notamment sur le fait que ces objets étaient la propriété du syndicat, un officier de police a répondu, selon les plaignants, que la compagnie ne voulait pas avoir de syndicat à cet endroit. En outre, poursuivent les plaignants, le maire de Golfito a déclaré à la presse qu'il ferait échec à toute tentative de grève dans la zone bananière, dût-il faire couler le sang, déclaration qui montre clairement, concluent les plaignants, que le droit de grève est sérieusement compromis.
- 129. Dans sa communication du 8 février 1961, le gouvernement a fait tenir copie d'un rapport élaboré sur la question de l'expulsion par le maire de Golfito et adressé au ministère de l'Intérieur. Le gouvernement déclare que les procédures légales ont été pleinement suivies, que les règles applicables à ces procédures ont été respectées et qu'il a été donné effet à l'ordre d'expulsion correctement et courtoisement. Dans le rapport annexé à la réponse du gouvernement, il est dit que la Chiriqui Land Company a autorisé son représentant à instituer une action auprès des autorités de police de Puerto González en vue de l'éviction de M. Gregorio Mayorga Correa (un dirigeant de la FUTRA) d'un logement appartenant à la compagnie; l'intéressé, est-il dit, avait ignoré les demandes antérieures visant à ce qu'il libère une moitié du bâtiment en question (no 9104, propriété Laurel). En conséquence, le représentant de la compagnie a introduit une action en expulsion, conformément à l'article 2, alinéas 1 et 2, du Code de procédure civile, visant à contraindre M. Gregorio Mayorga Correa à évacuer la moitié du bâtiment ou, en cas de refus de sa part, à le faire expulser par la police. La police a notifié à l'intéressé d'avoir à évacuer la moitié du bâtiment le 19 septembre 1960; le 27 septembre, un délai de huit jours a été imparti par écrit à M. Gregorio Mayorga Correa pour s'exécuter, à défaut de quoi il serait expulsé. L'intéressé a présenté contre cette mesure certains arguments qui ont été rejetés par le chef de la police. Le 13 octobre, le chef de la police a expulsé l'intéressé et a mis ses effets dans la rue; celui-ci les a emportés. Toutes ces mesures, déclare le gouvernement, sont pleinement conformes aux dispositions du droit administratif national et, en particulier, à l'article 691, alinéas 1 et 2, du Code de procédure civile.
- 130. En ce qui concerne les déclarations qui auraient été faites à la presse par le maire de Golfito, le gouvernement déclare que ces allégations sont trop vagues - aucune date n'est donnée et aucun journal mentionné nommément - pour permettre de présenter des observations à leur sujet, si ce n'est pour indiquer que les maires ne prennent pas de décisions sur les questions politiques.
- 131. A sa session de février 1961, le Comité a constaté que cette allégation avait trait à l'expulsion d'un dirigeant syndical de locaux occupés par lui et apparemment utilisés comme local syndical où des documents étaient conservés; les locaux en question étaient la propriété de la Chiriqui Land Company. Le Comité a estimé qu'indépendamment de la question de la propriété légale, tant la décision que l'exécution de l'expulsion semblaient, d'après la procédure décrite par le gouvernement, appartenir à la police, sans qu'il ait été nécessaire d'obtenir de décision d'un tribunal et que cette procédure ne paraissait pas courante. Avant de formuler ses conclusions définitives sur cet aspect du cas, le Comité a décidé de demander au gouvernement de confirmer si, en fait, il est possible d'expulser une personne dans de semblables circonstances sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à un tribunal.
- 132. A ce propos, le Comité note que le représentant du Directeur général déclare dans son rapport ce qui suit:
- Au cours de la discussion avec les dirigeants syndicaux, ceux-ci protestèrent contre la procédure sommaire qui avait été appliquée en violation du Code de procédure civile. Ils précisèrent aussi, bien que les poursuites aient été instituées contre une personne physique unique, qu'à la fin les autorités avaient déménagé des locaux non seulement les objets qui lui appartenaient en propre, mais aussi ceux qui étaient propriété du syndicat. Ils alléguaient qu'ainsi la compagnie avait chassé le syndicat de locaux qui lui avaient été attribués en partie dans le cadre du règlement d'une grève. J'ai abordé cette question avec les représentants de la compagnie ainsi que le problème général des locaux syndicaux dans les plantations. On m'a expliqué que la moitié des bâtiments de la propriété Laurel avait été attribuée à la Coopérative FETRABA et, qu'après que cette coopérative eut été dissoute en raison d'irrégularités financières, la compagnie décida de reprendre entière possession de sa propriété et se trouva, par conséquent, amenée à chasser un ancien membre du comité de direction de la coopérative. En ce qui concerne le problème général des locaux syndicaux, on m'a dit qu'au cours des années précédentes, la compagnie avait attribué au syndicat des locaux pour qu'il puisse y tenir des réunions et y exercer ses activités. Néanmoins, comme ces locaux n'avaient pas toujours été utilisés pour les activités syndicales, la compagnie préférait que les syndicats aient leurs locaux dans les villages civils. Je me suis rendu dans le bâtiment où l'éviction avait eu lieu. Selon des témoins avec lesquels je me suis entretenu, le syndicat et son gardien ont été chassés du rez-de-chaussée, tandis que la coopérative a continué à fonctionner aux étages supérieurs pendant quelque temps. N'importe comment, l'éviction a eu lieu en octobre 1960, et la Coopérative FETRABA n'a été dissoute que le 28 août 1961. Au cours de mes discussions au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, on m'a dit que la question des locaux syndicaux dans les plantations constitue aussi un problème que le ministre a l'intention de discuter personnellement avec la compagnie.
- 133. Le Comité fait remarquer qu'il y a une contradiction entre ce que déclare la compagnie - à savoir qu'elle a procédé à l'expulsion d'un membre du comité de direction de la Coopérative FETRABA après que cette coopérative eut été dissoute pour irrégularités financières - et les dates auxquelles l'expulsion (octobre 1960) et la dissolution de la coopérative en question (août 1961) ont eu lieu; le Comité fait également remarquer que cette expulsion semble avoir été dirigée en réalité contre M. Gregorio Mayorga Correa, membre de la direction de la FUTRA, qui habitait le rez-de-chaussée de l'immeuble qui servait également de local pour le syndicat, alors que la coopérative continuait à fonctionner à l'étage supérieur de l'immeuble.
- 134. Le Comité prend note de la déclaration faite au représentant du Directeur général par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, selon laquelle la question des locaux syndicaux situés dans les plantations constituait un des problèmes que le ministre avait l'intention de traiter avec la compagnie.
- 135. Lors de son examen des allégations relatives à la question de l'exercice des droits syndicaux dans les plantations, dans le cadre du cas no 34 concernant Ceylan, le Comité a exprimé certains points de vue sur la question, qui figurent au paragraphe 168 de son quatrième rapport, lequel est ainsi conçu
- 168. ... Le Comité, tout en reconnaissant pleinement que les plantations sont des propriétés privées, estime qu'étant donné que les travailleurs non seulement travaillent mais habitent dans les plantations, de sorte que c'est seulement en ayant accès à celles-ci que les représentants des syndicats peuvent y exercer normalement leurs activités syndicales parmi les travailleurs, il est d'une importance particulière que l'accès aux plantations des représentants des syndicats en vue de l'exercice légal de leurs activités syndicales soit accordé sans réticence, pourvu que l'exécution du travail pendant les heures de travail n'ait pas à en souffrir et pourvu que soient prises toutes les précautions nécessaires à la protection de la propriété. Le Comité prend note avec satisfaction des déclarations du gouvernement de Ceylan suivant lesquelles, dans la pratique, l'accès n'est généralement pas refusé si avertissement préalable en est donné ou si la permission en a été obtenue; en conséquence, il exprime l'espoir que cette pratique gagnera en application et sera libéralement appliquée. A cet égard, le Comité attire également l'attention sur la résolution adoptée par la Commission du travail dans les plantations à sa première session [Bandung, décembre 1950], prévoyant que les employeurs devraient écarter tous obstacles, s'il y a lieu, à l'établissement par les travailleurs dans les plantations de syndicats libres, indépendants et démocratiquement contrôlés, et devraient mettre à la disposition de ces syndicats des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux à usage de bureaux, la liberté d'y tenir des réunions et la liberté d'accès...
- 136. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement, étant donné la situation particulière des travailleurs des plantations, sur l'importance qu'il attache au principe énoncé par la Commission du travail dans les plantations à sa première session, selon lequel les employeurs des travailleurs des plantations devraient mettre à la disposition des syndicats de ces derniers des facilités de nature à leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux à usage de bureaux.
- Allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux
- 137. Dans sa communication du 22 août 1960, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company allègue que, le 24 juillet 1960, alors qu'une réunion des membres du syndicat se tenait dans ses propres locaux, à Laurel, deux dirigeants syndicaux, MM. Alvaro Montero Vega et Juan Rafael Solis Barboza, ont été arrêtés et incarcérés sur ordre du maire de Golfito. La FUTRA déclare, dans les annexes jointes à la plainte du 12 septembre 1960, que l'arrestation de ces deux personnes, respectivement vice-président et secrétaire général de l'organisation en question, a eu lieu peu de temps après une visite qu'elles avaient rendue au Président de la République pour se plaindre des poursuites contre le mouvement syndical; la FUTRA indique également que le Président avait promis de prendre des dispositions afin de mettre fin à cet état de choses et que cette interview a paru dans la presse le lendemain. Les plaignants allèguent encore qu'une protestation ultérieure, adressée personnellement au Président de la République, est restée sans suite. Ils font, en outre, parvenir un extrait du journal La República, daté du 26 juillet 1960, relatant leur arrestation.
- 138. Dans sa communication en date du 17 juillet 1961, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company allègue que le 10 juillet 1961, alors que le comité de direction de l'Union des travailleurs de la Chirilanco se trouvait réuni, un détachement d'agents de police (guardias fiscales) fit soudainement irruption, obligea les membres en question à suspendre la réunion et mit aux arrêts les cadres syndicaux suivants: José Meléndez, José Oconitrillo, Jesús Arce et Carlos Blanco; ces syndicalistes furent remis en liberté « devant les protestations indignées des travailleurs de l'endroit ». Les plaignants allèguent que ces mesures de coercition n'ont pas été les seules: en effet, quelques jours auparavant, M. Oconitrillo ainsi que MM. Meléndez et Blanco furent également arrêtés et passèrent une nuit dans les locaux du commissariat pour être conduits, le lendemain, à la prison de Puerto Golfito et remis en liberté par la suite, aucune charge n'ayant pu être retenue contre eux. Les plaignants ajoutent que d'autres cadres syndicaux ont été arrêtés et incarcérés sous des prétextes similaires.
- 139. Le gouvernement conteste, dans sa communication du 1er novembre 1960, que les dirigeants Juan Rafael Solis Barboza et Alvaro Montero Vega aient été arrêtés le 24 juillet; ce qui s'est passé, en réalité, est qu'ils ont entrepris de tenir une réunion sans avoir rempli les formalités prévues par la loi à cet effet, fait qui a donné lieu à une sanction, mais non à leur arrestation. A l'appui de cette affirmation, le gouvernement envoie une lettre du ministre du Travail au ministre de l'Intérieur, à laquelle est jointe la réponse de ce dernier. Le ministre de l'Intérieur indique, dans sa réponse, que MM. Alvaro Montero Vega et Juan Rafael Solis Barboza ont été surpris alors qu'ils tenaient une réunion sans avoir accompli les formalités préliminaires requises par la loi, ensuite de quoi, et selon les dispositions de l'article 26 de la Constitution politique de Costa Rica, de l'article 263 du Code du travail et de l'article 137 du Code de police, des sanctions leur ont été infligées par l'administration de Golfito, sans qu'ils aient cependant, à aucun moment, fait l'objet d'une arrestation.
- 140. A sa session de février 1961, le Comité a fait remarquer que lorsqu'il avait été appelé, à d'autres occasions, à se prononcer sur des plaintes relatives à des atteintes au libre exercice du droit de tenir des réunions syndicales, il avait estimé que le droit des syndicats de tenir librement des réunions dans leurs propres locaux, sans avoir besoin d'une autorisation préalable et en l'absence de contrôle des autorités publiques, constitue un élément essentiel de la liberté d'association.
- 141. Dans ces conditions, et avant de présenter ses recommandations, le Comité a décidé à sa session de février 1961 de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir des informations complémentaires en ce qui concerne les sanctions infligées et les formalités légales qu'il déclare n'avoir pas été remplies en vue de la réunion syndicale, tenue dans les locaux syndicaux le 24 juillet 1960.
- 142. Le Comité note que le représentant du Directeur général déclare dans son rapport à ce propos:
- A plusieurs reprises, les syndicats se sont plaints que leurs dirigeants avaient été arrêtés par la police locale ou par les gardes champêtres. Il est souvent très difficile de découvrir les rapports relatifs à des actes de ce genre, mais, dans l'ensemble, les motifs de ces incarcérations sont les suivants tenue de réunions publiques non autorisées, discussions politiques au cours d'une réunion syndicale et diffusion de matériel de propagande subversive... la durée de l'incarcération est généralement inférieure à vingt-quatre heures et la mesure a un caractère préventif. Aucune poursuite ultérieure n'est généralement intentée, soit par les autorités, soit par les personnes qui ont été arrêtées, et ainsi on ne dispose d'aucune jurisprudence qui constitue une interprétation de la loi à cet égard.
- 143. Le Comité, tout en soulignant une fois de plus l'importance qu'il attache aux principes mentionnés au paragraphe 140 ci-dessus, note que les divers travailleurs arrêtés ont été remis en liberté une heure plus tard. Dans ces conditions, et compte tenu du principe susmentionné, il estime qu'un examen plus approfondi de cet aspect du cas serait sans objet.
- 144. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que le droit des syndicats de se réunir librement dans leurs propres locaux sans autorisation préalable et sans contrôle des autorités publiques, constitue un élément fondamental du principe de la liberté syndicale;
- b) de prendre note du fait que les divers travailleurs arrêtés ont été remis en liberté une heure plus tard;
- c) de décider qu'un examen plus approfondi de cet aspect du cas serait sans objet.
- Allégations relatives à la demande d'enregistrement présentée par la FUTRA
- 145. L'organisation plaignante déclare, dans une communication du ter février 1961, que sa création a été décidée lors d'un congrès des syndicats de travailleurs des zones bananières qui s'est tenu les 13 et 14 février 1960. La demande d'enregistrement fut immédiatement adressée au ministère du Travail. Les plaignants déclarent qu'entre cette époque et le mois de novembre 1960, le ministère a prié la Fédération de procéder à de nombreuses modifications dans son projet de statuts, modifications dont l'ensemble a été accepté par la Fédération, et qu'en dépit de cette acceptation, le ministère a fait savoir à la Fédération, le 16 janvier 1961, que sa demande devait être maintenue en attente, jusqu'à ce que le ministère ait procédé à une enquête relative aux diverses organisations de travailleurs des plantations de bananes déjà existantes. Les plaignants prétendent que cela équivaut à un refus d'enregistrement. Ils citent les dispositions de l'article 60 de la Constitution de Costa Rica, ainsi que celles des articles 262, 274 et 288 du Code du travail, et allèguent que celles-ci ont été violées par le refus du ministère de procéder à l'enregistrement de leur organisation.
- 146. A sa réunion de février 1961, le Comité a décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas jusqu'à ce qu'il ait reçu les observations du gouvernement.
- 147. Le Comité note que le représentant du Directeur général déclare à ce propos dans son rapport que:
- La décision d'établir la FUTRA fut prise en février 1960, à la suite de quoi une demande d'enregistrement fut adressée au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Après qu'un certain nombre de modifications eurent été apportées au projet de statuts de la Fédération sur la demande des autorités et que les formalités requises à l'article 274 du Code du travail eurent été accomplies, l'Assemblée législative demanda au ministre, en novembre 1960, de procéder à une enquête approfondie sur la situation financière de certaines organisations et, parmi elles, de la FUTRA. Le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale décida d'ajourner l'enregistrement de la FUTRA jusqu'à ce que les résultats de l'enquête lui aient été soumis. En mai 1962, ayant reçu le rapport du responsable de l'enquête, le ministre décida de refuser l'enregistrement de la Fédération pour deux motifs, dont le premier était la mauvaise gestion financière et administrative des syndicats constituants et le fait que la FUTRA (organisation dépourvue de personnalité juridique) avait reçu des contributions de ces syndicats; le deuxième motif invoqué était l'activité politique déployée par la FUTRA en faveur du régime « marxiste-léniniste » de Cuba. L'enquête financière fut effectuée par un expert-comptable selon les instructions du ministre. D'après le rapport de l'expert, les livres des syndicats étaient mal tenus, il manquait des reçus, la répartition du revenu n'avait pas été effectuée conformément aux statuts, il était prélevé sur les réserves des syndicats et la majeure partie des fonds servait à rétribuer les dirigeants syndicaux. En outre, des paiements dépassant un certain montant étaient fréquemment faits sans avoir été préalablement approuvés par l'assemblée générale, ce qui est contraire à la loi; des paiements avaient été effectués sans que leur nature soit indiquée, et des sommes d'argent avaient été prêtées sans reçu. L'enquête avait également révélé que, selon le rapport, la FUTRA avait reçu des fonds de quelques-uns des syndicats constituants. En ce qui concerne les activités politiques de la FUTRA, le ministre alléguait que la fédération avait fait de la propagande « en faveur de la révolution cubaine », qu'elle avait organisé des réunions à cette fin et incité les travailleurs à faire grève pour marquer leur appui à cette révolution et pour protester contre les accords signés à Punta del Este.
- 148. Le Comité note également que le représentant du Directeur général ajoute dans son rapport que:
- La décision du ministre de refuser l'enregistrement de la FUTRA se fondait sur l'article 280, a), du Code du travail, selon lequel les tribunaux du travail ordonneront la dissolution d'un syndicat lorsqu'il sera prouvé judiciairement « qu'il intervient dans des questions électorales, provoque ou fomente des luttes religieuses, exerce une activité contraire au régime démocratique établi par la Constitution du pays ou enfreint sous toute autre forme l'interdiction établie par l'article 263... qui interdit à un syndicat d'exercer une activité quelconque dépassant le cadre de ses intérêts économiques et sociaux ». Si la dissolution d'un syndicat est justifiée pour ces motifs, précisait la décision du ministre, il s'ensuit que le ministre est encore plus justifié et même que l'obligation lui incombe de refuser l'enregistrement d'organisations qui, avant même d'acquérir la personnalité juridique, enfreignent gravement ces interdictions. Cette décision de refuser l'enregistrement de la FUTRA fut, notons-le, prise par le prédécesseur du ministre actuel du Travail et de la Prévoyance sociale. La FUTRA a récemment demandé au ministre actuel du Travail et de la Prévoyance sociale de reconsidérer la décision de son prédécesseur, faisant valoir que, selon le Code du travail, les syndicats ne peuvent pas être dissous par ordre administratif, mais seulement par ordre d'un tribunal, que l'enquête qui avait eu lieu n'entraînait pas la dissolution des syndicats constituants, que ces syndicats n'avaient pas été privés de leur personnalité juridique et que, par conséquent, ils avaient le droit de se fédérer, que l'article 274 du Code du travail obligeait le ministre à enregistrer la FUTRA, qui s'était conformée à toutes les prescriptions édictées par le ministère, et que la décision lui refusant l'enregistrement était par conséquent illégale.
- 149. Le Comité fait remarquer que la procédure suivie par la FUTRA pour obtenir son enregistrement équivaudrait à une autorisation préalable, conditionnant l'existence de cette organisation.
- 150. Etant donné ce fait, le Comité estime nécessaire de rappeler le principe énoncé par l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, stipulant que « les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières »; ce principe est applicable à la constitution de fédérations syndicales, en vertu de l'article 6 de cette convention. Le Comité attire également l'attention sur le fait qu'en ratifiant la convention susmentionnée, le gouvernement de Costa Rica s'est engagé à se conformer à toutes les dispositions de ce texte.
- 151. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'obligation qu'il a contractée, en ratifiant la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, d'appliquer toutes les dispositions de cette convention et, dans le cas considéré, celles de l'article 2 stipulant que « les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières ».
- Allégations relatives au droit d'accès
- 152. Dans sa communication en date du 22 mai 1962, le Syndicat des travailleurs de Golfito allègue que le passage par les routes publiques situées dans les plantations serait défendu aux dirigeants syndicaux pour qu'ils ne puissent pas atteindre les maisonnettes où habitent les travailleurs; les plaignants ajoutent que cette interdiction irait à l'encontre du statu quo, établi entre la Compagnie bananière et les syndicats, par l'entremise d'accords dans lesquels sont même intervenus certains Présidents de la République.
- 153. Le Comité note que le représentant du Directeur général déclare à ce propos dans son rapport:
- Les syndicats se plaignent que la compagnie, en violation de la loi de 1943 sur la protection de l'agriculture, entend interdire à certains de leurs dirigeants d'utiliser les routes de plantations, les empêchant ainsi d'entrer en contact avec les travailleurs. Ils allèguent que ce sont là des routes publiques qui sont utilisées depuis plus de dix ans sans restriction par le public en général; ces routes relient plusieurs plantations qui ont été considérées comme des «villages» (poblaciones) par un ancien directeur général de la Compagnie bananière de Costa Rica lui-même (voir à ce sujet la communication adressée au juge du travail de la région de Golfito par M. Walter Moseley Hamer Turnbull le 28 mars 1955). A titre d'exemple des procédés actuels de la compagnie, M. José Meléndez Ibarra, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de Golfito, m'a dit qu'il avait été incarcéré le 4 avril 1962 alors qu'il se trouvait sur une de ces routes en face de l'usine de conserves de la compagnie. Par contre, les représentants de la compagnie m'ont dit qu'il avait pénétré dans l'usine sans autorisation. Il fut ensuite condamné et il soutient que le juge l'avait averti qu'il ne serait plus autorisé à pénétrer dans aucune des plantations de la compagnie. Néanmoins, les syndicats m'ont également rapporté un autre cas dans lequel M. Juan Rafael Solis Barboza, président de la FUTRA, a été libéré de l'accusation d'avoir pénétré dans un domaine privé (art. 104 du Code de police), parce que cet article avait été abrogé par la loi de 1943 sur la protection de l'agriculture. Les représentants de la compagnie m'ont dit qu'ils n'empêchaient personne de pénétrer dans les plantations et que la population faisait usage des routes qui les traversent. Néanmoins, ils estiment que ces routes ne sont pas devenues des voies publiques par prescription. C'est la compagnie qui en assure l'entretien et chaque fois qu'un service de transport désire les utiliser, il doit obtenir au préalable l'autorisation de la compagnie. Les représentants estimaient aussi que la compagnie pourrait être amenée à restreindre le libre passage et le transit à l'intérieur des plantations et sur les routes, dans quelques cas spéciaux, afin de défendre ses intérêts. La situation juridique en ce qui concerne le droit de pénétrer sur les terres qui appartiennent à la compagnie ne paraît pas être très claire, et aucune décision n'a été prise jusqu'à présent par la Cour suprême. Au cours des conversations que j'ai eues au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, on m'a dit que c'est là une autre question que le ministre se propose de traiter personnellement avec la compagnie.
- 154. Le Comité, tout en prenant note de l'intention du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale de traiter cette affaire personnellement avec la compagnie, recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe énoncé par la Commission de l'O.I.T du travail dans les plantations, à sa première session, ainsi qu'il est dit au paragraphe 135 ci-dessus, principe selon lequel les employeurs de travailleurs dans les plantations devraient assurer la liberté d'accès aux syndicats de ces travailleurs pour leur permettre d'exercer leurs activités normales.
- Allégations relatives à un projet de règlement syndical
- 155. Le Comité a déjà examiné de manière détaillée les allégations relatives au projet de règlement syndical et a présenté au Conseil d'administration des conclusions définitives qui figurent au paragraphe 334, b), de son quarante-neuvième rapport; il note, toutefois, que le représentant du Directeur général signale dans son rapport que le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale lui a affirmé que « le gouvernement avait mis de côté ce projet et que si ultérieurement la question était reprise, il consulterait le B.I.T avant de prendre une décision ».
- 156. Le Comité prend note avec intérêt de la déclaration faite par le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, selon laquelle, au cas où la question du projet de règlement serait reprise ultérieurement, le gouvernement consultera le B.I.T avant de prendre une décision à son sujet.
- 157. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'exprimer sa satisfaction au gouvernement pour la déclaration du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, selon laquelle, au cas où la question du règlement précité serait reprise ultérieurement, le gouvernement consultera le B.I.T avant de prendre une décision à son sujet.
- Allégations relatives à l'ingérence dans les réunions syndicales
- 158. Le Comité a déjà examiné en détail les allégations relatives à l'ingérence des autorités dans les réunions syndicales et a présenté au Conseil d'administration ses conclusions définitives, qui font l'objet du paragraphe 201, a), de son cinquante-deuxième rapport; il note toutefois qu'en ce qui concerne la recommandation qu'il a faite au gouvernement de Costa Rica, selon laquelle « quand les autorités envoient leurs représentants à des assemblées ou réunions générales des syndicats se déroulant dans les locaux syndicaux, et à d'autres réunions syndicales privées, la présence de ces représentants peut être considérée comme une ingérence dont les autorités publiques doivent s'abstenir en vertu de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 », le représentant du Directeur général déclare dans son rapport ce qui suit:
- A cet égard, on m'a assuré, au cours des entretiens au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, que, sur la base de cette décision, le ministère s'abstiendrait dorénavant d'envoyer des inspecteurs dans les réunions syndicales privées, à moins que les syndicats intéressés eux-mêmes ne le demandent.
- 159. Le Comité prend note avec satisfaction des assurances que le représentant du Directeur général a reçues au cours de ses entretiens au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, selon lesquelles des inspecteurs ne seraient plus envoyés dans les réunions syndicales privées, à moins que les syndicats intéressés ne le demandent.
- 160. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'exprimer sa satisfaction au gouvernement pour les assurances données par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, que des inspecteurs ne seraient plus envoyés dans les réunions syndicales privées, à moins que les syndicats intéressés ne le demandent.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 161. Compte tenu des considérations qui précèdent, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de suggérer au gouvernement qu'il serait opportun d'adopter des dispositions nettes et précises visant à protéger de manière efficace les organisations des travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs ou de leurs organisations, conformément aux dispositions de l'article 2 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui a été ratifiée par Costa Rica;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir des réunions syndicales et de lui suggérer qu'il serait opportun d'adopter des dispositions précisant ce que l'on doit entendre par « réunions publiques » et par « réunions privées »;
- c) d'attirer l'attention du gouvernement, étant donné la situation particulière des travailleurs des plantations, sur l'importance qu'il attache au principe énoncé par la Commission de l'O.I.T du travail dans les plantations à sa première session (Bandung, décembre 1950), selon lequel les employeurs des travailleurs des plantations devraient mettre à la disposition des syndicats de ces travailleurs des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux à usage de bureaux et la liberté d'accès;
- d) en ce qui concerne les allégations relatives à la détention des dirigeants syndicaux:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que le droit des syndicats de se réunir librement dans leurs propres locaux, sans autorisation préalable et sans contrôle des autorités publiques, constitue un élément fondamental du principe de la liberté syndicale;
- ii) de prendre note du fait que les divers travailleurs arrêtés furent remis en liberté une heure plus tard;
- iii) de décider qu'un examen plus approfondi de cette allégation serait sans objet;
- e) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'obligation qu'il a contractée, en ratifiant la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, d'appliquer toutes les dispositions de cette convention et, dans le cas précis, les dispositions de l'article 2, stipulant que « les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières »;
- f) d'exprimer sa satisfaction au gouvernement pour la déclaration du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, selon laquelle, si la question du projet de règlement syndical mentionné au paragraphe 155 ci-dessus était reprise ultérieurement, le gouvernement consultera le B.I.T avant de prendre une décision à ce sujet;
- g) d'exprimer sa satisfaction au gouvernement pour les assurances données par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, selon lesquelles des inspecteurs ne seraient plus envoyés dans les réunions syndicales privées, à moins que les syndicats intéressés ne le demandent.