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- 55. Les plaintes initiales figuraient dans deux communications en date des 7 février et 19 mai 1951, adressées directement à l'O.I.T par la Fédération générale des syndicats d'Irak et la Fédération syndicale mondiale (F.S.M.), respectivement.
- 56. L'Irak a ratifié la convention (ne 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, mais n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 57. Dans sa communication du 7 février 1961, la Fédération générale des syndicats d'Irak a formulé un certain nombre de graves allégations contre le gouvernement dirigé par feu le général Kassem. Dans l'introduction de la plainte, les plaignants ont fait mention, en termes généraux, des mesures antisyndicales qui auraient été prises par le gouvernement Kassem, notamment au cours des dix-huit mois qui ont précédé le dépôt de la plainte, en vue, selon les allégations, de paralyser le mouvement syndical: dissolution de la plupart des syndicats et de leurs sections; création de syndicats qui ne sont pas représentatifs des travailleurs, falsification des élections syndicales; suppression des élections dans les syndicats du personnel municipal et des travailleurs de l'imprimerie, du bâtiment et de la construction; interdiction d'envoyer à l'étranger des représentants de la Fédération et des syndicats affiliés; ordre des autorités d'ouvrir le feu sur des travailleurs sans défense (personnel municipal, travailleurs du ciment et des manufactures de tabac) au cours d'élections et de grèves, arrestation, bannissement, jugement en cour martiale et condamnation des travailleurs; arrestation du rédacteur en chef du journal de la Fédération, refus de la personnalité juridique au syndicat et déni du droit de représenter les travailleurs pour les négociations collectives. Les plaignants ont estimé que le gouvernement violait en permanence la Constitution de l'O.I.T, la Déclaration de Philadelphie, toutes les conventions de l'O.I.T relatives à la liberté syndicale et « même la législation réactionnaire de l'Irak en matière de travail ».
- 58. Les plaignants ont affirmé que cent seize travailleurs appartenant à treize syndicats avaient été arrêtés et vingt-trois autres emprisonnés ou déplacés dans d'autres régions, que cent vingt-trois avaient été condamnés et que soixante-douze passaient en jugement au moment du dépôt de la plainte. Ces mesures ont touché les syndicats suivants: manufactures de tabac, compagnies d'autobus, bâtiment et génie civil, constructions navales, imprimerie, raffinerie, services de santé et industrie pharmaceutique, etc. Ils ont allégué en outre que plusieurs syndicats avaient été interdits sans motif légal sur l'ordre du ministère des Affaires sociales: syndicats du personnel des poids et mesures, des arrimeurs, du personnel du ministère susmentionné, des services de santé, des compagnies aériennes et des compagnies de transport public de Bagdad et de trois autres grandes villes. Des centaines de sections locales ont également été fermées. Enfin, selon les allégations, tous les congrès des syndicats auraient été suspendus sur l'ordre des autorités publiques responsables des questions de travail.
- 59. La Fédération des syndicats d'Irak a déclaré que ses statuts prévoyaient, conformément à la législation nationale et à la pratique universelle, l'organisation d'élections syndicales par scrutin secret direct. D'après les allégations, les autorités seraient intervenues sans motif légal en vue d'obliger les travailleurs à procéder à des élections syndicales sur les lieux de travail (dans le cas des syndicats des chemins de fer, du textile, du ciment et des constructions navales), et ce, après que les employeurs auraient eu le temps de licencier plusieurs travailleurs et que d'autres travailleurs auraient été arrêtés en vue d'être mis dans l'impossibilité de voter; en outre, ceux qui votèrent auraient été requis sans justification légale de présenter un certificat prouvant qu'ils avaient un casier judiciaire vierge. Il est également allégué que les services de l'emploi eux-mêmes ont dissous des syndicats et des filiales syndicales en vue de faciliter l'établissement de comités syndicaux fantoches, dont les membres n'ont jamais, auparavant, appartenu à un syndicat quelconque. Les plaignants déclarent que les représentants syndicaux ont été empêchés d'accomplir leurs tâches en ce qui concerne les élections syndicales et que les travailleurs non syndiqués ont été autorisés par les autorités à voter pour des listes de candidats établies par les employeurs; que la police, des fonctionnaires, des responsables des questions de travail et des militaires ont proféré des menaces et contrôlé des élections; que les syndicats ont été empêchés de fixer les dates et lieux des élections, conformément à leurs statuts, et que leurs dirigeants se sont vu interdire l'exercice de leurs fonctions pour l'organisation d'élections; que des criminels ont pu se réunir aux abords des bureaux de vote pour attaquer les travailleurs et les empêcher de voter; que les syndicats ont été contraints d'inclure parmi leurs dirigeants certaines personnes désignées arbitrairement par les autorités; que les forces armées ont empêché certains travailleurs de voter; que des élections qui n'ont pas produit le résultat espéré par les autorités ont été annulées (dans le cas des syndicats des industries mécaniques, de l'industrie du bâtiment, de l'agriculture et des pétroles); que les scrutins étaient publics, contrairement à toutes les règles, afin d'obliger les travailleurs à voter pour la « liste officielle ». De l'avis des plaignants, cette campagne, accompagnée de projets d'amendements à la législation en vigueur, n'aurait eu d'autre objectif que de créer une situation permettant au ministère des Affaires sociales de fermer ou de dissoudre des syndicats à son propre gré et de garder l'ensemble du mouvement syndical sous son contrôle.
- 60. Les plaignants ont traité de façon très détaillée la question des élections du Syndicat des travailleurs du tabac, intervenues en 1960. Il était allégué que les partisans de la Fédération auraient gagné les élections du 17 juin 1960, mais que celles-ci auraient été annulées par les autorités sous prétexte qu'il n'y avait pas eu de quorum. Les plaignants déclarent que de nouvelles élections ont eu lieu le 28 octobre 1960, mais qu'auparavant plusieurs syndicalistes ont été licenciés, que la convention collective a été annulée unilatéralement et que les membres de l'exécutif ont été privés de tout pouvoir de contrôle; de même, le registre des membres a été ignoré et plusieurs travailleurs ont été empêchés de voter. Lorsque le ministère de la Défense a rejeté une requête demandant de nouvelles élections libres, les travailleurs ont décrété la grève dans le but d'obtenir de nouvelles élections et de faire réintégrer dans leur poste les travailleurs licenciés. Selon les allégations précitées, la police aurait tiré sur la foule, composée de familles de travailleurs et d'autres personnes en faveur de la grève. La grève a finalement été décommandée lorsque la promesse a été reçue d'organiser de nouvelles élections pour le 9 novembre. Toutefois, le 30 octobre - ont déclaré les plaignants -, un plus grand nombre de travailleurs auraient été licenciés, les chefs et divers membres du Syndicat arrêtés et les élections ajournées; une nouvelle grève fut alors déclenchée et, au cours d'une des manifestations, la police aurait tiré sur la foule et tué plusieurs personnes, parmi lesquelles l'ancien chef du Syndicat des travailleurs de l'industrie du tourisme. Des grèves ont eu lieu dans différentes manufactures de tabac, et plusieurs travailleurs ont été emprisonnés. En outre, if est allégué que le rédacteur en chef du journal syndical a été arrêté parce que le journal en question aurait protesté contre les coups de feu et se serait exprimé en faveur des revendications des travailleurs. Finalement, des élections syndicales ont eu lieu le 28 novembre 1960. Selon les allégations faites à ce propos, des travailleurs qui distribuaient des brochures avant les élections auraient été arrêtés; dans les bureaux de vote, des employeurs auraient menacé les candidats figurant sur la liste proposée par la Fédération; des douzaines de gens n'ayant aucune relation avec le Syndicat auraient été autorisés à voter en vue d'assurer une victoire aux candidats des autorités et plus de deux mille syndicalistes auraient été empêchés d'entrer dans les locaux de vote.
- 61. Il convient de rappeler que cette plainte était datée du 7 février 1961, qu'elle était signée par M. Ali Choukr, à l'époque président de la Fédération générale des syndicats d'Irak, et qu'il n'y était pas prétendu qu'un dirigeant quelconque de la Fédération avait été arrêté à cette date.
- 62. La plainte de la F.S.M datait du 19 mai 1961, c'est-à-dire de trois mois plus tard; bien que sur plusieurs aspects elle confirmait la plainte de la Fédération générale des syndicats d'Irak, elle fournissait également des renseignements supplémentaires sur les allégations formulées par la Fédération ainsi que des détails sur d'autres faits allégués.
- 63. Ainsi, la F.S.M a allégué que, à l'occasion de la manifestation des travailleurs des manufactures de tabac (voir paragr. 60 ci-dessus), la police aurait ouvert le feu le 10 novembre 1960, tuant huit personnes, dont un syndicaliste nommé Nacht Al Fakhral. La F.S.M a confirmé que la fermeture des locaux syndicaux dont il est question au paragraphe 58 ci-dessus a effectivement eu lieu, et elle a déclaré que l'organe officiel de la Fédération générale des syndicats, Ittihad Al Omma, avait été interdit et son rédacteur en chef, M. Issatah, arrêté sans motif; enfin, elle a corroboré les allégations de la Fédération concernant l'intervention dans les élections syndicales.
- 64. La F.S.M a allégué en outre que, le 1er mai 1961, de nombreux dirigeants ont été arrêtés et que des mandats ont été délivrés contre M. Ali Choukr, président de la Fédération générale des syndicats d'Irak, M. Ara Khachadoor, secrétaire général de cette organisation, MM. Sadik El Falahi et Kuleban Salih, membres du comité exécutif, alors que les bureaux de la Fédération étaient occupés de force. Il a été allégué, en outre, que les projets de modification à la législation du travail publiés en janvier 1960 auraient pour effet d'autoriser le ministre du Travail et des Affaires sociales à établir et à dissoudre des syndicats inconditionnellement et de manière arbitraire ainsi qu'à intervenir dans les affaires internes de ces organisations.
- 65. Les plaintes de la Fédération générale des syndicats d'Irak et de la F.S.M ont été transmises au gouvernement de l'Irak, pour observations, par deux lettres datées respectivement des 18 mai et 27 juin 1961. A sa session de février 1962, le Comité a noté que, alors que le gouvernement Kassem avait été informé que le cas présent rentrait dans la catégorie des cas considérés comme urgents par le Conseil d'administration et que des lettres ultérieures avaient été envoyées au gouvernement les 5 septembre et 28 novembre 1961 et le 23 janvier 1962, aucune réponse à ces communications n'avait été reçue jusqu'alors du gouvernement; par conséquent, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de l'Irak de fournir d'urgence ses observations sur les deux plaintes susmentionnées, recommandation approuvée par le Conseil d'administration à sa 151ème session (mars 1962) et communiquée au gouvernement par une lettre datée du 16 mars 1962.
- 66. A sa session de mai 1962, le Comité a pris connaissance de certaines observations envoyées le 24 avril 1962 par le gouvernement Kassem. Par la suite, dans une communication du 25 février 1962, reçue seulement le 2 avril 1962, la Fédération générale des syndicats d'Irak avait exprimé le désir de retirer sa plainte; cette communication ayant été envoyée pour observations au gouvernement le 9 mai 1962, n'avait pas alors fait l'objet de commentaires de sa part.
- 67. Dans sa communication du 24 avril 1962, le gouvernement Kassem a déclaré en termes généraux que le régime avait promulgué une législation pour protéger la classe laborieuse et que le premier ministre s'était préoccupé lui-même des intérêts et du bien-être des travailleurs. Trente-six syndicats centraux avaient été établis - la plupart d'entre eux subdivisés en branches provinciales - groupés dans la Fédération générale des syndicats d'Irak, au sein de laquelle, déclare le gouvernement, des élections libres étaient organisées chaque année. Pour améliorer la situation des travailleurs, le gouvernement avait pris diverses mesures dans le domaine des salaires, du logement, etc. Il est impensable, a déclaré le gouvernement, que l'armée et la police arrêtent des travailleurs qui demandent leurs droits ou tirent sur des grévistes; en conséquence, les plaintes alléguées « sont fausses et sans fondement ». Le gouvernement s'est référé à M. Ali Choukr comme à l'un de ceux qui ont dupé les travailleurs en se faisant élire comme responsables des syndicats et qui ont cherché à conduire les travailleurs d'une façon contraire à l'intérêt public. Lui et ses camarades, a déclaré le gouvernement, ont cherché à utiliser l'argent de la Fédération générale des syndicats de manière irrégulière et se sont plaints lorsque les travailleurs ont élu d'autres personnes à leur place. Le journal de la Fédération, a déclaré le gouvernement, « n'a pas tenu compte de l'intérêt public » et a calomnié les autorités, de telle sorte que son rédacteur en chef a dû être traduit en justice.
- 68. Dans sa communication du 25 février 1962, signée par un nouveau président, la Fédération générale des syndicats d'Irak s'est référée à l'ancien comité exécutif comme ayant présenté sa plainte dans le but de couvrir « ses méthodes peu recommandables de s'occuper des travailleurs et la façon illégale dont il disposait de leurs fonds ». Le nouveau comité exécutif a allégué que, sous l'influence de l'ancien exécutif, la doctrine communiste était répandue parmi les travailleurs, que ceux-ci étaient forcés d'acheter des publications donnant des nouvelles des pays socialistes, que la production souffrait, que des grèves étaient fomentées et que les travailleurs étaient obligés de payer « des contributions volontaires » qui allaient au Parti communiste. Le nouvel exécutif a déclaré que, lors des dernières élections syndicales, les travailleurs avaient abandonné leurs anciens leaders et que maintenant il régnait « une harmonie et une compréhension parfaites » entre les travailleurs et le gouvernement, qui avait pris des mesures immédiates pour les protéger contre « la domination despotique des anciens membres de la Fédération générale des syndicats ». Il a été déclaré que le gouvernement avait promulgué une nouvelle législation protégeant le travail, avait accordé une subvention annuelle à la Fédération et avait distribué à bas prix des terres aux travailleurs. En conclusion, le nouvel exécutif a demandé au B.I.T de ne pas tenir compte de la plainte. La communication précisait que des copies de celle-ci avaient été envoyées au ministre irakien des Affaires étrangères, au ministre des Affaires sociales et à la direction du Département du travail.
- 69. La première question qui s'est posée au Comité à sa session de mai 1962 a été la demande de retrait de la plainte de la Fédération générale des syndicats d'Irak. Le Comité a fait remarquer que cela soulevait un point de procédure que le Comité avait déjà été appelé à examiner dans le passé. Dans le cas no 66, relatif à la Grèce, le Comité a exprimé l'avis que le désir manifesté par une organisation plaignante de retirer sa plainte, tout en constituant un facteur auquel on doit apporter la plus grande attention, n'est cependant pas en lui-même une raison suffisante pour le Comité de cesser automatiquement d'examiner cette plainte. Le Comité considère dans ce cas qu'il doit se guider à cet égard sur les conclusions approuvées par le Conseil d'administration en 1937 et 1938 concernant deux plaintes soumises par le Syndicat des travailleurs du textile de Madras et par la Société de bienfaisance des travailleurs de l'île Maurice , en vertu de l'article 23 de la Constitution de l'Organisation (actuellement art. 24). Le Conseil d'administration a établi à ce moment-là le principe que, du moment qu'une plainte lui était soumise, lui seul était compétent pour décider quelle suite devait lui être donnée et que « le désistement de l'organisation requérante n'est pas toujours une preuve que la réclamation n'était pas recevable ou était dénuée de fondement ». Le Comité considère que, partant de ce principe, il est libre d'évaluer les raisons données pour expliquer le retrait d'une plainte et de rechercher si elles apparaissent suffisamment plausibles pour conduire à la conclusion que le retrait a été fait dans une indépendance complète. Le Comité a fait observer que des cas pouvaient se produire dans lesquels le retrait d'une plainte par l'organisation qui l'a présentée pouvait résulter, non du fait que la plainte était devenue sans objet, mais d'une pression exercée par le gouvernement sur les plaignants, ces derniers étant menacés d'une aggravation de leur situation s'ils ne consentaient pas à ce retrait.
- 70. Dans le cas présent, le Comité a fait observer que les plaintes de la Fédération générale des syndicats d'Irak et de la F.S.M étaient présentées en termes très détaillés. Comme indiqué au paragraphe 65 ci-dessus, le gouvernement Kassem n'a tenu aucun compte de plusieurs demandes pressantes d'avoir à fournir ses observations sur ces plaintes et ce n'est qu'après avoir reçu une demande directe du Conseil d'administration lui-même qu'il a fourni, dans sa communication du 24 avril 1962, des observations d'un caractère très général se rapportant seulement à quelques cas parmi les nombreuses allégations précises et détaillées présentées par les plaignants. Le comité exécutif de la Fédération générale des syndicats d'Irak qui a manifesté l'intention de retirer la plainte n'est pas celui qui avait déposé la plainte originale et dont la F.S.M alléguait que les membres auraient été arrêtés et remplacés. Il faut également observer que le second plaignant, la F.S.M, n'a témoigné aucun désir de retirer sa propre plainte.
- 71. Dans ces conditions, en l'absence d'informations plus complètes, le Comité a estimé qu'il ne saurait déterminer si, oui ou non, la demande de retrait de la plainte était faite librement, par un exécutif syndical démocratiquement élu et indépendant de toute influence gouvernementale. A ce sujet, le Comité a rappelé que, dans son premier rapport a, il avait souligné que là où des allégations précises sont présentées, il ne peut pas considérer comme satisfaisantes des réponses de gouvernements qui se bornent à des généralités et il a exprimé l'espoir que, lorsqu'il y a des allégations précises, les gouvernements doivent reconnaître l'importance, pour la sauvegarde de leur propre réputation, de présenter, en vue d'un examen objectif, des réponses positives détaillées à des accusations d'une telle nature. Le Comité a indiqué que, dans tous les cas où les informations fournies par les gouvernements auxquels des plaintes ont été communiquées apparaissent insuffisantes ou d'un caractère trop général, le gouvernement intéressé sera requis de fournir au Comité des informations plus détaillées en vue de lui permettre de présenter un avis motivé au Conseil d'administration. Le Comité a déclaré en outre que, dans les cas où un gouvernement ne répond pas dans un délai raisonnable à une telle demande d'informations plus détaillées, le Comité rapporterait cet état de choses au Conseil d'administration.
- 72. C'est dans ces conditions que le Comité a soumis au Conseil d'administration les recommandations contenues au paragraphe 191 de son soixante-deuxième rapport, dont le texte est le suivant:
- 191. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note des observations générales présentées par le gouvernement dans sa communication du 24 avril 1962;
- b) de prendre note également du fait que le comité exécutif de la Fédération générale des syndicats d'Irak qui avait présenté la plainte de cette organisation a été remplacé par un nouveau comité exécutif qui a exprimé le désir de retirer la plainte, mais que l'autre plaignant, en l'espèce la Fédération syndicale mondiale, n'a pas manifesté un tel désir en ce qui concerne sa propre plainte;
- c) de signaler au gouvernement qu'étant donné les circonstances de ce cas et eu égard à la nature précise comme au caractère sérieux des allégations, le Conseil d'administration ne peut pas, pour les raisons indiquées aux paragraphes 188 à 190 ci-dessus, prendre de décision sur la demande de retrait de la plainte de la Fédération générale des syndicats d'Irak avant que le gouvernement ait fourni ses observations, complètes et détaillées, sur les allégations précises contenues dans cette plainte et dans la plainte de la Fédération syndicale mondiale, laquelle, de toute manière, reste en suspens;
- d) de demander, une fois de plus, au gouvernement de fournir de telles informations de toute urgence afin qu'il puisse en être tenu compte quand le Comité examinera le cas quant au fond, à sa prochaine session, lorsqu'il soumettra ses recommandations sur ce cas au Conseil d'administration.
- 73. Le soixante-deuxième rapport du Comité a été approuvé par le Conseil d'administration le 1er juin 1962; les conclusions et demandes d'informations contenues au paragraphe 191, précédemment cité, de ce rapport, ont été portées à la connaissance du gouvernement de l'Irak par une lettre datée du 6 juin 1962.
- 74. A sa session d'octobre 1962, le Comité a ajourné l'examen du cas, étant donné qu'il n'avait pas reçu les observations demandées au gouvernement.
- 75. Le Comité a ajourné de nouveau l'examen du cas à sa session de février 1963 et a décidé, comme l'indique le paragraphe 4 de son soixante-huitième rapport, d'adresser une demande spéciale au gouvernement pour qu'il fournisse d'urgence les informations en question. Cette demande a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre datée du 14 mars 1963. Le gouvernement - le gouvernement actuel qui avait entre-temps remplacé le gouvernement Kassem - a répondu par une communication datée du 10 avril 1963.
- 76. Le gouvernement se réfère au signataire de la plainte originale (le la Fédération générale des syndicats d'Irak datée du 7 février 1961, M. Ali Choukr (ou Shukur), alors président de la Fédération, comme appartenant à un groupe de personnes dont le maintien en fonctions dépendait de l'aide du gouvernement de feu Abdul Karim Kassem. Il indique que le gouvernement Kassem suscitait des discordes dans les syndicats, mais que les syndicats nationaux accomplissaient correctement leurs tâches, malgré l'opposition dirigée contre eux. Le gouvernement actuel demande que la plainte et la réponse faite à celle-ci par le gouvernement Kassem soient considérées comme nulles.
- 77. A sa réunion de mai 1963, le Comité a observé que la lettre du gouvernement en date du 10 avril 1963 ne comportait pas de commentaires spécifiques sur les allégations, contenues dans la plainte signée par M. Choukr (ou Shukur), concernant des interventions du gouvernement Kassem dans des élections syndicales en vue de placer la Fédération sous le contrôle des partisans du gouvernement, ni dans la plainte de la F.S.M, selon laquelle ces interventions avaient réussi, M. Choukr et les principaux responsables de la Fédération ayant été arrêtés par ce gouvernement ou ayant fait l'objet de mandats d'arrestation. Toutefois, en l'absence d'observations de la part du gouvernement actuel sur ces allégations spécifiques, le Comité a estimé qu'il n'était toujours pas en mesure d'apprécier si la demande de retrait de la présente plainte devait être considérée comme valablement faite.
- 78. En outre, tout en reconnaissant qu'un changement de régime fondamental avait récemment eu lieu en Irak, le Comité a indiqué qu'il doit également s'assurer, à propos d'une demande de retrait d'une plainte faite, comme dans le cas présent, par d'autres personnes que celles qui l'avaient présentée, que sa décision ne causera aucun tort aux premiers plaignants et que les faits allégués ne continuent pas d'avoir des conséquences préjudiciables pour eux. Dans d'autres cas , dans des circonstances comparables, le Comité a estimé qu'il existe un lien de continuité entre les gouvernements successifs dans un même Etat et que, bien qu'un nouveau gouvernement ne puisse évidemment pas être tenu pour responsable d'événements survenus sous un gouvernement précédent, il est clairement responsable de toutes suites que de tels événements peuvent avoir eues depuis son accession au pouvoir. Seules des observations plus complètes de la part du gouvernement pourraient permettre au Comité de déterminer si les événements allégués, par exemple l'arrestation du premier plaignant et des principaux responsables de la Fédération générale des syndicats, par le gouvernement Kassem, continuent d'avoir de telles suites.
- 79. Dans ces conditions, le Comité, tout en tenant pleinement compte du changement survenu dans la nature du régime en Irak, a recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 144 de son soixante-dixième rapport, d'adresser au gouvernement de l'Irak, sans préjuger d'aucune façon du mérite de la demande de retrait de la plainte de la Fédération générale des syndicats d'Irak, une prière instante de fournir d'urgence ses observations détaillées sur les plaintes présentées par M. Choukr au nom de ladite fédération et par la F.S.M.
- 80. Le soixante-dixième rapport du Comité ayant été approuvé par le Conseil d'administration le 1er juin 1963, au cours de sa 155ème session, la présente demande a été portée à l'attention du gouvernement par une lettre datée du 13 juin 1963.
- 81. Dans une lettre en date du 10 juillet 1963, le gouvernement déclare que la plainte de la Fédération générale des syndicats d'Irak a été présentée par une personne qui ne représentait absolument pas la Fédération. Le gouvernement exprime en même temps l'opinion que le Conseil d'administration a eu tout à fait raison d'adopter la conclusion contenue au paragraphe 144 du soixante-dixième rapport du Comité, compte tenu du fait que la plainte était dirigée contre le gouvernement Kassem et «son régime dictatorial », qui a été « éliminé entièrement » par la révolution. Le gouvernement propose que le Comité envisage la plainte de M. Choukr comme émanant de la F.S.M et déclare qu'il n'a pas de détails supplémentaires à ajouter.
- 82. Le Comité se trouve actuellement dans la situation suivante: En premier lieu, il est saisi de deux plaintes contenant des allégations détaillées et circonstanciées relatives à des mesures antisyndicales prises par le gouvernement présidé par feu le général Kassem, en particulier, intervention sous des formes diverses dans les élections syndicales visant à mettre en place des dirigeants syndicaux acquis au régime Kassem, interdiction des réunions et congrès syndicaux, dissolution des syndicats par les pouvoirs publics, mépris total des droits élémentaires des syndicats dans le cadre légal, interdiction aux syndicats d'entretenir des contacts internationaux, etc. En second lieu, dans la plainte de la F.S.M, il est allégué que le gouvernement Kassem serait parvenu, grâce à ses manoeuvres d'intimidation et à ses interventions - ainsi que le premier plaignant l'avait déclaré -, à évincer le premier comité exécutif de la Fédération générale des syndicats d'Irak et à le remplacer par un comité exécutif aussi prompt à faire la louange du gouvernement Kassem (voir paragr. 68 ci-dessus) que l'ancien comité exécutif l'était à le dénoncer. C'est précisément ce nouveau conseil exécutif qui, lorsque le gouvernement Kassem était encore en fonction, voulait retirer la plainte présentée par son prédécesseur. En troisième lieu, non seulement le gouvernement Kassem a ignoré systématiquement les demandes présentées par le Comité et par le Conseil d'administration d'avoir à répondre, dans son propre intérêt, aux allégations détaillées, afin que le Comité puisse juger le degré d'authenticité de la demande de retrait de la plainte, mais le présent gouvernement n'a pas estimé à propos, malgré les demandes formulées dans ce sens, de fournir des observations particulières sur les diverses questions soulevées d'une manière détaillée dans les allégations et déclare à présent qu'il n'a rien à ajouter aux éléments qui se trouvent déjà en la possession du Comité.
- 83. Il est évident que, puisque le comité exécutif de l'organisation plaignante a allégué que le gouvernement Kassem essayait de le remplacer par un nouveau comité exécutif servile, et puisqu'un nouveau comité favorable à Kassem est entré en fonction après l'arrestation des membres de l'ancien comité, il est très improbable que la demande de retrait de la plainte ait été une véritable demande, libre de toute influence ou pression de la part du gouvernement Kassem. D'ailleurs, la F.S.M n'a pas manifesté le désir de retirer sa propre plainte.
- 84. Dans ces conditions, le Comité a décidé de rejeter la demande du comité exécutif de la Fédération générale des syndicats d'Irak visant à retirer la plainte déposée au nom du comité exécutif qui était précédemment en fonction et d'examiner ladite plainte quant au fond.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 85. Les deux plaintes contiennent des allégations très détaillées et le gouvernement Kassem, de même que le gouvernement actuel, n'a présenté aucun élément détaillé tendant à réfuter les points allégués; en outre, le gouvernement actuel n'a pas l'intention de fournir d'autres observations. Dans ces conditions, le Comité ne peut s'appuyer que sur les éléments présentés par les plaignants.
- 86. Les allégations formulées contre le gouvernement Kassem mettent en cause un certain nombre de principes généralement admis concernant la liberté syndicale auxquels le Comité et le Conseil d'administration ont toujours attaché l'importance la plus grande.
- 87. Ainsi, les allégations relatives aux interventions dans les élections syndicales mettent tout spécialement en cause le principe selon lequel les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élire librement leurs représentants, en dehors de toute ingérence de la part des autorités, principe dont l'importance a été soulignée par le Comité à diverses reprises . En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des réunions et des congrès syndicaux auraient été interdits par le gouvernement Kassem, le Comité a constamment souligné l'importance qu'il a toujours attachée au fait que la non-intervention de la part des gouvernements dans la tenue et le déroulement des réunions syndicales constitue un élément essentiel des droits syndicaux et au principe selon lequel les autorités doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Les allégations ayant trait à la fermeture, sur l'ordre du ministère des Affaires sociales, d'un grand nombre de syndicats et de sections mettent en cause l'observation du principe généralement admis, dont l'importance a toujours été mise en relief par le Comité , selon lequel les syndicats ne devraient pas être susceptibles de dissolution par voie administrative. D'une manière plus générale, les autres actions dont il est fait grief au gouvernement Kassem laissent présumer qu'il y a eu non-observation du droit généralement reconnu qu'ont les syndicats d'organiser leur gestion et leur activité ainsi que de formuler leurs programmes.
- 88. A propos de l'allégation selon laquelle de nombreux travailleurs auraient été déplacés ou licenciés en vue de les empêcher de participer à des élections syndicales, le Comité attire l'attention sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe énoncé à l'article 1 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par l'Irak, selon lequel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, notamment les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice en raison de son affiliation syndicale.
- 89. Il est vrai que tous les actes susmentionnés auraient, selon les allégations, été commis par le gouvernement du général Kassem. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au paragraphe 78 ci-dessus, le Comité a déjà fait ressortir que, puisque dans les circonstances présentes le gouvernement actuel ne peut manifestement être tenu pour responsable des événements qui se sont déroulés sous son prédécesseur, il est, en revanche, manifestement responsable de tous les prolongements que ces événements on pu avoir depuis son arrivée au pouvoir. Dans ces conditions, il semblerait que le Comité doive recommander au Conseil d'administration de prier le gouvernement actuel de l'informer des mesures qu'il a prises pour assurer la restauration complète de la liberté syndicale en Irak, et notamment du droit des syndicats a élire leurs représentants, à organiser leur gestion et leur activité et à formuler leurs programmes en toute liberté, sans aucune intervention de la part des autorités.
- 90. En particulier, le Comité ne pourrait pas être rassuré sur ce point s'il n'obtenait pas des informations du gouvernement actuel sur le sort des syndicalistes qui, selon les allégations, auraient été arrêtés par le gouvernement Kassem, notamment, M. Ali Choukr, ancien président de la Fédération générale des syndicats d'Irak, M. Ara Khachadoor, ancien secrétaire de cette organisation, MM. Sadik El Falahi et Kuleban Salih, membres du comité exécutif qui, d'après les déclarations de la F.S.M, auraient été arrêtés le 1er mai 1961, et enfin, M. Issatah, qui aurait été arrêté lorsqu'il était rédacteur en chef de l'organe de presse de la Fédération.
- 91. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au droit de toute personne détenue d'être jugée rapidement et équitablement par un tribunal impartial et indépendant, et de prier le gouvernement de bien vouloir fournir de toute urgence, compte tenu du principe énoncé ci-dessus, des informations sur les poursuites judiciaires dont ont fait l'objet les personnes mentionnées au paragraphe 90 ci-dessus, ou, s'il n'y a pas eu de poursuites, des renseignements sur la situation dans laquelle se trouvent actuellement ces personnes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 92. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'exprimer son vif regret que le gouvernement actuel, à l'instar du gouvernement précédent du général Kassem, ait limité sa réponse à des généralités concernant les prolongements politiques de la situation en Irak et qu'il n'ait pas jugé à propos de fournir des observations portant sur tes allégations précises formulées dans les plaintes;
- b) de prendre note du fait que, dans ces conditions, le Comité a rejeté la demande du comité exécutif de la Fédération générale des syndicats d'Irak de retirer la plainte déposée, en bonne et due forme, selon la procédure utilisée pour l'examen des violations alléguées des droits syndicaux, au nom du comité exécutif précédemment en fonction et a, par conséquent, examiné quant au fond ladite plainte ainsi que la plainte de la Fédération syndicale mondiale;
- c) d'attirer l'attention sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel les syndicats devraient avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leurs programmes, et que les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ainsi qu'au principe selon lequel les syndicats ne devraient pas être susceptibles de dissolution ou de suspension par voie administrative;
- d) d'exprimer l'opinion, sur la base des éléments détaillés présentés par les plaignants et en l'absence de toute observation précise de la part du gouvernement Kassem ou du gouvernement actuel qui permettrait de réfuter ces allégations, qu'il semble y avoir eu de graves violations des principes énoncés ci-dessus lorsque le gouvernement Kassem était au pouvoir;
- e) de prier le gouvernement actuel, qui ne peut pas être tenu pour responsable des événements qui se sont déroulés sous son prédécesseur, mais qui est responsable de tous les prolongements que ces événements ont pu avoir depuis son arrivée au pouvoir, de faire part au Conseil d'administration des mesures qu'il a prises pour assurer la restauration complète de la liberté syndicale en Irak et, en particulier, da droit des syndicats à fonctionner conformément aux principes énoncés à l'alinéa c) ci-dessus;
- f) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au droit de toute personne détenue d'être jugée promptement et équitablement par un tribunal impartial et indépendant, et de prier le gouvernement de bien vouloir fournir de toute urgence, compte tenu de ce principe, des informations sur les poursuites judiciaires entamées dans les cas de M. Ali Choukr, ancien président de la Fédération générale des syndicats d'Irak, de M. Ara Khachadoor, ancien secrétaire de cette organisation, de MM. Sadik El Falahi et Kuleban Salih, membres du comité exécutif qui, d'après les déclarations de la Fédération syndicale mondiale, auraient été arrêtés le 1er mai 1961, et de M. Issatah, qui aurait été arrêté lorsqu'il était rédacteur en chef de l'organe de presse de la Fédération ou, à défaut de cela, des renseignements sur la situation dans laquelle se trouvent actuellement ces personnes.