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- 262. La présente affaire a déjà été examinée par le comité lors de sa session du mois de mai 1969, à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire, qui figure aux paragraphes 175 à 190 de son 112ème rapport, lequel a été adopté par le Conseil d'administration à sa 175ème session (Genève, mai 1969).
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 263. Il était allégué que sept dirigeants nationaux de l'Union nationale des travailleurs du Tchad (UNATRAT) auraient été arrêtés en février 1968 sous l'inculpation de complot contre la sûreté de l'Etat et internés. Les plaignants affirmaient en outre que, depuis leur arrestation, ces dirigeants syndicaux étaient restés détenus sans jugement et déclaraient que rien ne laissait prévoir que le gouvernement se disposait à ouvrir un procès régulier.
- 264. Dans ses observations, le gouvernement déclarait que les sept dirigeants de l'UNATRAT mis en détention préventive avaient fait l'objet de cette mesure pour avoir participé à des activités subversives. Le gouvernement indiquait ensuite que trois d'entre eux ayant été relâchés, seuls quatre se trouvaient maintenus en détention. Le gouvernement déclarait que ces personnes, par l'apposition d'affiches et la distribution de tracts, avaient incité la population à la révolte et que, par des lettres adressées aux officiers supérieurs de l'armée, elles avaient incité ces derniers à s'emparer du pouvoir; « des documents authentiques et irréfutables - précisait le gouvernement - existent qui étaieront cette déclaration ». Le gouvernement indiquait enfin que les autorités compétentes poursuivaient l'enquête afin d'élucider l'affaire.
- 265. A sa session du mois de mai 1969, le comité a rappelé que, dans tous les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, il a, estimant que c'était à l'individu de bénéficier d'une présomption d'innocence, considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de celui auquel lesdites mesures s'étaient appliquées. C'est pourquoi, dans les cas de ce genre - rappelait le comité - il n'a conclu que des allégations relatives à l'arrestation, la détention ou la condamnation de syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi qu'après avoir pris connaissance des observations des gouvernements donnant le détail des mesures prises à l'encontre des intéressés et établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures étaient étrangères à l'exercice des libertés syndicales et avaient leur origine dans une action dépassant le cadre syndical, soit préjudiciable à l'ordre public, soit de nature politique.
- 266. En vertu du principe rappelé ci-dessus, le comité avait donc recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement, comme il l'avait fait dans de nombreux cas antérieurs, de bien vouloir faire connaître les motifs exacts de l'arrestation des personnes en cause et, notamment, les actes spécifiques qui, aux yeux du gouvernement, avaient justifié les mesures dont les intéressés avaient été l'objet en précisant la nature des documents mentionnés par lui et dont il est question au paragraphe 264 ci-dessus.
- 267. Ayant noté par ailleurs que le gouvernement ne contestait pas le fait que quatre au moins des dirigeants mentionnés dans la plainte se trouvaient en détention préventive, apparemment depuis le mois de février 1968, le comité, à sa session de mai 1969, a rappelé que, dans de nombreux cas antérieurs à l'occasion desquels on avait allégué que des dirigeants ou des membres de syndicats avaient été détenus à titre préventif, il avait toujours exprimé l'avis que des mesures de détention préventive peuvent comporter une sérieuse atteinte à l'exercice des droits syndicaux, qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'un danger grave et qui pourrait faire l'objet de critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties judiciaires appropriées accordées dans un délai raisonnable; le comité a rappelé aussi avoir déclaré que tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, du droit de toute personne détenue d'être jugée promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 268. Le comité, ayant constaté qu'il semblait ressortir des déclarations du gouvernement que l'affaire dont il est question se trouvait encore dans sa phase d'instruction, a, en vertu du principe rappelé au paragraphe précédent, recommandé au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir que les intéressés seraient soit relâchés, soit déférés le plus promptement possible devant une instance judiciaire, et de prier le gouvernement de bien vouloir tenir à cet égard le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation.
- 269. En outre, dans le cas où les personnes en cause auraient été traduites devant un tribunal, le comité, conformément à sa pratique constante, a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte du jugement rendu lorsque celui-ci l'aurait été ainsi que celui de ses considérants e.
- 270. Les recommandations du comité au Conseil d'administration ayant été approuvées par ce dernier, elles ont été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 5 juin 1969, à laquelle le gouvernement a répondu par une communication en date du 20 décembre 1969.
- 271. Dans sa communication, le gouvernement affirme de nouveau que les syndicalistes concernés n'ont pas été arrêtés en raison de leurs fonctions syndicales légitimes mais pour avoir été impliqués dans un complot portant atteinte à la sécurité de l'Etat. Le gouvernement déclare ensuite que « les tracts et les documents compromettants saisis au cours de réquisitions en leur domicile et dans leurs bureaux sont entre les mains des autorités compétentes, et aucune institution étrangère à l'Etat ne peut s'arroger le privilège d'en prendre connaissance ». « Vous comprendrez - déclare en conclusion le gouvernement - que dans ces conditions, et compte tenu de notre souveraineté, seules les institutions tchadiennes sont habilitées à porter des jugements de valeur sur le sort qui leur sera réservé. »
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 272. Au vu des observations du gouvernement, le comité croit devoir rappeler que, dans tous les cas dans lesquels les gouvernements avaient semblé considérer comme une réponse suffisamment fondée de déclarer en termes généraux que la détention de syndicalistes était due à des activités illégales ou subversives et non à des activités syndicales, il avait estimé que le point de savoir si les faits pour lesquels les arrestations ont été effectuées ou les condamnations prononcées relèvent du droit commun ou politique, ou doivent être considérés comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux, ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle manière que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant.
- 273. Dans ces conditions, se conformant en cela à sa pratique constante, le comité, afin d'avoir la possibilité d'apprécier par lui-même les motifs qui ont conduit aux mesures dont les personnes en cause dans l'affaire ont été l'objet, croit devoir recommander au Conseil d'administration d'insister auprès du gouvernement pour que celui-ci veuille bien faire connaître les motifs exacts de l'arrestation des intéressés et, notamment, les actes spécifiques qui, à ses yeux, ont justifié cette arrestation en précisant en quoi consistent les documents que le gouvernement lui-même considère comme des éléments de preuve déterminants et dont il est question au paragraphe 264 ci-dessus.
- 274. Constatant par ailleurs que, dans sa réponse, le gouvernement s'abstient de préciser la situation actuelle des syndicalistes arrêtés et n'indique pas si ces derniers sont ou non passés en jugement, le comité, notant que, d'après les éléments dont il dispose, les personnes en cause paraissent se trouver en détention préventive depuis le mois de février 1968, estime devoir recommander au Conseil d'administration, d'une part, d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, du droit de toute personne détenue d'être jugée promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, d'autre part, de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les intéressés sont ou vont passer en jugement et, dans l'affirmative, de fournir le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 275. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'insister auprès du gouvernement, pour les raisons indiquées aux paragraphes 272 et 273 ci-dessus, pour que celui-ci veuille bien faire connaître les motifs exacts de l'arrestation des dirigeants syndicaux mentionnés dans la plainte et, notamment, les actes spécifiques qui, à ses yeux, ont justifié cette arrestation en précisant en quoi consistent les documents qui sont mentionnés au paragraphe 264 ci-dessus et dont le gouvernement lui-même dit considérer qu'ils constituent des éléments de preuve déterminants;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, du droit de toute personne détenue d'être jugée promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- c) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les intéressés sont ou vont passer en jugement et, dans l'affirmative, de fournir le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations dont la nature est précisée aux trois alinéas précédents.