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- 94. Ce cas, examiné par le comité à sa 61e session (mai-juin 1972), a fait à l'occasion de celle-ci l'objet d'un rapport intérimaire qu'il a présenté au Conseil d'administration (132e rapport, paragr. 30-83).
- 95. Dans le rapport susmentionné, le comité a formulé des remarques préliminaires relatives aux allégations et aux réponses que le gouvernement y a faites. En même temps, le comité a invité le gouvernement à faire part de ses observations sur le complément d'information communiqué par les plaignants le 20 avril 1972. Par télégramme en date du 15 juin 1972, les plaignants ont transmis des informations complémentaires concernant les plaintes.
- 96. Par des communications en date du 23 juin 1972 et du 15 août 1972, le gouvernement a fait parvenir ses observations sur les allégations et le complément d'information contenus dans les communications faites par les plaignants en date du 20 avril 1972 et du 15 juin 1972. Par trois nouvelles communications, deux datées du 23 octobre 1972 et une du 24 octobre 1972, le gouvernement a fourni des informations complémentaires au sujet de l'affaire.
- 97. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 98. Dans leur communication du 20 avril 1972, les plaignants déclarent que, depuis que la Commission des relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales a rendu ses ordonnances de réparation de torts relativement au cas soulevé par le KOKURO et le DORYOKUSHA, un certain changement s'est produit dans l'attitude de la Direction des chemins de fer nationaux. Les plaignants déclarent que le KOKURO et le DORYOKUSHA ont saisi le KOROI de cent cinquante-cinq plaintes en pratiques déloyales de travail, parmi un grand nombre de cas de ce genre survenus au cours des neuf premiers mois de 1971. En octobre et novembre 1971, le KOROI a conclu que six cas concernant le service d'exploitation de Shizuoka et deux cas concernant celui d'Osaka comportaient des pratiques déloyales de travail. Au dire des plaignants, de telles sentences sont tout à fait inhabituelles et sont le résultat de missions entreprises par des hommes politiques, des industriels et des intellectuels, en vue d'observer les pratiques déloyales de travail dans les chemins de fer. La Direction des chemins de fer nationaux, poursuivent les plaignants, a déféré à ces sentences et a présenté des excuses aux syndicats plaignants.
- 99. Les plaignants ajoutent que le président des chemins de fer a réprimandé les agents et commissaires des chemins de fer directement responsables de ces pratiques. Ces réprimandes, qui, affirment les plaignants, on été de pure forme et prononcées pour apaiser l'opinion publique, ne rentrent pas dans la catégorie des sanctions (congédiement, suspension de fonctions, réduction de paie) prévues à l'article 28 de la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales ou à l'article 31 de la loi sur les chemins de fer nationaux dans les cas où un employé aura enfreint des dispositions légales ou failli à ses devoirs professionnels. Au regard des sanctions disciplinaires massives prises par la Direction des chemins de fer en mai 1971, qui ont frappé 25 340 personnes, dont 68 ont été congédiées, les plaignants estiment que l'on ne saurait considérer les réprimandes comme des sanctions prévues par la loi à l'encontre des responsables.
- 100. Les plaignants signalent que, le 22 octobre 1971, a eu lieu une rencontre entre le ministre du Travail, le président des chemins de fer et les présidents des syndicats plaignants. Le ministre a invité les travailleurs et la direction à régler les conflits par voie de négociations collectives indépendantes, sans faire toutefois aucune suggestion quant aux solutions elles-mêmes. Déférant à cette requête, les syndicats se sont rencontrés avec la direction le 29 octobre 1971, en vue de créer des mécanismes de règlement des conflits aux échelons central et local. Les plaignants indiquent qu'un mémorandum élaboré par les deux parties et relatif à ces mécanismes a été signé le 10 décembre par le KOKURO et le 25 décembre par le DORYOKUSHA.
- 101. Les plaignants ajoutent que la commission créée aux termes de ce mémorandum a étudié les points suivants: a) normes d'avancement, classification des tâches et contribution d'attribution d'une médaille pour services exceptionnels; b) barèmes d'augmentations des salaires; c) conditions donnant droit à un logement de fonctions; d) rubans et insignes spéciaux; e) réparations en faveur des membres des syndicats et des travailleurs victimes de discrimination pour avoir pris part à des conflits du travail. Les plaignants déclarent que les travaux de la commission ont permis une amélioration relative dans certains domaines. Toutefois, les questions ayant trait aux principes essentiels, notamment celle des mesures disciplinaires, n'ont toujours pas reçu de solution.
- 102. Les plaignants signalent que deux des syndicats en question escomptant que la Direction des chemins de fer observerait loyalement les dispositions du mémorandum en vertu duquel la commission avait été créée et s'emploierait par tous les moyens à normaliser la situation des victimes de la discrimination se sont, jusqu'en mars 1972, efforcés de faire retirer les plaintes ou de parvenir à un compromis.
- 103. Les plaignants allèguent que le changement d'attitude de la Direction des chemins de fer, réprimandant les cadres supérieurs pour s'être livrés à des pratiques déloyales de travail, présentant des excuses en règle et créant des mécanismes paritaires pour régler les conflits du travail, est superficiel et que sa tactique fondamentale consiste toujours à lancer contre les syndicats des attaques organisées et à appliquer des mesures disciplinaires. De déclarations faites par le président et le vice-président de la direction, postérieurement aux ordonnances rendues par le KOROI, il ressort que celle-ci n'a pas l'intention de reconsidérer son attitude.
- 104. Les cas de pratiques déloyales de travail commises dans les chemins de fer nationaux, poursuivent les plaignants, ont suscité une grande attention à la 66e session extraordinaire de la Diète. La question a été examinée par la Commission des affaires sociales et du travail le 11 octobre 1971, par la Commission des affaires juridiques le 12 octobre 1971, et par la Commission des transports le 13 octobre 1971 en ce qui concerne la Chambre des députés; pour ce qui est du Sénat, elle a été étudiée, également le 13 octobre, par la Commission mixte d'enquête formée par la Commission des affaires sociales et du travail et la Commission des transports. En réponse à des questions posées par des membres de la majorité, comme par des membres de l'opposition, soucieux d'établir quels étaient les véritables responsables des pratiques déloyales de travail dans les chemins de fer, les plaignants déclarent que le président des chemins de fer a confirmé que ces pratiques ne s'étaient produites qu'aux échelons hiérarchiques locaux et qu'il n'avait aucune intention de réprimander le personnel qui en était responsable.
- 105. Selon les plaignants, la Direction des chemins de fer nationaux a indiqué clairement dans son bulletin Kodama que les actes de grève étaient totalement illégaux et que toutes mesures ou action disciplinaire visant à éliminer les grèves étaient admissibles et recommandées. Les plaignants ajoutent que, s'il est vrai que les grèves sont interdites par l'article 17 de la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales, une interprétation et une application arbitraires de ce texte par le gouvernement et par la Direction des chemins de fer constituent une violation flagrante de principes internationalement reconnus en matière de relations professionnelles.
- 106. Les plaignants poursuivent en faisant remarquer que les dispositions relatives aux barèmes des salaires prises en septembre-octobre 1971 fournissent un bon exemple de l'attitude adoptée par la Direction des chemins de fer. Ils produisent un tableau statistique d'où, selon eux, il ressort que les membres des syndicats plaignants ont été victimes d'une discrimination à cet égard. Ils déclarent en outre que, même lorsque la Cour suprême et plusieurs tribunaux locaux se sont prononcés en faveur des employés de l'Etat dans des cas de mesures disciplinaires, la Direction des chemins de fer a fait appel de ces jugements, maintenant ainsi les intéressés suspendus de leurs fonctions durant de longues périodes, façon de procéder qui, selon les plaignants, constitue un abus du droit d'appel de la direction.
- 107. De plus, affirment les plaignants, bien que les syndicats aient rendu publique la liste des cadres responsables de pratiques déloyales de travail, la direction n'a guère pris de mesures ou n'en a pris aucune, et il existe des cas où certains cadres ont été promus.
- 108. Les plaignants allèguent également que la Direction des chemins de fer continue à s'ingérer dans les activités des syndicats visant à sauvegarder l'unité de leurs membres, par exemple en prohibant les emblèmes syndicaux tels que rubans et bannières.
- 109. Les plaignants ajoutent que la hausse vertigineuse du coût de la vie a suscité des revendications en matière d'augmentation de salaire et des programmes d'action collective, parallèlement auxquels la Conférence de coordination des syndicats des sociétés publiques et des entreprises nationales (télécommunications, chemins de fer nationaux, service postal, etc.) a adopté un programme analogue en janvier 1972. Les plaignants indiquent que, le 17 mars 1972, des représentants de cette conférence se sont rencontrés avec le ministre du Travail et ont réclamé une augmentation des salaires, la reconnaissance officielle du droit de grève et la cessation des mesures disciplinaires. A ces revendications, le gouvernement a, selon les plaignants, répondu que des conversations approfondies entre direction et travailleurs étaient envisagées, mais que la situation économique était grave et qu'au surplus les chemins de fer nationaux étaient aux prises avec de nombreux problèmes de gestion. En ce qui concerne le droit de grève, on escomptait que le Conseil de la fonction publique (organe consultatif du gouvernement) parviendrait à une solution équitable après examen de la question. Pour ce qui est des mesures disciplinaires, le gouvernement a déclaré qu'étant donné que la loi interdit les actes de grève aux travailleurs des sociétés publiques et des entreprises nationales il était inévitable que des mesures disciplinaires fussent prises à l'encontre de ceux-ci s'ils la violaient. En outre, les plaignants, dans une communication du 15 juin 1972, déclarent qu'en dépit d'une sentence arbitrale en matière de salaires, rendue le 27 mai 1972, le gouvernement, conformément à l'article 16 de la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales, a porté la question devant la Diète, étant donné qu'aucun crédit budgétaire permettant d'appliquer la sentence n'était disponible.
- 110. En conclusion, les plaignants affirment qu'un affrontement des travailleurs et de la direction est envisagé, en raison de la possibilité d'un excédent de main-d'oeuvre de 110 000 personnes durant les cinq prochaines années, provoqué par le plan du gouvernement visant à combler le déficit des chemins de fer. On s'attend, ajoutent les plaignants, à ce que la Direction des chemins de fer nationaux continue ses attaques contre la liberté syndicale et les négociations collectives. De plus, affirment les plaignants, l'article 17 de la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales n'interdit pas totalement le droit de grève; aussi les actions collectives entreprises par les syndicats plaignants pour élever une protestation contre une attaque imminente menaçant les syndicats sont-elles légales et constituent-elles des actes de grève appropriés.
- 111. Par une communication du 23 juin 1972, le gouvernement transmet les observations de la Direction des chemins de fer nationaux sur le complément d'information fourni par les plaignants. Dans sa réponse en date du 15 août 1972, il signale que les observations demandées sur les informations contenues dans la communication faite par les plaignants le 20 avril 1972 ont déjà été transmises au BIT. Il souhaite cependant formuler les observations suivantes sur les points abordés par le comité aux paragraphes 81 et 82 de son 132e rapport.
- 112. Au paragraphe 81 de son 132e rapport, le comité a souligné « l'importance de mécanismes efficaces et rapides pour examiner les plaintes pour actes de discrimination antisyndicale dans l'emploi comme moyen de donner effet aux dispositions de la convention no 98 » et a estimé que « les autorités nationales ont de plus, lorsqu'il s'agit d'entreprises publiques nationales, la responsabilité de prévenir tous actes de cet ordre et de prendre les mesures voulues à cet effet, par exemple en formulant clairement une déclaration de principe accompagnée d'instructions précises à appliquer par tous les échelons de la direction ».
- 113. Le gouvernement fait remarquer qu'en ce qui concerne l'« efficacité » de ces mécanismes il a déjà déclaré dans ses observations communiquées le 9 février 1972 que l'actuel système de réparation des pratiques déloyales de travail au Japon est fondé sur le principe dit de restitution, lequel exige de l'employeur (au moyen d'une injonction adressée à celui-ci par une commission des relations professionnelles comme le KOROI) qu'il rétablisse sous sa propre responsabilité l'état de choses existant antérieurement aux pratiques inéquitables en question. On s'accorde à reconnaître, poursuit le gouvernement, que ce système est plus favorable à l'harmonie dans les relations professionnelles et à la protection des travailleurs que le système d'avant 1949, qui frappait de sanctions pénales les employeurs coupables de pratiques déloyales de travail. L'efficacité de ces mécanismes semble avoir été abondamment prouvée par le fait que les injonctions lancées par le KOROI pour remédier aux pratiques déloyales de travail ont joué un rôle décisif dans le règlement du conflit survenu dans les chemins de fer nationaux auquel elles ont puissamment contribué. De plus, on peut ajouter, affirme le gouvernement, que les travailleurs ont pleinement le droit, qui leur est garanti, d'introduire une action devant les tribunaux, selon la procédure ordinaire.
- 114. En second lieu, déclare le gouvernement, la « rapidité avec laquelle le KOROI porte remède aux pratiques déloyales de travail est sans aucun doute un problème important, puisque la raison d'être de mécanismes de ce genre est précisément de mettre fin par des moyens expéditifs et simples à ces pratiques ». Le gouvernement indique qu'il ne considère pas que le KOROI soit particulièrement lent à l'heure actuelle à examiner les cas de pratiques déloyales de travail, mais que cet organisme devrait s'efforcer d'en accélérer l'examen avec la collaboration des deux parties.
- 115. En outre, poursuit le gouvernement, il incombe à la Direction nationale des chemins de fer de prévenir, dans toute la mesure possible, les pratiques déloyales de travail commises aux échelons inférieurs de l'organisation et cette direction a déjà pris, à propos du conflit en question, diverses mesures pour faire connaître sa politique à cet égard.
- 116. Dans sa communication du 23 octobre 1972, le gouvernement transmet la copie d'une déclaration faite le 11 octobre 1971 par le président des chemins de fer nationaux dans laquelle il dit que les pratiques déloyales de travail ne sauraient être autorisées dans les chemins de fer nationaux sous couvert de la campagne de productivité. Selon cette déclaration, le président s'est attaché à faire disparaître la méfiance qui existe entre les travailleurs et la direction, encore - a-t-il dit - que du temps serait nécessaire pour réorganiser cette énorme corporation et la faire fonctionner de manière effective. Le gouvernement joint également à sa communication la copie d'une circulaire du 21 octobre 1971 émanant du président des chemins de fer nationaux et destinée à tous les chefs de service du siège et des bureaux locaux. Cette circulaire donne instruction aux destinataires de donner effet à la décision du KOROI dans le cas de la Division d'opération du chemin de fer de Shizuoka. Elle décrit en termes généraux ce qu'il faut entendre par pratiques déloyales de travail et donne instruction aux destinataires d'avoir à exercer un contrôle strict des personnels subalternes de l'administration afin d'éviter que ne se reproduisent des actes pouvant être qualifiés de pratiques déloyales de travail.
- 117. La déclaration du président des chemins de fer nationaux ajoute que, le 23 octobre 1971, des mesures disciplinaires ont été prises contre les fonctionnaires administratifs responsables des pratiques déloyales de travail et qu'à toute occasion, telle que la formation de personnel administratif, des mesures ont été prises pour que soient évitées de telles pratiques. Depuis lors, d'après la déclaration, aucune pratique de ce genre n'a été à déplorer. En conséquence, poursuit la déclaration, on estime que « des mesures voulues à cet effet en formulant clairement une déclaration de principe accompagnée d'instructions précises à appliquer par tous les échelons de direction », ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 81 du 132e rapport du comité, ont été prises.
- 118. En ce qui concerne les sanctions prises contre les travailleurs qui ont enfreint l'interdiction frappant les actes de conflit, le gouvernement rappelle, dans sa communication en date du 15 août 1972, ce que le comité a déclaré au paragraphe 82 de son 132e rapport, à savoir qu'il « considère qu'une attitude inflexible dans l'application des sanctions prévues par la loi n'est pas propre à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses ». Le comité avait cité à cet égard les « différences permanentes dans la rémunération » établies entre les travailleurs du fait des sanctions adoptées et ajouté qu'« il y a lieu de rappeler que le comité et la Commission d'investigation et de conciliation ont déjà suggéré que le gouvernement pourrait prendre des mesures pour atténuer l'inflexibilité et la sévérité avec lesquelles sont appliquées les mesures disciplinaires dans le secteur public ».
- 119. Le gouvernement fait remarquer à ce propos que ni la convention no 87, ni la convention no 98 ne traitent du droit de grève. Le gouvernement considère donc qu'il ne s'agit pas au paragraphe 82 du 132e rapport de l'application des conventions de l'OIT, mais uniquement de l'interprétation et de l'application de la législation nationale. A cet égard, le gouvernement ajoute qu'en ce qui concerne la législation nationale actuelle, qui interdit les actes de conflit aux travailleurs des sociétés publiques et qui prévoit le congédiement ou des sanctions disciplinaires à l'encontre de ceux qui enfreignent cette interdiction, la Cour suprême l'a déclarée constitutionnelle à l'occasion de plusieurs cas, dans le souci de garantir les intérêts vitaux de l'ensemble du pays.
- 120. Le gouvernement déclare qu'il considère inévitable dans un régime constitutionnel que ceux qui, en violation d'une interdiction légale et au mépris des avertissements du gouvernement et des autorités, commettent des actes de conflit soient passibles des sanctions disciplinaires prévues par la loi. Quant à déterminer si certaines mesures disciplinaires sont trop sévères, le gouvernement affirme qu'il fait confiance aux autorités compétentes pour veiller dans chaque cas à ce que la sanction soit proportionnée à la faute et ajoute que toute réclamation concernant l'opportunité de la mesure prise doit être portée devant le tribunal compétent.
- 121. Le gouvernement constate que des actes de conflit sont commis de manière répétée dans les chemins de fer nationaux, en violation des interdictions légales. Dans une société publique de ce genre jouant un rôle aussi important dans la vie et l'économie du pays, et dans laquelle un grand nombre de mesures disciplinaires doivent être prises à l'encontre du personnel, il estime qu'une telle situation est hautement indésirable. En conclusion, il exprime l'espoir que des relations professionnelles stables seront établies sur une base de confiance mutuelle et de collaboration entre la Direction des chemins de fer nationaux et les syndicats intéressés.
- 122. En ce qui concerne les mesures disciplinaires prises à l'occasion de conflits, la Direction des chemins de fer nationaux, dans des déclarations transmises par le gouvernement les 23 et 25 octobre 1972 respectivement, souligne que le nombre des actes de conflit" a considérablement augmenté au cours des années récentes et que les procédures légales pour le règlement des différends ont été ignorées. La Direction des chemins de fer nationaux joint à sa déclaration une liste de grèves et de grèves perlées déclenchées au cours des années récentes par le KOKURO et le DORYOKUSHA en vue de trouver une solution aux problèmes en litige et, parfois, selon la Direction des chemins de fer, pour des motifs politiques. Les déclarations ajoutent que les syndicats ont fréquemment violé la loi et qu'il était inévitable que les personnes commettant des actes de conflit tombent sous le coup des sanctions prévues par la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales et par la loi sur les chemins de fer nationaux.
- 123. Depuis le mois d'avril 1972, poursuivent les déclarations, des actes illégaux de conflit ont été commis journellement, causant des perturbations sans précédent dans le trafic des voyageurs et des marchandises et affectant sérieusement l'économie nationale. Ces actes illégaux, selon la Direction des chemins de fer nationaux, ont été commis au mépris des procédures de règlement à l'amiable des différends. Les efforts déployés pour convaincre les syndicats de s'orienter vers un règlement pacifique des conflits ont échoué. En particulier le DORYOKUSHA, en avril 1972, a fait une grève perlée de vingt-cinq jours pour protester contre les mesures disciplinaires prises à l'encontre de syndicalistes qui avaient commis des actes de violence et, par la suite, a recouru en de nombreuses occasions à la grève perlée pour protester contre l'arrestation de syndicalistes soupçonnés de s'être rendus coupables d'actes de violence. La Direction des chemins de fer fournit un tableau d'où il ressort que, les 2 et 14 septembre 1972, des notifications de mesures disciplinaires ont été envoyées à près de 39 000 membres du KOKURO et du DORYOKUSHA à la suite d'actes illégaux de conflit. Ces notifications ont été suivies de grèves perlées illégales dans tout le pays qui ont causé de graves perturbations.
- 124. La déclaration de la Direction des chemins de fer nationaux mentionne que, en particulier, les membres du DORYOKUSHA ont, en groupes, commis des actes de violence contre du personnel de direction et contre des employés affiliés à des syndicats autres que le KOKURO et le DORYOKUSHA. Des statistiques détaillées de cas de ce genre sont fournies dans la déclaration.
- 125. La déclaration fait valoir que le différentiel de salaire dans le cas d'une personne qui a été l'objet de mesures disciplinaires fait partie du mécanisme des salaires dans les chemins de fer, tel qu'il a été mis sur pied par voie de convention collective. La déclaration explique qu'alors qu'une personne ayant de bons états de service reçoit un salaire annuel supérieur au salaire normal une personne ayant de mauvais états de service reçoit moins que le salaire normal. Ce différentiel, néanmoins, n'a pas un caractère permanent, et si les états de service de la personne s'améliorent l'augmentation supplémentaire dépassant l'augmentation normale lui sera accordée.
- 126. Selon la Direction des chemins de fer nationaux, la question du différentiel des salaires a été une question clé au cours des négociations d'avril 1972 sur les augmentations de salaire. La question a été renvoyée devant le KOROI aux fins de conciliation et il a fait valoir que les salaires désavantageux octroyés à ceux qui avaient fait l'objet de mesures disciplinaires pour fait de conflit devraient être compensés dans une certaine mesure. A la suite de cet avis, poursuit la Direction des chemins de fer, de nouvelles négociations entre les travailleurs et la direction ont abouti à la conclusion d'une convention collective sur l'augmentation annuelle des salaires pour avril 1972. Cette convention a rendu plus claires les mesures compensatoires au regard des salaires désavantageux.
- 127. La Direction des chemins de fer déclare que des discussions positives ont eu lieu avec les syndicats et qu'un accord a été atteint sur beaucoup de questions. Le 27 septembre 1972, on a abouti à un accord entre la direction et les deux syndicats concernant les différends relatifs aux pratiques déloyales de travail et les conflits relatifs aux mesures disciplinaires ont été aplanis. En vertu de cet accord, les commissions d'ajustement des conflits, créées aux niveaux national et locaux pour connaître des différends dans le cadre de la campagne de productivité, ont été supprimés à dater du 30 septembre 1972.
- 128. Dans sa deuxième communication datée du 23 octobre 1972, le gouvernement fournit des informations concernant la sentence arbitrale rendue par le KOROI le 27 mai 1972 à la suite de la demande d'augmentation de salaire formulée par le KOKURO, le DORYOKUSHA, le Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer et le Syndicat national des travailleurs du matériel ferroviaire en avril 1971. Cette sentence, déclare le gouvernement, a eu pour effet d'augmenter les salaires de quelque 8 000 yen, nécessitant des ressources financières de 75 billions de yen pour l'année fiscale en cours et sans compter les ressources nécessaires à l'augmentation de salaire normale.
- 129. Le gouvernement explique à fond la situation financière des chemins de fer nationaux et les raisons pour lesquelles il a été difficile de donner effet à la sentence d'arbitrage. En vertu de la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales, le gouvernement, le 6 juin 1972, a demandé à la Diète de prendre une décision sur la sentence et, le même jour, a déposé un projet de loi à la Chambre des représentants en vue d'une décision de la Diète. Le gouvernement déclare qu'aucune décision n'a été prise et que le projet de loi a été renvoyé à la prochaine session pour que la Chambre des représentants puisse continuer à en délibérer.
- 130. Le gouvernement, toutefois, le 23 juin 1972, a confirmé sa politique visant à appliquer pleinement la sentence, comme il l'avait fait depuis 1957. Il a en conséquence décidé de soumettre le plus rapidement possible à la Diète le plan de reconstruction des chemins de fer nationaux et d'étudier les moyens de financer l'augmentation des salaires accordés.
- 131. Le gouvernement déclare que, le 1er septembre 1972, il a informé la Diète que la sentence d'arbitrage serait mise en oeuvre au moyen d'un emprunt à long terme à titre de mesure d'urgence, en faisant des efforts en vue de la complète nationalisation des chemins de fer et en établissant le plan de reconstruction des chemins de fer à une date rapprochée. Ainsi, déclare le gouvernement, la sentence arbitrale sera bientôt pleinement appliquée.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 132. Le comité prend note avec intérêt des informations complémentaires fournies par les plaignants et des observations communiquées par le gouvernement ainsi que par la Direction des chemins de fer nationaux. Il constate que les questions qui continuent à faire l'objet d'allégations et d'observations de la part des syndicats plaignants sont les attaques auxquelles, au dire des plaignants, la Direction des chemins de fer nationaux se livrerait contre les syndicats, le processus de nationalisation du réseau ferroviaire dont les syndicats redoutent qu'il ne rende superflus bon nombre d'emplois, l'interdiction des grèves dans les sociétés publiques et les entreprises nationales avec, comme conséquence, les mesures disciplinaires frappant les grévistes.
- 133. Le comité prend note de l'allégation formulée par les plaignants selon laquelle les 8, 11 et 13 octobre 1971 des dirigeants des chemins de fer nationaux ont déclaré qu'ils n'avaient à aucun moment admis qu'il y eût des cas quelconques de pratiques déloyales de travail et que, même si la chose avait eu lieu, elle s'était produite seulement aux échelons hiérarchiques locaux.
- 134. A cet égard, le comité fait observer qu'il a déjà constaté l'existence d'actes équivalant à des pratiques déloyales de travail (voir 132e rapport, paragr. 81). Le comité a souligné l'importance de mécanismes efficaces et rapides pour examiner les plaintes pour actes de discrimination antisyndicale dans l'emploi comme moyen de donner effet aux dispositions de la convention no 98. Le comité a également estimé que les autorités nationales ont de plus, lorsqu'il s'agit d'entreprises publiques nationales, la responsabilité de prévenir tous actes de cet ordre et de prendre les mesures voulues à cet effet, par exemple en formulant clairement une déclaration de principes accompagnée d'instructions précises à appliquer par tous les échelons de direction.
- 135. Le comité note avec intérêt, au vu des informations fournies par le gouvernement, qu'une déclaration a été faite par le président des chemins de fer nationaux visant à prévenir les pratiques déloyales de travail et que, le 21 octobre 1971, une circulaire a été distribuée à tous les chefs, y compris les chefs locaux, décrivant d'une manière générale ce qu'il faut entendre par pratiques déloyales de travail et donnant instruction à tous les chefs d'exercer un contrôle strict pour éviter que ne se renouvellent des mesures pouvant être qualifiées de pratiques déloyales de travail.
- 136. En ce qui concerne le processus de nationalisation du réseau ferroviaire, le comité a noté, lorsqu'il a examiné le présent cas à sa dernière session (voir 132e rapport, paragr. 80), qu'en mai 1972 plusieurs accords ont été conclus entre la Direction des chemins de fer nationaux et le Syndicat national des cheminots, accords relatifs, d'une part, à la consultation préalable de l'organisation syndicale en matière de modernisation, de mécanisation et de nationalisation et, d'autre part, à la sécurité dans l'emploi et le transfert de personnel. Le comité a également noté que des accords similaires sont intervenus avec d'autres syndicats. Le comité exprime l'espoir que des consultations empreintes d'un esprit constructif se poursuivront entre les parties en ce qui concerne le processus de nationalisation et que celles-ci parviendront à un accord sur toutes les questions mises à l'étude.
- 137. Le comité note aussi avec intérêt qu'en octobre 1971 une commission paritaire a été créée en vue de régler les conflits du travail. Selon les plaignants, les travaux de cet organisme ont permis certaines améliorations de la situation, bien que la question des mesures disciplinaires n'ait pas été résolue. Ce sont également ces mesures, ainsi que le droit de grève et les salaires, qui ont apparemment figuré à l'ordre du jour d'une conférence paritaire réunissant les représentants des syndicats des sociétés publiques et des entreprises nationales et le ministre du Travail. Toutefois, au dire des plaignants, la prise de position du gouvernement relativement à ces questions n'a pas été favorable aux syndicats. Le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement, selon lesquelles, le 27 septembre 1972, il a été abouti à un accord entre la Direction des chemins de fer et les deux syndicats intéressés concernant les conflits relatifs aux pratiques déloyales de travail et que les différends sur les mesures disciplinaires avaient été réglés. Le comité note également que toutes les commissions d'ajustement des conflits ont été supprimées. Le comité espère que les négociations se poursuivront et que les parties continueront à se prêter par leur attitude à un règlement paisible de leur conflit d'intérêts.
- 138. Pour ce qui est du problème des mesures disciplinaires, le comité constate que celui-ci est lié au droit de grève ou de se livrer à d'autres actes de conflit dans le secteur publie. Sur la base des informations dont il dispose, il apparaît clairement aux yeux du comité que les syndicats se sont engagés à atteindre leur but qui est de recouvrer intégralement le droit de grève des employés des sociétés publiques, alors que le gouvernement continue à soutenir avec intransigeance son point de vue selon lequel l'interdiction absolue de ce droit doit être maintenue dans le secteur public. De plus, ainsi que l'a remarqué la Commission d'investigation et de conciliation en 1966, alors que le gouvernement a tendance à tenir pour illégaux tous les actes de conflit, les syndicats adoptent la position inverse consistant à leur attribuer un caractère légal. Telles sembleraient être dans une large mesure, d'après les informations les plus récentes parvenues au comité, les positions respectives des parties en présence. Le comité désire rappeler à ce propos que la Commission d'investigation et de conciliation a exprimé l'opinion que même dans les secteurs où un service déterminé sert l'intérêt public de façon suffisamment marquée pour justifier l'interdiction des grèves il ne s'ensuit pas que toutes les autres formes d'action concertée de la part des travailleurs doivent être interdites.
- 139. En ce qui concerne notamment le droit de grève, le comité considère que, lorsque ce droit est refusé aux travailleurs des chemins de fer nationaux, la procédure d'arbitrage devrait être mise en oeuvre rapidement et les sentences devraient être obligatoires pour les deux parties sans aucune restriction. Le comité a pris note des explications fournies par le gouvernement en ce qui concerne les mesures envisagées pour donner effet à la sentence arbitrale rendue par le KOROI en mai 1972 par laquelle une augmentation de salaire devait être octroyée aux travailleurs des chemins de fer. A cet égard, le comité a déjà indiqué que le fait que le pouvoir budgétaire soit réservé à l'autorité législative ne devrait pas avoir pour conséquence d'empêcher l'application des jugements rendus par le tribunal d'arbitrage obligatoire.
- 140. Le comité considère également qu'il y a lieu de répéter qu'une attitude inflexible dans l'application des sanctions prévues par la loi n'est pas propre à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses et de rappeler la suggestion faite par la Commission d'investigation et de conciliation selon laquelle le gouvernement pourrait prendre des mesures pour atténuer l'inflexibilité et la sévérité avec lesquelles sont appliquées les mesures disciplinaires dans le secteur public.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 141. Dans ces conditions, et considérant le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur les considérations émises aux paragraphes 134 à 140 ci-dessus et, en particulier:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives aux pratiques déloyales de travail, de noter avec intérêt les informations fournies par le gouvernement concernant les mesures adoptées par le président de la Direction des chemins de fer nationaux afin d'éviter dans l'avenir les pratiques de cette sorte (voir paragr. 116) et d'inviter cette direction à faire en sorte que ces mesures soient fermement mises en oeuvre à tous les échelons des chemins de fer nationaux;
- b) pour ce qui est des allégations ayant trait aux mesures disciplinaires:
- i) de signaler de nouveau au gouvernement qu'une attitude inflexible dans l'application des sanctions n'est pas propre à favoriser le développement harmonieux de relations professionnelles, ce qui peut notamment être le cas lorsque les sanctions prises entraînent les différences permanentes dans la rémunération des travailleurs;
- ii) de rappeler la suggestion, qui avait été faite au gouvernement en plusieurs occasions antérieures, que des mesures pourraient être prises pour réduire la rigueur et la sévérité avec lesquelles ces mesures sont appliquées dans le secteur public;
- c) en ce qui concerne les allégations relatives au droit de grève, de souligner l'importance qu'il attache à ce que, lorsque les grèves sont interdites dans les services essentiels ou dans la fonction publique, une telle restriction soit accompagnée de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer, les décisions arbitrales devant être dans tous les cas obligatoires pour les deux parties et les jugements une fois rendus devant être exécutés rapidement et de façon complète.