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- 78. Le comité a examiné ces deux cas, la dernière fois, à sa session de novembre 1973, à l'occasion de laquelle il a soumis au Conseil d'administration des rapports intérimaires figurant aux paragraphes 437 à 467 (cas no 698), et aux paragraphes 468 à 481 (cas no 749) de son 139e rapport. Le 139e rapport du comité a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 191e session (novembre 1973). Le comité, à sa session de février 1974, a ajourné l'examen des deux cas, les observations du gouvernement ne lui étant pas parvenues.
- 79. Le gouvernement a présenté ses observations sur les deux cas dans une communication en date du 23 avril 1974. Cette communication est parvenue trop tard pour que le comité puisse examiner les deux cas quant au fond, à sa session de mai 1974.
- 80. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes- 81. Il convient de rappeler qu'au cours du débat qui s'est instauré au sein du Conseil, à sa 190e session (mai-juin 1973), les membres travailleurs ont fait état d'informations qui leur seraient parvenues selon lesquelles les dirigeants syndicaux du syndicat des enseignants du Sénégal, M. Segal Fall, M. M'Baba Guisse et M. Babacar Sane avaient été arrêtés le 27 mars 1973. A la demande des membres travailleurs, le Conseil d'administration a prié le gouvernement de confirmer l'exactitude de ces informations. Le gouvernement a répondu dans une communication du 8 août 1973 que les intéressés avaient été mis en liberté provisoire le 24 juillet 1973 par la Cour de Sûreté de l'Etat et que la décision définitive de cette juridiction serait transmise au comité dès qu'elle serait prononcée. Prenant note de cette déclaration, le comité, à sa session de novembre 1973, a prié le gouvernement de le tenir au courant de toute évolution en la matière, étant entendu que le comité soumettrait un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aurait reçu ces informations.
- 82. En ce qui concerne les autres allégations soumises à l'examen du comité, la seule question encore en suspens concernait également l'arrestation de syndicalistes membres du syndicat des enseignants du Sénégal. Le gouvernement avait, dans ses observations, déclaré qu'un certain nombre d'enseignants avaient été arrêtés pour avoir accompli des manoeuvres ou des actes "de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions politiques ou leur fonctionnement, à enfreindre les lois du pays, c'est-à-dire des délits réprimés par le Code pénal (article 80, alinéa 2)". Le gouvernement ajoutait que ces personnes avaient provoqué des troubles politiques graves, dans le but final de renverser le régime légalement établi. Le gouvernement avait été prié, à ce propos, d'indiquer si tous les syndicalistes en cause étaient passés en jugement et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'instance judiciaire qui avait eu à connaître de leur cas, et de fournir le texte du jugement rendu avec ses attendus.
- 83. Dans sa réponse du 23 avril 1974, le gouvernement déclare, en ce qui concerne les poursuites intentées contre les syndicalistes, que c'est la Cour de Sûreté de l'Etat qui a connu de l'affaire. Cette Cour, précise le gouvernement, est une juridiction particulière chargée, depuis 1961, de juger les crimes et les délits à caractère politique. Elle est présidée par le premier Président de la Cour d'appel. Les droits de la défense y sont rigoureusement respectés et les prévenus peuvent se faire assister d'un avocat de leur choix. Le gouvernement donne le nom de l'avocat qui a assuré la défense des personnes dont il est question et transmet le texte des jugements prononcés par la Cour de Sûreté de l'Etat.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité- 84. La dernière fois qu'il a examiné les allégations concernant l'arrestation de MM. Segal Fall, M'Baba Guisse et Babacar Sane, le comité a souligné qu'en cas d'allégations relatives à la poursuite et à la condamnation de dirigeants syndicaux, la question qui se pose est de savoir quelle était la véritable raison des mesures incriminées et que c'est seulement si ces mesures étaient motivées par des activités de caractère syndical qu'il y aurait atteinte à la liberté syndicale. Dans les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, le comité a estimé également que l'intéressé devait bénéficier d'une présomption d'innocence et a considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de la personne à laquelle lesdites mesures étaient appliquées. (Voir 139e rapport, paragraphe 465.)
- 85. En ce qui concerne l'arrestation des autres syndicalistes mentionnés dans la plainte, le comité a souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel, chaque fois que des syndicalistes sont détenus, y compris lorsqu'ils sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement estime sans rapport avec leurs fonctions ou leurs activités syndicales, les intéressés, doivent être jugés équitablement et dans les plus brefs délais par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Quand il est apparu au comité que, d'après les informations qui lui avaient été fournies, les intéressés avaient été jugés par les autorités judiciaires compétentes, qu'ils avaient bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière et qu'ils avaient été condamnés pour des actes qui n'avaient aucun rapport avec les activités syndicales ou qui débordaient le cadre des activités syndicales normales, le comité a estimé que le cas n'appelait pas un examen plus approfondit. Il a cependant insisté sur le fait que la question de savoir si le motif des condamnations prononcées relevait d'un délit criminel ou de l'exercice des droits syndicaux n'était pas de celles qui peuvent être tranchées unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c'était au comité qu'il appartenait de se prononcer sur ce point, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement. (Voir paragraphe 477 du 139e rapport.)
- 86. Le comité note, d'après les jugements prononcés par la Cour de Sécurité de l'Etat, que MM. Fall, Guisse et Sane, du Syndicat des enseignants du Sénégal, ont été jugés les 25 et 26 septembre 1973 et condamnés pour avoir commis des actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions politiques ou leur fonctionnement, à enfreindre les lois du pays, c'est-à-dire des délits réprimés par l'article 80 du Code pénal. Du texte du jugement, il semble ressortir que leurs actions ont consisté à rédiger, publier et diffuser des tracts de nature à jeter le discrédit sur la politique éducative du gouvernement. Le comité note que la diffusion de ces tracts a constitué un appui ou un encouragement aux manifestations d'étudiants qui se sont déroulées pendant le mois de mars 1973 ou à peu prés à cette époque. Le comité note que les syndicalistes ont été tous les trois condamnés à six mois de prison avec sursis. Dans le second jugement communiqué par le gouvernement, le comité relève que cinq autres membres du même syndicat ont été jugés pour des délits analogues et condamnés aux mêmes peines.
- 87. Selon les jugements mentionnés ci-dessus, les tracts qu'auraient publiés et diffusés les syndicalistes intéressés contenaient les passages suivants: "Le Syndicat des enseignants du Sénégal demande à tous les militants de rester vigilants afin de déjouer toutes les manoeuvres du gouvernement qui, chaque fois qu'il se trouve devant les difficultés qu'il a lui-même créées par sa politique néocolonialiste, antisociale et antidémocratique, cherche à détourner l'attention des véritables problèmes et répand une propagande mensongère tendant à rejeter la responsabilité de ce malaise sur les organisations démocratiques, restreignant ainsi les libertés syndicales et démocratiques... Le Syndicat des enseignants du Sénégal rappelle qu'il est un syndicat qui combat ouvertement la politique éducative rétrograde du gouvernement, lutte pour le respect des libertés syndicales et démocratiques et pour une politique éducative nationale qui soit indépendante et démocratique... il attire l'attention des forces démocratiques et des parents d'élèves sur la responsabilité spéciale que porte le gouvernement dans la situation scolaire et universitaire actuelle, etc..."
- 88. En ce qui concerne les publications des organisations syndicales, le comité a déjà estimé, dans des cas précédents, que ce n'est que dans la mesure où elles prendront soin de ne pas conférer à leurs revendications professionnelles un caractère nettement politique que les organisations pourront légitimement prétendre à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à leurs activités. D'autre part, le comité a fait observer que la frontière entre ce qui est politique et ce qui est proprement syndical est difficile à tracer avec netteté. Les deux notions s'interpénètrent et il est inévitable, et parfois normal, que les publications syndicales comportent des prises de position sur des questions ayant des aspects politiques comme sur des questions strictement économiques et sociales.
- 89. Dans le cas présent, le comité est d'avis, d'après les informations dont il dispose, que les tracts en question contenaient des passages dont le caractère était essentiellement politique et qui dépassaient le cadre de ce que l'on peut définir, à proprement parler, comme une activité syndicale normale. La publication et la diffusion des tracts ont été considérés comme constituant un délit aux termes de l'article 80 du Code pénal pour lequel les syndicalistes en question ont été jugés et condamnés dans le cadre d'une procédure judiciaire régulière. Les syndicalistes inculpés semblent avoir bénéficié à tout moment des garanties d'une défense régulière.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 90. Eu égard à toutes ces circonstances, et considérant le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur les principes et les considérations exprimés au paragraphe 88 ci-dessus et, pour les raisons exposées au paragraphe 89, de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.