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- 108. Le comité a déjà examiné ce cas en mai 1973 et en novembre 1973, et a présenté au Conseil d'administration, à chacune de ses sessions, un rapport intérimaire. Ces rapports figurent aux paragraphes 97 à 101 et 117 à 121 de son 137e rapport et aux paragraphes 375 à 384 de son 139e rapport.
- 109. L'Espagne n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 110. La Fédération syndicale mondiale et l'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie alléguaient que Marcelino Camacho et neuf de ses compagnons avaient été arrêtés. L'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie ajoutait que les accusations portées contre ces personnes étaient caractéristiques de la violation des droits syndicaux en Espagne.
- 111. Le gouvernement avait signalé que ces personnes avaient été arrêtées pour menées subversives, avec récidive, et mises à la disposition de l'autorité judiciaire compétente. D'après lui, un des inculpés avait été en outre accusé de faux en titres publics, car il était en possession d'une fausse carte d'identité nationale, munie d'une photographie.
- 112. Dans son 137e rapport, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de l'informer des motifs exacts de l'arrestation des personnes citées dans les plaintes, notamment des actes qui avaient justifié les mesures prises contre elles, ainsi que de lui communiquer le texte du jugement, avec ses attendus, quand il aurait été prononcé.
- 113. Dans une communication ultérieure, le gouvernement indiquait que ces personnes avaient été arrêtées parce que la police avait appris qu'un groupe se donnant le nom de "Commission nationale de coordination" et poursuivant des objectifs subversifs allait tenir une réunion clandestine; ce groupe, d'obédience communiste, prétendait être le sommet d'une organisation subversive déclarée illégale par le Tribunal suprême dans plusieurs arrêts définitifs. Avertie de cette réunion et de ses buts, la police avait demandé au pouvoir judiciaire, et obtenu de lui, le mandat voulu pour pénétrer dans le local où la réunion devait avoir lieu et elle y avait trouvé dix personnes qui tentaient, les unes de fuir, les autres de se cacher dans divers endroits du bâtiment. Toutes ces personnes avaient été mises immédiatement à la disposition de l'autorité judiciaire, de même que les renseignements recueillis et les objets trouvés lors de la perquisition et pouvant constituer des preuves de délit; il ressortait de ces renseignements que toutes ces personnes étaient connues de la police, plusieurs d'entre elles étant des récidivistes, que l'une d'elles utilisait de faux papiers et que, dans l'ensemble, il s'agissait de chefs d'une organisation clandestine de caractère subversif. Selon le gouvernement, c'étaient ces actes (le secret de l'instruction étant réservé) qui avaient amené le juge à ordonner leur inculpation et leur arrestation. Le gouvernement indiquait enfin certaines démarches qui avaient retardé le cours du procès.
- 114. Dans son 139e rapport, le comité avait noté ces informations et rappelé notamment l'importance qu'il attachait à ce que, dans tous les cas, y compris quand des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels, ces personnes soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Il avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui envoyer le texte du jugement qui serait prononcé avec ses attendus.
- 115. Le gouvernement a indiqué, dans une lettre du 6 février 1974, que le tribunal compétent avait statué le 29 décembre 1973, mais que les avocats de la défense avaient introduit un recours en cassation devant le Tribunal suprême pour de supposés vices de forme et violation de la loi. Le gouvernement ajoutait que l'affaire se trouvait donc toujours en instance puisqu'un jugement définitif n'avait pas encore été rendu. Au paragraphe 8 de son 142e rapport, le comité avait demandé au gouvernement de bien vouloir envoyer le texte du jugement rendu le 29 décembre 1973, cité ci-dessus, avec ses attendus et celui de l'arrêt du Tribunal suprême quand il serait , rendu.
- 116. Le gouvernement indique, dans une communication du 24 février 1975, que le Tribunal suprême a jugé cette affaire, en audience publique, le 15 février 1975; les accusés étaient assistés, comme pendant toute la procédure, par des avocats et des avoués. Le Tribunal suprême a fait droit, partiellement, aux recours interjetés pour violation de la loi contre le jugement rendu par le Tribunal d'ordre public pour délits d'association illégale, usage public de faux noms et usage de fausses pièces d'identité. L'arrêt de cassation, ajoute le gouvernement, sera publié dans la Collección législativa.
- 117. Le Tribunal suprême considéra, poursuit le gouvernement, que:
- - sont illégales les associations constituées sans avoir respecté les conditions prévues par la loi (article 172-40 du Code pénal) ;
- - le code qualifie de circonstances aggravantes la participation à des associations qui se proposent comme fins la subversion violente ou la destruction de l'organisation politique, sociale, économique ou juridique de l'Etat (article 174-10, 3)) et prévoit des sanctions, dont la gravité varie, pour les fondateurs, organisateurs ou dirigeants et les simples participants;
- - l'illégalité du parti communiste ayant été déclarée par la loi, cette illégalité s'étend à tout groupe ou organisation qui dépend dudit parti, quelle que soit la dénomination sous laquelle il fonctionne, ou qui reconstitue une organisation communiste sous des formes ou dénominations diverses, comme le Tribunal suprême lui-même l'a déclaré à maintes reprises dans sa jurisprudence;
- - les dénommées "commissions ouvrières" existent et agissent sous la tutelle du dénommé "Parti communiste espagnol" qui est formellement et expressément interdit par la loi. Cela fut à nouveau établi devant le Tribunal d'instance, de même que le caractère subversif des "commissions ouvrières" susmentionnées, par les preuves fournies et, entre autres éléments, par les documents que les accusés devaient examiner lors de leur réunion, et qui ont été versés au dossier;
- - ces preuves amènent à la conclusion que les "commissions ouvrières" sont un pur artifice opérationnel et de couverture du parti communiste dans sa tactique de subversion politique s'écartant des revendications purement professionnelles qui lui servent de prétexte si ces commissions se bornaient effectivement à ne traiter que des questions professionnelles, bien qu'elles utilisent des voies irrégulières, elles pourraient ne pas répondre à la définition du délit pénal. Cependant, il ressort des faits établis qu'elles sont uniquement des instruments de subversion au service du parti communiste, comme le confirme la jurisprudence du Tribunal suprême;
- - lesdites "commissions ouvrières" avec des tactiques qui veulent se camoufler sous le couvert de service à la démocratie, de liberté des conflits du travail et même de pluralisme syndical ou politique, cherchent la destruction violente de l'ordre constitutionnel de l'Etat (agissements considérés au paragraphe 3 de l'article 174 du Code pénal comme étant d'une extrême gravité) et préconisent l'agitation des masses non point en tant que moyen de revendication professionnelle, mais comme une arme politique pour abattre l'Etat;
- - la qualité de dirigeants attribuée aux accusés par le Tribunal d'instance, qualité qui détermine les peines prévues, a été contrôlée par la Chambre de cassation. Celle-ci a conclu que les inculpés étaient, sans aucun doute, membres du groupement, en tant qu'associés importants. On ne pouvait toutefois affirmer formellement que la réunion à laquelle se rendirent les accusés était celle des plus grands dirigeants ou du comité directeur suprême du groupement, ni que tous et chacun d'entre eux tenaient un pouvoir de direction individuel ou collégial. Dans le doute, ce dernier élément étant vraisemblable mais non pas totalement sûr comme l'exige le droit pénal, la Chambre de cassation décida de casser et d'annuler sur ce point l'arrêt attaqué. Elle condamna cependant les intéressés en tant que simples membres, bien que membres importants, du groupement subversif dénommé "commissions ouvrières".
- 118. Elle considéra, ajoute le gouvernement, que les faits établis constituaient un délit d'association illégale prévu et puni par les articles 172 30, 173 30 et 174 10, alinéa 3, dont tous les inculpés apparaissent comme auteurs, en raison de leur participation directe et volontaire, avec, pour six d'entre eux, la circonstance aggravante de la récidive. Le gouvernement indique que le Tribunal a prononcé les peines suivantes:
- - Marcelino Camacho, six ans de prison de courte durée (prisión menor) ;
- - Nicolás Sartorius, Eduardo Saborido et Francisco Garcia Salve, cinq ans de prison de courte durée (prisión menor);
- - Fernando Soto Martin et Juan Muñiz Zapico, quatre ans, deux mois et un jour de prison de courte durée (prisión menor);
- - Luis Fernández Costilla, Francisco Acosta Orge, Miguel Angel Zamora et Pedro Santiesteban, deux ans, quatre mois et un jour de prison de courte durée (prisión menor).
- (Tous les inculpés frappés de peines supérieures à deux ans étaient des récidivistes.)
- 119. Le gouvernement précise enfin qu'a été déduite pour l'exécution de ces peines, à l'égard de tous les condamnés, la durée de la détention préventive qu'ils avaient déjà subie en raison de cette affaire et que, dès lors, Fernando Acosta, Luis Fernández Costilla, Pedro Santiesteban et Miguel Angel Zamora ont été immédiatement remis en liberté.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 120. Le comité note que le gouvernement a communiqué certaines précisions sur la décision du Tribunal suprême, mais regrette qu'il n'ait pas fourni, comme le Conseil d'administration l'avait demandé, le texte même du jugement rendu au sujet de ces personnes, qui doit d'ailleurs être publié dans un recueil officiel. A l'exception des précisions ci-dessus, le gouvernement n'a pas présenté d'autres éléments de preuve sur le fait que ces commissions poursuivraient, sous le couvert de revendications professionnelles, des objectifs subversifs. Le comité exprime sa préoccupation devant l'absence d'informations suffisantes ainsi que devant la sévérité des peines infligées.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 121. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter que le gouvernement a communiqué certaines précisions sur la décision du Tribunal suprême mais qu'il n'a pas fourni le texte même du jugement rendu à l'égard des personnes auxquelles se réfère le paragraphe 120 ci-dessus, ou d'autres éléments de preuve sur le fait que ces commissions poursuivraient, sous le couvert de revendications professionnelles, des objectifs subversifs, ce qui n'a pas permis au comité d'arriver à des conclusions en pleine connaissance des faits;
- b) de demander à nouveau au gouvernement qu'il communique le texte de la décision du Tribunal suprême avec ses attendus et
- c) de demander au gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de tout fait nouveau qui se produirait au sujet des personnes qui restent encore en prison, et en particulier de toute mesure éventuelle de grâce qui pourrait être prise à leur égard.