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Interim Report - Report No 149, November 1975

Case No 793 (India) - Complaint date: 21-MAY-74 - Closed

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  1. 113. La plainte de la Fédération panindienne des cheminots (AIRF) figure dans une communication du 21 mai 1974; celle de la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIOT) dans un télégramme du 28 mai 1974. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 21 octobre 1974.
  2. 114. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 115. L'AIRF déclare que la grève des cheminots indiens, suivie par environ 1 700 000 travailleurs aurait pu être évitée si les pouvoirs publics avaient fait preuve de bonne foi dans les négociations collectives. Le plaignant expose les revendications des cheminots et explique que diverses réunions eurent lieu à partir du 5 février 1974, notamment avec le ministre et le ministre adjoint des Chemins de fer. Selon l'AIRF, les représentants syndicaux indiquèrent qu'un préavis de grève serait déposé le 23 avril 1974 et que la grève débuterait le 8 mai 1974, à 6 h, en cas d'échec des négociations. Les discussions se poursuivirent jusqu'au 30 avril 1974 sans qu'un accord fût en vue. A cette date, le ministre des Chemins de fer accepta de reprendre les discussions sur toutes les demandes présentées et proposa de fixer la réunion suivante au 1er mai. Les représentants syndicaux proposèrent que le ministre mette par écrit ses objections à chacune des revendications et que ce document serve de base aux prochaines négociations. Ils demandèrent aussi de reporter au 2 mai la réunion suivante, ce que le ministre aurait accepté.
  2. 116. Toutefois, poursuit le plaignant, le 2 mai, M. George Fernandes, Président de l'AIRF, fut arrêté avec plusieurs autres dirigeants syndicaux. Les négociations étaient ainsi rompues. Des arrêts de travail eurent lieu spontanément, à certains endroits, et, le 8 mai 1974, l'ensemble du réseau ferroviaire fut paralysé. Ce fut alors, selon le plaignant, le règne de la terreur et de la répression: licenciements et suspensions des grévistes par milliers; expulsion, avec leur famille, des logements mis à leur disposition par les chemins de fer; interrogatoire des femmes des grévistes par des militaires baïonnettes au canon qui les menaçaient de les jeter à la rue si elles ne révélaient pas où se trouvait leur mari; arrestation de plus de 25.000 travailleurs; enfin, les cheminots membres de "l'armée territoriale" se sont vus contraints de conduire des trains, sans même avoir reçu la formation nécessaire. Une circulaire du ministre de l'Intérieur donnait pour instruction aux gouverneurs des Etats de procéder à des arrestations, en consultation avec les directeurs généraux des chemins de fer et les superintendants de division.
  3. 117. L'AIRF souligne qu'elle avait présenté ses revendications depuis plus d'un an sans obtenir de véritables négociations et sans que les pouvoirs publics fissent un réel effort pour résoudre le conflit. D'après elle, les arrestations et la répression commencèrent bien avant le début de la grève; le conflit aurait dû être porté, en cas d'échec des négociations, devant les organes de conciliation, conformément à la loi sur les différends du travail. L'administration a exhorté des syndiqués, poursuit le plaignant, par des menaces, des mesures d'intimidation ou de persuasion, des promesses de récompenses, à dénoncer leur affiliation syndicale, ou elle a provoqué le renvoi de travailleurs (ou d'autres préjudices) en raison de leur affiliation syndicale.
  4. 118. La FIOT déclare de son côté que plus de 60 000 travailleurs ont été illégalement arrêtés et détenus sans jugement, que plus de 10 millions de travailleurs ont reçu des avis de licenciement, qu'environ 30 000 ont été expulsés de leur domicile ou ont reçu des préavis d'éviction avec effet immédiat. Au dire de la FIOT, on signalerait des viols dans l'est du pays; la radio et la télévision officielles mèneraient une campagne implacable contre les cheminots, les forces de l'ordre seraient entrées en action et le gouvernement recourrait à des mesures exceptionnelles, par exemple en vertu de la loi sur le maintien de la sécurité intérieure et la défense en temps de guerre. Des travailleurs, poursuit ce plaignant, ont été contraints de travailler sous la menace des baïonnettes; les salaires n'ont pas été versés pour forcer les travailleurs à la soumission; les autorités auraient fait régner la terreur dans la communauté des cheminots.
  5. 119. Dans sa réponse, le gouvernement commence par décrire la toile de fond du conflit. Les chemins de fer indiens, déclare-t-il, sont gérés comme une entreprise publique et considérés comme un service public essentiel. Ils constituent l'épine dorsale de tout le système de transport du pays. Outre le transport des voyageurs et des marchandises, ils contribuent au transport du charbon vers les centrales énergétiques, des matières premières essentielles vers les usines métallurgiques et des céréales vivrières vers les régions qui en manquent. Ils occupent 1 400 000 travailleurs et le total des salaires s'élevait, en 1972-73, à 4 800 millions de roupies.
  6. 120. Un organisme tripartite permanent, poursuit le gouvernement, est chargé de régler les conflits dans les chemins de fer depuis 1952; il a été créé en accord avec les syndicats. En 1966, le gouvernement a mis sur pied un système de consultation avec les syndicats de son personnel au moyen de conseils mixtes créés aux niveaux national, régional et local. Ce système prévoit que tous les différends seront résolus par un mécanisme de consultations mixtes et d'arbitrage obligatoire. Le recours à l'arbitrage obligatoire est prévu pour les questions de salaires et indemnités, de durée hebdomadaire du travail et de congé, pour chaque catégorie de travailleurs. Le système prévoit aussi que certaines questions déterminées par le gouvernement en accord avec les recommandations d'une commission ne pourront pas être soumises à l'arbitrage pendant une période de cinq ans.
  7. 121. Les cheminots, ajoute le gouvernement, sont des employés de l'Etat auxquels sont applicables les échelles de salaires et les conditions d'emploi des agents des autres administrations. Ils sont soumis aux mêmes règles, notamment en matière de grève, et leurs salaires et conditions d'emploi sont établis par des commissions supérieures des salaires, désignées de temps en temps par le gouvernement. Une troisième commission des salaires fut créée en 1970 et chargée de réviser les échelles de salaires et les conditions d'emploi de tous les employés de l'Etat. Les deux fédérations de cheminots - dont l'AIRF - ont eu la possibilité de présenter leurs points de vue devant cette commission. Celle-ci a soumis son rapport en mars 1973. Le gouvernement, désireux d'arriver à un accord sur le système de salaires de ses agents, a donné de larges possibilités à leurs organisations - et notamment aux deux fédérations de cheminots - d'en discuter au sein du mécanisme de consultations mixtes précité. D'autres discussions eurent lieu avec un groupe de ministres dirigés par celui des Finances. A cette occasion, poursuit le gouvernement, les syndicats ont assuré le gouvernement qu'ils n'auraient pas recours à l'arbitrage pendant cinq ans si ce dernier modifiait, dans un sens plus favorable aux salariés, certaines recommandations de la Commission des salaires. A l'issue de longues discussions avec les représentants syndicaux, le gouvernement a finalement fait connaître, en octobre 1973, les décisions qu'il avait prises sur la base des recommandations de la Commission des salaires.
  8. 122. En dépit de l'accord conclu au sein de cet organe de consultations mixtes, continue le gouvernement, l'AIRF a présenté, le 8 novembre 1973, un mémorandum en six points, notamment au sujet des salaires et des indemnités de vie chère. Il s'agissait donc, selon le gouvernement, d'une claire violation de l'esprit de l'accord en question. Quelques arrêts de travail se produisirent et, malgré les discussions qui eurent lieu avec le ministre des Chemins de fer, M. George Fernandes, Président de l'AIRF, menaça de déclencher une grève si les revendications n'étaient pas acceptées avant le 10 avril 1974; pourtant, la grève était interdite dans un service essentiel, comme les chemins de fer, vu les conditions très difficiles qui régnaient dans le pays depuis une année. Accepter les demandes de l'AIRF signifiait, ajoute le gouvernement, une dépense supplémentaire de 4 500 millions de roupies, ce qui dépassait de loin les possibilités financières dans l'état de l'économie du pays. Toutefois, afin d'éviter une interruption du trafic ferroviaire normal, et dans l'espoir de parvenir à un règlement, le ministre des Chemins de fer et son adjoint ont engagé des négociations avec l'AIRF et l'autre fédération reconnue.
  9. 123. Cependant, ajoute le gouvernement, l'AIRF s'est refusée à toute concession et a déposé les 22 et 23 avril 1974 des préavis de grève générale pour le 8 mai 1974, tout en déclarant que cela n'était qu'une formalité et que son principal objectif était d'arriver à un règlement négocié. Les discussions permirent de résoudre la plupart des questions soulevées et le montant des avantages découlant de l'accord négocié sur ces revendications totalisait près de 800 millions de roupies par an (en plus des 1 100 millions découlant des recommandations de la Commission des salaires). Deux des demandes ne pouvaient être acceptées: la révision de l'échelle des salaires, puisqu'une augmentation considérable venait d'intervenir, et les indemnités et primes de vie chère, parce que la question était soumise à un comité de révision des primes.
  10. 124. Malgré la volonté du gouvernement de parvenir à un règlement pacifique du différend, poursuit celui-ci, et en violation de l'accord conclu au sein de l'organe de consultations mixtes, l'AIRF procéda, entre le 20 et le 30 avril 1974, à tous les préparatifs nécessaires au déclenchement d'une grève destinée à paralyser l'économie nationale. Ouvertement, dans tout le pays, M. George Fernandes incita ses partisans à la violence et aux actes de sabotage. Il était fait état de nombreux cas d'intimidation, d'agressions de fonctionnaires et d'inspecteurs ainsi que d'une atmosphère générale de violence. Le 30 avril 1974, les négociations étaient parvenues à un stade décisif et un accord était en vue: on décida donc de mettre par écrit ce qui avait été convenu jusqu'alors afin que ces procès-verbaux puissent être discutés et acceptés le 1er mai. M. Fernandes fit savoir qu'il ne pouvait pas venir et la réunion fut reportée au lendemain. Mais le Président de l'AIRF annonçait déjà que les cheminots avaient décidé de faire grève le 8 mai 1974. En l'absence de cette fédération, les procès-verbaux furent acceptés par l'autre fédération reconnue des cheminots.
  11. 125. Cette autre fédération des cheminots, continue le gouvernement, déclara publiquement qu'elle ne comptait pas participer à la grève. En fait, sur 1 400 000 salariés, 550 000 seulement y participèrent, c'est-à-dire moins de la moitié. Ceci explique, selon le gouvernement, que l'AIRF ait eu recours à la violence, alors même que les négociations étaient en cours. Le gouvernement devait agir dans l'intérêt de la nation et de la majorité du personnel qui désirait poursuivre le travail. C'est pourquoi il procéda à l'arrestation préventive de M. Fernandes et de ses proches collaborateurs. La grève commença le 8 mai 1974, accompagnée, poursuit le gouvernement, d'actes prémédités de violence, d'intimidation et d'agressions contre les travailleurs fidèles, et l'on a rapporté des cas de sabotage ayant entraîné la destruction gratuite de locaux et de biens appartenant aux chemins de fer. Le nombre des grévistes tomba bientôt à 250.000 et la grève se termina, sans condition, trois semaines plus tard.
  12. 126. Le gouvernement souligne également que le ministère des Chemins de fer a encore perfectionné son propre mécanisme de règlement des différends, à savoir l'organisme permanent de négociation où siègent les représentants des deux fédérations reconnues, dont l'AIRF; cet organisme a toute compétence pour traiter de n'importe quel différend survenant dans les chemins de fer. L'AIRF a prétendu, poursuit le gouvernement, qu'après l'échec des négociations, le conflit aurait dû être porté devant les instances de conciliation, conformément à la loi sur les différends du travail. Cependant, les revendications du plaignant concernant la révision des échelles de salaires, la modification de la méthode de calcul de l'indemnité de vie chère et le paiement des primes ne pouvaient faire l'objet d'une procédure de conciliation. Ces questions avaient de graves répercussions financières; elles avaient été réglées par la troisième Commission des salaires ou étaient en train d'être examinées par le Comité de révision des primes. L'AIRF, continue le gouvernement, participe au système de consultations mixtes et est donc partie à l'accord en vertu duquel les échelles de salaires doivent être révisées par une commission de salaires dûment instituée et ne peuvent faire l'objet d'un arbitrage pendant une période de cinq ans à partir du moment où ces échelles de salaires sont acceptées ou améliorées par les pouvoirs publics. La décision de faire grève n'avait donc aucune justification et constituait une violation caractérisée du système établi pour le règlement des différends dans les chemins de fer.
  13. 127. Le gouvernement reprend une à une les revendications des grévistes et explique longuement sa position à leur égard. Les chemins de fer indiens, ajoute le gouvernement, disposent d'un vaste réseau d'installations et de chantiers d'une importance vitale, dans tous les Etats du pays. Le ministère central de l'Intérieur, gardien de l'ordre public, se devait de contrôler étroitement l'évolution de la situation: il alerta donc les gouvernements des Etats et suggéra certaines mesures en cas d'atteintes à l'ordre public. Ayant la preuve d'actes de sabotage, le gouvernement devait prendre promptement les mesures préventives nécessaires à la sécurité d'un grand nombre de cheminots et de voyageurs, ainsi qu'aux intérêts de la nation. Le gouvernement nie que les mesures prises en raison des circonstances aient entravé les négociations.
  14. 128. Afin de rétablir la discipline et le bon ordre, il a dû, admet le gouvernement, procéder à des arrestations préventives, mais ces mesures n'ont concerné que les fauteurs de violence. Certains de ces travailleurs ont été ensuite congédiés ou suspendus, en vertu du code de discipline applicable aux cheminots. Les travailleurs sanctionnés ont eu toute liberté pour interjeter appel; en fait, ces appels ont été reçus et sont en cours d'examen. Il est tout à fait exagéré de prétendre, poursuit le gouvernement, que des militaires ont été chargés de terroriser les femmes des grévistes: pour éviter les actes de sabotage et protéger la vie, les biens, les familles des travailleurs restés à leur poste, il a fallu placer des gardes aux points stratégiques et dans les cités de cheminots, ainsi qu'envoyer des patrouilles le long des voies de chemins de fer.
  15. 129. "L'armée territoriale", ajoute le gouvernement, se compose de cheminots ayant de longues années d'ancienneté. Ils sont recrutés pour faire face à des situations d'urgence, assurer le trafic essentiel et éviter la paralysie économique du pays. Ils ont conduit des milliers de trains pendant la grève, sans violer aucune règle de sécurité. Sur les 1 400 000 cheminots, continue le gouvernement, 19 883 furent arrêtés au cours de la grève; tous furent relâchés, sauf sept. Le nombre des salariés réguliers congédiés a été de 16 749; parmi eux, 10 561 ont déjà été réintégrés à la suite des appels qu'ils ont interjetés; d'autres appels sont en train d'être examinés avec bienveillance. Le gouvernement considère que vu le nombre des grévistes (550 000), la gravité des actes de violence, de sabotage et d'intimidation, le nombre des licenciements est particulièrement faible.
  16. 130. Selon le gouvernement, ceux qui avaient participé à la grève - déclarée illégale en vertu du règlement de 1971 sur la défense de l'Inde - ont dû se passer de leur salaire pour leur période d'interruption de service. Cette interruption n'a toutefois entraîné aucune réduction de salaire ni perte d'ancienneté, mais les journées d'absence ont été déduites des congés acquis au jour de la grève, et certains avantages, tels que la gratuité des transports, accordés pour la période précédant la grève en raison de leurs bons et loyaux services, leur ont été retirés. Etant donné, poursuit le gouvernement, que de nombreux travailleurs ont été contraints, par des procédés terroristes, à faire grève, chaque cas a été examiné et considéré avec bienveillance; près de 270 000 travailleurs ont déjà été amnistiés de cet arrêt de travail; cette indulgence devrait s'étendre à beaucoup d'autres encore. Tout ceci prouve que le gouvernement n'a pas adopté une attitude vindicative, ni eu recours à des mesures de représailles
  17. 131. En ayant recours à une grève et en revenant sur des questions qui avaient été réglées par des discussions entre parties, conclut le gouvernement, l'AIRF a violé l'accord qu'elle avait conclu avec le gouvernement, en vertu duquel tous les différends, seraient tranchés par l'intermédiaire du mécanisme de consultations mixtes. Elle a également enfreint la loi du pays, qui interdit la grève dans les chemins de fer considérés comme un service essentiel. Il est donc impossible d'admettre la validité des allégations contenues dans la plainte.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 132. Cette affaire porte donc essentiellement sur le conflit du travail qui se produisit dans les chemins de fer indiens en mai 1974. A la suite de revendications de l'AIRF, émises, selon le gouvernement, en dépit d'accords qui venaient d'être conclus, des négociations furent engagées au plus haut niveau. Les discussions furent interrompues avec cette fédération après l'arrestation de son président et de plusieurs autres dirigeants syndicaux. Selon le gouvernement, l'AIRF se préparait non seulement à la grève, mais également à des actes de sabotage, de violence et d'intimidation, et certaines agressions avaient déjà été commises. La grève fut déclarée illégale, et le gouvernement procéda à des milliers d'arrestations, de renvois, de mises à pied et, au dire des plaignants, à l'expulsion de grévistes de leurs logements. Les forces de l'ordre se seraient également livrées à des brutalités.
  2. 133. Le comité a signalé, à de multiples occasions, que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels et que, si ce droit fait l'objet de restrictions ou même d'interdictions dans la fonction publique ou dans les services essentiels, des garanties appropriées devraient être accordées pour protéger pleinement les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels. En l'occurrence, le comité note que les entreprises de chemins de fer constituent, selon les informations fournies par le gouvernement, un secteur clé pour la vie du pays. Il ne semble donc pas que des grèves importantes puissent avoir lieu dans ce service public sans qu'il en résulte des préjudices graves pour la collectivité nationale.
  3. 134. Le comité constate que, selon les plaignants, le conflit aurait dû être porté devant les organes de conciliation, conformément à la loi sur les différends du travail. D'après le gouvernement, les revendications des plaignants concernant la révision des échelles de salaires, la modification de la méthode de calcul de l'indemnité de vie chère et le paiement de primes ne pouvaient être soumis à cette procédure de conciliation. L'AIRF participe au système de consultations mixtes et est donc partie à l'accord en vertu duquel les échelles de salaires doivent être révisées par une commission des salaires dûment instituée, et ne peuvent faire l'objet d'arbitrage pendant cinq ans, à partir du moment où les recommandations de cette commission ont été acceptées ou améliorées par les pouvoirs publics.
  4. 135. Le comité remarque, au sujet des différentes procédures décrites par le gouvernement, que la Commission nationale du travail de l'Inde avait signalé certains défauts au fonctionnement du système de consultations mixtes et d'arbitrage dans le secteur public de ce pays. Cette commission indique que le gouvernement parait s'être réservé le pouvoir de porter ou de ne pas porter certains points à l'ordre du jour des discussions au sein de l'organe de consultations et signale, notamment, que le gouvernement peut décider en dernier ressort si une question doit ou non être soumise à l'arbitrage au cas où l'organe de consultation n'aurait pas réussi à régler le différend. Le comité rappelle qu'il a souligné à maintes reprises que les restrictions ou les interdictions du droit de grève dans les services essentiels devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer et que les décisions arbitrales devraient être obligatoires dans tous les cas pour les parties intéressées et appliquées entièrement et rapidement.
  5. 136. Il semble que, dans le cas présent, les garanties destinées à compenser la perte du droit de grève ne soient pas suffisantes puisqu'il appartient, en fin de compte, au gouvernement d'accepter ou non la procédure d'arbitrage. Une telle situation peut créer un climat de tension peu propice au développement de relations professionnelles harmonieuses.
  6. 137. Selon le gouvernement, l'intervention des militaires était destinée à éviter les actes de sabotage et à protéger la vie, les biens, les familles des travailleurs restés à leur poste. M. Fernandes et ses collaborateurs ont été arrêtés parce qu'ils préparaient la grève pendant les négociations et incitaient leurs partisans à la violence, au sabotage, et des grévistes furent arrêtés parce que les autorités avaient la preuve d'actes de sabotage et devaient donc prendre rapidement les mesures nécessaires ainsi que procéder à des arrestations préventives. Le gouvernement précise que près de 20 000 grévistes furent arrêtés, mais que tous furent relâchés sauf sept, que deux tiers des quelque 16 700 cheminots congédiés ont été réintégrés à la suite d'appels qu'ils avaient interjetés et que d'autres appels sont en cours d'examen.
  7. 138. Le comité note les explications du gouvernement. Il estime néanmoins que des arrestations et des licenciements aussi massifs de grévistes comportent de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Le comité a toujours signalé que l'emploi des forces de l'ordre devrait se limiter au maintien de l'ordre public et il estime que les autorités - compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir les risques que ces arrestations ou ces licenciements peuvent avoir pour la liberté syndicale.
  8. 139. Le comité note que deux tiers des cheminots congédiés ont été réintégrés et que des appels sont en cours d'examen contre d'autres licenciements. Le comité exprime l'espoir que le gouvernement adoptera une attitude souple dans ces différentes affaires, ce qui serait plus propice qu'un comportement inflexible au développement de relations professionnelles harmonieuses.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 140. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations exprimées aux paragraphes 135 et 136 et de signaler notamment que les restrictions ou les interdictions du droit de grève dans les services essentiels devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer et que les décisions arbitrales devraient être obligatoires dans tous les cas pour les parties intéressées et appliquées entièrement et rapidement;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations exprimées aux paragraphes 138 et 139 et, en particulier, d'exprimer l'espoir que le gouvernement adoptera une attitude souple en ce qui concerne la réintégration des cheminots congédiés, ce qui serait plus propice au développement des relations professionnelles harmonieuses dans les chemins de fer;
    • c) de prier le gouvernement de préciser si M. Fernandes et ses proches collaborateurs sont toujours en prison et de fournir des renseignements sur les grévistes encore détenus, en indiquant en particulier si des poursuites ont été engagées contre eux et, dans l'affirmative, quels en sont les résultats;
    • d) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au conseil d'administration, quand il aura obtenu les informations demandées à l'alinéa b) ci-dessus.
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