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Definitive Report - Report No 197, November 1979

Case No 917 (Costa Rica) - Complaint date: 26-OCT-78 - Closed

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  1. 184. La plainte de l'Association nationale des employés publics (ANEP) figure dans une communication du 26 octobre 1978 et celle de la Confédération générale fies travailleurs (CGT), dans deux communications en date du 6 novembre et du 18 décembre 1978. Dans une communication du 17 janvier 1979, la Fédération syndicale mondiale s'est associée à la plainte présentée par la CGT. Le gouvernement a fait tenir ses observations relatives à la plainte de l'ANEP dans une communication en date du 19 avril 1979 (reçue le 29 mai) et ses observations relatives à la plainte de la CGT, dans une autre communication du 16 juillet 1979.
  2. 185. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations concernant l'attitude des autorités vis-à-vis de l'Association nationale des employés publics
    1. 186 L'Association nationale des employés publics (ANEP) allègue que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale s'est ingéré dans ses affaires internes. D'après la plainte, l'assemblée générale de l'ANEP a approuvé, le 3 décembre 1977, une révision intégrale de ses statuts, laquelle a été présentée quelques jours après au Département des organisations sociales du ministère, pour être enregistrée conformément à la loi. Cependant, ledit département a accepté un recours en nullité présenté par un petit groupe de membres de l'association qui avaient perdu les dernières élections syndicales. L'ANEP soumet copie de documents dont il ressort qu'en janvier 1978, le Département des organisations sociales a suspendu l'enregistrement de ses nouveaux statuts tandis qu'elle a présenté sa réponse au recours.
    2. 187 L'ANEP indique qu'afin d'éviter de nouvelles discussions, elle a convoqué une nouvelle assemblée générale, qui s'est tenue le 25 février 1978 et a approuvé une nouvelle révision des statuts, laquelle a été dûment communiquée au ministère. Le 18 mai, le Département des organisations sociales a adopté une résolution déclarant que la demande de nullité de l'assemblée du 3 décembre 1977 était caduque et qu'il convenait de déclarer valide la nouvelle assemblée et d'enregistrer la révision des statuts de l'ANEP. Toutefois, il a signalé à l'ANEP certains points sur lesquels il considérait que les statuts n'étaient pas conformes à la loi. Le comité exécutif de l'association, autorisé à cet effet par l'assemblée, a accepté ces observations et, ultérieurement, l'ANEP a été informée de ce que le ministre du Travail étudiait l'affaire. Dans l'intervalle, une autre assemblée du syndicat a ratifié les modifications apportées aux statuts, en août 1978. L'ANEP se plaint de la lenteur que les autorités ont mise à résoudre l'affaire.
    3. 188 Deuxièmement, il est indiqué dans la plainte que, le 20 avril 1978, une assemblée du syndicat a décidé que tous les membres paieraient une cotisation exceptionnelle de 10 colons, car le syndicat était engagé dans une lutte pour faire aboutir des revendications salariales, ce qui lui imposait des frais. Cette décision a été communiquée à la Trésorerie nationale du ministère des Finances, laquelle a pris des mesures pour effectuer les retenues nécessaires sur le salaire des intéressés. Devant cette situation, le groupe susmentionné a de nouveau présenté un recours, à la suite de quoi, à la demande du département compétent du ministère du Travail, le syndicat a dû produire le procès-verbal de l'assemblée. Depuis lors, selon ce qui est indiqué dans la plainte, le département en question a gardé le silence et n'a rien décidé, mais il a demandé à la Trésorerie nationale de ne pas procéder aux retenues correspondant à la cotisation exceptionnelle tant que l'ANEP n'aurait pas démontré la validité de l'assemblée. L'ANEP indique que la seule explication du retard que le ministère du Travail a apporté à la solution de cette affaire figure dans une déclaration à la presse, du mois d'octobre 1978, selon laquelle le ministère était surchargé de travail.
    4. 189 Troisièmement, l'ANEP allègue que, dès 1976, elle avait conclu une convention collective de travail avec l'institut national de développement coopératif (INFOCOOP), institution autonome de l'Etat. En juillet 1978, l'assemblée générale des membres qui travaillaient à l'INFOCOOP décida de dénoncer cette convention et approuva une pétition réclamant qu'un nouvel accord soit négocié. Après avoir commencé à négocier, l'ANEP a reçu une lettre du ministère du Travail l'informant que l'assemblée générale locale n'était pas habilitée légalement à négocier et qu'il rappelait le délégué qui y participait en qualité de conciliateur. Néanmoins, indique la plainte, les deux parties ont continué la négociation et, en outre, l'ANEP tint, le 23 octobre 1978, une assemblée générale nationale qui ratifia tout ce qu'avaient fait les délégués aux négociations.
    5. 190 L'ANEP rappelle que le Costa Rica a ratifié les conventions nos 87 et 98 et allègue que les faits mentionnés dans sa communication constituent des atteintes aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et revêtent le caractère de pratiques discriminatoires à son encontre.
    6. 191 Les observations du gouvernement sur cet aspect da l'affaire, en date du 19 avril 1979, ont été reçues par l'OIT au cours de la réunion de mai 1979 du comité, si bien que celui-ci a ajourné le cas. Le gouvernement fait observer que, lorsqu'il a accédé au pouvoir, en mai 1978, il a trouvé parmi les affaires en suspens du ministère du Travail le problème de l'ANEP, qui tournait autour d'une assemblée que quelques membres prétendaient entachée de nullité. C'est à tort que le ministère, sous le gouvernement précédent, s'était occupé de ce conflit interne du syndicat, que les intéressés eux-mêmes avaient présenté en des termes inexacts.
    7. 192 Le gouvernement explique qu'un examen raisonnable de la question a abouti à la conclusion que ce n'était pas au ministère du Travail, mais aux tribunaux judiciaires, qu'il incombait de connaître de cette affaire. En conséquence, le ministère a adopté, le 30 octobre 1978, une résolution (dont copie est soumise par le gouvernement), dans laquelle il se déclarait incompétent en la matière et cassait la décision antérieure du Département des organisations sociales. Les membres en désaccord ont été informés qu'ils devaient s'adresser aux tribunaux pour résoudre leur différend et il a été ordonné de procéder à l'enregistrement de la révision des statuts et au déblocage de la cotisation exceptionnelle, sans préjudice de ce que la justice pourrait décider. A cet égard, le gouvernement fait savoir qu'aucune demande n'a été introduite devant les tribunaux.
    8. 193 En ce qui concerne la négociation collective entre l'ANEP et l'Institut national de développement coopératif, le gouvernement déclare que la plainte déforme les faits. Il confirme qu'il existait une convention collective conclue deux années auparavant, laquelle a été dénoncée dans le délai prévu par la loi. Les services d'un conciliateur ont été sollicités du ministère du Travail qui, selon la coutume, a fait droit à cette demande. Au cours des premières étapes de la négociation, le conciliateur leur ayant demandé de faire la preuve de leur mandat, il est apparu que les délégués du syndicat n'étaient pas dément accrédités, ce qui leur a été signifié. Le Département des relations de travail du ministère a rappelé le conciliateur en attendant que les formalités prévues par la loi fussent remplies. Le gouvernement soumet copie d'une communication du 9 octobre 1978, dans laquelle le chef du Département des relations de travail communique aux intéressés que le comité de section de l'ANEP à l'INFOCOOP n'était pas légalement habilité à approuver le projet de convention collective et à désigner des délégués pour la négociation, car ce rôle incombait à l'assemblée générale de l'ANEP. Une fois l'omission réparée, dit le gouvernement, le conciliateur est revenu et a mené la négociation à terme. Le gouvernement déclare également que le ministère s'est conformé strictement aux lois du pays et que son comportement n'a entravé en rien l'action du syndicat.
    9. 194 Le comité est saisi d'allégations qui concernent, d'une part, le préjudice causé au fonctionnement normal du syndicat par 12 retard que les autorités du ministère du Travail ont apporté à l'étude du différend relatif à la validité des décisions de l'assemblée de l'ANEP et, d'autre part, le refus dudit ministère de reconnaître à un comité syndical de base la capacité de négocier une convention collective.
    10. 195 Des éléments communiqués par les plaignants et par le gouvernement il ressort que le problème relatif à l'enregistrement des statuts n'a été résolu qu'après près d'un an et que le recouvrement par le syndicat de la cotisation exceptionnelle votée par l'assemblée est également resté en suspens pendant plusieurs mois. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles une erreur de procédure a été commise tant par l'administration du travail, lorsqu'elle a accueilli le recours en nullité, que par les membres du syndicat, lorsqu'ils lui ont soumis le différend. Le comité désire rappeler, comme il l'a fait dans d'autres cas, que les principes de la liberté syndicale n'interdisent pas le contrôle de l'activité interne d'un syndicat lorsque celle-ci constitue une infraction à des dispositions législatives ou réglementaires, mais que ce contrôle devrait être exercé par l'autorité judiciaire compétente de façon à garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure. Dans -le cas présent, le comité note avec intérêt que la résolution du ministère du Travail du 30 octobre 1978 indique que la voie judiciaire constitue la procédure conforme à la législation du pays lorsqu'il s'agit de mettre fin à des controverses comme celle qui a surgi au sein de l'ANEP. Dans ces conditions, et compte tenu de l'information communiquée par le gouvernement selon laquelle il a été procédé à l'enregistrement légal des statuts révisés de l'ANEP et la cotisation spéciale de ses membres a été versée à celle-ci, le comité estime que la poursuite de l'examen de cet aspect du cas serait sans objet.
    11. 196 En ce qui concerne l'allégation relative à la négociation collective à l'Institut de développement coopératif, le comité prend note de ce que la décision du ministère de rappeler le conciliateur n'a pas empêché la poursuite des négociations et de ce qu'une fois la désignation des représentants syndicaux ratifiée par l'ANEP, ces négociations ont pu être menées à terme. Par conséquent, le comité estime que cet aspect de la question n'appelle pas non plus un examen plus approfondi.
  • Allégations concernant l'attitude des autorités vis-à-vis de la Confédération générale des travailleurs
    1. 197 Dans ses communications du 6 novembre et du 18 décembre 1978, la Confédération générale des travailleurs (CGT) allègue, en résumé, qu'après être entré en fonction en mai 1978, le nouveau gouvernement a lancé une campagne contre la CGT dans la presse, à la radio et à la télévision. Selon l'organisation plaignante, il s'agissait de diviser les travailleurs en deux groupes, dont l'un était présenté comme démocratique et l'autre, qui comprenait la CGT, comme non démocratique ou communiste.
    2. 198 Pour que la campagne antisyndicale se déclenche, déclare la CGT, il a suffi que les travailleurs de la banane de Pococi et de Guácimo, du Syndicat des travailleurs agricoles et des plantations (STAPPG), organisent quelques grèves, chose courante dans les zones bananières. Elle ajoute que si ces grèves ont eu lieu et se poursuivent, c'est parce que, étant donné les relations difficiles qui existent dans ces régions entre le patronat et les ouvriers, il arrive parfois que seule la grève de fait ou la simple menace d'une grève permette de résoudre rapidement un problème collectif. L'organisation plaignante signale que plusieurs de ces grèves (à Coopecariari, la Guadalupe, Formosa, Frutera Atlántica et à la plantation La Teresa) ont eu lieu moins de 30 jours après l'entrée en fonction du nouveau gouvernement et que, sous ce prétexte, le ministre du Travail, les chambres patronales et les médias se sont lancés dans leurs attaques contre la CGT et, en général, contre le mouvement syndical indépendant.
    3. 199 Toujours selon la CGT, il a été soutenu lors de cette campagne que l'on s'efforce de déstabiliser le gouvernement et de saper le régime démocratique, que les travailleurs ne doivent pas permettre que les communistes les utilisent pour leurs desseins politiques et antipatriotiques et que le gouvernement soutient les syndicats démocratiques. La CGT affirme que, sous le nouveau gouvernement, elle n'a fait que poursuivre ce qui a toujours été son programme de lutte et que les grèves qui ont eu lieu, ou qui auront lieu, n'ont pas d'autre objet que celui de toujours: obtenir des améliorations sociales et économiques pour les travailleurs.
    4. 200 Il est allégué dans la plainte que, par suite de la campagne menée par le gouvernement, deux centrales syndicales se sont retirées du Comité de l'unité syndicale et que le gouvernement et quelques institutions de l'Etat ont fait obstacle à la négociation de conventions collectives du travail, allant jusqu'à dire que, s'ils ne négociaient pas, c'était parce que le syndicat était contrôlé par les communistes. Ainsi, l'INCOP (Institut costaricien des ports) a refusé de parapher un addendum au document déjà signé par les parties, qui n'avait d'autre objet que de préciser la date de l'accord, et FECOSA (Chemins de fer du Costa Rica) a déclaré qu'il ne négocierait pas la convention collective parce que le syndicat était aux mains des communistes. La CGT affirme également que le gouvernement a soutenu des manoeuvres des employeurs visant à boycotter les négociations collectives (par exemple, dans les entreprises TKACNIT et COFALA et dans la compagnie bananière La Teresa) et à isoler le syndicat en obligeant les travailleurs à négocier directement avec l'entreprise.
    5. 201 Il est allégué en outre que, dans les affaires où la CGT est impliquée, le ministère du Travail préfère que ce soit la police qui intervienne. Par exemple, lorsque les travailleurs de l'exploitation La Suerte se sont mis en grève après être restés quatre semaines sans recevoir leurs salaires, la Direction des enquêtes criminelles est intervenue pour s'opposer -d'après la CGT - à ce que le représentant de l'entreprise signe l'accord auquel il était parvenu avec les travailleurs. A l'exploitation San Luis, des négociations auxquelles participait le syndicat STAPPG, affilié à la CGT, ayant été rompues, la force publique a investi le domaine et les travailleurs ont été soumis à une surveillance policière; la force publique a également occupé la raffinerie COOPEVICTORIA lorsque le syndicat a protesté contre le renvoi d'un membre de son conseil de direction.
    6. 202 La CGT estime que le gouvernement n'a pas respecté certains principes constitutionnels relatifs, notamment, à la liberté d'association et d'organisation ainsi qu'à l'égalité devant la loi, non plus que les dispositions du code du travail selon lesquelles le ministère du Travail est tenu d'encourager le développement harmonieux et ordonné du mouvement syndical. Elle considère également qu'il y a eu violation des conventions de l'OIT. En outre, elle soumet de nombreuses coupures de presse dont certaines se rapportent à un discours que le ministre du Travail a prononcé devant un groupe de chefs d'entreprise et dans lequel, parlant de la liberté et des devoirs des groupes sociaux, elle aurait déclaré qu'il était nécessaire de rester vigilants devant le travail de sape du système démocratique mené par le communisme. On autre article paru dans la presse attribue au Président de la République des déclarations rejetant certaines accusations selon lesquelles le gouvernement persécutait les syndicats et critiquait la philosophie communiste.
    7. 203 D'autres coupures citent, dans le cadre d'une polémique qui s'est livrée dans la presse, des déclarations du directeur d'une entreprise portuaire critiquant les dirigeants de la Fédération nationale des travailleurs des services publics et leur attribuant des mobiles politiques. D'autres articles contiennent des accusations similaires contre la CGT et le STAPPG, ainsi que les réponses publiées par la CGT et diverses organisations syndicales. Enfin, un article indique que le ministère du Travail a demandé la dissolution du syndicat STAPPG après une grève qui a eu lieu dans une plantation de bananes, demande que ledit tribunal a rejetée pour vice de forme. Il semble que le ministère du Travail avait accusé certains dirigeants du syndicat de s'opposer par la violence aux représentants de l'autorité et aux salariés qui désiraient continuer le travail.
    8. 204 Dans sa réponse, en date du 16 juillet 1979, le gouvernement souligne le caractère démocratique du système politique costaricien ainsi que les diverses mesures sociales dont bénéficient les habitants du pays. Il signale en outre que 39 pour cent du budget national sont consacrés à l'éducation, qu'il n'existe pas d'armée de métier et que l'application correcte de la loi est assurée par un pouvoir judiciaire dont l'indépendance est garantie par la Constitution.
    9. 205 Le gouvernement rejette l'assertion selon laquelle le ministère du Travail aurait agi pour la défense des intérêts patronaux et fait observer que ses déclarations publiées dans la presse, de même que celles du Président de la République, traduisaient la façon de penser de fonctionnaires d'un pays démocratique, qui mettaient en garde les administrés contre certains périls et menaces, sans que l'on puisse affirmer que ces interventions aient manifesté un parti pris en faveur d'un groupe social en particulier. Le gouvernement déclare d'autre part que, loin de favoriser la politique des chambres patronales, comme le prétendent les plaignants, il soutient le syndicalisme et proclame son appui aux syndicats qui, en se conformant au droit, luttent sincèrement pour obtenir des améliorations sociales et économiques pour leurs membres.
    10. 206 Le gouvernement indique que, le respect de la loi étant nécessaire tant de la part des gouvernants que de la part des gouvernés, il a été très préoccupé par les grèves illégales que les syndicats affiliés à la CGT provoquent souvent, de façon directe ou indirecte, surtout dans le secteur agricole, d'où le pays tire la majeure partie de ses ressources. Il ajoute que la pratique néfaste qui consiste à substituer des situations de fait aux procédures juridiques compromet la paix sociale et l'ordre public.
    11. 207 Le gouvernement confirme que des grèves ont eu lieu dans les plantations de bananes de Coopecariari et La Guadalupe, mais il fait observer que, contrairement à ce qui a été affirmé quant aux relations difficiles qui existeraient entre les ouvriers et la direction, des accords ont été signés dans les deux cas entre la CGT et l'ASBANA, organisme d'Etat chargé de gérer lesdites plantations. Le gouvernement soumet copie de ces accords, signés en juillet 1978, et signale que, bien que ces textes prévoient la création d'une commission chargée d'étudier et de résoudre les problèmes posés par les relations entre le patronat et les ouvriers (motif invoqué par le syndicat STAPPG pour déclencher la grève), la CGT et ledit syndicat n'ont manifesté par la suite aucun intérêt pour la participation de leurs délégués à la constitution de cette commission.
    12. 208 Le gouvernement communique copie des sentences prononcées, en juin 1978, par les tribunaux du travail, qui ont déclaré illégales les grèves mentionnées au paragraphe précédent, ainsi que d'autres évoquées dans la plainte (dans les entreprises Formosa, Frutera Atlántica et La Teresa). Dans certains de ces cas, on trouve consigné dans la sentence le motif de grève invoqué par les travailleurs (renvoi de compagnons de travail, griefs contre le contremaître, solidarité avec les travailleurs d'une autre entreprise, etc.) et, dans tous les cas, la déclaration d'illégalité se fonde sur deux arguments: le non-respect des procédures de conciliation prévues par le code du travail, et les dispositions de l'article 369, alinéa b), de ce code, aux termes duquel sont compris dans les "services publics" (où la grève n'est pas autorisée) les services assurés par les travailleurs occupés aux semences, à la culture, au soin ou à la récolte des produits agricoles et forestiers eu l'élevage, ainsi qu'A la transformation des produits, dans les cas où ils seraient menacés d'altération à défaut d'exécution immédiate des travaux. Les sentences indiquent que la culture de la banane doit être considérée comme comprise dans cette définition et certaines d'entre elles précisent en outre que les grèves en question se sont produites en période de récolte et que les fruits risquaient donc d'être perdus.
    13. 209 Le gouvernement communique une liste de 32 grèves que les tribunaux du travail ont déclarées illégales entre mai 1978 et mai 1979 et il signale que les syndicats ou leurs dirigeants n'ont comparu dans aucun de ces cas, alors qu'il existe des organisations syndicales dans presque toutes les entreprises intéressées. D'après le gouvernement, ces organisations éludent leur responsabilité judiciaire en faisant apparaître les travailleurs comme les promoteurs de la grève.
    14. 210 En ce qui concerne l'allégation selon laquelle deux centrales syndicales se seraient séparées d'un comité intersyndical par suite de déclarations faisant état des tendances communistes des dirigeants de la CG, le gouvernement déclare que ces tendances constituent un fait public et notoire au Costa Rica et que les raisons pour lesquelles les centrales en question ont pris cette décision sont leur affaire personnelle et non la sienne.
    15. 211 Pour ce qui est du refus de deux institutions autonomes de l'Etat de négocier des conventions collectives, le gouvernement indique que, se fondant sur un avis du bureau du Procureur général de la République, le Conseil de gouvernement a adopté, le 5 octobre 1978, un accord aux termes duquel l'Etat et ses institutions ne sont pas obligés de conclure des conventions collectives avec les syndicats d'employés et ne peuvent ni ne doivent être contraints de signer des instruments juridiques de cette nature, en vertu du principe selon lequel l'administration ne peut passer aucun acte sans y être habilitée expressément.
    16. 212 Par ailleurs, les registres du gouvernement ne portent aucune mention d'une entreprise dénommée TKACNIT. Aux laboratoires COFALA, où il n'existe pas de syndicat, les travailleurs ont déclenché un conflit collectif et, au moment où le ministère du Travail allait procéder au référendum ordonné par le juge, celui-ci a lui-même suspendu la consultation, parce que les parties étaient arrivées à un accord. Dans le cas de la compagnie bananière La Teresa, le syndicat intéressé avait déjà conclu une convention collective avec l'entreprise à la date à laquelle la CGT a présenté sa plainte.
    17. 213 Le gouvernement déclare que les allégations relatives à l'intervention de la force publique déforment la vérité. Ainsi, dans l'exploitation La Suerte, les fonctionnaires chargés de l'enquête, loin de s'opposer à un accord, l'ont eux-mêmes paraphé en tant que témoins et le document, dont le gouvernement soumet copie, a été déposé à l'inspection du travail.
    18. 214 En ce qui concerne la raffinerie COOPEVICTORIA, le gouvernement signale qu'il y a trois ans, le syndicat SITRACOVI a déclenché une grève qui était illégale, car elle s'accompagnait d'une occupation des lieux de travail. Cette occupation illicite - ajoute le gouvernement - a mis en péril les biens et la sécurité des personnes, car, lorsque la police a expulsé les occupants, elle a découvert des bouteilles explosives prêtes à être utilisées. C'est pour cette raison que, lorsque des rumeurs de grève ont recommencé de circuler, les administrateurs de la coopérative ont demandé la protection de la garde rurale, qui s'est donc montrée aux alentours de l'exploitation. Dans l'exploitation San Luis, le syndicat STAPPG avait accepté de suspendre la négociation collective pendant un voyage du représentant de l'entreprise, qui devait se rendre à une réunion internationale. Au cours de cette période, un groupe de travailleurs commença de boycotter la production en ralentissant intentionnellement le travail. Quelques travailleurs se sont également mis en grève et ont voulu s'opposer à ce que les autres vaquent à leurs occupations. A la demanda de l'entreprise, la garde rurale s'est postée à l'entrée et aux alentours de l'exploitation pour permettre aux travailleurs qui le désiraient de se rendre à leur travail. Le gouvernement soumet copie d'une lettre du 14 octobre 1978, dans laquelle les autorités indiquent à l'entreprise qu'elles acceptent de détacher deux agents pour veiller à l'ordre et protéger la propriété, perdant deux jours.
    19. 215 Le gouvernement estime que, à supposer que les violations de la législation nationale alléguées dans la plainte eussent été commises, les plaignants auraient dû s'adresser aux tribunaux de la République.
    20. 216 Le comité est saisi d'allégations qui se rapportent à la campagne que, d'après les plaignants, les autorités auraient engagée, par des déclarations publiques, en vue de discréditer et d'affaiblir un secteur du mouvement syndical en le présentant comme antidémocratique.
    21. 217 L'affaire présente des analogies avec des cas que le comité a examinés en d'autres occasions et au sujet desquels il a rappelé que le droit d'expression des opinions par la presse ou autrement est certainement un des éléments essentiels des droits syndicaux et que, si cette liberté doit être reconnue aux organisations syndicales, il est évident qu'elle ne saurait être contestée aux gouvernements. Toutefois, poursuivait le comité, la liberté d'expression du gouvernement ne doit pas s'exercer dans des termes et par des moyens - et notamment par l'utilisation de l'appareil étatique - qui revêtiraient un caractère coercitif et porteraient atteinte au droit des travailleurs de s'affilier aux organisations de leur choix.
    22. 218 A ce sujet, le comité a signalé que la question de savoir dans quelle mesure la position prise publiquement par un gouvernement à l'égard d'une organisation syndicale constitue une atteinte au droit des travailleurs de s'affilier aux organisations de leur choix dépend essentiellement des circonstances de fait; cela pourrait dépendre, notamment, des termes dans lesquels le gouvernement en cause a exprimé son point de vue, des conditions dans lesquelles celui-ci a été porté à la connaissance du public ou des travailleurs intéressés (presse, utilisation de l'appareil étatique, etc.) et de tous autres éléments permettant d'apprécier si la prise de position du gouvernement a ou non revêtu un caractère coercitif ou a été susceptible d'exercer une pression sur les travailleurs intéressés.
    23. 219 Dans le cas présent, il semble que les déclarations du ministre du Travail et des autres représentants du gouvernement ont été formulées à un moment où il régnait une certaine tension car des mots d'ordre de grèves avaient été lancés dans les zones bananières. Le gouvernement explique qu'il était très préoccupé par les grèves qui sont déclenchées sans que la loi soit respectée. La CGT, pour sa part, indique que les travailleurs des zones bananières ont coutume de recourir à la grève "de fait" pour obtenir que leurs revendications soient rapidement satisfaites. Les éléments de preuve présentés au comité au sujet de cet aspect de l'affaire consistent en opinions et exhortations publiées dans la presse du pays, qui ont été formulées sur un ton polémique, mais, semble-t-il, sans revêtir un caractère coercitif. En outre, la presse a rendu compte des points de vue des deux parties. Pour ces motifs, et compte tenu des principes rappelés dans les paragraphes précédents, le comité considère que les plaignants n'ont pas apporté la preuve de ce que les déclarations mentionnées flans la plainte aient constitué une violation de la liberté syndicale. Il estime, de même, que la responsabilité du gouvernement en ce qui concerne la décision de deux organisations de se retirer du comité de l'unité syndicale n'a pas été démontrée.
    24. 220 En ce qui concerne l'intervention des autorités dans les différents conflits collectifs mentionnés dans la plainte, le gouvernement a fourni des informations assez détaillées et notamment le texte de diverses sentences judiciaires. Il ressort de ces informations que plusieurs des grèves en question ont été déclarées illégales par les tribunaux du travail. Dans certains cas, il a été mis fin aux conflits par la signature d'accords dont le gouvernement a soumis copie. En ce qui concerne les allégations relatives à la présence de la police dans deux des conflits, les informations communiquées par le gouvernement indiquent que les autorités ont agi à la demande des entreprises en cause et que leur rôle s'est limité expressément à prévenir dommages et désordres.
    25. 221 Le comité a toujours considéré que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts professionnels. Il a également souligné que la notification préalable aux autorités et l'obligation de recourir aux procédures de conciliation et d'arbitrage avant de déclencher une grève, lors d'un conflit collectif, sont prévues par la législation de bien des pays et que les dispositions de cette nature ne peuvent être considérées comme portant atteinte à la liberté syndicale. Dans le cas présent, il ressort des informations soumises au comité que la notification requise aux fins de la conciliation prévue par le code du travail n'a pas été effectuée par les grévistes.
    26. 222 Le comité fait observer, par ailleurs, qu'aux termes du code du travail, les travailleurs de l'agriculture ne peuvent se mettre en grève lorsque l'interruption du travail provoquerait l'altération des produits. Dans divers cas antérieurs, le comité a admis que le droit de grève peut faire l'objet de restrictions, voire d'interdictions, dans la fonction publique ou les services essentiels, parce que la grève pourrait y provoquer de graves préjudices à la collectivité nationale. Il a aussi considéré qu'il ne semble pas que des grèves importantes puissent se produire dans des entreprises qui constituent un secteur clé pour la vie du pays sans qu'il en résulte de semblables préjudices. Le comité a estimé, cependant, que le principe concernant l'interdiction des grèves dans les "services essentiels" risquerait de perdre tout son sens s'il s'agissait de déclarer illégale une grève dans une ou plusieurs entreprises n'assurant pas un "service essentiel" dans le sens strict du terme. Les éléments disponibles dans ce cas n'indiquent pas que la disposition précitée du code du travail s'applique sans discrimination à toute activité agricole. En outre, et compte tenu de ce que la plainte ne se rapporte pas à cette question, le comité se borne à rappeler, de façon générale, l'importance des considérations qui précèdent.
    27. 223 Enfin, il est fait allusion dans la plainte au fait que l'Institut costaricien des ports et les Chemins de fer du Costa Rica, institutions autonomes de l'Etat, ont refusé de procéder à des négociations collectives. Dans sa réponse, le gouvernement se réfère à une décision qu'il a adoptée en octobre 1978, selon laquelle l'Etat et ses institutions ne peuvent ni ne doivent souscrire des conventions collectives avec leurs employés. Dans une autre communication du gouvernement citée dans le présent rapport (voir le paragraphe 193 ci-dessus), il est signalé qu'à partir de juillet 1978, une négociation a eu lieu entre l'Institut national de développement coopératif et l'Association nationale des employés publics, en vue de discuter une nouvelle convention collective.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 224. Le comité désire rappeler qu'aux termes de l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, que le Costa Rica a ratifiée, des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi. Aux termes de son article 6, la convention no 98 ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics. Le comité a souligné que ladite convention, et en particulier son article 4, concernant l'encouragement et la promotion de la négociation collective, est applicable au secteur privé comme aux entreprises nationalisées et aux organismes publics, à l'exception des fonctionnaires. Dans le même sens, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé qu'à cet effet, il conviendrait d'établir une distinction entre les fonctionnaires publics employés à des titres divers dans les ministères ou autres organismes gouvernementaux comparables - autrement dit les fonctionnaires publics dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat et les fonctionnaires d'un grade inférieur agissant en tant qu'auxiliaires des précédents -, d'une part, et les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques ou par des institutions publiques autonomes, d'autre part.
  2. 225. Dans ces conditions, le comité estime qu'il y a lieu de signaler au gouvernement les considérations exposées au paragraphe précédent, ainsi que l'opportunité de n'appliquer à la dernière catégorie de travailleurs mentionnée aucune mesure qui s'opposerait au développement de la négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 226. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations relatives à l'attitude des autorités vis-à-vis de l'Association nationale des employés publics, de noter, compte tenu des considérations formulées dans les paragraphes 195 et 196 ci-dessus, que les problèmes mentionnés dans la plainte ont été résolus et de décider que ces aspects du cas n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) au sujet des allégations relatives à l'attitude des autorités vis-à-vis de la Confédération générale des travailleurs:
    • i) de noter, compte tenu des principes et considérations formulés aux paragraphes 317 à 219 ci-dessus, que les plaignants n'ont pas apporté la preuve de ce que les déclarations de personnalités du gouvernement mentionnées dans la plainte aient constitué une violation de la liberté syndicale;
    • ii) de prendre note des informations soumises par le gouvernement au sujet des conflits collectifs mentionnés dans la plainte et de signaler que la condition de la conciliation préalable à la grève ne porte pas atteinte à la liberté syndicale;
    • iii) eu égard aux dispositions des articles 4 et 6 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, de signaler à l'attention du gouvernement les considérations énoncées au paragraphe 224 ci-dessus ainsi que l'opportunité de n'appliquer aux travailleurs du secteur public qui ne sont pas des fonctionnaires aucune mesure qui s'opposerait au développement de la négociation collective;
    • iv) de signaler ces conclusions à l'attention de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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