Display in: English - Spanish
- 294. Le comité a déjà examiné deux fois cette plainte, sur laquelle il a présenté des conclusions intérimaires au Conseil d'administration (Voir 259e rapport, paragr. 564 et 588, et 268e rapport, paragr. 459 à 481, respectivement approuvés par le Conseil d'administration à ses sessions de novembre 1988 et novembre 1989).
- 295. Le gouvernement a fait parvenir, par communication du 10 avril 1990, ses observations sur les aspects de ce cas restés en suspens.
- 296. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 297. Dans le présent cas, qui remonte à octobre 1987, le plaignant porte de graves allégations sur la répression militaire et paramilitaire exercée contre son affilié local (la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie sucrière - alimentation et commerce général, ou NFSW-FGT) qui cherchait à protéger les droits des travailleurs sucriers de la province de Negros. Le gouvernement a fourni des informations sur certaines procédures en cours et sur les directions que pourraient prendre les enquêtes sur les faits allégués.
- 298. Au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé, à sa session de novembre 1989, les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande instamment au gouvernement de diligenter des enquêtes judiciaires indépendantes concernant les allégations de meurtres des syndicalistes: A. Emalay, M. Pastidio, R. Villacuatro, A. Cayao et J. Tampinco, et de lui communiquer le plus rapidement possible des informations sur les résultats de ces enquêtes.
- b) Il demande au gouvernement de continuer à le tenir informé de l'évolution des procès en cours concernant le meurtre des dirigeants syndicaux Antojado devant le tribunal de San Carlos City, et Balaud devant la Cour suprême, laquelle doit se prononcer sur la question de la juridiction compétente.
- c) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur toute autre procédure qui aurait été mise en oeuvre pour enquêter sur le meurtre de M. O. Bantayan, et de le tenir informé de toute procédure ultérieure.
- d) Le comité, tout en notant les mesures prises pour assurer le respect de la loi et des droits de l'homme dans les zones contrôlées par les groupes volontaires d'autodéfense, prie néanmoins le gouvernement de lui envoyer des copies des rapports établis régulièrement par les organes officiels de contrôle (la Commission des droits de l'homme des Philippines, le Conseil national pour la paix et l'ordre, le Sous-comité interinstitutions sur les groupes volontaires d'autodéfense des citoyens créé par les directives de 1987) afin de pouvoir juger, sur la base d'informations détaillées et à jour, de l'efficacité de ces organes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 299. Dans sa communication du 10 avril 1990, le gouvernement déclare que, en ce qui concerne les cas de MM. A. Emalay, M. Pastidio, R. Villacuatro, A. Cayao et J. Tampinco, l'enquête n'a pas encore donné de résultats assez concluants pour aboutir à la poursuite des auteurs des crimes commis sur ces personnes. Il rappelle sa précédente communication selon laquelle, faute de témoins et d'indices dont les services d'enquête du gouvernement ont besoin pour identifier et inculper les auteurs desdits crimes, il est très difficile d'arriver à des conclusions probantes sur ces cas. Cependant, le ministère du Travail et de l'Emploi (MTE) attache tant d'importance à ces cas qu'il a donné instructions à ses bureaux régionaux de suivre la situation et d'aider les enquêteurs dans leurs recherches. Le gouvernement communique le premier rapport du bureau régional no VI dudit ministre, où figurent des détails sur le cours des recherches.
- 300. En ce qui concerne la demande des avocats de M. Balaud tendant à dessaisir la justice militaire de ce cas et de le renvoyer devant les tribunaux civils, le gouvernement déclare que cette demande a été agréée et qu'un tribunal civil est déjà saisi du dossier. Le procès concernant l'assassinat de M. Antojado se poursuit devant le tribunal régional de San Carlos City (Negros occidental).
- 301. A propos du meurtre de M. Bantayan, le gouvernement assure le comité que l'enquête ne s'est pas bornée au rapport du ministère de la Défense nationale (MDN): ce n'est qu'un premier rapport, par lequel le ministère cherche à ouvrir une piste qui puisse mener à une inculpation devant les tribunaux.
- 302. Enfin, le gouvernement communique le plus récent rapport des organes officiels de contrôle sur les divers conseils de la paix et de l'ordre établis par la loi. Le rapport de la Commission des droits de l'homme des Philippines (PCHR) n'est pas encore disponible, mais le gouvernement s'engage à en communiquer copie sitôt qu'il en disposera.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 303. Le comité note que le rapport du bureau régional du ministère du Travail et de l'Emploi, daté du 10 novembre 1989, ne donne encore aucune information sur les meurtres de MM. Amiceto Emalay et Moreto Pastidio commis en 1986, et que les recherches sur la mort de Rodrigo Villacuatro sont gênées par la difficulté matérielle d'entrer en rapport avec sa famille ainsi que par "la crainte de représailles de la part d'entités militaires ou autres". Il relève en outre qu'à ce rapport est annexée une résolution du 27 juin 1989 par laquelle la Commission des droits de l'homme des Philippines (PCHR) recommande que soit classée, faute de preuves concrètes, sa propre enquête sur l'assassinat de José (dit "Joe") Tampinco, commis le 3 juillet 1988.
- 304. Egalement annexé se trouve le rapport no 88-254 de la PCHR sur la mort d'Amado Cayao, ainsi libellé:
- "Le présent rapport concerne l'assassinat d'Amado Cayao, commis le 4 juillet 1987 par plusieurs hommes armés. M. Cayao était président de la section locale de la NFSW à Silay City.
- La version que donne sa femme, Nelly Sumpa, veuve Cayao, plaignante, est la suivante: son mari s'est éveillé à environ 4 heures du matin le 4 juillet 1987 pour satisfaire un besoin naturel; après quelques minutes elle a entendu des coups de feu et, environ une heure plus tard, quand elle et d'autres personnes cherchèrent son mari, elle le trouva mort; au moment où elle a entendu des coups de feu, elle a aperçu par la fenêtre plusieurs hommes en armes, mais sans voir leurs visages ni pouvoir les reconnaître.
- Par contre, la version militaire, donnée par le colonel Miguel Coronel dans sa lettre de couverture du 10 mars 1988, est que M. Cayao a été tué lors d'un engagement entre l'armée et un groupe de séditieux, dont faisait partie la victime.
- A part la déposition assermentée de sa veuve, selon laquelle des hommes armés vêtus de treillis militaires auraient ouvert le feu sur Amado Cayao, il n'a été fourni aucun autre élément sur l'identité du ou des meurtriers."
- 305. Etant donné que les recherches dans chacun des cas de meurtre sur lesquels il avait demandé des informations n'ont pu aboutir, le comité ne peut que rappeler qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 68.)
- 306. Quant aux procès relatifs à la mort de MM. Antojado (engagé depuis début 1988) et Balaud (meurtre commis par des militaires identifiés au début 1988), le comité, notant qu'ils se poursuivent devant les tribunaux civils, compte recevoir des copies des jugements dès qu'ils auront été rendus ce qui, espère-t-il, ne saurait tarder plus longtemps.
- 307. Le comité, notant aussi que les enquêtes sur le meurtre de M. O. Bantayan se poursuivent, prie le gouvernement de lui fournir des précisions et de lui faire savoir s'il y a eu inculpation ou arrestation de suspects et si des poursuites pénales ont été engagées devant les tribunaux civils.
- 308. Le comité relève à la lecture du rapport de 1989 du Conseil national pour la paix et l'ordre qu'ont été tenues en 1988 quatre réunions de travail sur la sécurité nationale, la paix et l'ordre publics, avec un total de 603 participants; que, pendant le premier semestre de 1989, a eu lieu une deuxième série de réunions de travail interrégionales rassemblant en tout 1.706 personnes; que les problèmes identifiés lors de ces rencontres sont de nature sociale (corruption, pauvreté, retards de justice, jeux de hasard illégaux); ou d'ordre économique (chômage ou sous-emploi, questions de travail, insuffisance des infrastructures); ou encore qu'ils concernent la sécurité (criminalité, drogue, insuffisance d'unités géographiques des forces armées civiles), piraterie, abus de pouvoirs militaires et policiers); ou tiennent au manque de solidarité publique ou de communications. Parmi les solutions préconisées lors de ces rencontres figurent: la création d'un réseau de contrôle efficace et pratique, avec stricte application de la loi; un meilleur financement des conseils régionaux et locaux pour la paix et l'ordre; une campagne intégrée d'information et d'éducation; une plus étroite coordination entre les services de l'Etat; et la création de groupes volontaires d'autodéfense civils (CVO) pour renforcer la sécurité, l'ordre et la paix et pour aider les Unités géographiques des forces armées civiles à "assurer la sécurité des populations civiles et parer à toute menace de la part des rebelles communistes". L'un des grands buts fixés pour 1989 au Conseil national pour la paix et l'ordre a été de "supprimer les causes de l'impopularité du gouvernement en réprimant vigoureusement les abus des forces armées, de la police et des chefs locaux, et en améliorant le fonctionnement des services essentiels".
- 309. Le rapport montre que, parmi les activités des conseils régionaux et locaux pour la paix et l'ordre, figurent la tenue de causeries sur les droits de l'homme, le déploiement et la mobilisation des CAFGU, et une campagne d'interdiction des armes à feu dans les îles Soulou. A ce propos, le Conseil national pour la paix et l'ordre a tenu en juillet 1986 un débat sur la délivrance d'armes à feu aux maires des localités et aux unités de sécurité civile: certains milieux la préconisaient afin d'assurer la protection rendue nécessaire par la vague d'assassinats de notables locaux, tandis que d'autres craignaient qu'en introduisant encore des armes dans le pays on ne fasse qu'aggraver l'insécurité, car les armes, avec ou sans permis, finissent toujours par aboutir dans de mauvaises mains. Les statistiques recueillies ont montré qu'il existait 648 bandes criminelles organisées détenant au moins 870 armes à feu, et que 192.000 armes à feu seraient aux mains des insurgés locaux, des milices privées et autres formations illégales. A la même réunion, un général de brigade des forces armées philippines a indiqué que les CAFGU avaient, entre autres objectifs, celui de démanteler 16 à 18 groupes de guérilleros et autres bandes armées pour ensuite incorporer leurs membres afin de tenir le front dans le cadre de la campagne anti-insurgés des forces armées.
- 310. Conscient des difficultés qu'affronte le gouvernement pour maintenir l'ordre et la paix, le comité exprime sa préoccupation du fait que le rapport de 1989 dont il est saisi ne fait aucune allusion à la protection des syndicats ou de leurs dirigeants contre les violences et les brimades dont fait état l'UITA dans le présent cas. Or, dans ses précédentes réponses aux mêmes allégations, le gouvernement avait exposé l'ensemble des mécanismes mis en place aux Philippines pour vérifier les pratiques antisyndicales (directives d'octobre 1987), tels que les CVO et la Commission des droits de l'homme des Philippines, avec des indications détaillées sur les conseils pour la paix et l'ordre réorganisés aux termes de l'arrêté présidentiel no 309 de mars 1988. Il semble maintenant que ces conseils, plutôt que de contrôler les activités des Unités géographiques des forces armées civiles, ne fassent qu'encourager la constitution de telles unités et leur action armée. Aussi le comité invite-t-il le gouvernement à communiquer de plus amples informations sur les rôles respectifs et les rapports mutuels des divers organismes de surveillance qui pourraient aider aux recherches sur les violations alléguées des droits syndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 311. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Etant donné que les recherches dans chacun des cas de meurtre de syndicalistes sur lesquels il avait demandé des informations n'ont pu aboutir, le comité ne peut que rappeler qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme.
- b) Le comité prie le gouvernement de lui adresser copie des jugements qui seront rendus à la fin des poursuites pénales menées contre les personnes accusées des meurtres de MM. Antojado et Balaud, poursuites dont la conclusion, espère-t-il, ne saurait plus tarder.
- c) Il prie également le gouvernement de lui communiquer de plus amples renseignements sur les enquêtes visant le meurtre de M. O. Bantayan, et notamment s'il y a eu inculpation ou arrestation de suspects et si des poursuites pénales ont été engagées devant les tribunaux civils.
- d) Constatant que les conseils pour la paix et l'ordre ne semblent pas maîtriser les activités antisyndicales, le comité prie le gouvernement de lui communiquer de plus amples informations sur les rôles respectifs et les rapports mutuels des diverses organisations de surveillance à l'oeuvre aux Philippines (y compris le Sous-comité interinstitutions sur les groupes d'autodéfense de citoyens) qui pourraient aider aux recherches sur les violations alléguées des droits syndicaux.