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- 275. Une plainte en violation de la liberté syndicale contre le
- gouvernement
- du Guatemala a été présentée par la Confédération de l'unité
- syndicale du
- Guatemala (CUSG) dans une communication datée du 20 juin
- 1988. Le gouvernement
- a envoyé ses informations et observations sur ce cas dans
- une communication
- datée du 7 septembre 1988.
- 276. Le Guatemala a ratifé la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et
- la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention
- (no 98) sur le
- droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante
- 277. La CUSG allègue dans sa plainte des actes arbitraires
- du gouvernement
- en matière de droits de l'homme et de liberté syndicale, en
- particulier des
- lenteurs dans l'inscription des syndicats, des licenciements de
- travailleurs
- regroupés dans des comités d'entreprise qui tentent de fonder
- des syndicats,
- des refus d'aider les travailleurs à obtenir la mise en oeuvre
- des accords
- conclus et le développement du "solidarisme".
- 278. S'agissant des lenteurs dans l'inscription des syndicats,
- la CUSG
- explique que la documentation exigée pour l'obtenir dort dans
- les bureaux du
- ministère du Travail, qu'elle ne suit pas son cours et qu'il est
- curieux qu'il
- en soit ainsi pour les organisations syndicales, puisque pour les
- autres
- organisations l'inscription se fait rapidement. En conséquence,
- d'après la
- confédération plaignante, le ministère viole le droit
- d'association en rendant
- la loi inopérante.
- 279. S'agissant de licenciements de travailleurs, la CUSG
- indique que, dans
- la municipalité de San Antonio Suchitepéquez, le maire a
- commis des actes
- arbitraires à l'encontre des travailleurs. Il a licencié un groupe
- d'ouvriers,
- y compris le comité exécutif du syndicat qui était en train de se
- constituer.
- Selon la confédération plaignante, les événements se sont
- déroulés de la
- manière suivante: en premier lieu, le maire a tenté de
- provoquer un
- affrontement qui aurait pu causer des pertes de vies humaines,
- en faisant
- croire à la population et aux employés de confiance que les
- syndicalistes
- allaient attenter à la sécurité des habitants de San Antonio car
- ils étaient
- communistes. En second lieu, les travailleurs, pour éviter
- l'affrontement,
- n'ont pas tenu l'assemblée qu'ils avaient convoquée, et ils se
- sont cachés
- dans le cimetière de cette localité pour se réunir en assemblée
- générale. Par
- la suite, les travailleurs ont introduit des recours auprès des
- tribunaux
- contre leurs licenciements illégaux, prononcés par le maire. Le
- Tribunal du
- travail a ordonné la réintégration des travailleurs licenciés il y a
- dix mois,
- mais les intéressés n'ont toujours pas été réintégrés. De
- surcroît, sur les
- instances du maire, un nouveau syndicat d'employés de
- confiance, dont le
- secrétaire général n'est autre que le chef de la police, s'est
- créé. Or, selon
- le ministère du Travail, il n'est pas permis aux membres de la
- police de se
- constituer en syndicat. C'est la raison pour laquelle la CUSG se
- demande
- comment on peut permettre au chef de la police de cette
- municipalité de
- devenir secrétaire général d'un syndicat. La dernière affaire en
- date, cette
- année, est celle du Syndicat des travailleurs des services
- téléphoniques
- (GUATEL). Outre l'intérêt soutenu de l'employeur à diviser
- l'organisation par
- une dualité de syndicats, le syndicat dont fait état la
- confédération
- plaignante n'a pas été enregistré alors qu'il présentait toutes
- les conditions
- requises par la Direction générale du travail, allègue la CUSG.
- 280. Par ailleurs, dans une autre affaire datant de 1987, les
- travailleurs
- de l'usine LUNAFIL n'ont pas eu d'autre alternative que de
- déclencher une
- grève. Depuis septembre 1987, ils n'avaient pas reçu l'appui
- du ministère du
- Travail pour la mise en oeuvre des sentences les concernant,
- ce qui a permis
- les manoeuvres de l'entreprise. Les responsables l'ont en effet
- vendue à
- d'autres personnes, lesquelles ont obtenu que l'usine soit
- évacuée par la
- force. La confédération plaignante joint, à cet égard, une
- coupure de presse
- du journal Campo Pagado, datée du 27 mai 1988, qui contient
- des précisions sur
- cette allégation. Le syndicat des travailleurs de l'usine
- LUNAFIL SA y
- condamne l'action de 500 éléments anti-émeute qui ont
- pénétré à 6 heures du
- matin, le 26 mai, à l'intérieur de l'usine pour faire évacuer les
- 39
- travailleurs qui s'y trouvaient pacifiquement pour défendre leur
- travail et
- leur liberté syndicale. La police a procédé à cette évacuation
- au prétexte
- qu'il s'agissait de l'exécution d'un mandat judicaire, mais elle
- n'a présenté
- à aucun moment le mandat en question. Au cours de cette
- action, des personnes
- du voisinage sont arrivées sur les lieux; il s'en est suivi une
- réelle
- confusion qui a résulté de la violence des forces de sécurité:
- les policiers
- ont tiré des coups de feu, un membre du comité exécutif du
- syndicat, Julio
- Coj, a été blessé, et deux ouvriers d'une usine voisine ont été
- appréhendés
- par la police, puis relâchés par la suite. D'après la coupure de
- presse, le
- syndicat estime qu'en usant de tels moyens le gouvernement a
- cherché à
- réprimer et à faire taire les travailleurs, étant donné que les
- forces de
- sécurité de l'Etat n'ont agi que pour obtenir l'exécution des
- décisions de
- justice favorables aux employeurs et que, lorsqu'il s'est agi des
- décisions
- favorables aux travailleurs, les forces de sécurité ne sont pas
- intervenues.
- 281. La CUSG explique aussi que l'Unité d'action syndicale
- et populaire, qui
- est la plus haute expression des travailleurs guatémaltèques, a
- signé des
- accords avec le gouvernement, le 8 mars 1988, en matière de
- politiques
- économique, agraire, sociale, de droits de l'homme, de
- corruption
- administrative et de politique énergétique. Dans le domaine
- social, l'accord
- portait sur une augmentation de 50 quetzales par mois au
- moins pour les
- travailleurs du secteur privé, augmentation qui devait entrer en
- application
- dans les 45 jours. Or, d'après la confédération plaignante, 90
- jours plus
- tard, l'augmentation n'avait toujours pas été accordée, violant
- ainsi les
- accords du 8 mars, sans tenir compte des besoins
- économiques et sociaux des
- travailleurs et de leurs familles. En outre, l'accord prévoyait
- également, en
- matière d'octroi de la personnalité juridique au syndicat,
- l'inscription
- immédiate de tous les syndicats par la Direction générale du
- travail et un
- délai de 30 jours pour contrôler les dossiers et régulariser les
- inscriptions
- définitives. Là aussi 90 jours ont passé sans que les
- inscriptions aient été
- faites.
- 282. Au sujet du mouvement dit du "solidarisme" dont le
- siège est au Costa
- Rica, la CUSG explique qu'il s'agit d'un mouvement
- d'employeurs, antisyndical,
- qui grandit à pas de géant, car il dispose d'argent, ce qui
- manque aux
- travailleurs. Aussi envoie-t-on régulièrement au Costa Rica, en
- stage
- d'endoctrinement, des travailleurs. A titre d'exemple, la
- confédération
- plaignante cite les plantations de bananes d'Izabal, dont le
- syndicat est en
- train d'être miné par les "solidaristes" qui mystifient les
- travailleurs afin
- d'éliminer l'organisation syndicale.
- B. Réponse du gouvernement
- 283. Dans sa réponse du 7 septembre 1988, le
- gouvernement communique des
- observations et informations détaillées sur chacune des
- allégations de la
- confédération plaignante.
- 284. Sur le grief relatif à l'intervention du ministère du Travail
- et de la
- Prévoyance sociale dans l'inscription des syndicats, les
- informations
- statistiques du ministère démontrent que les allégations de la
- confédération
- plaignante sont inexactes. Au début du processus
- démocratique qui se développe
- actuellement, 456 syndicats étaient inscrits. De 1979 à 1985,
- étape historique
- des gouvernements autoritaires, 39 syndicats seulement l'ont
- été, soit une
- moyenne de 5,5 par an, sans compter l'année 1983 au cours
- de laquelle aucun
- syndicat n'a été inscrit. Dans les deux premières années de la
- gestion du
- présent gouvernement, 62 syndicats ont été inscrits et, au
- cours des six
- premiers mois de 1988, 32 l'ont été. D'après le gouvernement,
- le délai
- d'inscription d'un syndicat a considérablement diminué,
- puisqu'en 1984 il
- fallait compter 121 jours; en 1986, ce n'était plus que 24; en
- 1987, 7; et, au
- cours des six premiers mois de cette année, 6.
- 285. Le gouvernement reconnaît cependant que les
- dispositions du Code du
- travail actuellement en vigueur, à savoir les articles 212, 216,
- 218, 219 et
- 233, ne facilitent pas la procédure d'inscription des syndicats,
- et il annonce
- que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a pris
- l'initiative de
- proposer une réforme du cadre juridique en la matière, réforme
- que l'organe
- législatif devrait examiner dans les jours prochains. Cette
- réforme devrait
- permettre de faciliter, de manière substantielle, l'inscription des
- syndicats.
- En conséquence, le gouvernement réfute les allégations de la
- confédération
- plaignante et affirme qu'il ne viole pas la liberté d'association et
- qu'il ne
- rend pas la loi inopérante, mais qu'au contraire il s'efforce de
- faciliter la
- procédure en réformant le Code du travail.
- 286. Sur le grief relatif à de prétendus actes arbitraires qui
- auraient été
- commis par le maire de la municipalité de San Antonio
- Suchitepéquez, la
- confédération plaignante elle-même, remarque le
- gouvernement, indique que
- l'affaire a été portée devant les tribunaux du travail et de la
- prévoyance
- sociale. Le gouvernement souligne qu'au Guatemala,
- conformément à l'article
- 141 de la Constitution, il n'y a pas subordination entre les
- organes
- législatifs, exécutifs et judiciaires. Un des piliers essentiels du
- processus
- démocratique repose sur l'indépendance de ces organes. En
- conséquence,
- l'exécutif, et en l'occurrence le ministère du Travail, est
- totalement
- étranger à la procédure qui se déroule devant le Tribunal du
- travail.
- Indépendamment de ce qui précède et dans la mesure où les
- allégations de la
- CUSG s'avéreraient exactes, le Code pénal actuellement en
- vigueur punit la
- désobéissance en ses articles 414 et 420, de sorte que tous
- les travailleurs
- ont le droit d'engager des actions pénales dans cette affaire.
- Le ministère du
- Travail n'a pas compétence en la matière, conclut le
- gouvernement.
- 287. S'agissant du cas du Syndicat des travailleurs des
- services
- téléphoniques (GUATEL), le gouvernement indique que la
- Direction générale du
- travail, qui est l'organe administratif chargé de l'inscription des
- syndicats,
- n'a pas eu connaissance d'une demande de reconnaissance
- de la personnalité
- juridique et d'approbation des statuts d'un syndicat des
- travailleurs des
- services téléphoniques qui serait appelé GUATEL. En
- conséquence, l'assertion
- de la CUSG n'est pas exacte, étant donné que le syndicat en
- question n'existe
- pas. Selon le gouvernement, un seul dossier concernant les
- travailleurs des
- télécommunications se trouve à la Direction générale du
- travail. Le Syndicat
- des travailleurs de la Tropical Radio Telegraph Company s'est
- constitué le 28
- avril 1957, et l'approbation de ses statuts et la reconnaissance
- de sa
- personnalité juridique datent de cette époque. En 1966, ce
- syndicat a changé
- de nom. Il s'est appelé Syndicat des travailleurs des
- télécommunications
- internationales du Guatemala et, en 1983, il a encore changé
- de nom et
- s'appelle maintenant le Syndicat des travailleurs de l'entreprise
- des
- télécommunications du Guatemala. En d'autres termes, au sein
- de l'entreprise
- des télécommunications il n'y a eu, et il n'y a, qu'un seul
- syndicat.
- 288. S'agissant du cas des travailleurs de l'usine LUNAFIL, le
- gouvernement
- affirme que, depuis que l'administration actuelle chargée du
- ministère du
- Travail a pris ses fonctions, elle s'est intéressée à l'affaire des
- travailleurs de cette usine. Le problème a été soumis aux
- tribunaux du
- travail; en conséquence, le ministère ne pouvait pas intervenir.
- Il ne pouvait
- qu'entreprendre une action de médiation entre les employeurs
- et les
- travailleurs afin de rechercher une solution qui convienne aux
- deux parties.
- Comme il ressort du dossier du cas, c'est ce qu'il a fait. Les
- dirigeants
- syndicaux ont demandé la médiation du ministre du Travail, et,
- le 23 juillet
- 1988, en présence du ministre du Travail du Costa Rica, le
- ministre du Travail
- du Guatemala a participé à la réouverture de l'usine et à la
- solution
- définitive de ce conflit. Le gouvernement annexe à cet égard
- la copie de
- l'acte de médiation, signé devant le ministre des Affaires
- spéciales par
- plusieurs dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'entreprise
- LUNAFIL SA
- et par plusieurs représentants de l'employeur, où les intéressés
- manifestent
- leur souhait de parvenir à un accord pour résoudre de manière
- définitive le
- conflit qui affecte l'entreprise depuis le 9 juin 1987. Après
- discussion, les
- travailleurs ont accepté de quitter les zones appartenant à
- l'entreprise le 22
- juillet. Il a été décidé que des mesures devaient être prises
- pour que
- l'entreprise fonctionne à nouveau à partir du 23 août.
- L'entreprise a accepté
- de réintégrer 24 des personnes qu'elle occupait auparavant,
- dont les noms ont
- été proposés par le comité exécutif du syndicat. Il a également
- été décidé que
- les parties s'engageaient à discuter un projet de pacte collectif
- et à se
- dessaisir de toute action judiciaire.
- 289. Au sujet des accords signés entre le gouvernement et
- l'Unité d'action
- syndicale et populaire, et plus particulièrement de la question
- des
- augmentations de salaires, le gouvernement explique que
- l'organe exécutif a
- soumis, conformément à ses engagements, un projet de loi en
- ce sens devant
- l'organe législatif. Cependant, rappelle-t-il, compte tenu de
- l'indépendance
- des pouvoirs dont il a déjà fait état, l'exécutif ne peut pas
- contraindre le
- législatif à approuver un projet de loi.
- 290. Quant à la question du "solidarisme", le gouvernement
- déclare que le
- ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a décidé de
- ne pas inscrire
- les groupes de travailleurs qui s'associent dans le but de
- constituer un
- groupement "solidariste". Il explique cependant que les
- dispositions
- constitutionnelles (article 34) régissent le droit d'association de
- telle
- manière que ce droit ne peut être dénié. Aussi, le ministère du
- Travail estime
- que ceux qui souhaitent exercer ce droit pour constituer une
- association
- "solidariste" doivent adresser leur demande d'autorisation
- auprès du ministère
- de l'Intérieur, qui est seul compétent en la matière aux termes
- de la loi.
- Indépendamment de ce qui est indiqué ci-dessus, le
- gouvernement ajoute que le
- ministère du Travail est d'avis qu'il appartient aux travailleurs
- dénoncer les objectifs du "solidarisme" et les contradictions
- qu'ils
- entraînent avec les objectifs des syndicats. Aussi, le ministère
- du Travail
- n'a aucune compétence en la matière. Les allégations de la
- confédération
- plaignante sur ce point manquent donc de fondement.
- 291. En conclusion, le ministre du Travail explique que,
- depuis qu'il a pris
- ses fonctions le 17 octobre 1987, 59 syndicats ont été inscrits
- et que 9
- autres sont en passe de l'être. La communication du
- gouvernement contient, à
- cet égard, les statistiques de la Direction générale du travail en
- matière
- d'inscription des syndicats, statistiques qui confirment les
- informations
- fournies par le gouvernement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 292. En premier lieu, le comité note avec intérêt que,
- contrairement à ce
- qui est arrivé dans le passé, le gouvernement, dans le présent
- cas, a
- collaboré à la procédure en envoyant dès le mois de
- septembre 1988 des
- réponses détaillées aux allégations présentées par la
- confédération plaignante
- en juin 1988. Il prend d'autant plus bonne note de ce fait que,
- pendant de
- nombreuses années, il avait été conduit à regretter le manque
- de coopération
- du gouvernement à la procédure et l'obligation dans laquelle il
- s'était
- maintes fois trouvé d'examiner de nombreuses plaintes quant
- au fond sans
- pouvoir tenir compte des informations et observations du
- gouvernement.
- 293. En second lieu, sur le fond, le comité observe que les
- réponses du
- gouvernement aux différentes allégations présentées dans le
- présent cas
- démontrent que sur certains points celui-ci s'est efforcé, au
- moins
- partiellement, à faire droit aux griefs de la CUSG. Il n'en
- demeure pas moins,
- cependant, que les versions du gouvernement et de la
- confédération plaignante
- sont souvent contradictoires et que les mesures prises par le
- gouvernement
- pour rétablir les atteintes à la liberté syndicale ne semblent pas
- toujours
- être suffisantes.
- 294. Pour la CUSG, en effet, les autorités publiques
- commettent des actes
- arbitraires contraires aux droits de l'homme et à la liberté
- syndicale en
- n'inscrivant pas les syndicats, en laissant licencier les
- travailleurs des
- comités d'entreprise qui cherchent à créer de nouveaux
- syndicats, en
- n'apportant pas son appui aux travailleurs afin qu'ils obtiennent
- la mise en
- oeuvre des accords conclus et en favorisant le
- développement du "solidarisme".
- 295. En revanche, sur le premier grief relatif aux lenteurs
- d'inscription
- des syndicats par le ministère du Travail et de la Prévoyance
- sociale, le
- gouvernement déclare que, s'il était vrai que de 1979 à 1985
- les gouvernements
- autoritaires successifs inscrivaient très lentement les syndicats,
- puisque 39
- syndicats seulement avaient été inscrits au cours desdites
- années depuis le
- retour à la démocratie en 1985, 94 syndicats ont été inscrits
- dont 59 depuis
- le mois d'octobre 1987. Le gouvernement affirme également
- que les délais
- d'inscription des syndicats ont considérablement diminué, mais
- il reconnaît
- que les dispositions du Code du travail actuellement en
- vigueur ne facilitent
- pas la procédure d'inscription des syndicats, et il annonce des
- modifications
- législatives pour remédier à ce problème.
- 296. Le comité veut croire à cet égard que, conformément
- aux assurances
- données par le gouvernement dans sa réponse, la refonte de
- la législation en
- cours permettra d'adopter des dispositions conformes aux
- articles 2, 3 et 7 de
- la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du
- droit
- syndical, ratifiée par le Guatemala. Le comité insiste en
- particulier sur
- l'importance qu'il attache au principe selon lequel l'acquisition
- de la
- personnalité juridique par les organisations de travailleurs ne
- doit pas être
- subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause
- l'application des
- garanties prévues par la convention, et notamment le droit des
- travailleurs
- sans autorisation préalable de constituer les organisations de
- leur choix sans
- entrave des autorités publiques.
- 297. Sur le grief concernant les licenciements de membres de
- comités
- d'entreprise qui tentent de fonder des syndicats, le comité note
- que les
- allégations de la CUSG relatives aux agissements de la
- municipalité de San
- Antonio Suchitepéquez ne sont pas très claires, mais qu'il
- semble ressortir de
- la plainte que des travailleurs qui tentaient de créer un
- syndicat d'employés
- municipaux ont été licenciés et qu'ils ont introduit des recours
- devant les
- tribunaux contre l'illégalité de leur licenciement. Le
- gouvernement ne réfute
- pas cette allégation. Il reconnaît même que les intéressés ont
- engagé des
- poursuites devant les tribunaux du travail, mais il se retranche
- derrière la
- séparation des pouvoirs exécutifs et judiciaires pour prétendre
- ne pas avoir
- compétence en la matière.
- 298. Le comité, chaque fois qu'il a eu à connaître de
- mesures de
- discrimination antisyndicale qui frappaient les travailleurs qui
- tentaient de
- créer un syndicat, a toujours rappelé qu'un des principes
- fondamentaux de la
- liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier
- d'une protection
- adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter
- atteinte à la
- liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert,
- rétrogradation et autres actes préjudiciables -, et que cette
- protection est
- particulièrement nécessaire en ce qui concerne les fondateurs
- de syndicats
- étant donné que, pour pouvoir remplir de telles fonctions en
- toute
- indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne
- subiront pas de
- préjudice en raison du mandat syndical qu'ils briguent ou qu'ils
- détiennent.
- Le comité estime que la garantie de semblable protection dans
- le cas de
- fondateurs de syndicats est nécessaire pour assurer le respect
- du principe
- fondamental selon lequel les travailleurs, sans distinction
- d'aucune sorte,
- doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur
- choix. (Voir
- 254e rapport, cas no 1396, Haïti, paragr. 389.)
- 299. Dans le cas d'espèce, le comité souligne que le
- gouvernement, en
- ratifiant la convention no 87, s'est librement engagé à garantir
- à tous les
- travailleurs, y compris les employés municipaux, le droit de
- constituer les
- organisations de leur choix pour promouvoir et défendre leurs
- intérêts
- professionnels, économiques et sociaux. En conséquence, le
- comité demande au
- gouvernement d'indiquer: 1) si les travailleurs licenciés de la
- municipalité
- de San Antonio Suchitepéquez, pour avoir voulu fonder un
- syndicat, ont été
- réintégrés dans leur poste de travail, et 2) si ces travailleurs
- plaignants
- ont pu constituer le syndicat de leur choix comme ils en
- exprimaient le désir.
- 300. Sur le grief relatif au fait que le gouvernement
- n'apporterait pas son
- appui aux travailleurs pour obtenir la mise en oeuvre des
- accords conclus, et
- en particulier, dans le cas de l'usine LUNAFIL SA, sur les
- atteintes au droit
- de grève qui auraient résulté du conflit du travail qui s'y est
- déroulé, le
- comité observe avec regret que, d'après la coupure de presse
- envoyée par la
- CUSG, coupure de presse que le gouvernement n'a pas
- démentie, dans un premier
- temps des violences ont été perpétrées à l'encontre de 39
- travailleurs réunis
- à l'intérieur de l'usine pour défendre pacifiquement leur travail
- et leur
- liberté syndicale par des éléments anti-émeute qui ont fait
- évacuer l'usine
- par la violence, blessant un syndicaliste et en arrêtant deux
- autres.
- 301. Lorsqu'il a été saisi par le passé de cas de cette nature,
- le comité a
- estimé, d'une manière générale, que l'emploi des forces de
- sécurité, lorsque
- les faits prouvent que l'intervention de celles-ci a été limitée au
- maintien
- de l'ordre public et n'a pas porté atteinte à l'exercice légitime
- du droit de
- grève, n'est pas contraire au respect de la liberté syndicale. En
- revanche, le
- comité a toujours considéré comme une atteinte aux droits
- syndicaux l'emploi
- de la police pour briser une grève. (Voir notamment 230e
- rapport, cas no 1187,
- paragr. 674 (République islamique d'Iran), et 234e rapport (cas
- no 1227),
- paragr. 312 (Inde).) Le comité considère aussi que les
- gouvernements devraient
- donner des instructions sévères et entamer des procédures
- disciplinaires
- efficaces dans les cas où la dispersion de travailleurs par la
- police a
- entraîné des blessures graves, et il est d'avis que les
- arrestations de
- grévistes comportent des risques de sérieux dangers pour la
- liberté syndicale.
- 302. En outre, le comité note avec intérêt que le
- gouvernement a offert sa
- médiation dans le conflit qui se déroulait à l'usine LUNAFIL SA,
- et qu'à la
- suite d'un accord intervenu sous les auspices du ministère des
- Affaires
- spéciales l'entreprise a accepté de réintégrer 24 des
- personnes qu'elle
- occupait auparavant dont les noms ont été proposés par le
- comité exécutif du
- syndicat, et que les parties se sont engagées à discuter d'un
- projet de pacte
- collectif et à se dessaisir de toute action judiciaire. Dans ces
- conditions,
- tout en insistant sur l'importance qu'il attache aux principes
- qu'il a énoncés
- dans le paragraphe précédent, le comité estime qu'il n'a pas
- lieu de
- poursuivre l'examen de la question.
- 303. Sur le grief relatif au développement du "solidarisme"
- qui, selon la
- confédération plaignante, serait favorisé par le gouvernement,
- le comité prend
- note des dénégations du gouvernement sur ce point ainsi que
- des indications
- qu'il fournit selon lesquelles le ministère du Travail et de la
- Prévoyance
- sociale a décidé de ne pas inscrire les groupes de travailleurs
- qui
- s'associent dans le but de constituer un groupement
- "solidariste". Le
- gouvernement explique cependant que le droit d'association
- est garanti par la
- Constitution, et que ceux qui souhaitent constituer de tels
- groupements
- doivent en adresser la demande au ministère de l'Intérieur.
- 304. Le comité estime opportun d'indiquer qu'en matière de
- développement du
- "solidarisme" il a déjà souligné en 1985, à propos d'un projet
- de loi visant à
- renforcer les associations de "solidarité" (du mouvement
- "solidariste") qui,
- selon les plaignants, sont des associations appuyées par les
- employeurs et
- parallèles au mouvement syndical, que la réglementation
- relative aux
- associations "solidaristes" devrait respecter les activités des
- syndicats
- garanties par la convention no 98. (Voir cas no 1304 dans le
- 240e rapport,
- paragr. 94 (Costa Rica).)
- 305. Dans le présent cas, le comité attire l'attention du
- gouvernement sur
- l'article 2 de la convention no 98 sur le droit d'organisation et
- de
- négociation collective, ratifiée par le Guatemala, qui dispose
- que les
- organisations de travailleurs doivent bénéficier d'une
- protection adéquate
- contre les actes d'ingérence des employeurs et des
- organisations d'employeurs,
- et que sont notamment assimilées à des actes d'ingérence les
- mesures tendant à
- provoquer la création d'organisations de travailleurs dominés
- par un employeur
- ou une organisation d'employeurs ou à soutenir des
- organisations de
- travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le
- dessein de placer
- ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une
- organisation
- d'employeurs. De plus, les conventions (no 135) concernant
- les représentants
- des travailleurs, 1971, et (no 154) sur la négociation collective,
- 1981,
- contiennent elles aussi des dispositions expresses pour
- garantir que,
- lorsqu'une entreprise compte des représentants syndicaux et
- des représentants
- élus, des mesures appropriées soient prises pour assurer que
- la présence de
- représentants élus des travailleurs dans les entreprises ne
- puisse servir à
- affaiblir la situation des syndicats intéressés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 306. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note avec intérêt que, contrairement à ce qui
- est arrivé dans
- le passé, dans le présent cas le gouvernement a coopéré à la
- procédure en
- adressant rapidement ses observations et informations en
- réponse aux
- allégations présentées par la confédération plaignante en juin
- 1988.
- b) Au sujet des allégations de lenteur critiquées par la
- confédération
- plaignante dans l'inscription des syndicats, le comité note que,
- dans les
- faits, d'après le gouvernement, depuis le retour à la démocratie
- nombre de
- syndicats ont été inscrits et que les délais d'inscription ont
- diminué. Le
- comité invite néanmoins le gouvernement, comme il en a
- d'ailleurs manifesté
- lui-même l'intention, à assouplir sa législation pour lever les
- entraves à
- l'acquisition de la personnalité juridique des syndicats.
- c) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour
- l'application des conventions et recommandations sur cet
- aspect du cas, par
- rapport à l'application de la convention no 87.
- d) Au sujet des mesures de discrimination antisyndicale qui
- frappent des
- travailleurs qui tentent de créer un syndicat d'employés
- municipaux, le comité
- rappelle qu'en application de l'article 2 de la convention no 87,
- ratifiée par
- le Guatemala, tous les travailleurs, y compris les travailleurs
- municipaux,
- doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur
- choix pour la
- défense de leurs intérêts professionnels. Le comité prie donc le
- gouvernement
- d'indiquer si les travailleurs de la municipalité de San Antonio
- Suchitepéquez
- licenciés pour avoir voulu fonder un syndicat ont été
- réintégrés à leur poste
- de travail à la suite des recours judiciaires qu'ils ont engagés,
- et si le
- syndicat des travailleurs de cette municipalité a obtenu la
- personnalité
- juridique.
- e) Au sujet du conflit qui s'est déroulé à l'usine LUNAFIL SA
- et qui a
- conduit aux blessures d'un travailleur gréviste et à l'arrestation
- de deux
- autres grévistes, le comité rappelle l'importance qu'il attache
- au principe
- selon lequel la grève pacifique est un des moyens essentiels
- dont doivent
- pouvoir disposer les travailleurs pour la défense de leurs
- intérêts
- économiques et sociaux.
- f) En conséquence, au sujet des blessures infligées à un
- travailleur
- gréviste par les forces de sécurité qui faisaient évacuer l'usine
- dans
- laquelle se trouvaient 39 grévistes qui, selon les plaignants,
- défendaient
- pacifiquement leur travail et leur liberté syndicale, le comité
- rappelle que
- les gouvernements devraient donner des instructions sévères
- et entamer des
- procédures disciplinaires efficaces dans les cas où la
- dispersion des
- travailleurs par la police a entraîné des blessures graves.
- g) Au sujet de l'arrestation des deux grévistes au cours de ce
- conflit du
- travail, le comité souligne les risques sérieux d'abus pour la
- liberté
- syndicale qui peuvent résulter de telles arrestations.
- h) Cependant, le comité note avec intérêt que le conflit du
- travail à
- l'usine LUNAFIL SA a été résolu grâce à la médiation des
- autorités publiques,
- et il estime, tout en insistant sur l'importance des principes
- énoncés dans
- les alinéas précédents, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre
- l'examen de cet
- aspect du cas.
- i) Au sujet des allégations concernant le "solidarisme", le
- comité rappelle
- l'importance qu'il attache à ce que, conformément à l'article 2
- de la
- convention no 98, soit garantie la protection contre les actes
- d'ingérence des
- employeurs tendant à provoquer la création d'organisations de
- travailleurs
- dominées par un employeur.