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- 214. La Fédération nationale du travail (FNT) a présenté une plainte pour violation des droits syndicaux contre le gouvernement des Philippines dans une communication du 17 avril 1989. Le gouvernement a fourni ses observations sur le cas dans une communication du 1er août 1989.
- 215. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 216. Dans sa communication du 17 avril 1989, la FNT explique, au nom de son affilié, le Syndicat des salariés de l'hôtel Plaza de Cebu, que ce dernier est l'agent négociateur accrédité pour représenter tous les salariés de la Société de l'hôtel Plaza de Cebu et qu'en cette qualité il a signé une convention collective de trois ans le 14 novembre 1986. La fédération joint une copie de ladite convention dont la durée d'application s'étend du 1er octobre 1986 au 30 septembre 1989.
- 217. La FNT déclare qu'en décembre 1986 la Présidente des Philippines a émis la Proclamation no 50 portant création du Conseil de privatisation des sociétés appartenant ou contrôlées par le gouvernement, avec pour mission de prendre possession de leurs biens et avoirs et de les transmettre au secteur privé. Une des dispositions de cette proclamation met fin automatiquement aux relations existant entre employeur et salariés à la date de la vente de la société. L'article 27 de la proclamation est ainsi libellé:
- Lorsque le capital assurant au gouvernement la propriété ou le contrôle d'une société se trouvant entre les mains du conseil, ou que la totalité ou la presque totalité des avoirs d'une telle société, sont vendus ou de toute autre façon cédés, les relations professionnelles existant entre le gouvernement et les fonctionnaires et autres membres du personnel de ces sociétés prennent fin de par la loi. Aucun de ces fonctionnaires ou autres salariés ne conservera ses droits acquis en vue du maintien de son emploi dans la société privatisée ou cédée et les nouveaux propriétaires ou détenteurs du capital de contrôle de ces sociétés jouiront pleinement et absolument du droit discrétionnaire de retenir ou de licencier lesdits fonctionnaires et salariés et de recruter le ou les remplaçants d'un ou de plusieurs d'entre eux à leur gré et selon leurs propres impératifs. (Soulignement ajouté.)
- Le présent article ne saurait toutefois, en aucune manière, être interprété comme privant lesdits fonctionnaires ou salariés des droits acquis à indemnités ou à autres avantages inhérents à leur emploi ou liés à la cessation de service qui leur sont assurés en vertu de contrats d'emploi, de conventions collectives et de textes législatifs en vigueur.
- 218. Selon la fédération plaignante, le 3 février 1987, le Conseil de privatisation a acquis 70,4 pour cent des actions de la Société de l'hôtel Plaza de Cebu. Le 18 juin 1987, le conseil a procédé à une vente aux enchères publiques des avoirs de la société hôtelière, et les enchères ont été gagnées par la société Pathfinder Holdings Phil. Inc. Le 22 juillet 1987, la commission de privatisation a autorisé la vente. Le 22 septembre 1987, il a été mis fin à l'emploi de tous les salariés.
- 219. Bien que la nouvelle administration ait conseillé aux salariés de lui présenter une demande de réengagement, elle ne leur a donné aucune assurance de réengagement; en outre, s'ils devaient avoir la chance d'être recrutés à nouveau, ils seraient assujettis à un stage de six mois, ce qui signifie que pendant cette période ils pourraient être licenciés à n'importe quel moment.
- 220. Selon la FNT, la nouvelle administration a, le 15 octobre 1987, assumé la gestion de l'hôtel, utilisant le même nom, le même bâtiment, les mêmes locaux et le même équipement mais avec des effectifs pratiquement tous nouveaux. La sécurité de l'emploi des anciens salariés et les dispositions de la convention collective en vigueur ont été totalement ignorées, et le syndicat pratiquement anéanti.
- 221. La fédération plaignante déclare que le syndicat des salariés de 29 hôtel a épuisé toutes les possibilités de recours envisageables pour protéger la sécurité de l'emploi et conserver aux salariés les avantages acquis, ainsi que pour sauvegarder son existence, mais sans succès. Le Département du travail est impuissant en raison des dispositions de la Proclamation no 50. Le syndicat des salariés de l'hôtel a écrit à plusieurs reprises à la Présidente et à d'autres instances gouvernementales, notamment au Sénat mais, à ce jour, aucune solution n'est envisagée.
- 222. La fédération plaignante estime que la cessation automatique des relations d'emploi en vertu de l'article 27 de la Proclamation no 50 est une infraction aux droits syndicaux. Elle est contraire à la Constitution des Philippines (art. 22 1)) qui garantit pleinement la protection des travailleurs et le droit de tous les travailleurs de s'organiser et de négocier collectivement. C'est là - déclare la FNT - une occasion où manifestement le gouvernement des Philippines, par l'intermédiaire de la Présidente, déclare une chose, par exemple appuyer la Constitution ou adhérer à des conventions inernationales, mais fait autre chose dans la réalité des faits.
- 223. Les déclarations du sénateur Teofisto Guingona confirment que l'article 27 de la Proclamation no 50 viole les normes nationales et internationales établies en la matière. Il a en effet demandé un réexamen du Conseil gouvernemental de privatisation actuel qui, dit-il, menace de chômage plus de 100.000 agents de l'Etat. Le sénateur Guingona a dit que la plupart des travailleurs, qui sont confrontés au risque de licenciement, ne peuvent faire appel à aucune convention collective, ne disposent d'aucun levier pour négocier leur maintien en fonctions et ne peuvent recourir à aucun texte législatif pour se protéger. La FNT fournit une coupure de presse rendant compte de cette déclaration.
- 224. Selon l'organisation plaignante, il est urgent de prendre des mesures tendant à protéger le bien-être des travailleurs et à sauvegarder les droits des syndicats aux Philippines. Elle demande instamment qu'une action soit prise rapidement pour protéger les travailleurs contre les effets de la Proclamation no 50, qui viole en particulier leur droit d'organisation et de négociation collective.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 225. Dans sa communication du 1er août 1989, le gouvernement déclare qu'il compte répondre dans une perspective rigoureusement juridique aux allégations selon lesquelles la proclamation enfreint le droit d'organisation et de négociation collective.
- 226. Tout d'abord, le gouvernement fait observer que les agissements faisant l'objet de la plainte ne constituent pas un motif justifiant une action au titre des conventions nos 87 et 98. La plainte elle-même ne précise pas expressément les conventions - et les dispositions de ces conventions - qui auraient été violées par le gouvernement. En conséquence, le gouvernement ne peut déduire que la plainte est fondée sur les conventions nos 87 et 98.
- 227. En outre, le gouvernement déclare qu'une plainte doit être fondée sur une violation de droits dont le plaignant revendique la jouissance; et que la personne accusée doit s'être rendu coupable d'agissements (ou d'omissions) qui enfreignent ces droits. En ce qui concerne les droits accordés à l'organisation plaignante et à ses membres par les conventions, le gouvernement cite l'Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur la liberté syndicale et la négociation collective (1983, paragraphe 45):
- La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, établit un certain nombre de principes pour garantir aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical vis-à-vis des autorités publiques. La convention énonce à cet égard quatre garanties essentielles. La première vise à assurer à tous les travailleurs et employeurs le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. La deuxième confère aux organisations le droit d'élaborer leurs statuts et règlements, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action. La troisième garantie protège les organisations contre la suspension et la dissolution par voie administrative. En quatrième lieu, les organisations se voient accorder le droit de constituer des fédérations et des confédérations, ainsi que le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs. Les fédérations et les confédérations jouissent des mêmes garanties que les organisations qui les composent.
- 228. Le gouvernement cite aussi le paragraphe 253 de l'étude d'ensemble:
- La convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, traite de deux aspects essentiels des droits syndicaux: l'exercice par les travailleurs de leur droit de s'organiser face aux employeurs - la convention comporte des dispositions spécifiques pour la protection individuelle du travailleur contre les actes de discrimination antisyndicale et pour la protection des organisations de travailleurs et d'employeurs contre les ingérences des unes à l'égard des autres - et la promotion de la négociation collective volontaire.
- 229. En deuxième lieu, le gouvernement maintient que l'organisation plaignante ne fait état d'aucun fait qui, quand bien même il serait établi, constituerait une violation d'une convention. Rien que sur cette base, il maintient que la plainte doit être rejetée. Le gouvernement considère que l'allégation est libellée en termes généraux, c'est-à-dire qu'elle affirme que les actes tels qu'ils sont mentionnés constituent une infraction aux droits syndicaux et, plus particulièrement, au droit d'organisation et de négociation collective.
- 230. A cette allégation, le gouvernement répond que l'existence même de la convention collective invoquée par l'organisation plaignante suffit à interdire toute conclusion selon laquelle il y aurait eu violation des droits de l'organisation garantis par les conventions. Il ajoute que, même si les agissements faisant l'objet de la plainte constituaient une violation de la convention collective en vigueur, le plaignant ne pourrait recourir contre ces actes qu'en application des lois des Philippines; l'Organisation internationale du Travail n'a pas compétence en la matière. De l'avis du gouvernement, l'OIT (et/ou les comissions compétentes instituées par l'OIT) ne serait compétente pour trancher ces questions que si la plainte concernait la violation d'un droit fondamental du plaignant découlant des conventions. Dans le présent cas, toutefois, le droit d'organisation et le droit de promouvoir une négociation collective volontaire, par opposition aux droits exprès découlant de la convention collective, ne constituent pas des points litigieux et ne peuvent pas être invoqués en tant que tels. Le gouvernement maintient que lorsque la violation alléguée porte sur des droits résultant expressément d'une convention collective, la question ne peut être réglée que conformément aux dispositions de la loi nationale pertinente.
- 231. Pour résumer, le gouvernement estime que, quand un Etat adhère à des conventions ou les ratifie, il ne déroge ni ne renonce de quelque manière à sa compétence exclusive - ni ne l'abandonne ni de quelque manière la partage - en ce qui concerne les allégations de violation de droits exprès découlant de l'exercice d'un de ces droits fondamentaux. Ce n'est que lorsqu'un droit fondamental (tel que le droit d'organisation et de promotion d'une négociation volontaire) est enfreint que l'OIT peut faire valoir sa compétence.
- 232. Le gouvernement poursuit en déclarant que même si l'OIT a compétence pour connaître des violations de droits exprès, la plainte elle-même absout le gouvernement de toute critique. La plainte est honnête et franche, puisqu'elle ne prétend pas qu'il ait été mis fin à la relation d'emploi des salariés considérés en raison de l'exercice d'activités syndicales; elle ne prétend pas non plus que la vente des actifs de l'employeur ait été un simple subterfuge pour justifier le licenciement. L'organisation plaignante reconnaît que la cessation de la relation d'emploi des salariés considérés résulte directement et immédiatement de la vente des actifs de l'employeur, ce qui est un motif carrément économique.
- 233. Il cite les organes de contrôle de l'OIT comme ayant déclaré, en liaison avec la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, et la convention no 98, que:
- Sans que ces textes établissent une protection spécifique pour les travailleurs syndiqués et les dirigeants syndicaux en cas de licenciement pour des motifs économiques, on peut espérer qu'ils pourront contribuer, pour leur part, à les protéger contre des actes de discrimination antisyndicale, protection dont le principe est établi par la convention no 98. (Etude d'ensemble, 1983, paragr. 276.)
- Le gouvernement estime que la discrimination antisyndicale n'est pas en cause dans le présent cas.
- 234. Il souligne que tous les licenciements ne constituent pas une violation du droit à la sécurité de l'emploi, que ce droit soit un droit inhérent, ou un droit accordé par la loi, ou encore un droit reconnu par la convention collective. D'après le gouvernement, la Proclamation no 50 n'est donc pas en cause puisque l'organisation plaignante ne peut invoquer aucune protection spécifique contre le licenciement pour motif économique. Même si la Présidente des Philippines n'avait pas promulgué la Proclamation no 50, l'organisation plaignante n'aurait pas été en mesure de revendiquer une protection spécifique, compte tenu de l'interprétation des conventions faites par les organes de contrôle de l'OIT.
- 235. De toute façon, déclare le gouvernement, la convention collective invoquée par l'organisation plaignante, examinée dans le contexte des faits présentés dans la plainte, interdit toute conclusion de violation de ses dispositions. La convention conclue par l'hôtel Plaza de Cebu et le Syndicat des salariés de l'hôtel Plaza de Cebu - Fédération nationale du travail, en date du 1er octobre 1986 - déclare notamment ce qui suit:
- POSSIBILITE DE LICENCIEMENT. Si une partie de la présente convention devait cesser d'être valable par décision d'un tribunal compétent, par voie de législation ou par décision présidentielle, cette invalidité ne se répercutera pas sur la validité des parties non touchées qui resteront pleinement en vigueur.
- De l'avis du gouvernement, la convention volontairement conclue par l'organisation plaignante admet et reconnaît expressément la possibilité pour une partie de la convention (et, partant, pour toutes ses parties) de "cesser d'être valable ... par voie de législation ou par décision présidentielle ...". En outre, l'organisation plaignante elle-même déclare que ce qui a empêché l'application de la convention collective c'est la Proclamation présidentielle no 50, dont une des dispositions, comme le reconnaît l'organisation plaignante, prévoit qu'il est mis "fin automatiquement aux relations existant entre employeur et salariés".
- 236. Enfin, étant donné que la plainte évoque le sort de Philippins ayant maintenant perdu les moyens de subvenir à leurs besoins, le gouvernement rappelle qu'il est venu au pouvoir en 1986 à la faveur d'une révolution pacifique du peuple philippin et après vingt ans de dictature. La présente démocratie a hérité du régime précédent: 1) une dette extérieure telle que les Philippines sont incapables de la rembourser; 2) une économie en déroute; 3) un énorme déficit budgétaire; 4) une quantité de sociétés créées ou acquises par le gouvernement sous la dictature - ces sociétés n'étaient pas indispensables à l'exercice, par le gouvernement, de ses fonctions et, en raison des pertes subies, ont encore alourdi le fardeau que l'ensemble de la nation assumait. Ces sociétés assuraient à des milliers de travailleurs philippins innocents leur gagne-pain.
- 237. Le gouvernement explique qu'il a été acculé à prendre des décisions difficiles et même douloureuses pour faire face à cette situation. Il a notamment dû vendre les actions que le gouvernement possédait dans des sociétés qui n'étaient pas indispensables à l'exercice de ses fonctions gouvernementales. Dans le présent cas, l'employeur travaillait dans l'hôtellerie, activité qui n'est manifestement pas essentielle à l'exercice de fonctions gouvernementales. Pour preuve de la préoccupation du gouvernement, celui-ci relève que, comme l'organisation plaignante elle-même l'a déclaré, les répercussions de telles ventes sont actuellement discutées et étudiées par le gouvernement afin d'atténuer, s'il ne peut totalement supprimer, l'impact négatif de ces décisions difficiles sur la vie des personnes touchées. Le gouvernement déclare toutefois qu'il ne peut agir que dans les limites des ressources dont il dispose. Il assume également une responsabilité à l'égard du plus grand nombre de Philippins qui ne sont pas des salariés de ces sociétés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 238. Avant d'examiner la plainte dont il est saisi quant au fond, le comité estime important de répondre aux arguments du gouvernement qui invoque l'irrecevabilité de la plainte. Ces arguments peuvent être résumés comme suit: 1) la plainte manque de précision quand elle fait état d'une infraction au droit d'organisation et de négociation collective; 2) le plaignant n'a ni exploré ni épuisé les voies de recours internes.
- 239. Une des premières règles que le comité a énoncées au sujet de la recevabilité concerne la forme des plaintes présentées (voir premier rapport, paragr. 30). Déjà en 1952, il a exposé qu'il a pour fonction de juger la valeur des allégations spécifiques formulées et qu'il doit rejeter comme n'étant pas fondée toute allégation qui n'est pas suffisamment motivée pour justifier une enquête. Il a souligné qu'il appartient aux plaignants de formuler leurs allégations de façon satisfaisante et bien détaillée et avec preuves ou témoignages à l'appui. Dans le présent cas, la communication par laquelle la FNT présente sa plainte est, de l'avis du comité, suffisamment détaillée pour justifier son examen. En particulier, le comité juge très favorable la quantité d'annexes pertinentes fournies à l'appui des allégations. Etant donné que la ratification des diverses conventions relatives à la liberté syndicale n'est pas une condition préalable au recours à cette procédure spéciale du Conseil d'administration concernant des allégations de violation des droits syndicaux, il importe peu que l'organisation plaignante n'énonce pas les articles particuliers des conventions déterminées sur lesquelles elle fonde sa plainte.
- 240. En outre, si le recours à la procédure légale interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 33.) Ainsi, le fait que la FNT ou que le Syndicat des salariés de l'hôtel Plaza de Cebu n'ait pas fait appel aux organismes nationaux tels que la Commission nationale des relations professionnelles en vertu de l'article 217 1) et 2) du Code du travail (cas concernant une pratique déloyale en matière de travail et différends portant sur le licenciement, respectivement) et de l'article 248 i) (pratiques déloyales en matière de travail de la part d'un employeur), et n'ait pas tiré parti d'autres dispositions telles que l'article 277 b), l'article 279 et l'article 283 (protection contre le licenciement et protection en cas de fermeture d'un établissement), ne porte aucunement atteinte à la compétence du comité pour examiner les allégations dont il est saisi.
- 241. Pour ce qui est du fond de la présente affaire, le comité observe que, selon l'allégation de l'organisation plaignante, une proclamation de privatisation en date de 1986 a permis au nouveau propriétaire de l'hôtel Plaza de Cebu de licencier, à son absolue discrétion, sous réserve exclusivement du versement des droits acquis et de toute rémunération due, tous les salariés de l'hôtel et de recruter un nouveau personnel. C'est ce qu'il a fait à la fin de 1987. En outre, l'organisation plaignante allègue que ce licenciement massif enfreint la convention collective en vigueur et a pratiquement "anéanti" le Syndicat des salariés de l'hôtel Plaza de Cebu. Une allégation de plus vaste portée qui sous-tend cet incident particulier concerne le sort des salariés philippins en général, compte tenu de la proclamation de privatisation.
- 242. De l'avis du comité, le gouvernement n'a pas raison quand il estime que la proclamation n'entre pas en conflit avec les conventions de l'OIT sur la liberté syndicale et que, même si la proclamation de privatisation n'existait pas, les salariés licenciés dans le présent cas ne seraient pas en mesure de revendiquer une protection. Le préambule de la Proclamation no 50 démontre que le gouvernement a voulu simplifier les structures fonctionnelles de l'administration, et sa réponse dans le présent cas montre que des facteurs économiques - tels que la dette extérieure, un énorme déficit budgétaire et l'existence d'un très grand nombre de sociétés appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui et fonctionnant à perte - ont motivé sa décision de privatiser certaines entreprises. Il n'en demeure pas moins que cette mesure a éliminé toute possibilité de négociation collective et qu'elle conduit à la disparition du syndicat.
- 243. Il ne s'agissait pas là d'un simple effet secondaire de la privatisation: le fait que la proclamation n'énonce pas les droits de successeur des travailleurs et, au contraire, que son article 27 lui accorde expressément "pleinement et absolument" le "droit discrétionnaire" de licencier et de recruter, signifie que la protection d'une main-d'oeuvre syndiquée et, partant, du syndicat, a été complètement mise de côté. En fait, une des dispositions de la convention collective de l'hôtel Plaza de Cebu semble, avec pessimisme, prédire qu'une vente ultérieure pourrait susciter des problèmes sur le plan des droits des travailleurs; l'article 3 5) déclare: "En cas de vente, de transfert, de location ou d'attribution des activités de l'hôtel pendant la durée d'application de la présente convention, l'hôtel s'engage à faire de son mieux pour que l'obligation de l'acheteur, du locataire, du bénéficiaire du transfert ou de l'attribution des activités de respecter la convention soit honorée et constitue une condition de la vente, du transfert, de la location ou de l'attribution." En outre, la réalité actuelle est que le nouvel employeur a ignoré le syndicat et sa convention collective et ne semble pas encourager la renaissance de la syndicalisation au sein de l'hôtel Plaza de Cebu. Cela est d'autant plus inquiétant que la convention collective en vigueur devait expirer le 30 septembre 1989.
- 244. En conséquence, le comité ne peut que regretter que le gouvernement ait permis l'apparition d'une telle situation. Les obligations incombant au gouvernement en vertu de la convention no 98 et des principes concernant la protection contre la discrimination antisyndicale couvrent non seulement les actes de discrimination directe (tels que rétrogradation, licenciement, mutations fréquentes), mais s'étendent à la nécessité de protéger les salariés syndiqués contre des attaques plus subtiles pouvant résulter d'omissions. En conséquence, il prie le gouvernement d'envisager la révision de la Proclamation no 50 ou d'insérer, dans les documents de transfert établis en application de cette proclamation, une clause sur les droits et les obligations du successeur en vue de garantir qu'à l'avenir des changements de propriétaire n'enlèveront pas aux employés le droit de négociation collective et ne menaceront pas directement ou indirectement les travailleurs syndiqués et leurs organisations.
- 245. Pour retourner à la question du sort des anciens salariés de l'hôtel Plaza de Cebu, le comité désire clarifier un malentendu qui ressort de la réponse du gouvernement. En vertu de la clause sur la possibilité de licenciement qui figure dans la convention collective du 1er octobre 1986, les articles de cette convention qui ne sont pas visés par la Proclamation no 50 restent en vigueur - bien qu'ils aient été ignorés par le nouvel employeur. Ainsi, les travailleurs licenciés devraient pouvoir bénéficier de certaines des protections négociées. La Proclamation no 50 elle-même précise qu'aucun nouveau propriétaire ne peut priver les salariés licenciés des droits acquis en matière de licenciement qui leur sont garantis par une diversité d'instruments, et notamment par toute convention collective en vigueur.
- 246. En conséquence, le comité veut croire que les diverses tentatives menées par le syndicat pour obtenir réparation (lettres à la Présidente, au Sénat, à des instances gouvernementales) et par les autorités, agissant sur un plus large plan (discussion et étude des moyens d'atténuer ou d'éliminer les répercussions négatives des ventes aux fins de privatisation), seront traitées avec sérieux et rapidement. Il prie le gouvernement de veiller à ce que les mesures appropriées soient prises pour que les droits des travailleurs licenciés soient respectés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 247. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en notant les raisons invoquées pour justifier les mesures massives de licenciement de salariés syndiqués lors de la privatisation de l'hôtel Plaza de Cebu, le comité ne peut que regretter que le gouvernement ait permis l'apparition d'une situation dans laquelle des travailleurs pouvaient être licenciés par décision unilatérale, et un syndicat conduit à la disparition.
- b) En conséquence, le comité prie le gouvernement d'envisager la révision de la Proclamation no 50 ou l'adoption de toute autre mesure en vue de garantir qu'à l'avenir les changements de propriétaire n'enlèveront pas aux employés le droit de négociation collective, et ne menaceront pas directement ou indirectement les travailleurs syndiqués ou leurs organisations.
- c) En ce qui concerne les salariés qui ont été licenciés mais dont les droits à prestations n'ont pas été respectés, le comité veut croire que les diverses tentatives menées pour redresser la situation seront traitées avec sérieux et rapidement. Il prie le gouvernement de veiller à ce que des mesures appropriées soient prises pour que les droits de ces anciens salariés soient respectés.