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Definitive Report - Report No 287, June 1993

Case No 1670 (Canada) - Complaint date: 17-SEP-92 - Closed

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  1. 97. Dans une communication datée du 17 septembre 1992, l'Association des économistes, sociologues et statisticien(ne)s (AESS) a déposé une plainte contre le gouvernement du Canada pour violation de la liberté syndicale.
  2. 98. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans une communication du 25 janvier 1993.
  3. 99. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 100. Dans sa plainte, l'AESS allègue que la loi sur la réforme de la fonction publique (ci-après appelée la loi), qui était toujours en état de projet en date de la plainte et qui avait été déposée devant le Parlement sans qu'aient eu lieu préalablement des auditions publiques sur les propositions gouvernementales de réforme générale de la fonction publique, privera des milliers de fonctionnaires fédéraux de la liberté syndicale et du droit de négociation consacrés par les conventions nos 87 et 151.
  2. 101. Plus précisément, l'AESS soutient que certaines dispositions de la loi priveront de nombreux fonctionnaires du droit de négociation collective qu'ils détiennent actuellement en autorisant le gouvernement à les considérer comme des titulaires de "postes de direction", et donc en leur interdisant de devenir ou de rester membres d'une association reconnue de fonctionnaires.
  3. 102. La législation relative à la fonction publique fédérale permet actuellement à l'immense majorité des agents de se syndiquer et de négocier collectivement. Ne sont généralement privés de ces droits que ceux appartenant aux catégories suivantes: police et armée, agents temporaires, agents contractuels et personnes "occupant un poste de direction ou de confiance", cette catégorie comprenant ceux qui occupent un poste de haute confiance, ceux qui sont amenés à "participer directement" aux négociations collectives ou qui s'occupent "officiellement" de la procédure de griefs pour le compte de l'employeur et ceux "ayant des fonctions de direction en ce qui touche l'établissement et l'application de programmes du gouvernement" (article 2 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique).
  4. 103. Selon l'AESS, la loi élargira sensiblement la portée de ces clauses d'exclusion concernant les postes de direction et limitera donc la liberté syndicale de nombreux cadres qui sont actuellement membres de l'association ou d'autres syndicats de la fonction publique. L'article 32 de la loi modifie la définition de la notion de "fonctionnaire" figurant à l'article 2 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique en excluant les personnes "occupant un poste de direction ou de confiance", catégorie qui comprend notamment les postes considérés par l'employeur comme des postes de direction, quelle qu'en soit la dénomination, ainsi que les fonctionnaires du Conseil du Trésor et les postes classés comme tels en vertu de l'article 5.1 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique dont la modification est prévue par la loi et qui chargera la Commission des relations de travail dans la fonction publique de qualifier de postes de direction ou de confiance ceux dont "leurs occupants ont des attributions les amenant à participer, dans une proportion notable, à l'élaboration de politiques ou de programmes du gouvernement fédéral".
  5. 104. L'AESS estime que la formulation imprécise des dispositions susmentionnées laisse un pouvoir discrétionnaire excessif à l'employeur et à la Commission des relations du travail dans la fonction publique. L'association se montre également inquiète de l'élargissement de la définition des catégories de personnes privées du droit de négociation du fait qu'elles occupent des postes de confiance. La loi étend cette exclusion à tous les fonctionnaires du Conseil du Trésor, y compris nombre d'entre eux qui ne participent pas à la négociation collective ou à la procédure des griefs. Ces dispositions présentent de graves risques d'abus, en ce qui concerne par exemple la tentation toujours présente pour l'employeur d'élargir considérablement ses mécanismes de réponse aux griefs pour accroître le nombre des fonctionnaires exclus.
  6. 105. L'AESS explique ensuite comment la clause élargie excluant les personnes "occupant un poste de direction ou de confiance" servira à déterminer quelles catégories de fonctionnaires jouiront du droit de s'organiser aux fins de la négociation collective lorsque de nouvelles unités de négociation seront créées dans le cadre de la réorganisation de la fonction publique prévue par le gouvernement au cours des cinq prochaines années. La loi sur les relations de travail dans la fonction publique distingue actuellement cinq grandes catégories professionnelles au sein desquelles la Commission des relations de travail dans la fonction publique dispose d'une grande latitude pour constituer les unités de négociation. La commission observe généralement les pratiques actuelles de relations de travail suivies dans d'autres juridictions et constitue les unités de négociation de manière à refléter la communauté d'intérêts des divers secteurs professionnels. C'est ainsi par exemple que le groupe de l'économie, de la sociologie et des statistiques, que représente l'AESS, est l'un des 28 groupes de ce type que compte la catégorie des professions scientifiques et techniques.
  7. 106. Or la loi supprimera les cinq grandes catégories professionnelles et donnera au Conseil du Trésor un pouvoir illimité pour réduire le nombre de groupes professionnels de la fonction publique de façon draconienne. Ceux qui seront touchés les premiers par la restructuration seront les milliers d'administrateurs de programmes et de cadres administratifs de haut niveau qui appartiennent actuellement aux unités de négociation qui seront fusionnées au sein d'un vaste groupe des services généraux. Ce but atteint, les responsables du Conseil du Trésor s'efforceront de créer des unités professionnelles plus spécialisées; c'est ainsi qu'il est prévu, par exemple, de fusionner le groupe de l'économie, de la sociologie et des statistiques avec deux autres groupes pour constituer une nouvelle unité des sciences sociales, laquelle exclura sans doute un certain nombre de fonctionnaires des anciennes unités professionnelles qui disposent actuellement du droit de négociation. La nouvelle définition risque en outre d'affecter nombre de fonctionnaires aux échelons intermédiaires et même inférieurs du groupe, indépendamment du fait que leurs attributions les amènent ou non à participer, dans une proportion notable, à l'élaboration de politiques ou de programmes. De plus, aucune disposition de la loi ne permet aux fonctionnaires exclus d'appartenir à une autre unité de négociation.
  8. 107. L'AESS fait observer que ce n'est pas la première fois que le gouvernement du Canada veut priver des fonctionnaires occupant un poste de direction ou d'administration de leur droit à la négociation collective. En 1978-79, le gouvernement de l'époque avait soumis deux projets de loi successifs - les projets C-28 et C-22 - tendant à modifier la loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le projet C-28 aurait exclu des unités de négociation les fonctionnaires fédéraux occupant des postes de haute direction liés "à l'élaboration ou à la mise en oeuvre" des décisions et tous les fonctionnaires gagnant au moins 33.500 dollars. Le projet C-22 aurait exclu tous les fonctionnaires appelés à faire des recommandations de politique générale "importantes". Bien que ces deux projets de loi aient été finalement abandonnés au cours de la procédure parlementaire sans avoir été mis au vote, l'AESS avait présenté une plainte à ce sujet devant le Comité de la liberté syndicale.
  9. 108. Dans son rapport, le comité avait conclu que, étant donné que le Canada reconnaissait le droit de négociation collective aux agents publics, il était souhaitable que le gouvernement réexamine le projet de loi en vue de maintenir les exclusions qu'il prévoyait dans les limites de celles qu'envisageait l'article 1, paragraphe 2, de la convention no 151, c'est-à-dire de les restreindre aux agents de niveau élevé dont les fonctions sont normalement considérées comme ayant trait à la formulation des politiques à suivre ou à des tâches de direction, ou aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel. (194e rapport (Canada), paragr. 58.)
  10. 109. L'AESS estime que cet avis s'applique entièrement au projet de loi actuel du gouvernement, dont les exclusions relatives aux "postes de direction ou de confiance" sont trop larges et très supérieures à celles mentionnées ci-dessus. Elle conclut en indiquant que le gouvernement a décidé de faire adopter ce projet de loi avant la fin de 1992.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 110. Dans sa communication du 25 janvier 1993, le gouvernement du Canada réfute les allégations contenues dans la plainte de l'AESS et fait valoir que celles-ci sont erronées et qu'elles peuvent induire en erreur. Le système des exclusions repose sur beaucoup plus que ce qui est allégué dans la plainte de l'AESS, laquelle omet de reconnaître que la plus grande partie des exclusions resteront inchangées nonobstant les modifications apportées par la loi sur la réforme de la fonction publique.
  2. 111. Le gouvernement expose en détail le cadre général dans lequel la loi sur la réforme de la fonction publique a été adoptée. En décembre 1989, le Premier ministre du Canada annonçait le programme dit "Fonction publique 2000", initiative qui avait pour but principal de promouvoir l'efficacité et le professionnalisme de la fonction publique canadienne. A cette fin, des groupes d'étude, dont un des relations de travail, ont été formés et chargés de revoir le système actuel, y compris les politiques, directives et la législation en vigueur. Les membres du groupe sur les relations de travail ont procédé à d'abondantes consultations à l'intérieur comme à l'extérieur de la fonction publique. Tous les agents négociateurs, y compris l'AESS, ont été invités à comparaître devant ledit comité et à y déposer des mémoires.
  3. 112. Les agents de la fonction publique, de même que tous les syndicats de fonctionnaires, ont pu prendre connaissance des recommandations des groupes d'étude et de leurs constatations. Ces conclusions, de même que les grandes lignes des politiques du gouvernement quant au renouveau de la fonction publique, se sont retrouvées dans un "Livre blanc" publié par le gouvernement en décembre 1990. Les recommandations des groupes de travail, de même que celles contenues dans le Livre blanc, ont été reprises dans la loi sur la réforme de la fonction publique, laquelle modifie entre autres la loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Lors de l'étude du projet de loi devant un comité spécial de la Chambre des communes, les agents négociateurs ont comparu devant ce comité afin de lui faire part de leurs observations sur le projet, qui a été amplement débattu pendant trois mois. Des amendements ont été soumis au comité, dont certains ont été acceptés. Le projet a été déposé en juin 1991 devant le Parlement canadien et a reçu la sanction royale le 17 décembre 1992.
  4. 113. Le gouvernement fait valoir qu'en énonçant les critères d'exclusion il devait tenir compte de deux éléments: 1) la désignation d'une équipe de cadres chargée d'excercer les fonctions et d'assumer les responsabilités de la direction au nom de l'employeur; 2) la désignation, en ce qui concerne les agents négociateurs, des personnes auxquelles la loi interdit, en raison de la nature de leurs fonctions, de s'ingérer dans les activités desdits négociateurs.
  5. 114. En vertu de l'article 2 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique, une personne peut être exclue de façon spécifique de la définition de "fonctionnaire" (par exemple un membre de la Gendarmerie royale du Canada) ou l'être en raison de ses fonctions "de direction ou de confiance" (si par exemple elle a des fonctions de haut niveau l'amenant à participer à l'élaboration et à l'application de programmes du gouvernement). Si les parties ne peuvent s'entendre quant à une exclusion proposée, il revient à la Commission des relations de travail dans la fonction publique de trancher la question. Les décisions de la commission sont susceptibles de révision par les cours canadiennes, incluant la cour de dernière instance au Canada, c'est-à-dire la Cour suprême.
  6. 115. Le gouvernement indique que le système actuel d'exclusions sera poursuivi moyennant les quelques changements de définitions introduits par la loi sur la réforme de la fonction publique. Il est des plus significatifs, soutient-il, que plus de 90 pour cent des exclusions s'effectuent par entente entre les parties, sans qu'il soit besoin de recourir à la décision d'un tiers. Ce chiffre confirme le souci véritable du gouvernement-employeur de ne proposer pour exclusion que les fonctionnaires dont les fonctions sont de direction ou de nature confidentielle au sens de la loi. C'est ainsi par exemple que seulement 2,5 pour cent des membres du groupe professionnel des économistes, sociologues et statisticiens sont actuellement exclus de la négociation collective; qui plus est, sur ces 2,5 pour cent, environ 80 pour cent le sont par entente entre les parties.
  7. 116. Le gouvernement soutient également que toutes les personnes qui sont exclues et dont la classification correspond à celle de fonctionnaires inclus dans les unités de négociation sont, et continueront d'être, indépendamment des modifications qui seront faites en vertu de la loi sur la réforme de la fonction publique, rémunérées selon les mêmes taux et avec les mêmes avantages que leurs collègues qui ne sont pas exclus; ces taux et ces avantages sont donc établis, en pratique, par le mécanisme de la négociation collective. Le gouvernement ajoute que, même si les personnes exclues ne sont pas autorisées à négocier collectivement aux termes de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique, elles n'en jouissent pas moins de la protection et des voies de recours qu'offre cette loi. Par exemple, elles peuvent se plaindre quant aux décisions de leur employeur concernant à peu près toutes leurs conditions d'emploi et, pour ce qui est des questions disciplinaires, y compris le congédiement, elles peuvent saisir la Commission des relations de travail dans la fonction publique et se pourvoir jusqu'en Cour suprême du Canada.
  8. 117. Le gouvernement examine ensuite plus précisément les allégations de l'AESS selon lesquelles certaines dispositions de la loi sur la réforme de la fonction publique élargiraient substantiellement les clauses visant à exclure les postes de direction. Le gouvernement fait valoir que l'allégation selon laquelle l'article 32(4) b) de la loi sur la réforme de la fonction publique exclut les postes "classés par l'employeur dans le groupe de la direction, quelle qu'en soit la dénomination" est entièrement trompeuse. Par son assertion, l'AESS laisse entendre que les membres des groupes de cadres étaient antérieurement représentés par un agent négociateur, et qu'en raison de la définition que l'on trouve à l'article 32(4) b) de la loi sur la réforme de la fonction publique ces fonctionnaires ne seront plus représentés par un agent négociateur donné. En réalité, les fonctionnaires compris dans la définition du "groupe de la direction" sont ceux qui sont au sommet des administrations, comme les sous-ministres adjoints, les directeurs généraux et les directeurs. Ces fonctionnaires, au cours des vingt-cinq dernières années, n'ont jamais été représentés par un agent négociateur, car la nature de leurs fonctions les placerait de toute évidence dans une situation de conflit d'intérêts s'ils étaient syndiqués. Par conséquent, il n'y aura pas d'accroissement du nombre des exclusions par suite du nouveau libellé de l'article 32(4) b) de la loi sur la réforme de la fonction publique.
  9. 118. Le gouvernement déclare ensuite que l'allégation de l'AESS selon laquelle l'exclusion "des postes du Conseil du Trésor" par l'article 32(4) d) de la loi sur la réforme de la fonction publique élargira substantiellement les clauses d'exclusion relatives aux postes de direction de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique est inexacte, car elle sous-entend qu'en vertu de cet article les fonctionnaires du Conseil du Trésor seront exclus pour la première fois de la négociation collective. Dans les faits, la très grande majorité des fonctionnaires du Conseil du Trésor ont été exclus au cours des vingt-cinq dernières années, et les trois quarts d'entre eux le sont aujourd'hui. Le gouvernement soutient que cette exclusion est raisonnable, car la très grande majorité des fonctionnaires employés par le secrétariat du Conseil du Trésor oeuvrent dans des domaines qui sont en rapport direct avec les responsabilités du Conseil du Trésor à titre d'employeur.
  10. 119. Le gouvernement soutient que l'assertion de l'AESS selon laquelle la définition des postes de direction ou de confiance, à savoir notamment ceux dont les titulaires sont amenés "à participer, de façon notable, à l'élaboration des politiques du gouvernement fédéral", laisse un pouvoir discrétionnaire trop grand à l'employeur et à la Commission des relations de travail dans la fonction publique n'est plus valable. Le projet de loi sur la réforme de la fonction publique a en effet été modifié au cours des différentes phases de la procédure législative devant le Parlement, et le texte définitif du paragraphe 5.1(1) a) définit les postes de direction ou de confiance comme ceux dont les occupants ont "des attributions les amenant à participer, dans une proportion notable, à l'élaboration de politiques ou de programmes du gouvernement fédéral". Le gouvernement soutient que les titulaires des postes de direction visés par cette disposition sont incontestablement les membres des équipes de direction des différents départements. Cette exclusion garantit aux agents négociateurs une protection contre l'ingérence des représentants de la direction. Le gouvernement réfute toute allégation selon laquelle l'employeur bénéficiera d'un pouvoir discrétionnaire ou sera en mesure de procéder à des exclusions unilatérales puisque, en premier lieu, l'ajout des termes "dans une proportion notable" limite par définition le nombre de postes qui pourraient être exclus. Par ailleurs, l'article 5.2 de la loi sur la réforme de la fonction publique permet à l'agent négociateur de faire opposition à la qualification de poste de direction ou de confiance par l'employeur d'un poste donné. Le cas échéant, le différend est alors réglé par le tribunal du travail indépendant - la Commission des relations de travail dans la fonction publique -, qui statue en dernier ressort sur toute exclusion litigieuse.
  11. 120. Le gouvernement conteste également l'allégation de l'AESS selon laquelle la loi sur la réforme de la fonction publique permettra aux employeurs "de réduire le nombre de groupes professionnels de façon draconienne". Il explique que la détermination du groupe professionnel se fait en même temps que l'employeur établit son système de classification. Si la loi et les tribunaux canadiens ont reconnu dès l'instauration du régime de négociation collective que la classification des postes était une responsabilité qui revenait à l'employeur, la détermination des unités de négociation appropriées ainsi que la question de savoir si un fonctionnaire ou une catégorie de fonctionnaires doivent ou ne doivent pas être inclus dans l'unité de négociation demeureront, en vertu de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique, telle que modifiée par la loi sur la réforme de la fonction publique, du ressort de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, une fois achevé l'exercice de restructuration de la classification. Le gouvernement continuera donc, à titre d'employeur, à établir son plan de classification incluant les groupes professionnels, mais l'établissement des unités appropriées et la détermination des fonctionnaires qui doivent y être inclus demeureront, une fois la tâche de restructuration terminée, l'apanage de ce tribunal du travail indépendant.
  12. 121. Le gouvernement ajoute que sa décision de restructurer le plan de classification, et ainsi de réduire le nombre de groupes professionnels, a été approuvée par l'Alliance de la fonction publique du Canada lorsqu'elle a déposé devant le Comité législatif en mars 1992. Selon le gouvernement, cette décision a également été saluée par l'AESS lors de sa comparution devant le Comité national des finances du Sénat chargé de l'étude de la loi sur la réforme de la fonction publique.
  13. 122. Le gouvernement conclut en niant toute violation des conventions nos 87 et 151. Il fait valoir que les exclusions qu'il propose dans la loi sur la réforme de la fonction publique respectent les critères de l'article 1, paragraphe 2, de la convention no 151 car les exclusions se justifient par le fait que les fonctionnaires visés ont des responsabilités ou des fonctions particulières. Par ailleurs, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a reconnu la nécessité, dans certaines circonstances, de restreindre la participation de certains groupes de fonctionnaires à la négociation collective. De l'avis du gouvernement, les exclusions envisagées par la loi sur la réforme de la fonction publique sont non seulement nécessaires de par leur nature propre, mais elles sont aussi essentielles à la détermination des personnes auxquelles les articles 8, 9, 10 et 23 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique, de même que l'article 3, paragraphe 2, de la convention no 87 et l'article 5, paragraphe 2, de la convention no 151, interdisent de s'ingérer dans les affaires des agents négociateurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 123. Le comité note que le présent cas porte sur l'interdiction de s'organiser et de négocier collectivement faite à certaines catégories de fonctionnaires de la fonction publique fédérale du Canada à la suite de la promulgation, le 17 décembre 1992, de la loi sur la réforme de la fonction publique, qui modifie entre autres la loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le gouvernement déclare que la loi sur la réforme de la fonction publique ne modifiera que peu le nombre des fonctionnaires exclus et que, en tout état de cause, ces exclusions sont indispensables pour protéger les agents négociateurs contre toute ingérence des représentants de la direction. Il fait valoir qu'en énonçant les critères d'exclusion il a tenu compte de deux éléments: 1) la désignation d'une équipe de cadres chargée d'exercer les fonctions et d'assumer les responsabilités de la direction au nom de l'employeur; 2) la désignation, en ce qui concerne les agents négociateurs, des personnes auxquelles la loi interdit, en raison de la nature de leurs fonctions, de s'ingérer dans les activités desdits négociateurs. Selon le gouvernement, ces critères d'exclusion satisfont aux principes énoncés à l'article 1, paragraphe 2, de la convention no 151.
  2. 124. Le plaignant déclare que la loi sur la réforme de la fonction publique a été adoptée sans qu'aient eu lieu préalablement des auditions publiques sur les propositions gouvernementales de réforme générale de la fonction publique, alors que le gouvernement affirme que non seulement le groupe d'étude sur les relations de travail (qui a été formé pour revoir le système actuel, y compris les politiques, directives et la législation en vigueur) a procédé à de larges consultations à l'intérieur et à l'extérieur de la fonction publique, mais que tous les agents négociateurs, y compris l'AESS, ont aussi été invités à comparaître devant ce groupe d'étude et à lui soumettre des mémoires. Etant donné la contradiction qui existe entre ces deux versions des faits, le comité se bornera à rappeler les observations finales faites à ce sujet dans le rapport de la mission d'étude et d'information effectuée au Canada en septembre 1985 dans le cadre de l'examen par le comité de plaintes pour violation des droits syndicaux dans un certain nombre de provinces du Canada: "Bien que le système canadien des relations professionnelles applique des procédures de négociation réglementées par la loi, l'importance de la consultation demeure. Il en est particulièrement ainsi lorsqu'un gouvernement dépose un projet de loi pour modifier les règles applicables à ce système et pour changer la position relative des parties à la négociation. On a déjà fait observer que cette consultation est doublement importante lorsque le gouvernement cherche à modifier des structures de négociation dans lesquelles il agit effectivement ou indirectement en tant qu'employeur." (Voir 241e rapport, paragr. 224.) En conséquence, le comité souligne l'importance des consultations préalables à l'adoption de textes législatifs par lesquels le gouvernement cherche à modifier des structures de négociation dans lesquelles il agit effectivement ou indirectement en tant qu'employeur.
  3. 125. En ce qui concerne le droit d'association des agents publics, conformément à la convention no 87, le comité a reconnu en de précédentes occasions que l'interdiction du droit d'association pour les travailleurs au service de l'Etat est incompatible avec l'article 2 de la convention, selon lequel les travailleurs, sans aucune distinction, doivent avoir le droit de constituer, sans autorisation préalable, les syndicats de leur choix. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 215.) Le comité rappelle également la position de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations à ce sujet, à savoir qu'interdire aux travailleurs occupant des postes de direction et de confiance dans le secteur public de s'affilier à des syndicats représentant le reste des travailleurs n'est pas nécessairement incompatible avec la liberté syndicale, mais seulement à deux conditions: tout d'abord, qu'ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts et, ensuite, que les catégories de travailleurs exclues ne soient pas définies en termes si larges que les organisations des autres travailleurs de l'entreprise ou de la branche d'activité risquent de s'en trouver affaiblies, en les privant d'une proportion substantielle de leurs membres. (Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, paragr. 131.)
  4. 126. En ce qui concerne le droit des fonctionnaires exclus de former leurs propres associations, le comité note que l'article 32(2) de la loi sur la réforme de la fonction publique définit comme "fonctionnaire" toute personne employée dans la fonction publique à l'exception des catégories énumérées à l'article comprenant notamment les personnes "occupant un poste de direction ou de confiance" (article 32(2) j)). Le comité note également que la notion d'"organisation syndicale" (qui n'a pas été modifiée par la loi sur la réforme de la fonction publique) est définie à l'article 2 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique comme "une organisation regroupant des fonctionnaires en vue, notamment, de la réglementation des relations entre l'employeur et son personnel pour l'application de la présente loi ...".
  5. 127. Tout en tenant compte des arguments du gouvernement selon lesquels ces fonctionnaires exclus peuvent recourir aux procédures de griefs établies par la loi sur la réforme de la fonction publique, le comité tient à rappeler que les normes contenues dans la convention no 87 s'appliquent à tous les travailleurs "sans distinction d'aucune sorte", donc à ces fonctionnaires, qui devraient avoir la possibilité de former leurs propres organisations pour défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres, ce qui, toutefois, n'inclut pas nécessairement le droit de grève. Notant qu'il n'existe aucune disposition à cet effet dans la législation en vigueur, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires exclus jouissent du droit d'association garanti par la convention no 87.
  6. 128. S'agissant de déterminer si les catégories de fonctionnaires exclus ont été définies de manière trop large par la loi sur la réforme de la fonction publique, laissant ainsi un pouvoir discrétionnaire excessif à l'employeur et à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, le comité note tout d'abord que la version définitive du nouvel alinéa 5.1(1) a) de la loi sur la réforme de la fonction publique considère comme postes de direction ou de confiance ceux dont les occupants "ont des attributions les amenant à participer, dans une proportion notable, à l'élaboration de politiques ou de programmes du gouvernement fédéral". Le comité considère que ce texte fixe des critères clairs et précis et limite par définition le nombre de fonctionnaires qu'il permet d'exclure.
  7. 129. De même, le comité ne considère pas que l'article 32(4) b) de la loi sur la réforme de la fonction publique, qui autorise l'employeur à classer les membres du groupe de la direction dans la catégorie des postes de direction ou de confiance, laisse à celui-ci un pouvoir discrétionnaire excessif puisque ces personnes sont par définition des fonctionnaires de haut niveau qui exercent normalement des fonctions de décision ou de direction ou qui accomplissent des tâches de caractère très confidentiel. La nature de ces fonctions et de ces tâches semble justifier l'exclusion de leurs titulaires du bénéfice de la loi sur la réforme de la fonction publique aux fins de la négociation collective.
  8. 130. En ce qui concerne l'assertion du plaignant selon laquelle, à la suite de la réorganisation de la classification par le gouvernement, l'employeur sera à même de réduire de manière draconienne le nombre des groupes professionnels au sein de la fonction publique, le comité observe que ce nombre sera assurément réduit puisque, de l'aveu même du gouvernement, la restructuration vise à simplifier le système de classification qui comprend ces groupes. Le comité note cependant que, en vertu de l'article 41(2) de la loi sur la réforme de la fonction publique, un tribunal du travail indépendant - la Commission des relations de travail dans la fonction publique - décidera si un groupe de fonctionnaires constitue une unité habilitée à négocier collectivement, compte tenu du plan de classification comprenant les groupes et sous-groupes professionnels, et que "à la demande de l'employeur ou de l'organisation syndicale concernée, la commission se prononce sur l'appartenance ou non d'un fonctionnaire ou d'une classe de fonctionnaires à une unité de négociation qu'elle a préalablement définie, ou sur leur appartenance à une autre unité" (article 34 de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique). Même si un certain nombre de fonctionnaires de niveau supérieur ou intermédiaire qui appartenaient auparavant à des unités de négociation sont transférés à un nouveau groupe professionnel en vertu du nouveau système de classification, le comité ne considère pas que cela permettra au gouvernement de se servir des clauses d'exclusion du personnel de direction pour déterminer si ces fonctionnaires bénéficieront du droit de s'organiser aux fins de la négociation collective puisque, en vertu de la loi, c'est la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui tranchera cette question en se fondant sur les clauses modifiées d'exclusion du personnel de direction.
  9. 131. En ce qui concerne l'allégation du plaignant selon laquelle l'alinéa 32(4) d) de la loi sur la réforme de la fonction publique élargit substantiellement les clauses d'exclusion du personnel de direction du bénéfice de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique en considérant tout "poste du Conseil du Trésor" comme un poste de direction ou de confiance, le comité note que cette clause d'exclusion englobe effectivement tous les fonctionnaires du Conseil du Trésor, alors qu'ils n'étaient pas du tout mentionnés dans la loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le comité observe que le Conseil du Trésor est le département qui représente le gouvernement en tant qu'employeur vis-à-vis de l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat. Il observe également, d'après les arguments du gouvernement, que la très grande majorité des fonctionnaires du secrétariat du Conseil du Trésor s'occupent dans l'exercice normal de leurs fonctions de questions directement liées aux responsabilités du Conseil du Trésor en tant qu'employeur. Cependant, le comité conteste que l'exclusion générale introduite par l'article 32(4) d) de la loi sur la réforme de la fonction publique, exclusion qui ne tient aucun compte de la nature ou du niveau des fonctions exercées, soit compatible avec les principes de la liberté syndicale. Le comité considère, comme il l'a fait antérieurement dans un cas similaire mettant en cause les mêmes parties (voir 194e rapport (Canada), paragr. 57 et 58), que l'exclusion des fonctionnaires du Conseil du Trésor du bénéfice de la loi sur la réforme de la fonction publique devrait être restreinte aux agents de niveau élevé dont les fonctions sont normalement considérées comme ayant trait à la formulation des politiques à suivre ou à des tâches de direction, ou aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 132. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité souligne l'importance des consultations préalables à l'adoption de textes législatifs par lesquels le gouvernement cherche à modifier des structures de négociation dans lesquelles il agit effectivement ou indirectement comme employeur.
    • b) Le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires exclus du bénéfice de la loi de 1992 sur la réforme de la fonction publique en vertu des clauses d'exclusion du personnel de direction qu'elle contient aient la possibilité de constituer leurs propres organisations pour défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres, conformément à la convention no 87.
    • c) Tout en considérant que la majorité des clauses d'exclusion prévues par la loi de 1992 sur la réforme de la fonction publique sont conformes aux principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de restreindre l'exclusion des fonctionnaires du Conseil du Trésor à ceux dont les fonctions sont normalement considérées comme ayant trait à la formulation des politiques à suivre ou à des tâches de direction, ou aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel.
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