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- 191. Par une communication du 23 décembre 1992, la Confédération allemande des syndicats (Deutsches Gewerkschaftsbund/DGB) et le Syndicat allemand des travailleurs des services postaux (Deutschen Postgewerkschaft/DPG)ont présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Allemagne. Ils ont communiqué des informations complémentaires en date du 5 juillet 1993.
- 192. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications datées des 16 mars, 5 mai et 10 août 1993.
- 193. L'Allemagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective; en revanche, elle n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 194. Dans leur communication du 23 décembre 1992, la DGB et le DPG prétendent que l'obligation imposée en vertu du droit public aux fonctionnaires (Beamte) d'exécuter des services visant à briser une grève légale des employés de l'Etat (Angestellte) organisée au printemps de 1992 constitue une violation du principe de la liberté syndicale.
- 195. En ce qui concerne les faits allégués, les organisations plaignantes expliquent qu'au printemps de 1992 les syndicats de la fonction publique fédérale ont revendiqué une augmentation appréciable des salaires telle qu'elle était prévue dans la convention collective. Aux termes de quatre négociations collectives avec les employeurs du secteur public, il n'a pas été possible de conclure d'accord relatif à une nouvelle convention collective. En date du 8 avril 1992, la commission d'arbitrage, instituée aux fins du règlement de ce conflit, a recommandé une augmentation de 5,4 pour cent des salaires, une compensation rétroactive à partir du 1er avril 1992 et un versement unique de 500 DM pour les mois de janvier à mars 1992. Cette recommandation a été rejetée par les employeurs. Face à leur refus d'augmenter les salaires au-delà de 4,7 pour cent, les syndicats, après avoir organisé un scrutin dont les résultats ont été favorables, ont appelé leurs membres travaillant dans plusieurs secteurs publics à déclencher une grève légale. La grève s'est déroulée du 24 avril au 7 mai 1992. Les organisations plaignantes expliquent que le recours à la grève était le seul moyen d'obtenir l'augmentation salariale recommandée par la commission d'arbitrage et de la faire inclure dans une convention collective.
- 196. Lors de ce conflit, des membres du Syndicat allemand des travailleurs des services postaux ont fait grève dans certains secteurs des Postes fédérales qui constituent une partie importante de la fonction publique fédérale. Toutefois, contrairement aux autres employeurs du secteur public, les employeurs des postes ont eu recours à un grand nombre de fonctionnaires pour remplir des fonctions de briseurs de grève. Les organisations plaignantes indiquent que ces mesures font l'objet de leur plainte.
- 197. Les organisations plaignantes expliquent que le ministre fédéral de l'Intérieur, qui est le partenaire principal du côté des employeurs dans les négociations salariales et qui négocie au nom de tous les secteurs de la fonction publique (la Fédération, les Länder et les municipalités), a initié la réquisition de fonctionnaires pour briser la grève, en particulier dans les services postaux. Au niveau central, lors de discussions qui ont eu lieu au ministère fédéral de l'Intérieur, "la réquisition des fonctionnaires lors d'un conflit du travail" a été à nouveau justifiée en invoquant l'interprétation actuelle de la loi. Les ministres présents ont alors été invités à en tirer les conséquences en ce qui concerne le droit du travail ou les règlements de la fonction publique. Suite à ces discussions, un nombre d'agences faisant partie des Postes fédérales ont ordonné la réquisition des fonctionnaires "en vue d'entraver le moins possible le fonctionnement du service", "afin de maintenir les services d'urgence", "aux fins du maintien des opérations urgentes", d'après les termes mêmes des instructions adoptées par les directions des services postaux.
- 198. En réponse à une lettre du 22 avril 1992 par laquelle le DPG a vivement critiqué la réquisition des fonctionnaires lors d'une grève légale des employés de l'Etat, la direction générale des postes, en date du 23 avril 1992, a réitéré sa position juridique et l'a confirmée par une Instruction du 27 avril 1992. Suite à cette Instruction, la réquisition d'un grand nombre de fonctionnaires a été ordonnée.
- 199. Les organisations plaignantes énumèrent ensuite les conséquences négatives qu'elles et leurs membres ont dû subir du fait de l'utilisation de fonctionnaires pour briser la grève: la solidarité syndicale entre les membres ayant un statut différent (fonctionnaires, employés ou ouvriers de l'Etat) a été détruite, l'efficacité de la grève a été mise en jeu, le refus de remplir des services pour briser une grève constituant une infraction entraînant des sanctions disciplinaires en vertu du droit régissant les fonctionnaires. Elles ajoutent que les deux tiers des fonctionnaires employés dans les postes sont membres du DPG et que beaucoup d'entre eux ont été réquisitionnés lors de la grève.
- 200. Les organisations plaignantes indiquent également que les parties à la convention collective de 1991 pour le secteur des postes et télécommunications s'étaient mises d'accord sur le maintien de services minima. En vertu de cet accord, cependant, le maintien de tels services dans les anciens Länder n'était possible que de façon très limitée. Lors de la grève de 1992, les fonctionnaires réquisitionnés ont été utilisés principalement pour remplir des tâches qui ne font pas l'objet de l'accord susmentionné et, d'une manière générale, ne font pas partie de leurs activités normales.
- 201. D'un point de vue juridique, la DGB et le DPG indiquent que les organes de contrôle de l'OIT ont à plusieurs reprises critiqué le gouvernement aussi bien en ce qui concerne le droit régissant la fonction publique dans son ensemble que l'interdiction de grève et, en particulier, la réquisition de personnes pour briser une grève qui fait l'objet de la présente plainte. Pour ce qui est de la conformité de cette question avec l'article 3 de la convention no 87, lors de son examen de la grève des postes de 1980, à propos du maintien de services minima, la commission d'experts a indiqué qu'"en ce qui concerne la réquisition de fonctionnaires (Beamte) n'agissant pas en tant qu'organes de la fonction publique pour remplacer les grévistes, elle a toujours estimé légitime qu'un service minimum concernant une catégorie de personnel déterminée puisse être maintenu en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë, mais que, dans un tel cas, les organisations syndicales devraient pouvoir participer à la définition du service minimum tout comme les employeurs et les autorités publiques" (voir Rapport de la commission d'experts (RCE), rapport III, partie 4A, 1987, observation concernant la République fédérale d'Allemagne, p. 156). Plus tard, la commission a estimé que "l'on ne peut affirmer que l'arrêt (des services tels que les postes) est, par définition, propre à engendrer un état de crise nationale aiguë" et a été en conséquence d'avis que "la réquisition des fonctionnaires des postes (Beamte) prise lors d'un conflit dans ce service était de nature à restreindre le droit de grève des ouvriers des postes (Angestellte) en tant que moyen de défense de leurs intérêts professionnels et économiques". (Voir RCE, 1989, p. 134.)
- 202. Les organisations plaignantes estiment que la situation de 1992 était semblable à celle de 1980, qu'elle ne constituait pas d'état de crise nationale aiguë et que les critères acceptables pour le maintien d'un service minimum n'ont pas été respectés. La réquisition des fonctionnaires lors de la grève de 1992 ne saurait en conséquence être considérée comme justifiée.
- 203. Elles citent également les limites, indiquées par la commission d'experts et le comité, dans lesquelles un service minimum peut être légitimement maintenu: "pour être acceptable, un service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population ...". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 415.) D'après les organisations plaignantes, il ressort des instructions de réquisitions ordonnées par les directions des services postaux que leur but principal était de maintenir des services sans interruption, de protéger les consommateurs et d'éviter la perte de commandes. Elles estiment que ces buts constituent des conséquences normales d'une grève qui ne correspondent en aucun cas aux conditions régissant la légitimité du maintien d'un service minimum. Elles concluent que les articles 3 et 10 de la convention no 87, lus conjointement, ont été violés en ce que le droit de grève des syndicats et de leurs membres a été entravé de plusieurs façons.
- 204. Pour ce qui est de la convention no 98 et, en particulier, de son article 6, les organisations plaignantes citent l'avis du comité selon lequel "la convention couvre tous les fonctionnaires qui n'agissent pas en tant qu'agents de l'autorité publique et entre autres, dès lors, ceux des services des postes et des télécommunications". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 602.)
- 205. Pour ce qui est de l'article 1 de la convention no 98, tel qu'interprété par la commission d'experts, la protection qu'il prévoit couvre non seulement le licenciement et les mesures disciplinaires, mais aussi tout autre acte préjudiciable (voir Etude d'ensemble en matière de liberté syndicale et de négociation collective, 1983, paragr. 260). D'après les organisations plaignantes, un fonctionnaire qui est menacé de sanctions en vertu des règlements du service public, s'il refuse d'exécuter des tâches visant à briser une grève, n'est pas prêt à subir un préjudice (pouvant aller jusqu'au licenciement) et, en règle générale, exécutera ces tâches. Ceci constitue en soi une mesure de discrimination antisyndicale, ainsi que les procédures disciplinaires engagées dans les cas, relativement peu nombreux, de refus d'exécution des services pour briser une grève.
- 206. En ce qui concerne l'attitude adoptée par le gouvernement fédéral, les organisations plaignantes indiquent que, le 26 juin 1992, le groupe parlementaire de la SPD (Parti social démocrate) a posé au gouvernement fédéral une question supplémentaire (kleine Anfrage) relative aux mesures spécifiques prises pour mettre en oeuvre les conclusions et recommandations formulées à plusieurs reprises par la commission d'experts et portant sur le droit de recourir à la grève de catégories plus larges de fonctionnaires, en particulier des fonctionnaires des services postaux, et sur l'interdiction de réquisition de fonctionnaires en cas de grève des travailleurs. Dans sa réponse du 21 octobre 1992, le gouvernement a indiqué, entre autres, qu'"il ne lui appartenait pas de mettre en oeuvre les observations de la commission d'experts". Il a également déclaré que "la réquisition des fonctionnaires en cas de grève est permise par la Cour fédérale administrative et par la Cour fédérale du travail" et qu'"un recours en constitutionnalité introduit par le DPG contre la décision de la Cour fédérale de travail était en instance devant la Cour fédérale constitutionnelle". A cet égard, le gouvernement a exprimé l'opinion que "ce recours n'était pas fondé en raison du fait que la décision de la Cour fédérale de travail n'entrave pas les droits fondamentaux". Il maintient donc sa façon d'interpréter la loi concernant les droits et obligations des fonctionnaires en cas de grève et considère qu'"il est permis de réquisitionner des fonctionnaires pour remplir des fonctions dans des services affectés par une grève". Les organisations plaignantes concluent que le gouvernement persiste à refuser de se conformer aux obligations découlant des conventions de l'OIT.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 207. Dans sa communication initiale du 16 mars 1993, le gouvernement avait indiqué qu'il préférait attendre le jugement de la Cour fédérale constitutionnelle relative à un cas similaire de 1980 avant de répondre aux aspects juridiques des allégations. Pour ce qui était de la décision attendue, le gouvernement expliquait qu'elle ferait suite à un recours en inconstitutionnalité introduit par le DPG contre une décision de la Cour fédérale de travail qui avait statué que les fonctionnaires pouvaient être réquisitionnés de façon illimitée lors d'une grève et que de telles réquisitions ne constituaient pas une entrave aux droits syndicaux.
- 208. En ce qui concernait les aspects factuels des allégations, le gouvernement déclarait que la majorité des faits cités par les organisations plaignantes étaient reproduits de manière correcte. Il souhaitait toutefois clarifier et compléter certains points.
- 209. En ce qui concernait les discussions au sein du ministère fédéral de l'Intérieur, le gouvernement expliquait qu'elles avaient eu pour seul but, en ce qui concernait les employeurs, de préparer la grève annoncée. Les "Directives à suivre en cas de conflit du travail", annoncées longtemps auparavant dans des circulaires, avaient été à nouveau expliquées. Elles comprenaient des remarques relatives à l'interdiction constitutionnelle de la grève des fonctionnaires. L'allégation des organisations plaignantes selon laquelle des mesures de réquisition de fonctionnaires pour remplacer des grévistes avaient été prises était par conséquent infondée. L'objectif de la réunion était d'informer les personnes concernées. Cette procédure est indispensable avant toute action en matière de relations professionnelles. Les décisions quant à la façon d'appliquer les Directives avaient été transmises aux départements concernés.
- 210. Le gouvernement ajoutait que, dans certains départements des postes, la décision de réquisition des fonctionnaires avait été prise sur une base flexible, en fonction des nécessités des services et parfois seulement pendant quelques heures. Il faisait en outre observer que, même si le refus de donner suite à une réquisition pouvait entraîner des mesures disciplinaires en vertu du droit sur le service public, de telles mesures n'avaient en aucun cas été prises à l'encontre de fonctionnaires ayant refusé de remplacer des grévistes. De la même manière, l'allégation selon laquelle des fonctionnaires membres du DPG auraient été réquisitionnés pour remplacer des travailleurs grévistes n'était selon lui pas fondée, pas plus que celle portant sur le fait que les fonctionnaires réquisitionnés ont été assignés à des tâches qui n'auraient pas correspondu à leur formation ou leur fonction. Le gouvernement avait également indiqué qu'il était impossible de violer un accord sur le maintien de services minima dans les postes fédérales puisqu'un tel accord n'existait pas.
- 211. Dans sa communication du 5 mai 1993, le gouvernement déclare qu'en date du 5 avril 1993 la Cour fédérale constitutionnelle a estimé que l'affectation de fonctionnaires (Beamte) à des services dans lesquels se déroule une grève d'employés et d'ouvriers de l'Etat (Arbeiter et Angestellte) n'est pas compatible avec la Constitution de l'Allemagne à moins qu'elle ne soit régie de manière expresse par une loi. De l'avis du gouvernement, le présent cas doit être considéré comme résolu étant donné qu'il portait sur la réquisition de fonctionnaires pour remplacer des employés et ouvriers de l'Etat en grève. A la lumière de la situation juridique résultant de l'arrêt de la Cour fédérale constitutionnelle et en l'absence d'une loi allemande autorisant expressément la réquisition, il devient impossible que des fonctionnaires soient réquisitionnés pour remplacer des employés et ouvriers de l'Etat qui se sont mis en grève. Le gouvernement ajoute que la position juridique qu'il avait adoptée antérieurement en ce qui concerne la convention no 87 n'est en aucun cas modifiée par ce qui précède.
C. Informations complémentaires des organisations plaignates
C. Informations complémentaires des organisations plaignates
- 212. Dans une lettre datée du 5 juillet 1993, les organisations plaignantes déclarent ne pas partager le point de vue du gouvernement. Bien que la Cour fédérale constitutionnelle ait estimé que la réquisition des fonctionnaires pour remplacer des travailleurs grévistes n'est pas constitutionnelle, le gouvernement maintient une attitude juridique inappropriée en ce qui concerne la convention no 87. Les organisations plaignantes indiquent que l'attitude qu'elles adopteront vis-à-vis du cas présent dépendra dans une large mesure des réponses du gouvernement fédéral aux questions qui suivent:
- - Qu'entend le gouvernement par sa déclaration que "sa position concernant la convention no 87 n'a pas été modifiée"? Cette déclaration s'applique-t-elle également au droit de grève en général des fonctionnaires ou uniquement, comme dans le passé, à la réquisition unilatérale des fonctionnaires pour remplacer des travailleurs en grève légale? En d'autres termes, est-ce que cela veut dire que le gouvernement fédéral a changé sa position juridique relative à la réquisition des fonctionnaires pour remplacer des grévistes et qu'il partage la position des organes de contrôle de l'OIT selon laquelle de telles réquisitions sont incompatibles aussi bien avec les principes de la liberté syndicale qu'avec la convention no 87?
- - Le gouvernement fédéral peut-il assurer que les fonctionnaires ne subiront plus les conséquences négatives et, en particulier, ne feront plus l'objet de procédures disciplinaires?
- 213. Les organisations plaignantes estiment que ceci s'applique également en ce qui conserne la position adoptée par le gouvernement fédéral vis-à-vis des observations de la commission d'experts portant sur l'affectation de fonctionnaires pour briser une grève.
- 214. Elles rappellent en outre que le gouvernement n'a toujours pas donné suite aux observations de la commission d'experts et aux recommandations du comité en ce qui concerne le cas no 1528.
- 215. Les organisations plaignantes se montrent aussi inquiètes au sujet de la réponse du gouvernement du 21 octobre 1992 à une question posée dans le Bundestag. Elles citent le gouvernement: "La convention no 87 établit la liberté d'association et la protection du droit d'organisation. Ces droits sont également garantis par la Constitution de l'Allemagne. Le gouvernement fédéral est d'avis qu'il est extrêmement contestable, sur le plan juridique, que certains organes de contrôle de l'OIT tirent des conclusions de la convention no 87 qui vont au-delà du texte de cet instrument et lieraient les Etats ayant ratifié quant à la façon de traiter des actions en matière de relations professionnelles. La ratification d'une convention de l'OIT porte uniquement sur le texte de la convention. Le gouvernement considère que les organes de contrôle de l'OIT sont liés par le principe de la protection de la confiance et de la sûreté de la loi, principe qui empêche toute interprétation dépassant totalement le texte établi d'un instrument de l'OIT." D'après les organisations plaignantes, cette position est insoutenable et contradictoire avec toutes les déclarations fondamentales du gouvernement relatives aux mécanismes de contrôle de l'OIT. Elles estiment par conséquent nécessaire que le gouvernement modifie sa position juridique concernant la convention no 87.
D. Réponse complémentaire du gouvernement
D. Réponse complémentaire du gouvernement
- 216. Dans sa communication du 10 août 1993, le gouvernement réitère qu'il considère que la présente plainte est dépourvue de fond depuis l'arrêt de la Cour fédérale constitutionnelle du 5 avril 1993 en vertu duquel il est maintenant impossible, à défaut d'une loi l'autorisant expressément, de réquisitionner des fonctionnaires. Le gouvernement indique également à nouveau que des sanctions disciplinaires n'ont pas été prises à l'encontre de fonctionnaires ayant refusé de donner suite à l'ordre de réquisition. Avant l'arrêt du 5 avril 1993, trois enquêtes disciplinaires avaient été ouvertes mais elles ont été suspendues par la suite.
- 217. Pour ce qui est de sa position juridique relative à la convention no 87, le gouvernement déclare que la position qu'il avait mentionnée dans sa communication du 5 mai 1993 concerne la portée de la convention. Le gouvernement souhaite toutefois clarifier la réponse qu'il avait donnée en date du 21 octobre 1992 à une question posée dans le Bundestag. Le gouvernement ne nie pas que le droit de grève constitue un des moyens essentiels de la liberté d'action des syndicats qui, en ce sens, est implicitement contenu dans la convention, même si le texte de celle-ci ne le mentionne pas. Le gouvernement estime cependant qu'il n'est pas justifié de déduire de la convention un cadre juridique détaillé du droit de grève qui lierait les Etats ayant ratifié la convention. Il indique qu'il a déjà exprimé cette position devant la Commission de l'application des normes lors de la Conférence internationale en juin 1993.
- 218. Le gouvernement demande également que ces informations soient transmises à la commission d'experts.
E. Conclusions du comité
E. Conclusions du comité
- 219. Le comité note que les allégations dans le cas présent portent sur la réquisition des fonctionnaires publics (Beamte) des services des postes pour remplir des fonctions abandonnées par les employés et ouvriers (Angestellte) des services postaux fédéraux lors d'une grève légale.
- 220. Le comité note qu'en l'espèce lds faits allégués, qui ne sont pas contestés, portent sur des Instructions de la direction des Postes fédérales et de certaines autres directions de ce service en vertu desquelles des fonctionnaires des postes ont été réquisitionnés pour briser une grève légale déclenchée par les syndicats de la fonction publique fédérale le 24 avril 1992, suite au rejet par les employeurs du secteur public d'une sentence arbitrale qui prévoyait une augmentation de 5,4 pour cent des salaires, une compensation rétroactive à partir du 1er avril 1992 ainsi qu'un versement unique de 500 DM.
- 221. Les organisations plaignantes prétendent que la réquisition des fonctionnaires des postes pour remplacer les employés de ce service qui se sont légalement mis en grève constitue une violation des articles 3 et 10, lus conjointement, de la convention no 87, conformément aux principes et décisions établis de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale. Elles estiment également que le fait que les fonctionnaires concernés qui refusent de donner suite à la réquisition risquent de se voir infliger une sanction disciplinaire (pouvant aller jusqu'au licenciement) en vertu du droit régissant la fonction publique va à l'encontre de l'article 1 de la convention no 98.
- 222. Le comité prend tout d'abord note avec intérêt de l'arrêt de la Cour fédérale constitutionnelle du 5 avril 1993 selon lequel l'affectation de fonctionnaires (Beamte) à des services dans lesquels se déroule une grève des employés et des ouvriers de l'Etat (Angestellte) n'est pas compatible avec la Constitution de l'Allemagne à moins que cette affectation ne soit régie de manière expresse par une loi. Il observe que le gouvernement estime que le présent cas doit être considéré comme résolu étant donné qu'il portait sur la question tranchée par la Cour. Le comité se félicite de ce que le gouvernement admet qu'en l'absence d'une législation autorisant expressément la réquisition, il n'est plus possible que des fonctionnaires soient réquisitionnés pour remplacer des employés et des ouvriers de l'Etat grévistes. Le comité relève cependant que le gouvernement ajoute que la position juridique qu'il avait adoptée antérieurement en ce qui concerne la convention no 87 n'est en aucun cas modifiée par cet arrêt.
- 223. Dans ces conditions, le comité rappelle qu'il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme un moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 362.) Le comité ne peut qu'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur le principe de la liberté syndicale selon lequel le droit de grève peut être restreint, voire interdit, dans la fonction publique, les fonctionnaires publics étant ceux qui agissent en tant qu'organes de la puissance publique, ou les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 394.) De plus, le principe relatif à l'interdiction des grèves dans les services essentiels risquerait de perdre tout son sens s'il s'agissait de déclarer illégale une grève dans une ou plusieurs entreprises qui ne fournissent pas un service essentiel au sens strict du terme. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 400.)
- 224. Dans un cas similaire, le comité a déjà reconnu que l'arrêt du fonctionnement des services tels que les postes pourrait être de nature à perturber la vie normale de la communauté, mais qu'il serait difficile d'admettre que l'arrêt de tels services ou entreprises soit par définition propre à engendrer un état de crise nationale aiguë. (Voir 268e rapport du comité, cas no 1451 (Canada), paragr. 98.) Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement garantira aux fonctionnaires n'agissant pas en tant qu'organes de la puissance publique et à leurs organisations le droit d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action pour la défense de leurs intérêts économiques, sociaux et professionnels, y compris par le recours à la grève, sans entrave de la part des pouvoirs publics.
- 225. Le comité a en outre à maintes reprises indiqué qu'il semblerait légitime qu'un service minimum puisse être maintenu en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que les conditions normales d'existence de la population pourraient être en danger. Pour être acceptable, un service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population, et les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa définition tout comme les employeurs et les autorités publiques. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 415.)
- 226. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le droit régissant les fonctionnaires publics prévoit des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement lorsqu'un fonctionnaire refuse de donner suite à un ordre de réquistion pour remplacer des travailleurs grévistes, le comité relève la préoccupation des organisations plaignantes quant aux menaces de sanctions dont ont pu faire l'objet des fonctionnaires grévistes. Cependant, il observe que le gouvernement déclare que, bien que le droit sur le service public puisse entraîner des sanctions disciplinaires, de telles mesures n'ont pas été prises à l'encontre de fonctionnaires ayant refusé de remplacer des grévistes. Tout en prenant note de ces informations, le comité rappelle au gouvernement que le fait d'imposer des sanctions aux fonctionnaires publics en raison de leur participation à une grève n'est pas de nature à favoriser des relations professionnelles harmonieuses. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 437.)
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 227. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prend note avec intérêt de l'arrêt de la Cour fédérale constitutionnelle du 5 avril 1993 selon lequel l'affectation de fonctionnaires (Beamte) à des services dans lesquels se déroule une grève des employés et des ouvriers de l'Etat (Angestellte) n'est pas compatible avec la Constitution de l'Allemagne à moins que cette affectation ne soit régie de manière expresse par la loi. Il se félicite de ce que le gouvernement admet qu'en l'absence d'une législation autorisant expressément la réquisition, il n'est plus possible que des fonctionnaires soient réquisitionnés pour remplacer des employés et des ouvriers de l'Etat grévistes.
- b) Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement garantira aux fonctionnaires n'agissant pas en tant qu'organes de la puissance publique et à leurs organisations le droit d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action pour la défense de leurs intérêts économiques, sociaux et professionnels, y compris par le recours à la grève, sans entrave de la part des pouvoirs publics.
- c) Le comité rappelle au gouvernement que, pour être acceptables, les services minima qui pourraient être maintenus en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que les conditions normales d'existence de la population pourraient être en danger, devraient se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population, et que les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à leur définition tout comme les employeurs et les autorités publiques.
- d) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.