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- 526. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération équatorienne des travailleurs salariés de l'agriculture, de l'agro-industrie et de l'alimentation (FETAL) du 16 novembre 1993. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 7 février 1994.
- 527. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 528. La Fédération équatorienne des travailleurs salariés de l'agriculture, de l'agro-industrie et de l'alimentation (FETAL) signale, dans sa communication du 16 novembre 1993, que la police nationale a perquisitionné la hacienda "El Prado", qui occupe plus de 40 travailleurs, dans le cadre de l'"Opération Cyclone", pour arrêter des trafiquants de drogue présumés. Par la suite, sur la base du rapport de police, les juges en matière pénale ont ouvert une instruction sur présomption de trafic de drogue contre les propriétaires de la hacienda.
- 529. Dans ces circonstances qui menaçaient leurs droits, les travailleurs, qui n'avaient rien à voir avec les activités des employeurs et propriétaires de la hacienda, ont constitué un syndicat ("comité d'entreprise" dans la terminologie nationale) et, au cours du processus d'approbation par le ministère du Travail, ils ont présenté une pétition pour protéger leurs droits.
- 530. L'organisation plaignante ajoute que le ministère du Travail a renvoyé trois fois la documentation relative à la constitution du syndicat, invoquant divers motifs et notamment celui du non-respect du nombre minimum légal de travailleurs (la moitié plus un de l'ensemble des travailleurs avec un minimum de 30) bien que les preuves du respect de cette condition eussent été fournies.
- 531. L'organisation plaignante indique qu'elle a présenté ensuite une deuxième pétition citant les employeurs directs et indirects. Le 1er novembre 1993, un nouvel administrateur de la hacienda, désigné rémunéré par la police nationale, a licencié tous les travailleurs. Dans le cadre de cette deuxième pétition, les travailleurs ont déclaré la grève, mais ils n'ont pu exercer ce droit car la police leur a interdit l'entrée de la hacienda. Ils ont d'ailleurs dû subir des intimidations ainsi que le retard du versement de leur rémunération. La travailleuse Dolores Cascota a été emprisonnée quelque temps car elle était accusée d'avoir volé un peu de fourrage.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 532. Dans une communication du 7 février 1994, le gouvernement déclare que le traitement du conflit du travail dans la hacienda "El Prado" a placé le ministère du Travail devant une série de difficultés car la situation est singulière; du fait de la saisie par la police de biens produits par le trafic de drogue, une propriété est apparemment restée sans propriétaire susceptible de rendre compte à des tiers. La loi sur les stupéfiants et les psychotropes promulguée en septembre 1990 présente certaines lacunes dans ce domaine car elle ne prévoit rien au sujet de ces obligations. En revanche, elle prévoit que le Conseil national du contrôle des stupéfiants et des psychotropes (CONSEP) doit faire office de dépositaire des biens saisis et doit, en dernière analyse, en disposer, que ce soit provisoirement ou définitivement. Or, dans ce cas précis, le CONSEP n'a pas encore pu assumer son rôle de dépositaire légal des biens saisis, car ceux-ci sont toujours aux mains de la police.
- 533. Le gouvernement ajoute que, dans le cadre des conditions indispensables à la création d'un syndicat ("comité d'entreprise" dans la terminologie nationale), la loi dispose que l'assemblée doit être constituée par plus de 50 pour cent des travailleurs, mais qu'en aucun cas elle ne peut avoir un nombre de membres inférieur à 30 travailleurs. Pour ce qui est du cas sur lequel porte la plainte, l'inspecteur du travail s'est personnellement rendu en mai 1993 à la hacienda "El Prado" et il a constaté qu'il n'y avait que 17 travailleurs agricoles. Par conséquent, le ministre du Travail et des Ressources humaines devait refuser d'enregistrer cette organisation. Il convient de signaler qu'entre la constitution du comité spécial (organisation ad hoc exclusivement créée pour représenter des travailleurs au cours de la solution du conflit collectif) en septembre 1992, et celle du comité d'entreprise en mai 1993, presque neuf mois se sont écoulés et, dans cet intervalle, certains travailleurs ont perdu leur emploi à la hacienda "El Prado"; ils n'en n'ont pas moins comparu à la constitution du comité d'entreprise, comme s'ils étaient toujours employés.
- 534. Le gouvernement signale que, au cours de l'élaboration des deux pétitions, par lesquelles le conflit du travail à la hacienda "El Prado" s'est concrétisé, la police nationale a effectivement licencié les travailleurs. Par conséquent, le ministre du Travail, s'acquittant de son devoir de veiller au respect de leurs droits, s'est adressé personnellement à la direction de la police ainsi qu'au ministre de l'Intérieur et de la Police pour leur demander de rétablir dans leur emploi les travailleurs licenciés illégalement, conformément à la loi ou, à défaut, de veiller à ce qu'ils reçoivent toutes les indemnités prévues par le Code du travail.
- 535. Le gouvernement a décidé d'exiger qu'à défaut de la réintégration des travailleurs licenciés dans leur emploi la police nationale dépose au ministère du Travail les valeurs nécessaires pour verser à tous les travailleurs injustement licenciés les rémunérations et indemnités que la loi leur octroie.
- 536. Le Tribunal de conciliation et d'arbitrage qui a connu de la première pétition et celui qui a connu de la seconde ont été notifiés de la déclaration de grève des travailleurs de la hacienda "El Prado" et ont aussitôt, en vertu de l'article 492 du Code du travail et dans le but de sauvegarder les droits des travailleurs, demandé aux autorités de la police d'accorder une protection appropriée aux grévistes qui devaient rester sur leur lieu de travail. Cependant, le fait qu'il puisse y avoir des obstacles au respect des dispositions prises par les tribunaux de conciliation et d'arbitrage constitue un problème difficile à résoudre pour le ministère du Travail, qui ne dispose pas d'une force de coercition propre, puisque c'est précisément la police nationale qui doit s'acquitter de ce mandat.
- 537. Quoi qu'il en soit, le ministère du Travail estime que l'essentiel à présent est d'aboutir à une solution qui satisfasse les exigences des travailleurs et, à cet effet, il s'efforce de poursuivre le dialogue avec les hautes instances de la police nationale et avec les travailleurs pour trouver un terrain d'entente et régler ce conflit au plus vite et au mieux.
- 538. Enfin, le gouvernement dément la détention temporaire de travailleurs et signale en outre que les dossiers relatifs à ce conflit ne font mention d'aucune détention.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 539. Le comité observe que la plainte en question fait référence au refus des autorités d'enregistrer le syndicat des travailleurs de la hacienda "El Prado", au licenciement des travailleurs de cette hacienda alors qu'un conflit collectif avait été porté devant le Tribunal de conciliation et d'arbitrage (tripartite), à des entraves à l'exercice du droit de grève et à la détention d'une travailleuse. Le comité prend note du fait que ces allégations se situent dans une période au cours de laquelle la hacienda "El Prado" était apparemment sans propriétaire, suite à la saisie par la police de biens immeubles de trafiquants de drogue (y compris dans la hacienda en question), et que, par conséquent, c'est à la police qu'il incombe, pour le moment, d'en assumer la garde.
- 540. Le comité observe que le gouvernement reconnaît qu'il y a eu des licenciements illégaux et que l'on a fait obstacle au droit de grève des travailleurs de la hacienda "El Prado"; il explique que le ministère du Travail ne dispose pas d'une force de coercition propre puisque c'est précisément la police nationale qui doit veiller à l'application de ses décisions (concernant la réintégration ou l'indemnisation des travailleurs et le respect du droit de grève). A cet égard, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas demandé à la police de donner suite aux recommandations du ministère du Travail. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs licenciés illégalement dans le cadre d'un conflit collectif et d'un processus de constitution de syndicat soient réintégrés dans leurs postes de travail.
- 541. Pour ce qui est du refus d'enregistrer le syndicat des travailleurs de la hacienda "El Prado", le gouvernement fait valoir qu'en 1993 ce syndicat ne comptait pas le nombre minimum de 30 travailleurs exigé par la loi et qu'il n'en comptait que 17. A cet égard, le comité souhaite souligner que, dans un cas antérieur relatif à l'Equateur (voir le 284e rapport, cas no 1617, paragr. 1006), en examinant les dispositions de la législation équatorienne, il a estimé que le nombre minimum de 30 travailleurs "devrait être réduit dans le cas des syndicats d'entreprise afin de ne pas faire obstacle à la création de ces organisations, surtout si l'on tient compte du fait qu'il existe dans le pays une proportion considérable de petites entreprises et que la structure syndicale est fondée sur le syndicat d'entreprise". Le comité réitère cette conclusion, demande à nouveau au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation en ce sens, et tient à signaler que c'est peut-être précisément parce que des licenciements illégaux se sont produits au cours de ce conflit collectif que le nombre minimum nécessaire de travailleurs exigé par la législation en question n'était plus atteint. Dans ces conditions, le comité réitère sa recommandation antérieure relative à la réintégration dans leurs emplois de tous les travailleurs illégalement licenciés et demande au gouvernement d'enregistrer le syndicat des travailleurs de la hacienda "El Prado".
- 542. Enfin, le comité observe que le gouvernement dément la détention de la travailleuse Dolores Cascota et signale en outre que ce fait n'a pas été consigné par les parties dans les dossiers relatifs au conflit collectif.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 543. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la réintégration dans leurs emplois des travailleurs illégalement licenciés à la hacienda "El Prado".
- b) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation de telle façon que soit réduit le nombre minimal de travailleurs exigé par la loi (actuellement de 30) afin que des syndicats d'entreprise puissent être constitués.
- c) Le comité demande au gouvernement d'enregistrer le syndicat ("comité d'entreprise" dans la terminologie nationale) des travailleurs de la hacienda "El Prado".
- d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à ses recommandations.