132. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) figure dans une communication datée du 20 mai 1998. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 29 octobre 1998.
- 132. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) figure dans une communication datée du 20 mai 1998. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 29 octobre 1998.
- 133. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante- 134. Dans sa communication du 20 mai 1998, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que le gouvernement panaméen refuse de reconnaître l'affiliation de la Fédération nationale des associations et organisations d'employés publics (FENASEP) à la Centrale "Convergence syndicale", en violation du Code du travail et d'autres lois nationales, ainsi que de la convention no 87 de l'OIT, qui ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser de reconnaître l'affiliation d'une fédération de travailleurs à une centrale syndicale.
- 135. La CISL demande l'abrogation de la résolution no 042-DOS-97 du 28 avril 1997 par laquelle il est décidé de ne pas enregistrer la demande d'affiliation de la FENASEP à la Centrale "Convergence syndicale". Le texte de cette résolution est reproduit ci-après:
- Le chef du Département des organisations sociales, s'exprimant au nom de la délégation de la Direction générale du travail,
- Considérant:
- Que, le 18 mars 1997, la Centrale "Convergence syndicale" a demandé à ce département d'enregistrer, au nombre de ses affiliés, la Fédération nationale des associations et organisations d'employés publics (FENASEP);
- Que les travailleurs du secteur privé et leurs organisations sont régis par le Code du travail, alors que les employés publics ainsi que leurs associations sont régis par le Code administratif, à l'exception des cas qui relèvent de lois spéciales;
- Que, après avoir analysé les pièces justificatives présentées, il a été constaté qu'elles ne répondent pas aux exigences du Code du travail, car il existe des normes particulières régissant séparément les associations d'employés publics et les organisations syndicales de travailleurs,
- Décide:
- Article unique: De ne pas enregistrer la demande d'affiliation de la Fédération nationale des associations et organisations d'employés publics (FENASEP) à la Centrale "Convergence syndicale", étant donné qu'elle ne répond pas aux exigences du Code du travail.
- Base légale: Articles 2, 351 et 376 du Code du travail.
- David Tejada, Chef du Département des organisations sociales.
- B. Réponse du gouvernement
- 136. Dans sa communication du 29 octobre 1998, le gouvernement rappelle que la plainte a pour origine le fait que le ministère du Travail n'a pas accepté l'"affiliation de la Fédération nationale des associations et organisations d'employés publics (FENASEP) à la Centrale "Convergence syndicale", en vertu de la résolution no 042-DOS-97 du 28 juillet 1997 du chef du Département des organisations sociales du ministère, confirmée par la résolution no D.M. 27/98 du 14 mai 1998 du Bureau supérieur. Comme mentionné dans cette dernière résolution, bien que les autorités soient "conscientes de l'intérêt que les employés du secteur public manifestent pour la constitution d'un syndicat... des raisons de nature juridique font qu'il est impossible, pour le moment, d'accéder à cette demande". En effet, l'article 2 du Code du travail en vigueur prévoit très clairement, de manière expresse et sans équivoque, que "Les employés publics seront régis par les normes de la carrière administrative, sauf dans les cas où il est expressément spécifié qu'il doit leur être appliqué l'un des articles du présent Code. En fait, aucune disposition du Code du travail ne mentionne expressément, comme le prévoit l'article 2, que les employés publics puissent constituer un syndicat. En tout état de cause, et à moins de vider l'Etat de droit, il est impossible d'accepter la constitution d'un syndicat pour lesdits employés publics.
- 137. Le gouvernement précise que ce qui précède n'a nullement empêché les employés publics de jouir du droit d'association. La Fédération nationale des associations et organisations d'employés publics (FENASEP) est une fédération, et, en tant que telle, elle réunit un très grand nombre d'associations d'employés publics de divers ministères et entités décentralisées. A cet égard, il n'y a pas dans la convention no 87 de l'OIT de développement relatif au concept de "syndicalisation", mais bien à celui d'"organisation", qu'elle définit en outre, dans son article 10, de la manière suivante: "le terme 'organisation' signifie toute organisation de travailleurs ou d'employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs". Par ailleurs, l'article 6 de la convention no 98 énonce que "la présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut". De ce qui précède il s'ensuit que le droit des fonctionnaires ou des employés publics de s'organiser est reconnu, mais que n'est pas clairement reconnu leur droit de s'organiser en syndicat, de manière équivalente à ce qui est prévu dans les dispositions pertinentes du Code du travail. Cela n'empêche pas, bien sûr, que chaque Etat est souverain et peut décider d'octroyer le droit de se syndiquer à ses employés publics, mais ce n'est pas le cas au Panama.
- 138. La Constitution du Panama fait état dans son article 300 "de diverses carrières dans les services publics, qui sont régies par les principes du système des mérites, et parmi elles la carrière administrative, étant entendu que la législation décide de la structure et de l'organisation de ces carrières, conformément aux besoins de l'administration". En vertu de ce principe, la loi no 9 du 20 juin 1994 a été promulguée, qui établit et réglemente la carrière administrative", et dont l'article 174 énonce que:
- Les employés publics appartenant à la carrière administrative pourront créer des associations ou s'affilier à des associations d'employés publics de nature socioculturelle et économique, dans le cadre de leurs institutions respectives; ces associations ont pour but de promouvoir la formation, l'acquisition de compétences, le perfectionnement et la protection de leurs affiliés et de leur apporter une aide juridique face à la Commission d'appel et de conciliation de la carrière administrative et à la Direction générale de cette entité. Il ne pourra y avoir plus d'une association par institution.
- Le nom de l'association des employés publics de la carrière administrative doit correspondre à l'institution qu'elle représente ou à laquelle elle appartient.
- L'affiliation ou la désaffiliation de ces associations sont réglementées par la Direction générale de la carrière administrative, afin de garantir que ces mouvements sont volontaires et authentiques.
- 139. D'autres dispositions font référence à la constitution d'associations, à leur reconnaissance par les autorités et à la capacité des fonctionnaires de se regrouper en fédérations et confédérations. Un chapitre porte également sur "la solution des conflits collectifs", et il reconnaît implicitement le droit de grève. Par conséquent, le droit d'association, de négociation (art. 180) et même celui de grève (art. 185) sont reconnus.
- 140. Le gouvernement ajoute que la loi no 12 du 10 février 1998 "détaille la carrière du service législatif". Elle comprend une section particulière sur les "relations collectives" qui confère aux employés publics de la carrière du service législatif le droit de "créer une association d'employés publics de caractère socioculturel et économique, qui aura pour but la formation, l'acquisition de compétences, le perfectionnement, la protection et la défense des intérêts économiques et sociaux de ses affiliés, et de s'y affilier..." (art. 80); elle reconnaît à deux membres de sa direction et à leurs adjoints "le droit à une protection spéciale jusqu'à un an après la cessation de leur fonction. Par conséquent, ils ne pourront être licenciés sans une autorisation préalable du Conseil de la carrière du service législatif, fondée sur un motif juste, prévu par la loi. Une destitution allant à l'encontre des dispositions de cet article constitue une violation de cette protection spéciale et entraînera la réintégration immédiate de l'employé public licencié en contravention de cette disposition... Par ailleurs, la modification unilatérale des conditions de travail constitue aussi une violation de cette protection spéciale, ainsi que le transfert du fonctionnaire occupé dans une carrière, à une autre unité administrative, lorsque ce transfert n'est pas prévu dans l'exercice de ses fonctions ou, dans le cas où il est prévu, s'il empêche ou rend difficile l'exercice de ses fonctions syndicales; dans ce cas, l'autorisation préalable du Conseil de la carrière du service législatif est également nécessaire" (art. 181). Ne s'agit-il pas d'une protection contre la discrimination antisyndicale? En outre, "les employés publics de la carrière du service législatif ont le droit de négocier collectivement la solution de conflits et les éléments du régime des employés publics qui ne sont pas expressément interdits par la loi" (art. 82). De toute évidence, il s'agit là du droit à la négociation collective.
- 141. Ces droits sont inscrits dans la résolution de l'Assemblée législative no 31 du 11 juin 1998, par laquelle cet organisme prévoit d'"approuver dans sa totalité le Règlement de l'administration des ressources humaines de l'Assemblée législative"; en outre, il est prévu que l'institution "concédera des facilités touchant à l'espace physique, à l'équipement, au matériel et autres éléments utiles du fonctionnement de l'association ... (art. 121); la protection spéciale s'étend "aux principaux représentants des employés publics et à leurs suppléants devant le Conseil de la carrière du service législatif" (art. 122); les "normes ne pourront affecter l'exercice du droit d'association des fonctionnaires législatifs ni de ceux qui sont protégés aux termes de la protection spéciale prévue par le présent Règlement" (art. 128); la résolution prévoit que la protection, la formation et le perfectionnement des fonctions, et la défense des intérêts économiques et sociaux communs des employés publics sont autant de droits" et qu'ils ont aussi celui "de négocier collectivement les conflits et les éléments du régime de leur carrière qui ne sont pas expressément interdits par la loi" (art. 240, nos 6 et 7).
- 142. En outre, le gouvernement fait savoir que lorsque, en application des Traités Torrijos-Carter, le chemin de fer et les ports de Balboa et Cristóbal ont été rendus à la République du Panama, des lois ont été promulguées aux termes desquelles le droit syndical a été accordé aux travailleurs concernés, bien qu'ils eussent le statut d'employé public (loi nos 38 et 39 du 27 septembre 1979). Par ailleurs, lors de la rationalisation des services de l'énergie et du téléphone, une loi spéciale (no 8 du 25 février 1975) a été promulguée qui permet aux travailleurs de ces services, qui sont également des employés publics, de se syndiquer. Aujourd'hui, lorsque, pour cause de mondialisation, ce type de services est privatisé, l'Etat négocie collectivement avec chacun des syndicats, et il est précisé que la convention collective continuera d'être applicable à l'acquéreur (loi no 5 du 9 février 1995 et loi no 6 du 3 février 1997 sur l'énergie électrique).
- 143. Le gouvernement explique que, bien qu'il n'ait pas été possible de légiférer pour octroyer le droit de se syndiquer à l'ensemble des employés publics, l'Etat s'est efforcé d'accorder ce droit à certains secteurs de la fonction publique, bien que la convention no 98 "ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics".
- 144. Le gouvernement conclut en affirmant que sa politique n'a pas consisté, ne consiste pas et ne consistera jamais à méconnaître ses obligations en vertu des conventions nos 87 et 98, et qu'au contraire il est allé au-delà de leurs prescriptions.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 145. Le comité observe que, dans la présente plainte, la confédération plaignante allègue que les autorités ont refusé de reconnaître l'affiliation de la Fédération nationale des associations et organisations d'employés publics (FENASEP) à la Centrale "Convergence syndicale", en vertu de la résolution du ministère du Travail no 042-DOS-97 du 28 juillet (confirmée par la résolution du 14 mai 1998 du Bureau supérieur).
- 146. Le comité observe que le gouvernement souligne que les serviteurs et employés publics peuvent s'organiser en associations pour protéger et défendre les intérêts de leurs membres mais non pas en syndicats, sauf dans certains cas, expressément prévus par la loi. Selon le gouvernement, les associations d'employés publics jouissent des droits fondamentaux consacrés dans les conventions nos 87 et 98 de l'OIT, y compris le droit de négociation collective et de grève. Cependant, d'après le gouvernement, les employés publics relèvent de la loi de la carrière administrative et non du Code du travail, ce qui rend légalement impossible l'affiliation de la FENASEP à la Centrale "Convergence syndicale". En outre, de l'avis du gouvernement, l'article 6 de la convention no 98 (qui dispose "la présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut") autorise les Etats à octroyer ou non à leurs employés publics le droit de se syndiquer.
- 147. A cet égard, le comité souhaite rappeler que la constitution de fédérations et de confédérations et leur fonctionnement sont réglementés par la convention no 87 et non pas par la convention no 98, et que la convention no 87 (qui s'applique à tous les travailleurs à la seule exception éventuelle des forces armées et de la police (art. 9.1) et, par conséquent, aux fonctionnaires publics) dispose expressément dans son article 5 que "les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que de s'y affilier...". En outre, l'article 6 de la convention no 87 prévoit que "les dispositions des articles 2, 3 et 4 de cette convention s'appliquent aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d'employeurs", et précisément l'article 2 de la même convention prévoit pour les travailleurs et les employeurs le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières. Par conséquent, les organisations de fonctionnaires publics devraient pouvoir s'affilier, si elles le souhaitent, à des fédérations ou des confédérations de travailleurs du secteur privé, si les statuts de ces dernières le permettent.
- 148. A cet égard, le comité a fait référence à d'autres occasions à l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations selon laquelle une disposition d'une loi nationale qui interdit aux organisations de fonctionnaires publics de s'affilier à des fédérations ou à des confédérations d'ouvriers de l'industrie et des travailleurs agricoles est difficilement conciliable avec l'article 5 de la convention no 87. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 615.) En outre, lors de sa réunion de novembre 1997, la commission d'experts a adressé une demande directe au gouvernement du Panama dans le cadre de l'examen de l'application de la convention no 87, lui demandant d'adopter des mesures afin de modifier sa législation si les organisations d'employés publics ne peuvent s'associer à d'autres organisations du niveau des fédérations qui ne soient pas des organisations d'employés publics.
- 149. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de reconnaître et d'enregistrer sans délai l'affiliation de la FENASEP à la Centrale "Convergence syndicale", et de le tenir informé à cet égard, et il signale l'aspect législatif de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 150. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Rappelant que l'article 5 de la convention no 87 dispose que les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que de s'y affilier, le comité demande au gouvernement de reconnaître et d'enregistrer sans délai l'affiliation de la FENASEP à la Centrale "Convergence syndicale" et de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité signale l'aspect législatif de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.