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Interim Report - Report No 316, June 1999

Case No 1989 (Bulgaria) - Complaint date: 06-OCT-98 - Closed

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163. Le Syndicat des conducteurs et mécaniciens de locomotives de Bulgarie (SCMLB) et la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia ont soumis une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Bulgarie dans une communication non datée, reçue le 6 octobre 1998. De nouvelles allégations ont été formulées et de plus amples informations fournies dans une communication datée du 9 février 1999. Le gouvernement a adressé sa réponse aux allégations dans une communication en date du 1er mars 1999.

  1. 163. Le Syndicat des conducteurs et mécaniciens de locomotives de Bulgarie (SCMLB) et la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia ont soumis une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Bulgarie dans une communication non datée, reçue le 6 octobre 1998. De nouvelles allégations ont été formulées et de plus amples informations fournies dans une communication datée du 9 février 1999. Le gouvernement a adressé sa réponse aux allégations dans une communication en date du 1er mars 1999.
  2. 164. La Bulgarie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 165. Dans leur communication, reçue le 6 octobre 1998, le Syndicat des conducteurs et mécaniciens de locomotives de Bulgarie (SCMLB) et la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia font valoir que les normes et principes de la liberté syndicale ont été violés par certaines mesures prises à la suite d'une grève d'avertissement des conducteurs de locomotives. Ils maintiennent en particulier que le droit de grève a été violé par l'application tendancieuse de lois dont les termes sont vagues, par l'exigence d'un accord sur les services minimums, et par l'imposition de conditions préalables déraisonnables pour qu'une grève soit légale. Ils affirment en outre que les conducteurs de locomotives licenciés à la suite de la grève ont fait l'objet d'une discrimination basée sur leurs activités syndicales. Dans leur communication du 9 février 1999, les organisations plaignantes prétendent en outre que des pressions ont été exercées sur les membres du SCMLB pour qu'ils quittent le syndicat.
  2. 166. Les organisations plaignantes déclarent qu'elles sont membres de l'Union des syndicats des transports de Bulgarie, qui est affiliée à la Confédération des syndicats indépendants de Bulgarie. Le SCMLB compte 2 456 membres et le Dépôt de locomotives de Sofia, 487. Les membres du SCMLB et de la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia sont principalement des conducteurs de locomotives, mais ils représentent aussi d'autres types de personnel, comme les aides-conducteurs de locomotives et les mécaniciens.
  3. 167. Les organisations plaignantes déclarent que le SCMLB avait résolument appuyé l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel en avril 1997 et qu'en conséquence, pendant plus de six mois, elles n'ont formulé aucune exigence et entrepris aucune action à propos des problèmes avec la Société nationale des chemins de fer bulgares (SNCB). A la fin de 1997, comme il n'y avait eu aucune amélioration à la SNCB, les membres du SCMLB ont commencé, dans diverses instances, à exiger que des mesures soient prises pour tenter d'obtenir une hausse des salaires. La direction du syndicat et celle de la SNCB se sont réunies plusieurs fois et, le 21 novembre 1997, un protocole d'accord portant sur la discussion d'un projet d'augmentation des salaires des conducteurs de locomotives a été signé. Deux mois plus tard, le 22 janvier 1998, aucun projet n'ayant été élaboré et aucune discussion n'ayant eu lieu, le comité exécutif du SCMLB a soumis au directeur général de la SNCB une déclaration écrite contenant des revendications dans le contexte d'un conflit du travail, comme l'exige l'article 3 2) de la loi de 1990 sur les conflits collectifs du travail. La principale revendication concernait une augmentation salariale équivalant à quatre fois le salaire moyen dans le secteur public. Conformément à l'article 3 3) de la loi, le SCMLB a également insisté pour que les négociations soient engagées dans les sept jours et a indiqué les noms de cinq représentants du SCMLB qui y participeraient.
  4. 168. A la suite de la déclaration du SCMLB, une réunion avec la SNCB a eu lieu le 30 janvier 1998. Les représentants du SCMLB ont réitéré leurs revendications et déclaré leur intention d'entamer la procédure pour le règlement des conflits. La SNCB a soumis au SCMLB deux offres concernant une augmentation de salaire. Les représentants du syndicat ont proposé que les deux parties signent un protocole consignant les accords, ce que la SNCB a refusé; en conséquence, le protocole du 30 janvier n'a été signé que par le SCMLB. Le syndicat a continué de s'efforcer d'obtenir la coopération de la SNCB pour le règlement du conflit, et une autre réunion a eu lieu le 10 février 1998. Le 20 février 1998, les représentants du SCMLB ont notifié par écrit au ministre des Transports leurs revendications et leur intention de déclencher une grève s'ils n'obtenaient pas de réponse satisfaisante, et ils ont demandé la tenue d'une réunion pour négocier. Une réunion a eu lieu avec le président du conseil de la SNCB, mais aucun accord n'est intervenu.
  5. 169. D'après les organisations plaignantes, le 5 mars 1998, 150 conducteurs de locomotives se sont réunis à Sofia; cette réunion a débouché sur une autre déclaration au ministre demandant la poursuite des négociations, et avertissant qu'en l'absence de réponse ils se mettraient en grève. Aucune réponse n'ayant été reçue du ministère, et pour honorer son engagement de servir les intérêts de ses membres, le SCMLB s'est préparé à déclencher une grève.
  6. 170. Les organisations plaignantes soulignent que, conformément à la loi sur les conflits collectifs du travail, une grève doit être autorisée par la majorité des travailleurs (qu'ils soient ou non syndiqués) d'une entreprise ou d'une unité (art. 11 2)). Au Dépôt de locomotives de Sofia et dans d'autres dépôts de locomotives, il a été décidé de commencer par des grèves d'avertissement qui, en vertu de la loi sur les conflits collectifs du travail, n'ont pas besoin de faire l'objet d'un préavis. Les organisations plaignantes déclarent que l'appui des travailleurs aux grèves d'avertissement a été écrasant. Elles maintiennent qu'ils auraient sans nul doute facilement pu prendre la décision de déclencher une véritable grève, et que leur décision de faire une grève symbolique a montré leur bonne volonté et leur désir de ne pas recourir à des formes extrêmes de protestation.
  7. 171. Le 12 mars 1998, les conducteurs de locomotives de service ont arrêté les trains pendant une heure là où ils se trouvaient. Les organisations plaignantes indiquent que, comme la plupart des conducteurs de locomotives voulaient prendre part à la grève d'avertissement et qu'ils travaillaient par équipes, les trains ont été arrêtés non seulement le 12 mars mais aussi les sept jours suivants, chaque jour pendant une heure. Les travailleurs étaient convaincus qu'ils participaient à une grève d'avertissement légitime, puisque la loi est vague sur ce point et n'exclut pas expressément qu'une grève d'avertissement puisse avoir lieu en des jours différents, en particulier lorsque les salariés travaillent par équipes. Les organisations plaignantes citent une décision du tribunal régional de Burgas en date du 30 mars 1998 qui interprète ce type d'action répétée avec des personnes différentes travaillant par équipes comme une grève d'avertissement légitime au sens de la loi sur les conflits collectifs du travail.
  8. 172. Les organisations plaignantes affirment que, face à l'action des conducteurs de locomotives, le gouvernement et la SNCB ont mené une "propagande agressive" contre les grévistes, en particulier par le biais des médias contrôlés par le gouvernement, qui ont créé un climat hostile. Les grèves d'avertissement ont pris fin après qu'un accord fut intervenu le 21 mars 1998, aux termes duquel la SNCB devait présenter, avant le 15 avril 1998, une nouvelle grille de rémunération satisfaisante pour le SCMLB.
  9. 173. Les organisations plaignantes poursuivent en donnant des indications sur les procédures judiciaires engagées par la SNCB à la suite de la grève. Les plaintes dénonçant l'illégitimité d'une grève sont examinées par des tribunaux régionaux, dont les décisions sont sans appel. Selon les organisations plaignantes, de ce fait, aucune cour d'appel ne fixe de normes uniformes pour l'application de la loi au niveau national, ce qui donne lieu à des décisions contradictoires, d'où l'impossibilité pour les travailleurs d'orienter leur action clairement et rationnellement. Elles estiment également que cela ouvre par conséquent la voie à l'arbitraire de la part des employeurs et des autorités publiques.
  10. 174. Pour les organisations plaignantes, la jurisprudence des tribunaux régionaux concernant les grèves d'avertissement du SCMLB prouve les lacunes du cadre établi par la loi sur les conflits collectifs du travail. Les tribunaux régionaux ont tous déclaré les grèves illicites, mais pour des raisons différentes et souvent contradictoires. Les organisations plaignantes estiment que les décisions ont été prises dans une atmosphère de campagne d'information hostile, et sont partiales en ce sens qu'elles adoptent une approche extrêmement formaliste et tirent parti du manque de précision de la loi au détriment des travailleurs. Les organisations plaignantes divisent en cinq catégories les raisons alléguées pour déclarer la grève illicite et notent que, bien que certaines de ces raisons aient été acceptées par certains des tribunaux, elles ont été rejetées par d'autres: i) une grève d'avertissement ne peut durer qu'une heure pendant une seule journée et non pendant plusieurs jours consécutifs et, par conséquent, les conditions préalables à une véritable grève auraient dû être remplies; ii) la déclaration du 22 janvier 1998 n'a pas été acceptée en tant que présentation valable des revendications des travailleurs; iii) le SCMLB a mis fin aux négociations de façon unilatérale et injustifiée. Ces décisions, d'après les organisations plaignantes, semblent contraindre les travailleurs à négocier, au point qu'il leur est pratiquement impossible de déclencher une grève; iv) il n'a pas été prouvé que la grève avait été autorisée par la majorité des travailleurs. Les procès-verbaux des réunions attestant que plus de la moitié des travailleurs du dépôt ont voté pour la grève n'ont pas été acceptés comme preuve (or la loi n'énonce pas de procédure particulière). Dans certains cas, les tribunaux ont reproché l'absence de formalités au détriment des travailleurs, par exemple le fait que tous les numéros d'identification des travailleurs ne figuraient pas sur les pétitions, ce qui en soi rend une grève impossible; v) dans un cas, le tribunal a décidé qu'il n'y avait pas eu une mais plusieurs grèves d'avertissement consécutives et que toutes les conditions requises par la loi, excepté le préavis de sept jours, auraient dû être observées, notamment l'exigence de la conclusion d'un accord sur les services minimums trois jours au moins avant la grève. Les organisations plaignantes estiment que l'imposition de cette condition est contraire aux principes de la liberté syndicale, puisque les chemins de fer ne sont pas considérés comme des "services essentiels" par les organes de contrôle de l'OIT.
  11. 175. Comme la loi sur les conflits collectifs du travail permet l'adoption de mesures disciplinaires en cas de participation à une grève illicite, les organisations plaignantes déclarent que la SNCB a immédiatement saisi l'occasion d'infliger des sanctions disciplinaires dès que les actions de protestation ont été déclarées illégales. Dix-huit personnes ont été licenciées, dont la plupart étaient des organisateurs membres du syndicat. Les organisations plaignantes affirment que ces mesures sont contraires à l'article 333 3) du Code du travail, qui dispose qu'un employeur ne peut licencier un dirigeant syndical qu'avec l'accord préalable de l'organe du syndicat. Le SCMLB a été la cible délibérée des mesures disciplinaires, et les organisations plaignantes affirment en outre que même des dirigeants syndicaux ne faisant pas partie des travailleurs soumis aux procédures judiciaires ont été licenciés. Elles en veulent pour preuve les licenciements prononcés au Dépôt de locomotives de Sofia, où aucun des quatre travailleurs licenciés n'apparaît sur la liste des grévistes figurant dans la décision du tribunal compétent. Le 21 mai 1998, l'Union des syndicats des transports a adressé une lettre à la SNCB contenant une liste des dirigeants syndicaux dont elle n'autorisait pas le licenciement. Les licenciements ont eu lieu en dépit de cette lettre.
  12. 176. Les organisations plaignantes affirment que le licenciement des conducteurs de locomotives qui ont pris part à la grève et de ceux censés être des organisateurs alors qu'ils n'ont pas pris part à la grève revient à une discrimination antisyndicale. D'après les organisations plaignantes, les organisateurs et les dirigeants du SCMLB ont été visés et, en tout état de cause, les sanctions infligées sont disproportionnées. Les organisations plaignantes demandent que les travailleurs licenciés soient immédiatement réintégrés, que leurs arriérés de salaire leur soient payés, de même que les frais de procédure. Elles demandent également que la loi sur les conflits collectifs du travail soit révisée afin qu'elle définisse clairement les conditions d'exercice du droit de grève, notamment par rapport à la procédure de négociation, au vote de grève et au concept de services essentiels.
  13. 177. Dans leur communication du 9 février 1999, les organisations plaignantes déclarent qu'en décembre 1998 et janvier 1999 la direction de la SNCB a exercé de fortes pressions sur plusieurs membres du SCMLB, principalement du Dépôt de locomotives de Sofia, afin qu'ils quittent le syndicat. Voici ce qui leur a été dit: i) quittez le syndicat ou la vie deviendra impossible; ii) adhérez au Syndicat des travailleurs des chemins de fer; iii) les membres du SCMLB auront un mauvais emploi du temps ou seront "déplacés" (sur des trains de marchandises); iv) le syndicat sera bientôt "détruit"; v) ceux qui resteront membres du SCMLB seront licenciés ou affectés à l'avenir par des compressions de personnel.
  14. 178. Les organisations plaignantes déclarent en outre que, le 1er février 1999, le président du SCMLB a porté ces faits à l'attention du directeur général de la SNCB et lui a demandé de suspendre deux instructeurs de la compagnie qui participaient aux "entretiens" avec les membres. Le 3 février 1999, le président du SCMLB a déposé un rapport résumant les plaintes ci-dessus. Aucune réponse n'a encore été reçue de la SNCB. Les organisations plaignantes estiment que les menaces étaient motivées par le fait que le SCMLB a déposé auprès de l'OIT une plainte en violation de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 179. Dans sa communication du 1er mars 1999, le gouvernement déclare qu'avant même que la plainte ait été soumise au comité le gouvernement a contribué à la réintégration des travailleurs temporairement mis à pied. En même temps, et là encore avec l'aide du gouvernement, les mises à pied disciplinaires d'un nombre important de travailleurs ont été annulées. Lorsqu'il a reçu les informations relatives à la plainte, le ministre du Travail et de la Politique sociale a organisé une réunion des parties afin d'examiner les revendications, et la nécessité d'amender la loi sur les conflits collectifs du travail concernant les grèves au niveau d'une branche et au niveau national a été reconnue. Après que le gouvernement eut rédigé ses observations sur ce cas, une deuxième réunion a été organisée avec les organisations plaignantes, au cours de laquelle ces observations ont été portées à leur connaissance. En ce qui concerne l'exigence de la réintégration des travailleurs, le gouvernement souligne que cela est du ressort des tribunaux, dont les décisions sont contraignantes pour les deux parties. Le gouvernement déclare être prêt à intervenir "dans les limites de sa compétence" au cas où les employeurs violeraient les décisions des tribunaux favorables aux travailleurs.
  2. 180. Le gouvernement déclare que la législation du travail de Bulgarie consacre et établit le droit à la liberté syndicale. Le droit syndical est reconnu par la Constitution comme l'un des droits fondamentaux des citoyens. Le Code du travail précise ce droit, en prévoyant notamment le droit de créer librement des syndicats -- qui peuvent adopter librement leur programme d'action et leurs statuts, aucune autorisation préalable n'étant requise, et les autorités étatiques et les employeurs étant obligés de créer des conditions permettant aux syndicats de mener à bien leurs activités et de coopérer avec eux --, le droit à des congés payés pour mener des activités syndicales, la protection des dirigeants syndicaux contre un licenciement, et la représentation devant les tribunaux. Le gouvernement estime que les droits du SCMLB n'ont pas été violés: le syndicat a été traité sur un pied d'égalité avec les autres syndicats et bénéficie des possibilités offertes par la loi.
  3. 181. En ce qui concerne le droit de grève, le gouvernement déclare que, avec l'aide du BIT et dans le cadre des changements démocratiques, le droit de grève a été reconnu et réglementé pour la première fois en 1990 avec l'adoption de la loi sur les conflits collectifs du travail. Ce droit est également reconnu dans la Constitution nationale de 1991. En raison des caractéristiques particulières des activités accomplies par les travailleurs des chemins de fer, il est réglementé par une législation spéciale -- le décret no 9 concernant le travail du personnel et de la direction des chemins de fer, et un statut disciplinaire. Les règles de discipline pour le travail sont essentielles, vu qu'il est indispensable d'assurer la sécurité du trafic ferroviaire.
  4. 182. Concernant les décisions divergentes des tribunaux à propos des grèves, le gouvernement déclare qu'il n'est pas à même d'évaluer la conformité de ces décisions avec la loi. Ce qui importe, c'est que chaque tribunal est parvenu indépendamment à la même conclusion, à savoir que l'action était illégale, et il n'y a pas lieu, sur la base du mécontentement exprimé par l'une des parties au sujet des procédures judiciaires, d'arguer que le droit de grève fait l'objet de restriction. Le gouvernement affirme que les organisations plaignantes n'expliquent pas ce qui, à leur avis, est la cause d'une restriction du droit de grève -- les décisions des tribunaux ou la loi, les instances en justice, ou la substance du droit subjectif.
  5. 183. Le gouvernement indique que le conflit collectif du travail portait sur une demande d'augmentation des salaires des travailleurs de la SNCB. Les travailleurs et les responsables sont représentés dans le conflit par des syndicats, dans la mesure où d'autres organes ou personnes n'ont pas été autorisés (art. 1 2) de la loi sur les conflits collectifs du travail). Cependant, le gouvernement estime qu'on ne sait pas très bien quels intérêts le SCMLB représente, puisqu'un autre syndicat -- le Syndicat des travailleurs des chemins de fer -- a conclu un accord avec la direction de la SNCB sur une augmentation de 20 pour cent des salaires des travailleurs des chemins de fer. Ainsi, le différend concernant l'augmentation de la rémunération dans le système des chemins de fer avait déjà été réglé par l'un des moyens volontaires prévus par la loi sur les conflits collectifs du travail (art. 3), sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre une grève. De ce fait, le conflit du travail concernant la rémunération n'est pas conforme à la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement émet en outre l'avis que le SCMLB n'a exprimé le mécontentement que d'une partie des travailleurs du système de la SNCB, à savoir les conducteurs de locomotives, mais que même certains conducteurs de locomotives étaient membres du Syndicat des travailleurs des chemins de fer et de la Confédération du travail "Podkrepa". Pour revendiquer une augmentation de salaire pour une profession donnée dans le système de la SNCB, les organisations plaignantes auraient dû conclure une convention collective par profession en vertu de l'article 51 1) du Code du travail, au lieu de s'en remettre aux procédures prévues par la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement affirme que "l'aspect essentiel de la présente plainte est qu'il n'y a pas de conflit collectif du travail avec les travailleurs de la SNCB, dont le SCMLB prétend représenter les intérêts".
  6. 184. Quant à la question du droit des travailleurs et des responsables de se mettre en grève au niveau d'une branche, d'un secteur et au niveau national, le gouvernement concède que la législation comporte une lacune, car seules les procédures pour annoncer et mener une grève au niveau de l'entreprise sont réglementées par la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement déclare que, dans le contexte de la réforme de la législation du travail, il soumettra une proposition visant à améliorer la loi sur les conflits collectifs du travail et reconnaît à cet égard le bien-fondé des revendications du SCMLB.
  7. 185. Le gouvernement nie qu'il y ait eu discrimination antisyndicale du fait des sanctions infligées à l'occasion d'une grève illégale. Il note que la loi sur les conflits collectifs du travail autorise l'adoption de mesures disciplinaires pour la participation à une grève illégale, mais pour infliger une sanction disciplinaire il faut respecter les droits et procédures énoncés dans le Code du travail (art. 186 à 198). Ce n'est que si la gravité de la violation, les conditions dans lesquelles elle a été perpétrée et le comportement des travailleurs le justifient que la sanction disciplinaire la plus sévère est choisie. L'obtention au préalable du consentement de l'inspection du travail pour les personnes qui sont expressément protégées par l'article 333 du Code du travail est nécessaire, et ce n'est qu'alors que la procédure visant à infliger des sanctions disciplinaires peut être poursuivie en vertu de l'article 9 2) du décret no 9. Le gouvernement affirme que la direction de la SNCB a procédé ainsi, ne considérant que la responsabilité de chaque travailleur et de chaque responsable de la compagnie des chemins de fer au regard des violations de la discipline du travail, concernant en particulier la sécurité du transport ferroviaire. Le gouvernement invoque le procès-verbal no 8 du 2 mai 1998 comme preuve de ce qu'aucune sanction disciplinaire n'a été infligée à la majorité des syndicalistes et il assure que, lorsqu'une telle sanction a été infligée, la plupart des intéressés ont été réintégrés. Cependant, ceux qui ont commis de graves violations de la discipline du travail ont été licenciés. Le gouvernement déclare à cet égard qu'il n'est pas tolérable que des trains soient arrêtés dans n'importe quelle gare et que l'ensemble du trafic ferroviaire soit menacé, ni que des travailleurs non grévistes soient agressés. Les critères énoncés à l'article 45 du statut disciplinaire ont été appliqués à chaque cas individuel avant d'infliger des sanctions disciplinaires: la gravité de la violation, les dommages causés et les circonstances dans lesquelles la violation des règles disciplinaires a été commise, ainsi que le comportement du travailleur ou du responsable ont été examinés. La législation prévoit également que ces travailleurs peuvent faire appel contre leur licenciement. En vertu de l'article 344 du Code du travail, ils ont le droit de demander que leur licenciement soit reconnu illégal et d'obtenir leur réintégration et le versement de leur rémunération pour la période de chômage qu'ils ont connue en raison de leur congédiement. La législation garantit le droit du travailleur illégalement licencié de reprendre son travail. S'ils n'assument pas leur obligation de réintégrer le travailleur, les responsables doivent répondre de leur décision sur les plans disciplinaire, administratif et pénal et sur leurs biens. A présent, selon le gouvernement, aucune décision judiciaire valablement rendue ne déclare illégaux les licenciements prononcés à la suite de la grève et n'exige la réintégration des intéressés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 186. Le comité note que le présent cas a trait à des allégations portant sur des violations du droit de grève et des licenciements en raison d'activités syndicales, faisant suite à des grèves d'avertissement lancées par les organisations plaignantes et par leurs membres, principalement des conducteurs de locomotives, pour obtenir une hausse des salaires. Les organisations plaignantes se plaignent également de harcèlements et de menaces de représailles à l'encontre des membres du SCMLB qui ne se retireraient pas du syndicat.
  2. 187. En ce qui concerne le droit de grève, les organisations plaignantes maintiennent qu'elles ont présenté leurs revendications et ont essayé de négocier en conformité avec la loi de 1990 sur les conflits collectifs du travail ("la loi"). Ce n'est qu'après plusieurs tentatives infructueuses pour parvenir à un accord que les travailleurs du Dépôt de locomotives de Sofia et d'autres dépôts ont décidé de lancer des grèves d'avertissement, conformément à l'article 11 5) de la loi, qui dispose que "les travailleurs peuvent faire une grève d'avertissement sans notification préalable. Cette grève d'avertissement ne peut durer plus d'une heure." Les organisations plaignantes affirment que le soutien des travailleurs à la grève d'avertissement a été écrasant. Pour que tous ceux qui travaillaient dans des équipes différentes puissent participer à la grève d'avertissement, les trains ont été arrêtés le 12 mars 1998 pendant une heure, puis de nouveau pendant une heure les sept jours suivants.
  3. 188. La plainte concerne plus particulièrement les raisonnements contradictoires qui sous-tendent les décisions des tribunaux après la grève et l'absence de procédure d'appel pour assurer une application uniforme de la loi. Le comité note que tous les tribunaux régionaux chargés de déterminer la légalité des grèves ont considéré que les conditions requises par la loi n'avaient pas été remplies; en conséquence, les grèves ont été déclarées illégales. Les organisations plaignantes contestent plusieurs aspects des décisions et dénoncent l'absence de procédure d'appel. Premièrement, l'imprécision des conditions requises pour entreprendre une grève d'avertissement, puisqu'un tribunal au moins a conclu qu'une grève d'une heure pendant plusieurs jours consécutifs ne constituait pas une violation de la loi, alors que les autres ont considéré qu'il y avait violation. Deuxièmement, certains des tribunaux ayant jugé que le SCMLB n'avait pas fait suffisamment d'efforts pour négocier, les organisations plaignantes estiment que la condition relative à la négociation a été interprétée de telle sorte qu'il est pratiquement impossible de faire grève. Troisièmement, certains des tribunaux ont jugé qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes du soutien des grèves par la majorité des travailleurs, comme l'exige l'article 11 2) de la loi, ce qui, de l'avis des organisations plaignantes, fait qu'il est pratiquement impossible d'entreprendre une grève légale. Enfin, la condition relative au service minimum qui fait l'objet de l'article 14 de la loi serait contraire aux principes de la liberté syndicale.
  4. 189. Tout en notant que les raisons qui ont motivé les décisions des divers tribunaux régionaux concernant les grèves d'avertissement diffèrent, le comité ne considère pas que l'absence d'une procédure d'appel est contraire aux principes de la liberté syndicale, puisque la responsabilité de déclarer une grève illégale incombe déjà à un organe indépendant. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 522.) Quant à la question de savoir si des efforts suffisants ont été faits pour négocier avant d'entamer une grève, le comité note que la loi peut restreindre temporairement les grèves jusqu'à ce que toutes les procédures de négociation existantes aient été épuisées, pour autant que les procédures légales ne soient pas si compliquées et que, dans la pratique, il soit impossible de se mettre légalement en grève. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 499, 501.)
  5. 190. S'agissant du soutien requis pour déclarer une grève légale, le comité relève que les moyens de déterminer le degré de soutien ne sont pas indiqués dans la loi, car l'article 11 2) dispose simplement que "la décision de se mettre en grève est prise par les travailleurs d'une entreprise ou d'une unité à la majorité simple". Etant donné que certains tribunaux semblent avoir accepté la preuve d'un appui majoritaire fournie par l'organisation plaignante alors que d'autres ne l'ont pas fait, le comité note que le manque de précision de la loi sur ce point peut entraîner des difficultés. Le comité observe également -- et c'est un point que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations soulève depuis plusieurs années -- que l'article 11 2) requiert l'appui de la majorité de tous les travailleurs, et non de la majorité de ceux qui déposent un bulletin de vote. Le comité rappelle que, bien qu'il ait déjà considéré que l'obligation de respecter un certain quorum peut être considérée comme admissible (voir Recueil, op. cit., paragr. 510), "la majorité absolue des travailleurs concernés pour le déclenchement d'une grève peut être difficile à atteindre, en particulier dans les cas de syndicats regroupant un grand nombre d'adhérents. Une disposition exigeant une telle majorité peut donc entraîner un risque de limitation importante au droit de grève." (Voir Recueil, op. cit., paragr. 508.) En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender cette disposition afin qu'il ne soit tenu compte que des votes exprimés. Le comité appelle également l'attention de la commission d'experts sur cet aspect du présent cas.
  6. 191. Le comité note que l'article 14 de la loi dispose qu'un accord écrit doit être conclu entre les travailleurs et les employeurs trois jours au moins avant une grève, et que cet accord doit établir "les conditions de la réalisation des activités dont le non-accomplissement ou l'arrêt pendant la grève peut créer des risques pour: i) les services journaliers et publics et le transport de la population ...". Le comité rappelle que les services de transport ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme (voir Recueil, op. cit., paragr. 545) et a reconnu, de façon générale, que l'établissement d'un service minimum en cas de grève dans les chemins de fer est légitime. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 567.)
  7. 192. Le comité relève avec intérêt que le gouvernement déclare avoir l'intention de soumettre une proposition en vue d'améliorer la loi sur le point du droit des travailleurs de se mettre en grève au niveau d'un secteur, d'une branche et au niveau national. Dans le contexte de cette réforme législative, le comité demande au gouvernement d'envisager également des amendements pour surmonter certaines des difficultés causées par l'imprécision des dispositions évoquées plus haut, et de consulter les parties concernées au cours du processus de réforme.
  8. 193. En ce qui concerne la question de la discrimination antisyndicale, le comité prend note des graves allégations selon lesquelles 18 personnes auraient été renvoyées à la suite de la grève, dont la plupart étaient des organisateurs du syndicat et dont certaines n'ont pas participé à la grève. Selon les organisations plaignantes, l'intention était de licencier les organisateurs et les dirigeants du SCMLB. Le comité rappelle qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.) Le comité note que le gouvernement déclare avoir contribué à la réintégration de certains des travailleurs temporairement mis à pied, et qu'il a fait annuler un "nombre important" de mises à pied disciplinaires. Le comité demande aux organisations plaignantes et au gouvernement de fournir des informations précises concernant les travailleurs qui n'ont pas été réintégrés et les raisons avancées pour justifier leur renvoi. Le comité demande également au gouvernement de fournir une copie du décret no 9 concernant le travail du personnel et de la direction des chemins de fer et une copie du statut disciplinaire.
  9. 194. L'allégation de licenciements antisyndicaux est étroitement liée à l'allégation selon laquelle des pressions, sous forme de menaces, sont exercées sur les membres du SCMLB afin qu'ils se retirent du syndicat et adhèrent au Syndicat des travailleurs des chemins de fer, le syndicat rival. Le comité souligne l'importance du principe selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent pouvoir effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement (voir Recueil, op. cit., paragr. 274), et aussi du principe selon lequel nul ne devrait subir de préjudice dans son emploi en raison de son affiliation syndicale, même si le syndicat dont il s'agit n'est pas reconnu par l'employeur comme représentant la majorité des travailleurs intéressés. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 693.) Le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu à cette allégation et lui demande de le faire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 195. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne l'obligation d'un vote de la majorité des travailleurs requis conformément à l'article 11 2) de la loi sur les conflits collectifs du travail, pour déclarer une grève légale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender la disposition en question de façon à ce qu'il ne soit tenu compte que des votes exprimés.
    • b) Notant avec intérêt que le gouvernement déclare avoir l'intention de soumettre une proposition en vue d'améliorer la loi sur les conflits collectifs du travail concernant le droit de grève des travailleurs aux niveaux sectoriel et national, le comité demande au gouvernement, dans le cadre de cette réforme législative, d'envisager des amendements afin de surmonter certaines des difficultés dues à l'imprécision des dispositions de la loi sur les grèves, et en particulier à la façon dont le vote majoritaire requis doit être déterminé, et de consulter les parties intéressées au cours du processus de réforme.
    • c) Le comité demande aux organisations plaignantes et au gouvernement de fournir des informations précises au sujet des travailleurs licenciés à la suite de la grève qui n'ont pas encore été réintégrés et des raisons alléguées pour justifier leur renvoi. Le comité demande également au gouvernement de fournir une copie du décret no 9 concernant le travail du personnel et de la direction des chemins de fer et une copie du statut disciplinaire.
    • d) Soulignant l'importance du principe selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent pouvoir effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement, et du principe selon lequel nul ne devrait subir de préjudice dans son emploi en raison de son affiliation syndicale, même si le syndicat dont il s'agit n'est pas reconnu par l'employeur comme représentant la majorité des travailleurs intéressés, le comité demande au gouvernement de répondre à l'allégation selon laquelle des membres du SCMLB seraient harcelés et menacés par la SNCB afin qu'ils se retirent du syndicat.
    • e) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
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