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- 561. La plainte qui fait l’objet du présent cas figure dans une communication de l’Association des travailleurs du secteur bancaire de l’Uruguay (AEBU) datée de juin 2000. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 28 septembre 2000.
- 562. L’Uruguay a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 563. Dans sa communication de juin 2000, l’Association des travailleurs du secteur bancaire de l’Uruguay (AEBU) allègue que les représentants du bureau provisoire du syndicat des travailleurs de la Coopérative d’épargne et de crédit des officiers de l’armée (CAOFA) ont été licenciés, car ils tentaient de constituer un syndicat dans l’entreprise, lié à l’Association des travailleurs du secteur bancaire de l’Uruguay (AEBU). L’AEBU fait savoir qu’il existait auparavant un syndicat d’entreprise appelé Association des fonctionnaires de la CAOFA (AFUCA) et que, entre l’entreprise et ce syndicat, une convention collective de travail avait été signée, qui est encore en vigueur, mais que l’entreprise affirme avoir dénoncée. Selon l’organisation plaignante, au mois de janvier 1999, les dirigeants de l’AFUCA, MM. Nelson Corbo et Eduardo Cevallos, ainsi que d’autres travailleurs ont expliqué qu’il était nécessaire que ce syndicat s’incorpore à l’Association des travailleurs du secteur bancaire de l’Uruguay. Lorsque l’entreprise a pris connaissance des intentions de ses travailleurs syndiqués, elle a choisi de méconnaître le syndicat d’entreprise ainsi que la convention collective de travail en vigueur et, par une note datée du 21 décembre 1999 et adressée à son personnel, elle a fait savoir qu’elle dénonçait la convention et s’appropriait le versement des cotisations qu’elle avait retenues à divers travailleurs pour solder des prêts sur salaires octroyés par la Caisse des pensions bancaires.
- 564. L’organisation plaignante explique que pour ces motifs, et puisque les travailleurs de la CAOFA sont désormais syndiqués à l’AEBU, cette dernière association a demandé une entrevue aux autorités de l’entreprise. Cependant, les autorités de la CAOFA n’ont pas autorisé l’entrée des travailleurs de l’entreprise en prétendant qu’elles ne savaient rien de leur incorporation au syndicat bancaire. Devant cette situation, l’AEBU s’est présentée devant la Direction nationale du travail (DINATRA) pour qu’elle convoque l’entreprise afin d’aborder des thèmes qui n’ont pas pu être abordés compte tenu de son refus de reconnaître que ses travailleurs faisaient partie de la délégation de l’AEBU, et aussi pour examiner ce dernier aspect, qui cache sans aucun doute des actes de discrimination antisyndicale.
- 565. L’AEBU allègue que le 20 janvier 2000, deux jours seulement avant de se rendre à l’entrevue avec la délégation de l’AEBU, le directeur du bureau provisoire de l’AEBU dans la CAOFA, M. Nelson Corbo, a été licencié, ce qui constituait une autre mesure évidente de discrimination antisyndicale. Le 24 janvier 2000, une audience a eu lieu à la Direction nationale du travail, mais l’entreprise ne s’est pas fait représenter. Le 26 janvier 2000, une nouvelle entrevue a eu lieu à la DINATRA; l’entreprise y a participé et elle a nié que M. Nelson Corbo ait été licencié pour des raisons syndicales, alléguant que l’AEBU ne lui avait jamais communiqué la liste des travailleurs de la CAOFA affiliés au syndicat bancaire. Ont participé à cette audience, avec la délégation de l’AEBU, les travailleurs de la CAOFA affiliée à l’AEBU, MM. Nelson Corbo (qui avait été licencié quelques jours auparavant), Eduardo Cevallos, Gonzalo Ribas, Andrea Oyharbide, Gerardo Olivieri et Marcello Almada. Cette audience a eu lieu au milieu de la journée et, dans l’après-midi, tous les membres de la délégation de l’AEBU qui travaillaient à la CAOFA ont été licenciés.
- 566. L’organisation plaignante ajoute que, par la suite, l’entreprise a fait pression sur tous les travailleurs pour qu’ils ratifient par écrit leur intention de rester affiliés à l’AEBU, afin de procéder au décompte de la cotisation syndicale de leurs salaires; ils ont été avertis que ceux qui ratifieraient seraient licenciés, comme l’avaient été les autres travailleurs qui faisaient partie du bureau provisoire. Selon l’AEBU, cette pression a donné des résultats puisque seuls trois travailleurs ont ratifié leur affiliation à l’AEBU, à savoir Mmes Sandra Suarez, Carina Sanzone et Virginia Orrego. En ce qui concerne cette dernière travailleuse, il faut préciser que le 21 février 2000 elle a été transférée du secrétariat du conseil de la direction à un guichet, et qu’on l’a obligée à prendre ses vacances annuelles réglementaires, qu’elle est actuellement en train de prendre.
- 567. Enfin, l’organisation plaignante fait savoir que l’entreprise ne pourra alléguer que les licenciements étaient dus à des raisons de réduction du personnel ou à des raisons de service, car dès qu’ils ont été effectués les personnes licenciées ont été remplacées par un nouveau personnel.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 568. Dans sa communication du 28 septembre 2000, le gouvernement fait savoir que la Division de la négociation collective de la Direction nationale du travail a convoqué, à la demande des représentants de l’AEBU, l’entreprise CAOFA à une audience le 24 janvier 2000, afin de résoudre trois situations conflictuelles qui sont précisément décrites dans la minute rédigée par cette division. En vertu du contenu de cette minute, l’objet de la réunion était de tenter de rapprocher les parties pour résoudre les points suivants: a) les décomptes irréguliers des salaires des fonctionnaires, afin de rendre effectif le remboursement de prêts de la caisse des pensions; ces décomptes n’ont pas été versés par l’entreprise, ce qui laisse ses employés en situation de débiteurs; b) la dénonciation indue de la convention collective; c) le non-versement du treizième mois prévu par cette convention. Le gouvernement informe que la délégation syndicale a affirmé que M. Nelson Corbo, qui avait participé à des activités syndicales, a été licencié par l’entreprise le 20 janvier, et qu’il était présumé que la même mesure serait adoptée à l’égard de M. Eduardo Cevallos. L’entreprise n’a pas assisté à cette audience et on a fixé une nouvelle date: le 26 janvier 2000.
- 569. Le 26 janvier 2000, les deux parties ont assisté à l’audience et chacune d’entre elles a analysé les points qui ont donné lieu au conflit; l’entreprise a reconnu qu’elle devait les versements auxquels il a été fait référence et elle s’est engagée à les payer dans les plus brefs délais. De même, elle a affirmé que les sommes décomptées et non versées à la Caisse des pensions bancaires seraient prises en compte dans un accord de versement auquel il serait souscrit immédiatement. En ce qui concerne le licenciement de M. Nelson Corbo, l’entreprise a allégué qu’il s’expliquait par des motifs fonctionnels (il n’était pas efficace dans son travail) et non pas par des raisons syndicales, puisqu’elle ignorait que ses fonctionnaires étaient membres de l’AEBU. La position de chaque partie a été consignée au procès-verbal, et la Division de négociation collective de la Direction nationale du travail s’est retirée du règlement de ce conflit puisque son intervention n’a plus été sollicitée.
- 570. Le gouvernement ajoute que le 10 mars 2000 une dénonciation contre la CAOFA a été présentée à l’Inspection générale du travail et de la sécurité sociale par l’Association des travailleurs du secteur bancaire de l’Uruguay (AEBU) et par le bureau provisoire du syndicat de la Coopérative d’épargne et de crédit des officiers de l’armée, au motif d’actes de discrimination antisyndicale; une procédure administrative a été ouverte pour déterminer si le comportement de l’entreprise constituait ou non une violation. A cette date, aucune résolution définitive n’a été adoptée concernant les faits dénoncés, puisque le processus visant à rassembler les éléments probatoires est encore en cours. Selon le gouvernement, ces formalités administratives sont conformes à la loi, de sorte que, sans préjuger de la preuve que l’on recueillera d’office grâce à l’inspection, les parties intéressées ont également la possibilité d’apporter des preuves et des éléments servant la défense. Enfin, le gouvernement indique que, lorsque la procédure sera terminée, ses résultats seront communiqués au comité ainsi que les mesures adoptées.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 571. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que, lorsque la Coopérative d’épargne et de crédit des officiers de l’armée (CAOFA) a été informée des intentions de son syndicat de s’affilier à l’Association des travailleurs du secteur bancaire de l’Uruguay (AEBU), elle a décidé de méconnaître le syndicat de l’entreprise, de dénoncer une convention collective en vigueur, de licencier six affiliés à l’AEBU (M. Nelson Corbo le 20 janvier 2000, et MM. Eduardo Cevallos, Gonzalo Ribas, Andrea Oyharbide, Gerardo Olivieri et Marcello Almada le 26 janvier 2000); elle a procédé au transfert de Mme Virginia Orrego et, enfin, elle a fait pression sur les travailleurs pour qu’ils ratifient par écrit leur intention de rester affiliés à l’AEBU, afin de procéder au décompte de la cotisation syndicale, et en menaçant quiconque ratifierait par écrit son intention de rester affilié serait licencié comme l’avaient été les autres travailleurs membres du bureau provisoire de l’AEBU.
- 572. Concernant ces allégations, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement: i) la Direction nationale du travail a convoqué les parties à une audience le 24 janvier 2000 afin de les rapprocher, et pour résoudre les questions relatives au décompte irrégulier des salaires des fonctionnaires visant à rendre effectif le versement des prêts à la caisse bancaire, la dénonciation indue de la convention collective, le non-paiement du treizième mois prévu par la convention collective et le licenciement de M. Nelson Corbo qui avait participé à des activités syndicales; ii) étant donné que l’entreprise ne s’est pas fait représenter à l’audience du 24 janvier, elle a été convoquée à une nouvelle audience le 26 janvier 2000 au cours de laquelle elle a reconnu devoir les sommes mentionnées et elle s’est engagée à les payer dans les plus brefs délais; par ailleurs, elle a fait savoir que le licenciement de M. Corbo était dû au fait qu’il n’était pas efficace dans son travail, et non pas à des raisons syndicales; iii) la Division de la négociation collective de la Direction nationale du travail s’est retirée du règlement du conflit car son intervention n’a plus été sollicitée; iv) le 10 mars 2000, l’AEBU a présenté une dénonciation auprès de l’Inspection générale du travail et de la sécurité sociale contre la CAOFA, alléguant que cette entreprise avait commis des actes de discrimination antisyndicale; une enquête administrative a donc été ouverte et elle cherche actuellement des éléments de preuve.
- 573. A cet égard, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué ses observations concernant le licenciement de divers affiliés à l’AEBU et le transfert d’un autre, non plus que sur les menaces de licenciement prononcées à l’encontre des travailleurs affiliés à l’AEBU. Par ailleurs, le comité observe avec inquiétude que, selon l’organisation plaignante, les licenciements de MM. Eduardo Cevallos, Gonzalo Ribas, Andrea Oyharbide, Gerardo Olivieri et Marcello Almada se sont produits le même jour (26 janvier 2000), et qu’ils avaient participé, ce même jour, à une audience pour représenter l’organisation syndicale AEBU, afin de traiter de divers conflits avec l’entreprise; par ailleurs, le transfert de Mme Virginia Orrego s’est produit après qu’elle eut informé l’entreprise qu’elle souhaitait que la cotisation syndicale en faveur de l’AEBU soit décomptée de son salaire. Le comité rappelle que «nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées» et que «la protection contre la discrimination antisyndicale doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tout autre moyen, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors de lieux de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690 et 695.]
- 574. Dans ces conditions, observant que le gouvernement fait savoir qu’une enquête administrative est en cours après la dénonciation de l’AEBU contre la Coopérative d’épargne et de crédit des officiers de l’armée (CAOFA) concernant la perpétration d’actes antisyndicaux, le comité demande au gouvernement: 1) de prendre des mesures pour que cette enquête, ouverte il y a plus d’un an, s’achève rapidement; 2) de s’assurer que cette enquête couvre la totalité des allégations présentées par l’organisation plaignante dans ce cas; 3) si, dans le cadre de l’enquête, on constatait la véracité des allégations, de prendre des mesures afin que: i) les travailleurs licenciés pour motifs syndicaux ou transférés soient réintégrés immédiatement à leurs postes de travail, et qu’il leur soit versé les salaires manquants; et ii) à l’avenir, le respect des conventions collectives signées et celui des dispositions légales contre les actes de discrimination antisyndicale soit pleinement garanti à la CAOFA. Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir des informations sur les résultats de l’enquête et des mesures qui seront adoptées.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 575. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Observant que le gouvernement fait savoir qu’une enquête administrative a été ouverte après la dénonciation de l’AEBU contre la Coopérative d’épargne et de crédit des officiers de l’armée (CAOFA) concernant la perpétration d’actes antisyndicaux, le comité demande au gouvernement:
- a) de prendre des mesures pour que cette enquête, ouverte il y a plus d’un an, s’achève rapidement;
- b) de s’assurer qu’elle couvre la totalité des allégations présentées par l’organisation plaignante dans ce cas;
- c) si, dans le cadre de cette enquête, on constatait la véracité des allégations, de prendre des mesures afin que: i) les travailleurs licenciés pour motifs syndicaux ou transférés soient réintégrés immédiatement à leurs postes de travail, et que les salaires manquants leur soient versés; et ii) le respect des conventions collectives signées et celui des dispositions légales contres les actes de discrimination antisyndicale soit pleinement garanti à la CAOFA;
- d) de lui faire parvenir des informations sur les résultats de l’enquête et des mesures qui seront prises à cet égard.