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- 416. L'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a déposé la présente plainte contre la République de Corée au nom de son affiliée, la Fédération coréenne des syndicats des travailleurs du tourisme (KFTWU) par communication en date du 17 juillet 2000.
- 417. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication en date du 19 octobre 2000.
- 418. La République de Corée n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante- 419. Dans sa communication en date du 17 juillet 2000, l'UITA déclare au nom de la KFTWU qu'en mai 2000, la convention collective applicable étant venue à expiration, le syndicat de l'hôtel Lotte, organisme affilié à la KFTWU, a voulu en négocier une nouvelle mais la direction de l'hôtel, plutôt que d'engager de bonne foi des négociations, a excipé, à la faveur de l'impasse dans laquelle se trouvait la négociation, d'une clause d'arbitrage obligatoire inscrite dans la convention échue, laquelle avait par ailleurs été signée à une époque où lui-même appartenait à une fédération différente. Le conseil d'arbitrage mis en place par la Commission des relations du travail (LRC) de Séoul a décidé qu'aucun changement n'interviendrait par rapport à la convention antérieure. Le syndicat a été par le fait privé de ses droits de négociation collective au sens de la convention de l'OIT no 98 puisqu'il s'est retrouvé prisonnier, sans recours possible, des clauses d'une convention collective échue qu'il n'avait pas négociée.
- 420. Se prévalant ainsi de la convention collective échue, la direction de l'hôtel a bafoué les libertés syndicales et les droits de négociation collective d'un nombre de salariés qui s'est révélé sans cesse croissant en étiquetant toutes les personnes nouvellement embauchées de "temporaires" de manière à les exclure du champ d'application de la convention collective et ainsi ne pas leur reconnaître de droits syndicaux. Le gouvernement, à travers le conseil d'arbitrage institué par la Commission des relations du travail de Séoul, a empêché le syndicat de mettre fin à cette pratique discriminatoire par le biais de la négociation collective.
- 421. Le syndicat a déclenché une grève pour défendre ses intérêts légitimes. Le 29 juin, puis le 10 juillet, des adhérents en grève ont été la cible d'interventions policières brutales qui se sont soldées par de nombreux cas de lésions corporelles et d'arrestations. Cette attitude des pouvoirs publics constitue par le fait, à l'égard des travailleurs en question, un déni des droits syndicaux au sens de la convention no 87 de l'OIT et de leurs droits de négociation collective au sens de la convention no 98.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 422. Dans sa communication en date du 19 octobre 2000, le gouvernement déclare, en ce qui concerne la décision de la LRC de Séoul, que l'article 62 de la loi sur les syndicats et l'harmonisation des relations du travail (TULRAA) prévoit que ladite commission doit arbitrer notamment "à la demande de l'une des parties, en application des dispositions d'une convention collective", conditions remplies l'une et l'autre dans le cas de l'hôtel Lotte. Il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'un arbitrage obligatoire, ce dernier n'ayant cours que dans le cadre des conflits concernant des services publics essentiels. Dans la pratique, on constate que ce sont bien plus souvent les syndicats que les employeurs qui demandent un arbitrage. Par exemple, en 1999, sur 199 requêtes de cette nature, 187 émanaient de syndicats contre 12 seulement d'employeurs.
- 423. Dans le cas spécifique de l'hôtel Lotte, la convention collective venait à échéance le 31 mai 2000. L'article 32(3) de la TULRAA dispose que, "si une nouvelle convention collective n'a pas été conclue à la date d'expiration de la convention collective en vigueur, même si les parties sont encore en train de négocier en vue de parvenir à une nouvelle convention, la convention collective en cours conserve ses effets trois mois après sa date d'expiration, à moins qu'il n'existe un accord différent". De plus, l'addendum no 2 à la convention collective de l'hôtel Lotte prévoit que, "si une nouvelle convention collective n'a pas été conclue entre la direction et les employés, la convention en cours conserve ses effets 90 jours après son expiration".
- 424. La direction de l'hôtel a demandé un arbitrage le 8 juin 2000 (soit avant le 30 août, date d'expiration de la convention en cours) et la Commission des relations du travail de Séoul a statué sur cette demande le 20 juin 2000. Le gouvernement estime par conséquent que, considérant les clauses pertinentes de la TULRAA et de la convention collective applicable à l'hôtel Lotte et compte tenu des dates du dépôt de la demande et du prononcé de la décision, cette dernière est légitime.
- 425. A l'argument de l'UITA selon lequel la sentence arbitrale serait injuste parce qu'elle repose sur une convention collective négociée alors que le syndicat de l'hôtel Lotte appartenait à une fédération différente, le gouvernement répond que les conventions collectives conclues entre employeurs et syndicats produisent leurs effets tant qu'elles sont en vigueur. Par conséquent, la convention collective applicable à l'hôtel Lotte conservait ses effets même si l'affiliation du syndicat avait changé entre-temps et que ce celui-ci n'appartenait plus à la même fédération qu'initialement.
- 426. En réponse aux allégations selon lesquelles la Commission des relations du travail de Séoul aurait décidé qu'il ne devait pas y avoir de changement par rapport à la convention antérieure, le gouvernement fait valoir qu'en fait cette commission n'a rendu sa sentence arbitrale qu'en qualité de médiateur, en tenant compte des avis exprimés par les employés et par la direction. C'est ainsi que cette instance a tranché en faveur d'une augmentation des salaires de 8 pour cent alors que la direction se montrait peu encline à négocier sur ce volet et qu'en matière de départ à la retraite, elle a relevé l'âge en question à 56 ans tout en permettant au personnel retraité de travailler un an de plus sur une base contractuelle, alors que la direction exigeait que cet âge soit maintenu à 55 ans.
- 427. En réponse aux allégations selon lesquelles l'intervention de la police dans une grève légale aurait constitué une violation des droits de se syndiquer et de négocier collectivement, le gouvernement rappelle la chronologie des événements. Après des entretiens préliminaires tenus le 12 mai 2000, le syndicat et la direction de l'hôtel Lotte ont ouvert une première série de négociation le 25 mai 2000 sans aboutir à aucun résultat. Le syndicat a tenu du 3 au 5 juin un scrutin sur l'opportunité d'une grève avant de déclencher cette grève le 9 juin. Il n'a pris aucune part à la série des quatre réunions d'arbitrage qui s'est tenue à partir du 13 juin. A compter du 22 juin, les membres du syndicat ont commencé à occuper une salle de bal de l'hôtel. Or, le 20 juin, ayant jugé recevable la requête de la direction, la Commission des relations du travail de Séoul avait rendu une décision conforme aux clauses de la convention collective applicable à l'hôtel (cette sentence arbitrale est applicable du 20 juin 2000 au 31 mai 2002).
- 428. Les grèves déclenchées à partir du 9 juin, soit après que l'affaire ait été soumise, la veille même, à arbitrage, constituent une violation de l'article 63 de la TULRAA, lequel prévoit qu'il ne peut être recouru à l'action revendicative directe pendant quinze jours à compter de la date à laquelle le conflit est soumis à arbitrage. De plus, les grèves menées après le prononcé des sentences arbitrales sont contraires à la règle de pacifisme sur laquelle reposent les conventions collectives du fait qu'une sentence arbitrale a les mêmes effets qu'une convention collective.
- 429. Des membres du syndicat de l'hôtel Lotte ont été en cause dans divers agissements commis au cours des grèves. C'est ainsi qu'ils ont pris à parti des fonctionnaires de police qui les évacuaient des lieux de manifestation. Environ 200 manifestants ont fracassé la porte d'un bureau de réservation du troisième étage de l'hôtel et, par leur occupation des lieux et leurs cris et insultes à l'adresse de la clientèle, causé l'arrêt des activités de la boutique hors-taxes. Une centaine de syndiqués se sont rendus pour manifester au département des affaires sociales de l'hôtel, ont usé de violence à l'égard des préposés, saccagé les locaux et contraint par la force plusieurs cadres de haut niveau à s'agenouiller et rédiger une déclaration, avant de les rouer de coups.
- 430. Les actes de violence contre des membres de la direction se multipliant, un mandat d'amener a été délivré et, le 28 juin, la police a tenté par deux fois de pénétrer dans l'hôtel pour arrêter les auteurs des voies de fait sans toutefois y parvenir. Le 29 juin, la police est revenue sur les lieux pour déférer à la demande de protection des locaux émanant de la direction et exécuter les mandats d'amener. Avant de pénétrer dans l'établissement, elle avait pris toutes les précautions voulues, déployant des voitures de pompiers, des matelas, des filets et des ambulances et non moins de 150 fonctionnaires féminines. Elle a fait tout son possible pour éviter les affrontements violents. Malgré tout, lorsqu'elle s'est introduite dans l'hôtel, le millier de syndicalistes qui s'y trouvaient a opposé une farouche résistance, projetant depuis des barricades érigées à l'aide d'un piano et de chaises dans les corridors des 36e et 37e étages toutes sortes de pièces de vaisselle, verres et couteaux ainsi que la mousse des extincteurs. Au cours de ces échauffourées, 15 policiers et 35 manifestants ont été blessés.
- 431. D'autres incidents ont eu lieu le 10 juillet, alors que la police dispersait une foule formant une manifestation non autorisée et violente. De 10 heures du matin à 18 h 30, 700 syndiqués ont cherché à pénétrer en force dans l'hôtel, malgré les sommations réitérées de dispersion de la police. Celle-ci a dû affronter des manifestants qui se livraient à des violences en se servant de tubes de bambou. A la fin, vers 18 h 30, on dénombrait 13 blessés du côté des forces de l'ordre et 5 du côté des manifestants. Trente personnes avaient été arrêtées mais toutes ont été relâchées. Le gouvernement déplore vivement les affrontements entre police et syndicalistes lors de manifestations mais estime que les mesures prises par la police étaient indispensables pour protéger l'ordre social et la sécurité des tiers.
- 432. Le gouvernement déclare avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour régler le différend. Dès le début des grèves, le 9 juin, il a incité à la négociation collective à travers de fréquents dialogues avec des dirigeants de la KFTWU, la direction de l'hôtel et son personnel. Il a incité activement la direction à s'y prendre de bonne foi et le syndicat à mettre un terme aux protestations violentes. Il s'en est tenu à une attitude de non-intervention pour démontrer son attachement au principe de liberté d'initiative des employeurs et des salariés en matière de règlement des conflits. Malgré tous ces efforts, les employeurs ont refusé de s'associer à la négociation collective, invoquant la décision de la commission, tandis que le syndicat n'a pas voulu suspendre la grève, arguant que la décision en question était inacceptable.
- 433. La position fondamentale du gouvernement est que la négociation collective et les grèves, pour autant qu'elles soient légitimes, sont pleinement autorisées mais que, lorsqu'elles s'accompagnent de violences et de destructions, elles doivent être réprimées conformément à la loi. La direction de l'hôtel a demandé que la police protège les locaux et assure la sécurité des clients de l'hôtel pendant les grèves. Des actes de violence ont été commis à l'encontre des forces de l'ordre et de la direction, ces actes ayant justifié une intervention de la police pour assurer la protection de la vie et des biens des tiers. Le gouvernement reconnaît qu'il est de son devoir de protéger les droits du travail garantis par la Constitution. Il considère cependant que les agissements en groupe caractérisés par la violence ne peuvent être considérés comme une action collective justifiable.
- 434. Le gouvernement ajoute qu'à la suite de ses efforts soutenus de médiation, les employés et la direction de l'hôtel ont fini, le 21 août, par signer un accord. Cet accord met fin au contentieux; c'est ainsi qu'il abroge (à compter de juin 2002), dans la convention collective en vigueur, la clause sur l'arbitrage à la demande de l'une des parties, établit une augmentation des salaires et fait rentrer les travailleurs embauchés avec des contrats atypiques dans la catégorie normale des salariés. Par cet accord, le syndicat et la direction retirent toutes les plaintes et accusations formulées au moment des grèves, mettant ainsi un terme au litige.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 435. Le comité note que ce cas porte sur des allégations de refus, de la part de l'employeur, de négocier une nouvelle convention collective, ainsi que sur une intervention de la police et l'arrestation de syndicalistes au cours d'une grève violente.
- 436. S'agissant de l'attitude des parties en matière de négociation, de la violence ayant éclaté lors des grèves et de l'intervention des forces de police, le comité constate que les autorités compétentes se sont efforcées sans succès, d'une part, de persuader la direction de l'hôtel d'adopter une approche plus conciliante sur le plan de la négociation collective plutôt que d'insister sur l'application stricte d'une convention collective venant à expiration et, d'autre part, de convaincre le syndicat de mettre un terme à ces protestations violentes. Faisant observer que des positions retranchées de cette nature aboutissent souvent à des confrontations plus ou moins violentes, le comité rappelle que la question de savoir si une partie a adopté une attitude raisonnable ou intransigeante vis-à-vis de l'autre relève certes de la négociation entre les parties, mais les employeurs et les syndicats doivent négocier de bonne foi et n'épargner aucun effort pour aboutir à un accord. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 817.]
- 437. Le comité rappelle en outre que, si les travailleurs et leurs organisations ont l'obligation de respecter les lois du pays, l'intervention des forces de sécurité dans une grève doit se borner strictement au maintien de l'ordre public et l'intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 581 et 582.]
- 438. Le comité note en outre que, grâce à l'aide de services officiels de médiation, la direction de l'hôtel et le syndicat représentant les travailleurs ont signé en août 2000 un accord mettant entièrement fin au litige et supprimant notamment de la convention collective la clause d'arbitrage obligatoire qui, semble-t-il, a joué un rôle déterminant dans le déclenchement du conflit. Compte tenu du fait que les parties sont parvenues à un accord et que l'une et l'autre ont retiré les plaintes et les accusations formulées lors des grèves, le comité considère que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 439. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.