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- actes de harcèlement à l’encontre d’adhérents de la COTIACH
- 216 La plainte figure dans des communications de la Confédération nationale des fédérations et syndicats des travailleurs de l’industrie alimentaire, du tourisme, de l’hôtellerie et des secteurs annexes ou analogues (COTIACH) en date des 3 octobre et 12 décembre 2000.
- 217 Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 30 mars 2001.
- 218 Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 219. Dans ses communications des 3 octobre et 12 décembre 2000, la COTIACH allègue que, depuis 1986 approximativement, l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. oblige périodiquement ses salariés à signer, sous peine de licenciement ou d’autres formes de représailles, des documents qu’elle intitule «conventions collectives de travail». Selon la COTIACH, ces documents qui contiennent des clauses relatives aux questions de travail sont rédigés par l’entreprise sans aucune participation des salariés ni aucune négociation qui leur conférerait le caractère de convention collective. En réalité, ces «conventions» ne sont même pas acceptées par les travailleurs car ils signent, en présence du chef du personnel, une feuille vierge où figurent leur nom et leurs données d’identité, après quoi ce document est joint au texte de l’instrument rédigé par l’entreprise qui est ensuite envoyé à l’inspection du travail pour y être enregistré.
- 220. L’organisation plaignante ajoute que cette méthode a pour but d’éviter que les travailleurs fassent valoir leur droit constitutionnel à la négociation collective. En effet, chaque fois qu’un syndicat tente de négocier collectivement au nom de ses adhérents, Agrícola Ariztía Ltda. s’oppose à la participation des signataires des «conventions» précitées qui, étant régis par une convention collective en vigueur, ne peuvent, selon le droit du travail chilien (art. 328(2) et 314 du Code du travail), entamer une nouvelle négociation avant l’échéance des instruments en vigueur. En fait, même si de tels instruments sont signés, ils n’ont pas la valeur d’une convention collective. D’après la COTIACH, l’article 314 du Code du travail, qui autorise ce genre de méthode, enfreint les principes de la liberté syndicale car il s’agit d’une négociation à laquelle ne participe pas l’organisation syndicale et qui nie aux travailleurs intéressés le droit de grève. Lorsque ces instruments sont signés par les salariés, ils sont dénommés «contrats individuels multiples» ou contrats d’adhésion, leur valeur juridique correspondant à celle d’un contrat individuel de travail.
- 221. L’organisation plaignante signale en outre que le syndicat d’entreprise no 2 a soumis un projet de contrat de travail collectif, au nom de 232 travailleurs syndiqués, le 11 novembre 1999, et que l’entreprise s’est opposée à la participation de 221 salariés à cette négociation au motif qu’ils ont déjà signé des «conventions collectives»; par ailleurs, d’autres travailleurs avaient quitté l’entreprise, et seuls six salariés auraient eu le droit d’être représentés par le syndicat dans cette négociation. La COTIACH précise que l’inspection du travail compétente, après étude approfondie des faits, a estimé que les instruments invoqués par l’entreprise pour empêcher la participation au processus de négociation de la majorité des salariés n’avaient pas le caractère de convention collective, et ordonné à l’entreprise d’englober ces travailleurs dans la négociation (décision no 35 du 29 novembre 1999). L’entreprise a interjeté appel auprès de la Cour de San Miguel au motif que l’inspection du travail aurait enfreint son droit de propriété en niant les garanties et avantages qu’offrent, selon elle, ces conventions collectives.
- 222. La COTIACH informe que la Cour d’appel a déclaré nulle la décision no 35 de l’inspection du travail qui porte atteinte au droit de propriété de l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda.; cet arrêt a été confirmé par la Cour suprême. Toutefois, l’organisation plaignante fait valoir qu’Agrícola Ariztía Ltda. vient d’être condamnée par le tribunal du travail de seconde instance de San Miguel pour pratiques antisyndicales à l’encontre du syndicat déjà cité. Concrètement, la sentence précise que la méthode de l’entreprise, qui consiste à faire souscrire à ses salariés des «conventions collectives du travail», viole la liberté syndicale et condamne l’entreprise à payer une amende.
- 223. Selon la COTIACH, pour le syndicat no 2, le résultat des actions précitées est patent: il existe dans l’entreprise une douzaine de «conventions collectives» qui visent un nombre variable de salariés, de 19 à 78; les dates d’échéance de ces douze conventions diffèrent, ce qui garantit à l’entreprise qu’aucun syndicat ne pourra négocier collectivement au nom de tous ses adhérents.
- 224. En dernier lieu, l’organisation plaignante allègue qu’Agrícola Aritzía Ltda. enfreint également la liberté syndicale dans d’autres cas. Il s’agit concrètement de pressions exercées en permanence sur les nouveaux salariés pour qu’ils n’adhèrent pas au syndicat et sur ceux déjà en place pour qu’ils le quittent. A noter une donnée révélatrice de l’ampleur de l’antisyndicalisme de cette entreprise: le syndicat d’entreprise no 2, créé il y a cinq ans avec plus de 400 adhérents, n’en comptait plus que 132 fin 1999, donc quelque 300 travailleurs ont quitté le syndicat soit pour cause de licenciement, soit du fait de pressions et de menaces exercées par l’entreprise.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 225. Dans sa communication du 30 mars 2001, le gouvernement déclare que, selon les données enregistrées par les services du travail, l’entreprise Agrícola Aritzía Ltda. a conclu, en 1999 et 2000, diverses conventions collectives, à savoir: celle du 16 mars 1999 signée par 113 travailleurs et valable jusqu’au 28 février 2002; celle du 25 octobre 1999 signée par 51 travailleurs, valable jusqu’au 30 septembre 2002; celle du 22 mars 2000 signée par 54 travailleurs, valable jusqu’au 20 février 2003; celle du 14 avril 2000 signée par 43 travailleurs, valable jusqu’au 31 mars 2003; celle du 24 mai 2000 signée par 38 travailleurs, valable jusqu’au 30 avril 2003; et celle du 25 octobre 2000 signée par 119 travailleurs, valable jusqu’au 30 septembre 2003. Toutes ces conventions concernent des salariés affectés à une exploitation sise dans la commune de La Cisterna, Santiago. Il convient cependant d’ajouter deux conventions collectives supplémentaires qui visent les travailleurs des entreprises de la ville de Melipilla, à savoir: la convention collective le 1er mai 2000 par 48 travailleurs, valable jusqu’au 31 mai 2003, et la convention collective signée le 1er septembre 2000 par 15 travailleurs, valable jusqu’au 31 août 2003.
- 226. Le gouvernement ajoute que l’inspection communale du travail de Santiago Sur et l’inspection provinciale du travail de Melipilla ont effectué divers contrôles auprès d’exploitations de l’entreprise en question sises dans leur juridiction, en vue de déterminer si les conventions résultent d’un processus de négociation collective authentique et revêtent, de ce fait, le caractère juridique de ce type d’instrument, conformément à l’article 314 du Code du travail. Cet article précise que: «sous réserve de la procédure de négociation collective établie par la loi, un ou plusieurs employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales ou groupes de travailleurs, quel que soit le nombre de leurs membres, pourront, avec l’accord préalable des parties, à tout moment et sans restriction d’aucune sorte, entamer des négociations directes non assujetties à des normes de procédure pour convenir de conditions communes de travail et de rémunération, ou d’autres prestations, applicables pour une durée déterminée à une ou plusieurs entreprises, travaux ou établissements. Les syndicats ou des groupes de travailleurs temporaires pourront convenir avec un ou plusieurs employeurs de conditions communes de travail et de rémunération pour des travaux ou tâches donnés, de nature temporaire ou saisonnière. Ces négociations ne seront pas régies par les procédures prévues pour la négociation collective conventionnelle et ne seront pas assorties des droits, prérogatives ou obligations consacrés dans ledit code. Les instruments collectifs ainsi souscrits s’appelleront conventions collectives et auront les mêmes effets que les contrats collectifs, sans préjuger des normes spéciales évoquées à l’article 351.»
- 227. Le gouvernement fait savoir que les enquêtes, avec entrevues confidentielles des travailleurs soumis à ces conventions collectives, des dirigeants syndicaux et des représentants de l’entreprise, ont permis d’établir qu’aucun des instruments en question ne peut être qualifié de convention collective issue de la négociation prévue à l’article 314. Effectivement, les résultats obtenus montrent clairement l’absence d’agrément collectif et de participation réelle aux prétendues négociations, ce qui permet d’affirmer que ces conventions ont le caractère de «contrats d’adhésion», que les salariés sont tenus d’accepter à titre individuel les propositions contractuelles émanant de l’entreprise Agricola Ariztia Ltda.
- 228. Le gouvernement précise que cette pratique a fait l’objet, à plusieurs reprises, d’une interprétation uniforme de la part de la Direction du travail: le législateur considère comme convention collective les seuls instruments souscrits par un sujet collectif, en d’autres termes, dans le cas de travailleurs, par des salariés réunis préalablement dans ce but, c’est-à-dire exclusivement lorsque ceux-ci agissent par le biais d’une ou plusieurs organisations syndicales ou se concertent dûment à cet effet.
- 229. Le gouvernement déclare qu’il ressort de l’examen des différents rapports relatifs au contrôle de ces méthodes de nombreux éléments permettant de conclure que les conventions en question ne traduisent pas une volonté collective. Par exemple, l’absence de participation et d’agrément de la part du groupe de travailleurs est manifeste puisque le projet de convention émane de l’entreprise qui en a élaboré la teneur sans aucune participation des salariés; de même, la participation de représentants élus ou désignés par un groupe de travailleurs est inexistante car, dans tous les cas, comme l’ont vérifié les contrôleurs, l’entreprise nomme ses représentants ou bien ils s’autodésignent. Il faut également souligner la brièveté du processus qui témoigne, une fois de plus, de l’absence de participation des travailleurs, puisqu’en général deux jours seulement séparent la présentation de l’offre par l’entreprise de la signature de la convention deux jours seulement, laps de temps pendant lequel les salariés n’ont pas accès au projet de texte et au cours duquel les réunions de groupes (deux) sont également courtes et quasiment sans débat puisque l’entreprise se contente d’informer les travailleurs et les invite à accepter l’offre. Finalement, les salariés, groupés par section, sont invités à signer le document en présence d’un responsable de l’entreprise.
- 230. S’agissant de la situation particulière de la négociation collective conventionnelle menée par le syndicat de travailleurs no 2, le gouvernement précise qu’elle a été lancée le 11 novembre 1999 sur présentation à l’entreprise d’un projet de convention collective visant 232 salariés de l’exploitation La Cisterna. Dans sa réponse, l’entreprise s’est opposée à la participation de 221 salariés au motif de conventions collectives existantes les empêchant de participer à ce processus. Le comité de négociation contestant la légalité de cette attitude a demandé à l’inspection du travail d’effectuer un contrôle suivant les procédures administratives en vigueur, dont les résultats sont mentionnés précédemment, à savoir que ces conventions dites collectives par l’entreprise ne le sont guère et que, par conséquent, les salariés en question devraient pouvoir négocier. Ceci a été consacré par la décision no 35 du 29 novembre 1999 (de l’inspection communale du travail de Santiago Sur). Face à cette situation, l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. a demandé à la Cour d’appel de San Miguel (tribunal associé, civil, ordinaire) de se prononcer sur la validité de cette décision. La Cour d’appel a accueilli favorablement ce recours et, dans un arrêt daté du 19 avril 2000, elle précise: «la demande en protection présentée par Agrícola Ariztía Ltda. contre l’inspection communale du travail de Santiago Sur est accueillie favorablement, et la décision no 35 du 29 novembre 1999 est déclarée sans effet, l’inspection du travail en question devant tenir compte au plan juridique des observations faites par l’employeur relativement au projet de contrat collectif émanant du syndicat no 2 de cette même entreprise». L’inspection communale du travail de Santiago Sur a interjeté appel de cet arrêt devant la Cour suprême qui, le 10 mai 2000, a confirmé l’arrêt du 19 avril. Il convient de signaler que l’arrêt de la Cour d’appel de San Miguel reprend l’opinion majoritaire des tribunaux en la matière, à savoir que les inspections du travail ne sont pas compétentes pour connaître la nature juridique d’instruments collectifs et statuer à cet égard, tâche qui revient exclusivement aux tribunaux du travail; pour ce motif, les inspections du travail, en agissant comme l’a fait l’inspection de Santiago Sur, dépassent le mandat qui leur est imparti ce qui, pour les tribunaux, est illégal et arbitraire.
- 231. Le gouvernement précise que, au plan pratique, cet arrêt a empêché la conclusion de la négociation conventionnelle menée par le syndicat no 2, le nombre de salariés représentés ayant été fortement réduit, avec pour conséquence un affaiblissement de la négociation et du syndicat. Ce dernier avait dénoncé l’entreprise précédemment devant le tribunal de seconde instance du travail de San Miguel, l’entreprise pour pratiques déloyales portant atteinte à la négociation collective en se fondant, entre autres, sur la situation résultant de l’existence de nombreuses conventions collectives. Ce tribunal, dans son jugement du 5 janvier 2000, avait condamné l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. en lui infligeant une amende. Le huitième considérant du jugement précisait: «que les agissements de la défenderesse établis dans les considérants précédents constituent une pratique déloyale qui est une atteinte à la négociation collective telle que définie à l’alinéa d) de l’article 387 du Code du travail: «toute pratique arbitraire ou abusive réalisée dans le but d’entraver ou de rendre impossible la négociation collective». En fait, les travailleurs liés par une convention collective à la suite de pressions exercées par l’entreprise ne peuvent participer à une négociation collective lancée par le demandeur, ce qui montre le but réel de l’employeur qui offre ces accords.» Toutefois, cette sentence invoquée dans le recours présenté par l’inspection du travail de San Miguel a été expressément cassée par la Cour d’appel qui, dans le quatrième considérant de son jugement, estime qu’il convient d’établir une distinction entre les questions relatives à une pratique déloyale lors d’une négociation collective, qui font l’objet de dispositions et de sanctions prévues par le Code du travail, et celles relatives aux atteintes aux garanties constitutionnelles, qui doivent être examinées dans le cadre d’un recours en protection.
- 232. En dernier lieu, le gouvernement déclare que les faits exposés aux paragraphes précédents confirment que l’attitude, adoptée de manière répétée, par l’entreprise a pratiquement empêché toute activité syndicale en son sein. Le syndicat no 2 n’a en ce moment qu’un nombre minime d’adhérents. Pareillement, l’entreprise a réussi à éliminer les négociations collectives conventionnelles en assujetissant la majorité de ses salariés à des conventions collectives issues de processus qu’elle contrôle. Les pressions exercées par l’employeur sur les salariés pour qu’ils signent ses conventions ont été reconnues et établies explicitement dans le jugement du tribunal de deuxième instance du travail de San Miguel, qui a condamné l’entreprise pour pratiques déloyales dans l’exercice de la négociation collective, en affirmant dans son septième considérant «les salariés ont été soumis à des pressions pour qu’ils souscrivent les conventions collectives en question; il s’agissait soit de menaces de licenciement ou de transfert à la section des services généraux, avec pour conséquence une baisse de leur salaire, soit de l’offre d’une somme d’argent – méthode reconnue par les témoins présentés par la défenderesse». Il ressort, sans conteste, de l’ensemble des constatations précédentes que l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. a, par son attitude, entravé de façon permanente toute activité syndicale réalisée en son sein, avec pour conséquence qu’il n’existe aujourd’hui que le syndicat no 2 et que les deux autres organisations syndicales sont en veilleuse depuis quelques années. L’entreprise a adopté la même attitude pour la négociation collective avec pour conséquence l’absence d’instruments collectifs issus de négociations conventionnelles et, par contraste, l’existence d’accords collectifs intéressant la majorité des salariés. Il importe d’ajouter que les interventions, attentives et diligentes, réalisées chaque fois qu’il en a été fait la demande par les agents de la direction du travail, n’ont pas permis de tempérer l’attitude de l’entreprise vis-à-vis des organisations syndicales, de leurs dirigeants et de leurs activités, comme en témoigne l’issue de la négociation collective lancée par le syndicat de l’entreprise no 2.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 233. Le comité observe que dans le présent cas l’organisation plaignante allègue que l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda.: 1) oblige ses salariés à signer, sous la menace, des instruments qu’elle appelle «conventions collectives du travail» et qui, en réalité, sont des contrats d’adhésion ou des contrats individuels multiples (CIM); 2) a empêché le syndicat no 2 de l’entreprise de négocier une convention collective au nom de 232 salariés au motif que 221 d’entre eux avaient signé les «conventions collectives» (c’est-à-dire des CIM) précitées, et 3) exerce des pressions sur les salariés nouvellement embauchés pour qu’ils n’adhèrent pas au syndicat et sur les travailleurs syndiqués pour qu’ils le quittent, avec pour résultat la désyndicalisation de 300 salariés.
- 234. Pour ce qui est de l’allégation relative à la signature, sous la menace, d’instruments appelés par l’entreprise «conventions collectives du travail» (CIM), le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les nombreuses enquêtes des autorités administratives ont montré, de façon répétée, qu’il ne s’agit pas de conventions collectives issues de la négociation consacrée par le Code du travail, que ces textes reflètent clairement un manque d’agrément collectif et de participation réelle à une supposée négociation et que ces instruments ont le caractère de «contrats d’adhésion» que les salariés sont tenus d’accepter à titre individuel au moment où l’entreprise leur propose un contrat. A ce sujet, le comité rappelle que la recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, précise que «aux fins de la présente recommandation, on entend par "convention collective" tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d’emploi conclu entre, d’une part, un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs et, d’autre part, une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs ou, en l’absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers, en conformité avec la législation nationale». A ce sujet, le comité a souligné que la recommandation en question met l’accent sur le rôle des organisations de travailleurs en tant que partie à la négociation collective. La négociation directe entre une entreprise et ses salariés, en dehors des organisations représentatives lorsqu’elles existent, peut dans certains cas nuire au principe selon lequel il faut stimuler et encourager la négociation collective entre employeurs et organisations de travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 786.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que l’entreprise respecte les principes de la négociation collective et, en particulier, l’article 4 de la convention no 98 relatif au développement et à l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire avec les organisations de travailleurs en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que soit modifiée la législation de façon que le recours aux «contrats individuels multiples» soit rendu expressément impossible lorsqu’il existe un syndicat représentatif, et que la négociation directe avec les travailleurs ne mette pas en difficulté les syndicats et n’affaiblisse leur position.
- 235. S’agissant de l’allégation de refus opposée par Agrícola Ariztía Ltda. de négocier avec le syndicat no 2 de l’entreprise un projet de convention collective visant 232 travailleurs au motif que 221 d’entre eux avaient signé des «conventions collectives» (alors qu’il s’agissait en réalité de contrats individuels multiples), le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle: i) l’inspection du travail a conclu, par voie d’arrêté, que les conventions collectives invoquées par l’entreprise n’en étaient pas et que, par conséquent, les salariés en question pouvaient négocier; ii) l’entreprise a présenté un recours en protection devant les autorités judiciaires contre la décision de l’inspection du travail, qui a été accueilli favorablement (le gouvernement précise que la décision judiciaire reflète l’opinion majoritaire des tribunaux selon laquelle les inspections du travail ne sont ni habilitées à connaître et trancher quant à la nature juridique d’instruments collectifs ni, dans ce cas concret, à se prononcer sur l’appartenance ou non de ces contrats multiples aux conventions collectives; en d’autres termes, cette question aurait dû être soumise à l’autorité judiciaire compétente et non à l’inspection); et iii) de ce fait, l’inspection du travail n’ayant pas faculté pour résoudre la question, le syndicat n’a pu en pratique conclure la négociation de la convention collective car le nombre de salariés susceptibles d’y participer s’est trouvé fortement réduit. A ce sujet, le comité observe que, parallèlement à l’arrêt de la Cour suprême relatif à l’organe institutionnel compétent pour se prononcer sur la nature juridique des instruments collectifs, une autre instance judiciaire a condamné, en janvier 2000, l’entreprise au versement d’une amende en espèces pour pratiques déloyales dans la négociation collective, et affirmé que pour amener les travailleurs à signer des conventions collectives (CIM) ils ont fait l’objet de pressions diverses: menaces de licenciement ou de transfert à la section des services généraux, avec baisse consécutive de leur salaire, ou encore offre d’une somme d’argent. Dans ces conditions, le comité conclut que l’argument invoqué par l’entreprise selon lequel 221 salariés des 232 visés par le projet de convention collective étaient déjà couverts par des instruments est en contradiction avec le principe de bonne foi qui doit primer dans la négociation entre les parties. Le comité demande donc au gouvernement de prendre des mesures pour qu’Agrícola Ariztía Ltda. et le syndicat no 2 de cette même entreprise participent aux négociations en bonne foi et s’efforcent d’atteindre un accord.
- 236. S’agissant de l’allégation relative aux pressions exercées par l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. sur les travailleurs qu’elle embauche pour qu’ils n’adhèrent pas au syndicat et sur les salariés syndiqués pour qu’ils le quittent, avec pour résultat la désyndicalisation de 300 salariés, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’entreprise a entravé de façon permanente l’activité syndicale, fait démontré par l’existence du seul syndicat no 2 et la mise en sommeil depuis quelques années des deux autres organisations syndicales. Selon le gouvernement, les interventions demandées à l’autorité administrative n’ont ni empêché ni tempéré l’hostilité patente de l’entreprise vis-à-vis des organisations syndicales, de leurs dirigeants et de leurs activités, dont la dernière manifestation est l’issue de la négociation collective lancée par le syndicat no 2. A cet égard, tout en déplorant profondément la conduite antisyndicale de l’entreprise constatée par les autorités et qui constitue une violation flagrante des conventions nos 87 et 98 ratifiées par le Chili, le comité invite le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour que cessent les violations de ces conventions ainsi que les actes de harcèlement à l’encontre des syndicats de l’entreprise, de leurs dirigeants et de leurs adhérents et qu’il prenne des mesures afin de sanctionner les responsables.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 237. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. respecte les principes de la négociation collective et, en particulier, l’article 4 de la convention no 98 relatif au développement et à l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire avec les organisations de travailleurs, en vue de régler les conditions d’emploi par des conventions collectives. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que soit modifiée la législation afin que le recours aux «contrats individuels multiples» soit rendu expressément impossible là où il existe un syndicat représentatif, et de veiller à ce que la négociation directe avec les travailleurs ne mette pas en difficulté les syndicats et n’affaiblisse pas leur position.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour qu’Agrícola Ariztía Ltda. et le syndicat no 2 de cette entreprise participent à des négociations de bonne foi et s’efforcent d’atteindre un accord.
- c) Déplorant profondément la conduite antisyndicale de l’entreprise Agrícola Ariztía Ltda. constatée par les autorités et qui constitue une violation flagrante des conventions nos 87 et 98 ratifiées par le Chili, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que cessent les violations des conventions et les actes de harcèlement à l’encontre des syndicats de l’entreprise, de leurs dirigeants et de leurs adhérents, et qu’il prenne des mesures afin de sanctionner les responsables.