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- 1260. La plainte a été déposée par communication du 14 mai 2003 de l’Union syndicale suisse (USS) à laquelle des annexes ont été jointes. Par communication du 10 juin 2003, l’USS a transmis un complément d’information.
- 1261. Le gouvernement a présenté ses observations par communication du 1er avril 2004 à laquelle des annexes ont été jointes.
- 1262. La Suisse a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1263. L’USS fait valoir que la législation suisse protège mal les délégués et représentants syndicaux, en violation de l’article 1 de la convention no 98 et de la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971. Cette dernière convention n’a pas été ratifiée par la Suisse mais, selon l’USS, le principe de protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise qui en résulte doit être respecté par la Suisse en sa qualité de Membre de l’OIT. A l’appui de sa plainte, l’USS présente, d’une part, les dispositions législatives applicables (1) et, d’autre part, des exemples de licenciements qui démontreraient l’ampleur des pratiques antisyndicales dans le pays, pratiques que l’ordre judiciaire ne serait pas en mesure de freiner (2).
- 1. Les dispositions législatives et la jurisprudence
- 1264. L’USS se réfère à l’article 336, alinéa 2 a) et b), du Code des obligations (CO) (III – Protection contre les congés) [1]. Cette disposition précise qu’est abusif le congé donné par l’employeur:
- a) en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l’exercice conforme au droit d’une activité syndicale;
- b) pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d’une commission d’entreprise ou d’une institution liée à l’entreprise et que l’employeur ne peut prouver qu’il avait un motif justifié de résiliation.
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- Note [1] : Voir en annexe le texte intégral des articles 336 et 336a.
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- 1265. L’USS indique que, en vertu de l’article 336a du CO, la sanction applicable à un tel licenciement abusif est une indemnité fixée par le juge, ne pouvant pas dépasser un montant correspondant à six mois de salaire. L’organisation plaignante précise qu’à l’origine le Conseil fédéral avait proposé de fixer le maximum à douze mois de salaire mais que ce montant fut diminué de moitié pendant les travaux préparatoires. De surcroît, l’USS souligne que la pratique des tribunaux ces dernières années consiste à n’allouer, dans la plupart des cas, que trois mois de salaire maximum.
- 1266. De l’avis de l’USS, le paiement de trois mois de salaire n’a pas le moindre effet dissuasif pour un employeur qui veut licencier un représentant syndical. C’est aussi le cas pour une indemnité de six mois de salaire pour une entreprise qui entend dénoncer une convention collective ou porter préjudice aux conditions de travail de ses employés. En outre, le licenciement d’un ou plusieurs représentants syndicaux peut avoir un effet d’intimidation.
- 1267. L’USS poursuit en constatant que la législation suisse ne prévoit pas la réintégration dans l’entreprise des délégués syndicaux ou des représentants des travailleurs ayant été licenciés abusivement.
- 1268. En fait, aux termes de la législation suisse, il n’existe qu’un seul cas de réintégration dans l’entreprise d’une personne licenciée abusivement: le licenciement abusif intervenu dans le cadre de l’article 10 de la loi sur l’égalité femmes et hommes. L’organisation plaignante cite les trois alinéas de cet article, et notamment l’alinéa 1 qui dispose que:
- La résiliation du contrat de travail par l’employeur est annulable lorsqu’elle ne repose pas sur un motif justifié et qu’elle fait suite à une réclamation adressée à un supérieur ou à un autre organe compétent au sein de l’entreprise, à l’ouverture d’une procédure de conciliation ou à l’introduction d’une action en justice.
- L’alinéa 3 de l’article 10 va même jusqu’à prévoir un réengagement provisoire par le juge «pour la durée de la procédure lorsqu’il paraît vraisemblable que les conditions d’une annulation du congé sont remplies».
- 1269. L’USS souligne donc que, lorsqu’un délégué syndical ou un représentant élu des travailleurs fait valoir des revendications autres que l’égalité salariale entre hommes et femmes, telles par exemple des revendications salariales communes aux hommes et aux femmes ou, plus généralement, la simple ouverture d’une négociation collective, son réengagement ne peut être ordonné par les tribunaux quand bien même le licenciement aurait été reconnu comme abusif. De l’avis de l’organisation plaignante, le législateur suisse reconnaît que seule la réintégration dans l’entreprise est de nature à rassurer une femme voulant faire constater qu’elle fait l’objet d’une discrimination salariale. Il devrait, à plus forte raison, protéger les représentants syndicaux puisqu’ils sont les premiers à pouvoir renseigner les salarié(e)s quant à leurs droits, notamment en matière d’égalité de salaire.
- 2. Les exemples concrets de licenciement antisyndical
- 1270. L’USS cite 11 exemples concrets à l’appui de sa plainte, en soulignant qu’ils ne constituent pas une liste exhaustive et que les exemples 4 à 8 sont antérieurs à la ratification par la Suisse de la convention no 98 [2].
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- Note [2] : La date de cette ratification est le 17 août 1999.
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- 1271. Le premier exemple concerne un travailleur qui, engagé depuis 1990 par une entreprise, fut élu en 2001 par ses collègues au sein du Conseil de fondation de la caisse de retraite de ladite entreprise. Il en était toujours membre au moment de son licenciement. Il était également le représentant syndical de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l’horlogerie (FTMH). Il fut également membre de la commission électorale chargée de constituer une représentation des travailleurs. Quelques-unes de ses activités pour la défense des intérêts des travailleurs de l’entreprise sont brièvement décrites par l’USS. Le 15 novembre 2002, l’entreprise lui notifia son congé pour le 28 février 2003. A la suite d’une opposition formée par le travailleur, l’entreprise expliqua que son licenciement était motivé par des difficultés économiques et que plusieurs personnes seraient également affectées par une telle mesure. L’intéressé déposa une demande en justice le 20 mars 2003, dont copie a été annexée à la plainte, aux fins de faire déclarer que son licenciement était abusif au sens de l’article 336, alinéa 2 b), du CO (et accessoirement au sens de l’article 336, alinéa 2 a), du CO) et de faire condamner l’entreprise à lui verser une indemnité de six mois de salaire au sens de l’article 336a du CO. Le demandeur alléguait, entre autres, qu’une seule autre personne avait été touchée par une mesure similaire à celle dont il avait fait l’objet. L’USS indique que la demande est actuellement pendante.
- 1272. Le second exemple concerne une travailleuse, affiliée à la FTMH. La personne avait commencé à travailler pour une entreprise en 1973. Suite à une restructuration, elle fut l’objet d’un premier licenciement en 1983, puis réengagée en 1984. En 1996, elle devint membre de la commission d’entreprise, et quelques-unes de ses activités pour la défense des intérêts des travailleurs de l’entreprise, notamment en faveur de l’égalité salariale, sont mentionnées par l’USS. En 2002, à la suite de divers incidents, elle donna sa démission de la commission d’entreprise. Une demande de réintégration au sein de cette commission fut introduite par la FTMH mais l’entreprise tarda à statuer. Le contrat de travail de l’intéressée fut finalement résilié par courrier en date du 31 mai 2002 avec effet au 30 septembre 2002, en raison du redimensionnement de l’outil de production et pour motifs économiques. L’intéressée déposa une demande en justice contre l’entreprise le 9 décembre 2002, dont copie a été annexée à la plainte, tant pour discrimination salariale que pour licenciement abusif. Il est indiqué dans sa demande que son poste de travail a été repourvu depuis lors.
- 1273. Le troisième exemple est celui d’une personne qui, selon la plainte, était président de la commission d’entreprise au moment de son licenciement. Par lettre du 29 octobre 2002, ce licenciement lui fut notifié pour des motifs économiques avec effet au 30 janvier 2003, à la suite de quoi une demande en justice fut introduite. Finalement, en date du 7 février 2003, une convention entre le travailleur et l’entreprise fut conclue. Cette dernière s’engageait ainsi à verser au travailleur 10 000 francs «pour solde de tout compte» et 1 200 francs à titre de dépens. Outre la convention, l’USS a annexé à sa plainte une lettre du conseil du travailleur transmettant copie de ladite convention à la FTMH. Dans cette lettre, l’avocat indique «qu’il aurait été plus équitable d’obtenir une indemnité de trois à quatre salaires au vu des circonstances de ce licenciement. Le juge s’en est malheureusement tenu à une pratique des tribunaux relativement restrictive en matière d’octroi d’indemnités.» Cet avocat précise toutefois que l’intéressé était satisfait de cette transaction qui permettait de trouver une solution rapide au litige; mention est également faite de «la solvabilité douteuse» de l’entreprise.
- 1274. Le quatrième exemple est celui du licenciement d’un membre de la FTMH, qui avait travaillé pendant plus de trente ans auprès d’un employeur qui fit faillite. Il fut réengagé en 1988 par une autre entreprise pour faire le même travail. En 1996, il était président de la commission d’entreprise quand la direction décida de dénoncer la convention collective pour finalement reculer face à la mobilisation des travailleurs. Une autre intervention de l’intéressé face à une tentative de diminuer les jours de vacances conduisit à son licenciement en 1998, après quarante ans de service. Le 19 août 1999, le tribunal des prud’hommes, saisi du litige, condamna l’entreprise à verser trois mois de salaire à titre d’indemnité pour, selon l’USS, licenciement abusif.
- 1275. Le cinquième exemple concerne le licenciement du président de la commission d’entreprise le 3 mai 1989. Une demande en justice aboutit à une décision, en date du 28 janvier 1991, condamnant l’entreprise au paiement d’une indemnité de six mois de salaire. Des extraits de ce jugement ont été annexés à la plainte. La Cour a reconnu que le travailleur était bien président de la commission d’entreprise lorsqu’il a reçu son congé et que c’était un cas de «protection accrue applicable aux représentants des travailleurs». L’employeur devait donc apporter la preuve de l’existence d’un motif justifié de résiliation. Or la Cour a constaté qu’en l’espèce ce motif n’existait pas et qu’ainsi «en congédiant le demandeur […] la société défenderesse a agi abusivement». Elle devait donc payer une indemnité. La Cour a précisé que l’indemnité prévue à l’article 336a du CO «a une fonction pénalisante et de réparation» et qu’elle est payable «même en l’absence de tout dommage». Cette indemnité est fixée par le juge sans pouvoir dépasser six mois de salaire brut. La Cour a estimé qu’en l’espèce ce maximum «paraît tenir compte de l’ensemble des circonstances, et notamment de la gravité de l’attitude adoptée par la société défenderesse».
- 1276. Dans le sixième exemple cité, l’USS indique que les tribunaux ont alloué à une travailleuse qui représentait ses collègues au sein d’une commission de prévoyance un mois et demi de salaire à titre d’indemnité pour licenciement abusif. Les extraits de cette décision de justice du 16 septembre 1998, publiée en italien, ont été annexés à la plainte. Le septième exemple concerne un travailleur employé par une entreprise, de 1960 à 1992, et membre du syndicat FOBB (actuellement Syndicat industrie et bâtiment). Il était entre autres délégué syndical, depuis 1980 environ, à la Commission paritaire des métiers du second œuvre. Par lettre du 31 mars 1992, l’entreprise lui notifia son licenciement avec effet au 31 mai 1992, en raison de sa situation économique. Dans une décision du 26 avril 1994, la Chambre d’appel des prud’hommes saisie du litige (des extraits de sa décision sont annexés à la plainte) a conclu que l’entreprise devait «se voir reprocher un motif de licenciement abusif exclusif fondé sur l’article 336, alinéa 2 a), du CO». La juridiction a estimé que la faute de l’entreprise était grave, «puisque seule l’activité syndicale de l’intimé l’a amenée à le licencier…». L’USS indique que la Chambre d’appel des prud’hommes a condamné l’entreprise à verser au travailleur cinq mois de salaire.
- 1277. Le huitième exemple est celui de deux travailleurs licenciés abusivement par une entreprise. L’USS précise que la Chambre d’appel saisie du litige (des extraits de sa décision rédigée en italien sont joints à la plainte) a estimé qu’il y avait eu licenciements abusifs. En effet, un des deux travailleurs avait joué un rôle très important dans l’action syndicale au sein de l’entreprise. Selon l’organisation plaignante, les deux travailleurs avaient été licenciés en étant accusés d’être «des espions» du syndicat. L’USS ne précise pas si une indemnité a été allouée. Le neuvième exemple est celui du licenciement d’un travailleur parce que, selon l’USS, il avait réclamé de meilleurs salaires pour les employés. L’organisation plaignante indique qu’en août 2001 les tribunaux lui ont alloué une indemnité de cinq mois de salaire à titre de licenciement abusif. Par communication du 10 juin 2003, l’USS a transmis des extraits du jugement condamnant l’entreprise à verser, entre autres, la somme de 25 000 francs à titre d’indemnité.
- 1278. Le dixième exemple porte sur le licenciement d’un délégué syndical, en raison, selon l’USS, de son refus d’une modification de l’horaire annuel de travail qui n’avait pas été approuvée par la commission paritaire. L’organisation plaignante, par communication du 10 juin 2003, a transmis copie d’une convention conclue entre les deux parties et en vertu de laquelle l’entreprise s’est engagée à verser une indemnité fondée sur l’article 337 du CO (résiliation injustifiée).
- 1279. Le onzième et dernier exemple concerne une travailleuse qui, engagée depuis 1998, eut des contacts avec le syndicat des médias Comedia en 1999. Ce dernier effectua des démarches auprès de la direction de l’entreprise au sein de laquelle l’intéressée travaillait, en vue de la signature d’une convention collective. L’intéressée mena plusieurs activités syndicales en tant que membre du syndicat en 2001. Par lettre recommandée du 22 mars 2001, elle se vit notifier la résiliation de son contrat de travail au 31 mai 2001, au motif que son taux d’activité réduit engendrait de sérieux problèmes de planification de la fabrication. Une demande en justice fut introduite le 12 septembre 2001 pour faire reconnaître le licenciement comme un licenciement abusif car motivé par les activités syndicales de l’intéressée (article 336, alinéa 2 a), du CO). Le tribunal des prud’hommes qui avait été saisi en première instance la débouta de sa demande, par décision du 7 mai 2002, dont copie a été annexée à la plainte. Dans son jugement, le tribunal a rappelé que, lorsqu’il était allégué que le licenciement était motivé par l’affiliation ou les activités syndicales, «le fardeau de la preuve incombe au demandeur…» et que «le juge peut présumer en fait l’existence d’un congé abusif lorsque l’employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l’employeur. On ne saurait toutefois tirer de cette présomption un renversement du fardeau de la preuve.» Le tribunal a estimé qu’en l’espèce la demanderesse n’avait pas «rapporté la preuve requise par l’article 336, alinéa 2 a), du CO». Un recours ayant été interjeté, la Chambre de recours l’a admis partiellement dans un arrêt rendu le 24 septembre 2002 et dont copie a été également annexée à la plainte. Tout en confirmant le jugement sur la charge de la preuve en vertu de l’article 336, alinéa 2 a), du CO, la Chambre de recours a indiqué qu’il est «incontestable que la recourante a eu une activité syndicale chez l’intimée et qu’elle a été l’une des deux représentantes du syndicat Comedia au sein de cette entreprise». La juridiction a donc conclu qu’«un faisceau d’indices permet d’affirmer que l’appartenance de la recourante à un syndicat et les activités syndicales de celle-ci au sein de l’intimée ont une importance prépondérante dans la décision de licenciement […] le congé est abusif dans son principe». La Chambre de recours a accordé une indemnité de deux mois de salaire mensuel brut pour «tenir compte de toutes les circonstances du cas d’espèce». En effet, elle a estimé que «le comportement de l’employeur […] est moyennement fautif…». Sur l’indemnité, la Chambre de recours a précisé qu’elle «a une double fonction, punitive et réparatrice […] elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage».
- 3. Conclusions
- 1280. L’USS conclut en faisant valoir que la législation suisse en tant que telle, en ne prévoyant pas la possibilité d’ordonner la réintégration d’un délégué syndical dans l’entreprise, lorsque son licenciement est abusif, ne permet pas de satisfaire aux obligations découlant de la convention no 98. Cette situation est accentuée par le fait que les indemnités en cas de licenciement antisyndical sont dérisoires.
- 1281. L’USS soutient que la convention no 98 est d’application directe dans l’ordre juridique interne. Les tribunaux devraient donc ordonner la réintégration des délégués syndicaux licenciés abusivement ainsi que des travailleurs licenciés en raison de l’exercice conforme au droit d’une activité syndicale. L’organisation plaignante reconnaît pourtant qu’en l’absence de disposition législative expresse il est peu probable que les tribunaux ordonnent la réintégration en se fondant sur les dispositions de la convention.
- B. Réponse du gouvernement
- 1282. La réponse du gouvernement est divisée en quatre parties. Dans la partie introductive de sa réponse, le gouvernement répond à l’argument de l’USS selon lequel la Suisse serait liée par les principes résultant de la convention no 135. Le gouvernement fait valoir: 1) que le corpus législatif suisse, et notamment le Code des obligations (CO) et la loi fédérale sur la participation (Lpart), contient actuellement des dispositions qui protègent les représentants syndicaux et les représentants élus par les travailleurs; 2) que la convention no 135 ne figure pas parmi les huit conventions fondamentales de l’OIT ayant pour objet des principes et droits fondamentaux que les Membres de l’OIT doivent respecter et promouvoir, quel que soit notamment le nombre de conventions qu’ils ont ratifiées; 3) qu’il est loisible aux membres de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT de proposer la ratification d’anciennes conventions internationales du travail; il appartient donc à l’USS, en tant que membre de cette commission, de faire une proposition en vue de la ratification de la convention no 135. Le gouvernement en conclut que la Suisse n’est pas liée par cette convention ou par les principes qu’elle contient, puisqu’elle ne l’a pas ratifiée. Cet instrument ne lui est pas non plus opposable puisqu’il n’a pas été inclus parmi les conventions fondamentales.
- 1. Partie I de la réponse
- 1283. Dans cette partie, le gouvernement rappelle la position du Conseil fédéral suisse (organe exécutif) sur l’article 1 de la convention no 98 telle qu’elle fut explicitée dans son message portant ratification de cet instrument, examine la question de la réintégration, à la lumière de la convention no 98 et de la loi fédérale sur l’égalité (LEg), traite de la question de l’applicabilité directe de la convention no 98 en droit interne et, enfin, analyse le droit suisse applicable au licenciement abusif.
- La position du Conseil fédéral suisse
- 1284. Les précisions apportées par le Conseil fédéral, dans son message sur la ratification de la convention, sur la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale en droit suisse peuvent être résumées comme suit: 1) la liberté syndicale découle de la liberté d’association inscrite dans la Constitution fédérale et trouve son fondement dans des instruments internationaux ratifiés par la Suisse, et notamment la convention no 87; 2) en ce qui concerne les actes de discrimination antisyndicale de la part de l’employeur, les travailleurs du secteur privé bénéficient de la protection générale de la personnalité fondée sur l’article 328 du CO et l’article 28 du Code civil (CC) et peuvent saisir à ce titre les tribunaux civils; 3) avant leur engagement, les travailleurs ne sont pas totalement dépourvus de protection contre certains actes de discrimination antisyndicale, puisque, outre l’article 28 CC précité, ils voient leur protection renforcée depuis l’entrée en vigueur, le 1er juillet 1993, de la loi sur la protection des données (LPD) ayant entraîné notamment l’introduction d’un nouvel article 328b du CO (l’employeur ne peut traiter que des données sur le travailleur se rapportant à ses aptitudes à remplir son emploi; l’employeur n’a donc pas le droit de poser des questions sur les opinions ou les activités syndicales du travailleur, et ce dernier n’est pas tenu de fournir des réponses exactes à de telles questions); en outre, la LPD précise que les activités syndicales font partie des données sensibles soumises à un régime juridique spécial, et notamment la communication à des tiers de telles données est interdite sans motif justificatif; 4) dès qu’un rapport de travail existe, les travailleurs bénéficient, depuis le 1er janvier 1989, de la protection spéciale prévue à l’article 336, alinéa 2 a), du CO; si un employeur résilie abusivement un contrat de travail, en raison de l’affiliation ou de l’activité syndicale, il doit verser une indemnité au travailleur, fixée par le juge et correspondant à six mois de salaire maximum; cette indemnité peut être éventuellement assortie de dommages-intérêts dus à un autre titre; l’employeur n’a aucune obligation légale de réintégrer le travailleur licencié et il incombe à ce dernier de prouver que son contrat a été résilié pour des motifs antisyndicaux.
- 1285. Dans son message, le Conseil fédéral estime que, en matière de protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, le principe général posé par la convention no 98 trouve son pendant dans l’ordre juridique suisse et peut donc être accepté.
- La question de la réintégration
- 1286. Le gouvernement soutient que le texte de la convention no 98 ne requiert pas la réintégration du travailleur licencié abusivement pour activité syndicale. Il fait valoir à ce titre qu’il n’existe ni jurisprudence ni pratique des organes de contrôle de l’OIT tendant à reconnaître que la réintégration du travailleur licencié abusivement découlerait du texte ou de la portée de la convention. Il relève en outre que, en cas de congé abusif, ce sont les tribunaux civils ou de travail qui sont compétents. La procédure devant ces tribunaux est simplifiée, gracieuse et rapide lorsque la valeur du litige ne dépasse pas 30 000 francs suisses. Le gouvernement souligne qu’en droit suisse, comme cela ressort du message du Conseil fédéral, de diverses interventions parlementaires et de la jurisprudence des tribunaux, la réintégration n’est pas possible. De plus, la loi suisse ne fait aucune différence entre l’indemnité due en cas de licenciement antisyndical et celle due dans les autres cas de licenciement. Les tribunaux peuvent tenir compte du motif du licenciement (antisyndical ou non) pour fixer l’indemnité dans chaque cas d’espèce.
- 1287. Le gouvernement considère que l’organisation plaignante ne saurait interpréter unilatéralement le texte de la convention pour en tirer un principe – celui de la réintégration du travailleur licencié abusivement – qui deviendrait dès lors directement applicable au regard du droit national d’un seul Etat. Le gouvernement remarque aussi que la plainte ne définit pas non plus le contour et les limites qu’il faudrait poser au principe de la réintégration aux termes de la convention. Il reconnaît que certains pays ont adopté des dispositions protectrices en matière de protection des travailleurs contre les licenciements, allant même, dans certains cas, jusqu’à prévoir la réintégration. Pour ce qui est de la Suisse, le gouvernement souligne que le législateur s’en est tenu aux principes de l’égalité des parties et de la neutralité de l’Etat et que, à l’heure actuelle, ni le Parlement ni le gouvernement n’envisagent de mettre en place une protection contre les congés abusifs prévoyant la réintégration des travailleurs car une telle solution ne correspond pas à l’esprit du droit suisse.
- 1288. Pour ce qui est de la sanction en cas de discrimination dans l’emploi, le gouvernement souligne que le but de la loi fédérale sur l’égalité (LEg) est différent de celui du CO. Ainsi, la LEg a pour but précis de promouvoir dans les faits le principe constitutionnel de l’égalité entre femmes et hommes en interdisant toute discrimination fondée sur le sexe dans le domaine de l’emploi, alors que le CO réglemente les droits et obligations des parties au contrat de travail. Aux termes de la LEg, l’interdiction porte non seulement sur les inégalités salariales, mais sur tous les aspects des rapports de travail, y compris l’accès à l’emploi et le licenciement.
- 1289. Le gouvernement transcrit le texte de l’article 10 de la LEg cité dans la plainte, en y joignant les explications suivantes. Il cite d’abord un extrait des commentaires du Conseil fédéral sur le projet de disposition qui allait devenir l’article 10. Après avoir rappelé que l’égalité de salaire est un principe constitutionnel exigeant que les femmes soient en mesure de faire respecter leurs droits, le Conseil fédéral indique:
- Si l’on entend permettre aux travailleuses d’exercer efficacement leurs droits pendant la durée des rapports de travail, il est nécessaire de prévoir une période de protection pendant laquelle le congé peut être invalidé. La situation actuelle n’offre pas une protection suffisante. Les articles 336 et suivants du Code des obligations, entrés en vigueur le 1er janvier 1989, ne prévoient qu’une indemnisation, le congé restant valable. Cette disposition ne permet donc pas de garantir l’égalité de salaire et de traitement au cours des rapports de travail […] Le projet de loi prévoit l’annulabilité du congé et non sa nullité. Il ne sera donc pas sans effets d’office, mais devra être invalidé par le juge…
- 1290. Le gouvernement précise que la solution retenue par le législateur pour assurer la promotion du principe constitutionnel de l’égalité de traitement entre hommes et femmes repose donc sur l’annulabilité du congé et non pas sur le principe de la réintégration du travailleur ou de la travailleuse. Le gouvernement souligne que la solution est du reste assouplie puisque, aux termes de l’alinéa 4 de l’article 10 de la LEg, il est loisible au travailleur de renoncer à l’annulation du congé et de demander une indemnité au sens de l’article 336a du CO. Le gouvernement souligne qu’avec le Parlement suisse il a voulu établir une protection spéciale en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes. A cette fin, une loi spécifique a été adoptée et déroge aux principes généraux régissant les rapports de travail. Le gouvernement répète que, en revanche, il n’y a pas d’indices suffisamment clairs de l’intention du législateur d’offrir aux délégués et représentants syndicaux une protection supplémentaire sous forme de réintégration.
- 1291. Le gouvernement suisse est d’avis que le droit suisse offre une protection adéquate aux délégués et aux représentants syndicaux, en pleine application et en plein respect de l’article 1 de la convention no 98.
- L’applicabilité directe
- 1292. D’une manière générale, le gouvernement suisse indique que la Suisse fait partie des Etats à tradition moniste: un traité international ratifié par le Conseil fédéral fait partie intégrante de l’ordre juridique suisse dès la date de son entrée en vigueur sans qu’il soit nécessaire de le transposer dans l’ordre juridique interne par l’adoption d’une loi spéciale. Toutefois, le gouvernement indique que, selon la jurisprudence, «une règle contenue dans une convention internationale en vigueur pour la Suisse ne peut être directement invoquée par un citoyen que dans la mesure où […] elle est inconditionnelle et suffisamment précise pour produire un effet direct, s’appliquer comme telle à un cas d’espèce et constituer le fondement d’une décision concrète». Le gouvernement souligne que la question de l’applicabilité directe relève, dans une large mesure, de l’appréciation des instances nationales et en particulier des tribunaux suisses.
- 1293. Pour ce qui est de la convention no 98, le gouvernement remarque que le texte est formulé de manière générale et fait référence à plusieurs reprises aux mesures appropriées aux conditions nationales. En Suisse, la mise en œuvre de la convention est garantie par une norme constitutionnelle consacrant le principe de la liberté syndicale et par des prescriptions légales adéquates [3]. Le gouvernement souligne qu’«il n’existe pas de décision jurisprudentielle reconnaissant l’applicabilité directe de l’article 1 de la convention no 98». Il en conclut que cette convention n’est pas directement applicable.
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- Note [3] : Il convient de préciser à ce stade que, depuis le message du Conseil fédéral précité sur la convention no 98, une nouvelle Constitution fédérale est entrée en vigueur le 18 avril 1999 et, en son article 28, consacre désormais explicitement la liberté syndicale des travailleurs et des employeurs.
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- Le droit suisse applicable au licenciement abusif
- 1294. Après avoir transcrit in extenso la teneur des articles 336 et 336a du CO, le gouvernement donne des explications sur la genèse de ces deux dispositions, en indiquant qu’à l’époque le Conseil fédéral proposait de renforcer la protection des travailleurs contre les licenciements abusifs.
- 1295. Pour ce qui est de l’actuel article 336, alinéa 2 a) et b), du CO (congé abusif en raison de l’affiliation ou non à un syndicat ou de l’exercice conforme au droit d’une activité syndicale, ou lorsque le représentant élu des travailleurs est membre d’une commission d’entreprise ou d’une institution liée à l’entreprise), le gouvernement précise que le Conseil fédéral avait proposé une disposition séparée sur le licenciement des «représentants des travailleurs dans l’entreprise» et donc distincte de la disposition sur le licenciement abusif en général. Le projet prévoyait également le versement d’une double indemnité à titre de sanction, l’une sur la base du projet d’article spécifique au licenciement des représentants des travailleurs et l’autre sur la base de l’article général relatif au licenciement abusif. Toutefois, le Parlement choisit une autre voie, en intégrant la protection des représentants des travailleurs dans l’article général sur le licenciement abusif, ce qui a abouti à l’actuel alinéa 2 a) et b) de l’article 336 du CO. Le cumul des sanctions fut supprimé, le Parlement estimant qu’une telle exception pour les représentants des travailleurs ne se justifiait pas, en ce qu’elle constituait une entrave «inadmissible» à la liberté de résiliation du contrat de travail.
- 1296. Pour ce qui est de l’article 336a, alinéa 2, du CO (indemnité en cas de congé abusif), le Conseil fédéral avait à l’origine fixé la limite maximale à douze mois de salaire. A l’époque, il avait indiqué qu’un tel montant, certes élevé, «met en évidence l’effet préventif de l’indemnité et doit empêcher que les congés abusifs soient achetés à bas prix». Le Conseil fédéral avait par ailleurs explicitement exclu de sanctionner les congés abusifs par leur nullité ou leur annulabilité ou la réintégration du travailleur car «la prolongation des rapports de travail contre la volonté des parties est inopportune, voire irréalisable». Le Parlement réduisit le montant de l’indemnité à six mois, car ce montant lui paraissait suffisant pour avoir un effet préventif «au vu du montant des salaires moyens en Suisse (six mois de salaire dans les basses classes représentant par exemple l’équivalent de 20 000 francs…) […] ce d’autant plus que la très grande majorité des travailleurs en Suisse sont employés dans des petites entreprises, pour qui cette limite est déjà très importante».
- 1297. Enfin, le gouvernement ajoute que les «représentants des travailleurs dans l’entreprise» bénéficient d’une protection plus forte que celle contre les autres licenciements abusifs: dans le cas de l’article 336, alinéa 2 b), du CO, le congé est abusif parce que donné pendant que le travailleur est représentant des travailleurs et sans motif justifié de résiliation (dont la preuve incombe à l’employeur). Pour les autres cas de congés, y compris ceux motivés par l’appartenance ou non et les activités syndicales du travailleur, le congé est abusif en vertu du motif inacceptable pour lequel il est donné.
- 1298. Le gouvernement en conclut que la sanction en cas de licenciement abusif est suffisamment dissuasive. Une disposition légale expresse portant protection supplémentaire dans les cas de discrimination antisyndicale n’est, de ce fait, pas nécessaire.
- 2. Partie II
- 1299. Dans cette partie, le gouvernement expose la politique de ratification de la Suisse en matière de conventions internationales du travail, décrit la procédure de ratification de la convention no 98 devant le gouvernement et le Parlement suisses, donne des informations sur le contexte politique actuel sur la question du licenciement abusif des représentants des travailleurs au sein de l’entreprise, décrit succinctement les dispositions, autres que les dispositions déjà mentionnées dans sa réponse, qui protègent les travailleurs syndiqués et les représentants des travailleurs, et enfin présente la jurisprudence sur le licenciement abusif.
- La politique de ratification de la Suisse en matière de conventions internationales du travail
- 1300. Le gouvernement explique que la Suisse ratifie une convention internationale du travail «s’il n’existe pas de divergence fondamentale entre [cette] convention et l’ordre juridique interne». S’il existe «des différences mineures», la ratification peut intervenir s’il est possible de combler les lacunes par les dispositions de la convention qui seraient directement applicables ou par l’adoption de mesures législatives. Le gouvernement précise que cette politique a été quelque peu assouplie en ce qui concerne les seules conventions fondamentales de l’OIT.
- La procédure de ratification de la convention no 98
- devant le gouvernement suisse
- 1301. Le Département fédéral de l’économie proposa au Conseil fédéral le 2 septembre 1998 la ratification de la convention no 98. Cette proposition et le projet de message portant ratification de la convention firent l’objet de consultations préliminaires au sein de tous les services de l’administration fédérale concernés. Ces consultations ne montrèrent pas la nécessité d’adopter des mesures législatives pour ratifier la convention.
- 1302. La proposition du Département fédéral de l’économie au Conseil fédéral mettait en exergue un certain nombre d’arguments en faveur de la ratification. Le département faisait valoir entre autres que, si la convention n’avait pas été proposée à la ratification auparavant, c’était en raison de l’absence en droit suisse de disposition spécifique protégeant les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale avant l’embauche. Cette divergence avait été depuis lors comblée avec l’adoption de la loi fédérale sur la protection des données. Entre la saisine du Conseil fédéral le 2 septembre 1998 et sa décision, les départements fédéraux eurent la possibilité de faire des propositions additionnelles. Le gouvernement indique qu’aucune proposition ne fut déposée. Le 21 septembre 1998, le Conseil fédéral décida de proposer la ratification de la convention no 98 au Parlement suisse, sans présenter de modification législative renforçant la protection des représentants syndicaux, notamment par le biais de leur réintégration dans l’entreprise en cas de licenciement.
- La procédure devant le Parlement suisse
- 1303. La ratification de la convention se déroula en deux étapes: discussion au sein des commissions compétentes des deux chambres, puis débats et décision en plénière. Le gouvernement souligne qu’aucune des deux commissions n’a été saisie d’une proposition de modification législative relative à la protection des représentants syndicaux, voire à leur réintégration en cas de licenciement. Elles ont toutes deux adopté l’arrêté fédéral portant ratification. Les deux chambres, après avoir pris connaissance du rapport de leurs commissions respectives et du message du Conseil fédéral, ont approuvé à l’unanimité l’arrêté portant ratification.
- 1304. Le gouvernement souligne qu’à aucun moment de la procédure de ratification, et alors qu’il avait toute latitude pour le faire, le Parlement ne demanda le renforcement de la protection des représentants syndicaux par une modification des articles 336 et 336a du CO, quand bien même des interventions parlementaires sur ce thème étaient déjà pendantes.
- Le contexte politique actuel
- 1305. Le gouvernement indique que certaines interventions parlementaires relatives aux dispositions du CO sur les licenciements abusifs – et reproduites in extenso en annexe de la réponse – ont été déposées. Du résumé qu’en donne le gouvernement on peut retenir les éléments suivants.
- 1306. Une motion, déposée le 28 avril 1997, demandait notamment au Conseil fédéral de modifier le Code des obligations et la loi sur la participation (LPart) de manière à instaurer une véritable protection des militants syndicaux en entreprise et de leur accorder un statut. Cette motion visait notamment à étendre les droits conférés aux membres de la représentation des travailleurs à l’ensemble des militants syndicaux en entreprise et à prévoir la nullité du licenciement et la réintégration dans l’entreprise des membres de la représentation des travailleurs et des militants syndicaux victimes d’un licenciement abusif. L’auteur de la motion estimait que la protection offerte par l’article 336 du CO tout en n’étant pas négligeable n’était pas suffisante.
- 1307. Sur l’article 336 du CO, le Conseil fédéral répondit notamment que la distinction faite entre la protection du représentant élu des travailleurs et celle du travailleur exerçant une activité syndicale était justifiée puisque le premier doit être mieux protégé contre un licenciement abusif qu’un travailleur exerçant une activité syndicale généralement en dehors de l’entreprise. Le Conseil fédéral ajoute que «la demande de la motion de déclarer abusifs, et partant nuls, les congés signifiés à des représentants des travailleurs et à des travailleurs militants syndicaux va à l’encontre du système de la protection contre les congés prévu par le droit suisse». Pour ce qui est de la LPart, qui porte sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises, le Conseil fédéral se déclarait prêt «à proposer des modifications au Parlement si les droits octroyés à la représentation des travailleurs devaient se révéler trop peu efficaces». Lorsque, dans une question ordinaire le 5 mars 2003, l’auteur de la motion rappela sa motion en constatant qu’elle n’avait débouché sur aucune proposition, le Conseil fédéral devait rejeter «résolument» sa demande de renforcement de la protection contre le licenciement abusif des membres des représentations des travailleurs ainsi que des travailleurs militants syndicaux. Le Conseil fédéral souligna qu’il ne proposerait pas une révision du Code des obligations en ce qui concernait les militants syndicaux mais qu’il était prêt à examiner un renforcement de la protection des membres des représentations des travailleurs contre les congés abusifs.
- 1308. Une initiative parlementaire présentée le 4 octobre 1999 demandait au Parlement suisse de modifier l’article 336, alinéa 1 d) (protection générale contre le congé abusif), de façon à renverser le fardeau de la preuve: la partie qui résilierait le contrat devrait en prouver le bien-fondé. Le Conseil fédéral n’a pas donné suite à cette initiative.
- 1309. Une motion en date du 17 avril 2002 demandait un renforcement de la protection contre le licenciement des délégués représentant les travailleurs au sein des conseils de fondation des caisses de pension. L’auteur de la motion estimait que, pour que la protection contre le congé soit efficace, il fallait prévoir: 1) l’annulation par le juge de la résiliation du contrat de travail (du type de celle prévue par la loi sur l’égalité); 2) l’impossibilité de résilier le contrat pendant la durée du mandat sauf si les conditions d’une «résiliation sur-le-champ» étaient remplies. Le Conseil fédéral s’était alors déclaré prêt à examiner la possibilité d’améliorer la protection des représentants élus des travailleurs contre les congés abusifs. Toutefois, en raison d’oppositions, le Conseil national (Chambre du peuple) décida de renvoyer la question. Enfin, le gouvernement se réfère à une interpellation du groupe socialiste déposée le 19 juin 2003 qui n’a pas encore été traitée. Cette interpellation demande un renforcement de la protection contre les licenciements pour les représentants élus, au regard du processus d’élargissement de l’Union européenne et de l’extension de l’accord bilatéral entre la Suisse et l’Union européenne élargie (notamment au vu des risques de «dumping social» et de «sous-enchère salariale» qui pourraient résulter de l’arrivée sur le marché du travail de salariés en provenance des pays d’Europe centrale et orientale).
- 1310. Le gouvernement souligne que le Parlement suisse n’a pas donné suite aux interventions parlementaires visant à la réintégration des travailleurs licenciés.
- Les autres dispositions du droit suisse
- entrant en ligne de compte
- 1311. La loi fédérale sur la participation (LPart) ne prescrit aucune protection pour les membres d’un syndicat, ces derniers ne pouvant se faire élire dans une représentation des travailleurs d’une entreprise s’ils ne travaillent pas dans cette entreprise. En revanche, l’article 12 Lpart prévoit une protection pour les membres de la représentation élue des travailleurs dans l’entreprise:
- 1) L’employeur n’a pas le droit d’empêcher les représentants des travailleurs d’exercer leur mandat.
- 2) Il ne doit pas défavoriser les représentants des travailleurs, pendant ou après leur mandat en raison de l’exercice de cette activité. Cette protection est aussi étendue aux personnes se portant candidates à l’élection dans une représentation des travailleurs.
- 1312. La protection de la LPart existe seulement dans les cas où il y a un rapport entre le licenciement et l’activité en tant que membre de la représentation. Cette protection est complétée par les dispositions de l’alinéa 2 a) et b) de l’article 336 du CO qui s’appliquent lorsqu’un travailleur est licencié en raison de son activité syndicale pendant la durée de son mandat dans la représentation des travailleurs.
- 1313. La loi fédérale sur le travail (LTr) en son article 48 porte plus exactement sur le droit des travailleurs ou de leurs représentants d’être informés ou consultés. Elle ne prévoit rien de spécifique pour les travailleurs syndiqués, et ses dispositions ne sont pas directement liées à la protection des travailleurs qui est du ressort du CO. Les syndicats ont un droit de recours propre contre les décisions prises en vertu de la LTr. Le gouvernement souligne que ce droit de recours peut s’exercer en pratique d’une manière large et confère une bonne protection des travailleurs syndiqués (ou non). Les syndicats font un fréquent usage de ce droit. Le gouvernement souligne aussi que les travailleurs ont le droit de discuter avec l’inspecteur du travail en dehors de la présence de l’employeur.
- 1314. Enfin, le gouvernement se réfère aux mesures d’accompagnement au titre des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne, adoptées par le Parlement le 8 octobre 1999, pour préciser qu’elles ne contiennent aucune disposition relative à la protection des travailleurs syndiqués ou aux représentations des travailleurs. Le gouvernement indique que cette question fait partie des revendications de l’USS dans le cadre de l’extension à dix nouveaux pays de l’accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Suisse et l’Union européenne.
- La jurisprudence cantonale et du Tribunal fédéral (TF)
- sur le licenciement abusif
- 1315. Le gouvernement indique que la jurisprudence sur les articles 336 et 336a du CO est assez volumineuse et elle porte surtout sur la qualification de telle ou telle situation en licenciement abusif. La jurisprudence sur le montant de l’indemnité est plus rare. Pour ce qui est du principe et de la nature de l’indemnité, le gouvernement cite notamment un arrêt du Tribunal fédéral qui précise que cette indemnité a une double finalité puisqu’elle est de nature punitive et réparatrice. Elle ne constitue pas des dommages et intérêts au sens classique du terme dans la mesure où elle est due même si la victime n’apporte pas la preuve d’un dommage ou n’a subi aucun dommage.
- 1316. Le gouvernement se réfère aussi à un arrêt du Tribunal fédéral qui précise que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour fixer l’indemnité dans le cadre du maximum fixé par la loi. Ce pouvoir d’appréciation s’exerce dans le respect du principe de l’équité et tient compte des éléments suivants: gravité du manquement du débiteur et sa capacité financière; durée des rapports de travail; effets économiques du licenciement; faute concomitante du travailleur licencié.
- 1317. Le gouvernement se réfère à plusieurs exemples de jurisprudence – dont certains sont cités par l’USS – sur le montant de l’indemnité, en soulignant que le montant de l’indemnité reflète les circonstances de l’espèce: 1) un arrêt de la Cour civile neuchâteloise du 28 janvier 1991 qui précise que «le fait que l’indemnité prévue ait passé au cours des travaux préparatoires de douze mois à neuf, puis six mois, conduit à penser que l’employeur doit s’attendre à une «peine» proche du maximum, afin notamment que celle-ci conserve son rôle»; de fait, dans le cas d’espèce, qui est en fait le cinquième exemple cité par l’organisation plaignante, la Cour a condamné l’entreprise à payer six mois de salaire; 2) dans un autre cas, la Chambre d’appel des tribunaux des prud’hommes de Genève a alloué une indemnité de cinq mois de salaire à un travailleur engagé depuis trente et un ans et licencié en raison de son activité syndicale (septième exemple cité par l’USS); 3) dans un cas, le Tribunal fédéral, tenant compte du comportement du travailleur, a justifié une indemnité de quatre mois; 4) dans le huitième exemple mentionné par l’USS, la première Cour civile du tribunal d’appel du canton du Tessin a fixé l’indemnité à trois mois en s’inspirant du montant prévu par la convention collective du travail de la branche en pareil cas.
- La qualité de membre d’une commission d’entreprise: jurisprudence des tribunaux sur la protection accordée
- au titre de l’article 336, alinéa 2 b), du CO
- 1318. Parmi les exemples cités par le gouvernement, on relèvera plus particulièrement les suivants. Dans l’arrêt précité de la Cour civile neuchâteloise du 28 janvier 1991, il est précisé que la protection accrue conférée par cette disposition nécessite uniquement un rapport de temps et nullement que le congé soit causé par une des circonstances énumérées dans cet article. Le tribunal d’appel du canton du Tessin, dans le sixième cas cité dans la plainte, a reconnu que la protection prévue par cette disposition s’applique également au représentant des travailleurs au sein d’une fondation de prévoyance créée dans le cadre d’une entreprise.
- 1319. Pour ce qui est du fardeau de la preuve, un arrêt du 12 août 1997 du Tribunal fédéral estime que le fardeau de la preuve est renversé: il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de l’existence d’un motif justifié de résiliation et du fait que le congé a effectivement été donné pour ce motif. Le gouvernement indique que, selon le Tribunal fédéral, le motif justifié est caractérisé «lorsque l’employeur, de manière raisonnable et pondérée, n’est pas en mesure d’éviter l’ultime solution que représente le licenciement du travailleur». Enfin, si des motifs purement objectifs, tels que des difficultés économiques de l’entreprise, peuvent justifier le licenciement d’un représentant des travailleurs, le gouvernement indique que le juge ne saurait «se limiter à se référer aux difficultés générales de la branche économique considérée».
- 3. Partie III
- 1320. Dans cette partie, le gouvernement apporte un complément d’information à celui présenté par l’USS sur les exemples dont elle fait état dans sa plainte et surtout en ce qui concerne ceux des cas n’ayant pas encore fait l’objet d’un jugement. Pour les cas ayant fait déjà l’objet d’une décision judiciaire, le gouvernement indique qu’il n’entrera pas plus avant dans les considérations y relatives. D’une manière générale, le gouvernement souligne que l’ensemble des cas a été traité selon les règles d’un procès équitable, dans le respect des règles de procédure et des droits des parties, notamment lorsque ces dernières ont préféré recourir à des conventions à l’amiable sous le sceau de la confidentialité.
- 1321. Pour ce qui est du premier exemple, le gouvernement résume les positions du travailleur et de l’entreprise. S’agissant de cette dernière, dans son mémoire de réponse du 18 juillet 2003, elle conclut à ce que le demandeur soit débouté de toutes ses conclusions. Elle décrit, chiffres à l’appui, sa situation économique «préoccupante». Elle reconnaît qu’elle a opté pour des licenciements individuels mais réguliers dans le cadre de restructurations massives, au lieu de licenciements massifs. Le cas du demandeur n’a rien d’exceptionnel. Son licenciement a été décidé en raison de la suppression de son poste de travail, l’entreprise ayant dû abandonner intégralement le secteur d’activité au sein duquel le demandeur était employé. Elle affirme que la présence de ce dernier au sein du Conseil de fondation de la caisse de retraite est sans relation avec son licenciement; le demandeur ne saurait en l’espèce invoquer l’application de l’article 336, alinéa 2 b), du CO. L’entreprise n’entre pas en matière sur son appartenance à la FTMH pas plus que sur ses activités syndicales.
- 1322. Le gouvernement indique qu’une tentative de conciliation entre les parties a échoué le 29 août 2003 et qu’une proposition de règlement à l’amiable a alors été proposée.
- 1323. Pour ce qui est du deuxième exemple, le gouvernement rappelle la position de la travailleuse telle qu’elle est exposée dans sa demande en justice du 9 décembre 2002. Il relève que cette demande ne fait aucunement mention des dispositions légales applicables en l’espèce. Pour ce qui est de l’entreprise, le gouvernement indique que sa position n’est pas connue des autorités fédérales. Des différentes pièces du dossier portées à sa connaissance, il semble que l’entreprise mette l’accent sur le fait que la demanderesse ait démissionné de son propre gré de la commission d’entreprise le 22 janvier 2002. Il semble donc qu’au moment de son licenciement elle n’était plus membre de la commission d’entreprise. Par ailleurs, à la lumière de la lettre de licenciement et du certificat de travail délivré à l’intéressée, il apparaît que la cessation des relations de travail était fondée sur des raisons d’ordre économique.
- 1324. La demande en justice est actuellement pendante. Une tentative de conciliation en date du 10 juin 2003 a échoué. Le gouvernement souligne que l’affaire n’étant pas jugée (les informations du gouvernement remontent à début décembre 2003), il n’y a aucun élément pour qualifier le licenciement d’abusif fondé sur des motifs antisyndicaux.
- 1325. Pour ce qui est du troisième exemple, le gouvernement, sur la base de documents remis par les parties, présente les éléments suivants. L’entreprise notifia le licenciement le 29 octobre 2002, en invoquant des raisons économiques. Par la voie de son conseil, le travailleur forma opposition au licenciement en arguant de son caractère abusif, en violation de l’article 336, alinéa 2, du CO. Il demanda soit sa réintégration, soit le versement d’une indemnité correspondant à six mois de salaire. Dans sa réponse à cette opposition, le conseil de l’entreprise précisa que cette dernière ne pouvait confirmer que le travailleur en question était nommé en tant que président de la commission ouvrière puisqu’il avait démissionné sans que l’élection d’un nouveau président fût notifiée à l’entreprise. L’entreprise contesta avoir résilié le contrat de travail en raison de son activité syndicale. Elle souligna qu’en raison de sa situation financière elle avait été contrainte à fermer totalement l’atelier d’usinage où le travailleur en question était l’unique salarié. Le gouvernement confirme qu’une convention a été conclue le 7 février 2003 entre les parties dans les termes précisés dans la plainte. Le conseil du travailleur a relevé que cette convention correspondait à la proposition du tribunal. L’entreprise a répété que le demandeur avait été licencié pour des raisons d’ordre économique et que l’affaire n’avait jamais fait l’objet d’un règlement en justice. Aucune décision de justice ne permettrait de conclure à un licenciement pour activité syndicale.
- 1326. Pour ce qui est du quatrième exemple, le gouvernement précise que le travailleur en question forma une demande en justice le 14 décembre 1998 invoquant un licenciement abusif. Dans sa demande, il rappelait ses conditions d’engagement depuis 1988 et qu’il était président de la commission du personnel. C’est dans le cadre de cette fonction qu’il aurait conseillé au personnel de ne pas signer de nouveaux contrats établis par l’entreprise et comportant une réduction des jours de congé. Par lettre du 27 mai 1998, il était licencié par son employeur pour des motifs économiques. Il fit opposition au licenciement qu’il considérait comme abusif au sens de l’article 336, alinéa 1 d) et alinéa 2 a) et b), du CO. L’entreprise souligna que le licenciement était justifié par des raisons strictement économiques. Une tentative de conciliation échoua. Le gouvernement indique que le procès-verbal d’audience et de jugement du tribunal des prud’hommes, daté du 19 août 1999, a condamné l’entreprise à payer une indemnité de 14 217 francs, en précisant que «toute autre et plus ample conclusion est rejetée». Le gouvernement souligne que les considérants du jugement n’ayant pas eu à être rédigés, le jugement ne fait pas explicitement mention d’un licenciement abusif, pas plus qu’il ne fait référence à une base légale spécifique. Le gouvernement ajoute qu’aucun recours n’a été formé contre ce procès-verbal et ce jugement et que l’entreprise a fait faillite en 2001.
- 1327. Pour ce qui est du cinquième exemple, le gouvernement souligne qu’il a déjà évoqué le jugement rendu en l’espèce dans la partie II de sa réponse (voir paragr. 58 et 59) et qu’il n’entend pas revenir sur cette décision sauf pour relever qu’elle émane d’une instance judiciaire régulièrement saisie et qu’il a été fait application du principe de l’équité par le juge en présence d’un cas de licenciement abusif.
- 1328. Pour ce qui est du sixième exemple, le gouvernement souligne qu’il a déjà évoqué le jugement en l’espèce dans la partie II de sa réponse (paragr. 59). Il confirme que le tribunal a reconnu que le licenciement était abusif et a ordonné le versement d’une indemnité d’un mois et demi de salaire. Le gouvernement n’entend pas revenir sur cette décision sauf pour relever qu’elle émane d’une instance judiciaire régulièrement saisie et qu’il a été fait application du principe de l’équité. Pour ce qui est du septième exemple, le gouvernement a déjà fait état de la décision rendue dans ce cas, dans la partie II de sa réponse (voir paragr. 58), qui a reconnu une faute grave de la part de l’employeur. Il n’entend pas revenir sur cette décision sauf pour relever qu’elle émane d’une instance judiciaire régulièrement saisie et qu’il a été fait application du principe de l’équité.
- 1329. S’agissant du huitième exemple, le gouvernement confirme que le licenciement a été reconnu comme abusif. Le gouvernement ayant déjà fait état de la décision rendue dans ce cas, dans la partie II de sa réponse (voir paragr. 58), il n’entend pas revenir sur cette décision sauf pour relever qu’elle émane d’une instance judiciaire régulièrement saisie et qu’il a été fait application du principe de l’équité.
- 1330. Pour ce qui est du neuvième exemple, le gouvernement souligne qu’il convient d’apporter les précisions suivantes. Le jugement, dont l’USS a transmis des extraits, a été infirmé par la Cour d’appel de Berne. Les parties ont finalement conclu une convention sous le sceau de la confidentialité. Pour le surplus, la demande d’information adressée par le gouvernement au tribunal bernois compétent a été refusée étant donné que les parties ont conclu une convention sous le sceau de la confidentialité.
- 1331. Pour ce qui est du dixième exemple, le gouvernement indique que l’entreprise a licencié le travailleur avec effet immédiat, en raison de son refus de travailler une demi-heure de plus par jour, conformément aux dispositions de la convention collective applicable. Pour l’entreprise, le licenciement était uniquement motivé par le refus de travailler. Le gouvernement relève que la convention finalement conclue entre les deux parties, sous le sceau de la confidentialité, précise que le paiement dû par l’entreprise repose sur l’article 337 CO, à savoir sur la disposition relative à une résiliation immédiate et injustifiée. Il n’y a donc pas de jugement condamnant, au titre de l’article 336, alinéa 2 a), du CO, l’entreprise pour licenciement abusif motivé par les activités syndicales du travailleur.
- 1332. Pour ce qui est du onzième exemple, le gouvernement rappelle qu’il y a eu deux décisions de justice subséquentes et résume la décision de la Chambre de recours citée plus haut (paragr. 20).
- 4. Partie IV
- 1333. Le gouvernement conclut en faisant valoir que le droit suisse offre une protection adéquate aux délégués et aux représentants syndicaux, appliquant pleinement ainsi l’article 1 de la convention no 98. L’indemnité prévue en matière de licenciement abusif pouvant aller jusqu’à six mois constitue, pour le Parlement, un moyen suffisamment dissuasif eu égard au fait que la très grande majorité des entreprises suisses sont des PME. Le Parlement n’a pas voulu introduire dans le droit suisse du contrat de travail le principe de la réintégration du travailleur licencié qui n’est du reste requis ni par la convention ni par les organes de contrôle de l’OIT. Le système prévu par le droit suisse est le fait d’une décision démocratique, confirmée à la suite de plusieurs interventions parlementaires. Dans ces conditions, il ne saurait être question de proposer une modification législative en instituant une protection supplémentaire contre les actes de discrimination antisyndicale, une telle protection étant vouée à l’échec. En fixant le montant de l’indemnité à accorder au travailleur, le juge fait application du principe d’équité et en tenant compte de toutes les circonstances objectives et subjectives. Le gouvernement souligne que, lors de la procédure de ratification de la convention no 98, aucune intervention n’a demandé la modification de la législation afin de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciement abusif.
- 1334. Le gouvernement ajoute que: 1) la convention no 98 n’est pas directement applicable en Suisse; 2) la convention no 135 n’est pas opposable à la Suisse puisqu’elle ne l’a pas ratifiée et que ce n’est pas une convention fondamentale; 3) les cas cités par l’USS ont tous fait l’objet d’une procédure régulière et les droits des parties ont été respectés.
. Conclusions du comité
. Conclusions du comité- 1335. Le comité note que la plainte soulève la question de savoir si la législation et la pratique nationales garantissent aux délégués et représentants syndicaux dans l’entreprise une protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux, conformément à l’article 1 de la convention no 98 ratifiée par la Suisse.
- Principaux arguments de l’organisation plaignante et du gouvernement
- 1336. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que la législation nationale – soit les articles 336 et 336a du Code des obligations (CO) – ne répond pas aux exigences de la convention no 98, dans la mesure où elle ne prévoit pas la possibilité d’ordonner la réintégration des représentants syndicaux licenciés pour des motifs antisyndicaux et où, de surcroît, l’indemnité prévue dans de tels cas est dérisoire et n’a aucun effet dissuasif. En effet, en vertu de l’article 336a du CO, son montant, fixé par le juge, ne peut dépasser six mois de salaire, et la pratique des tribunaux ces dernières années consiste à allouer dans la plupart des cas trois mois de salaire maximum.
- 1337. Le comité note que l’organisation plaignante indique que, aux termes de la législation nationale, la réintégration dans l’entreprise est prévue seulement dans les cas de licenciements abusifs contrevenant au principe d’égalité de traitement entre femmes et hommes (art. 10 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l’égalité entre femmes et hommes (loi sur l’égalité, LEg)). Les représentants syndicaux devraient être protégés de la même manière puisqu’ils sont les premiers à pouvoir renseigner les travailleurs sur leurs droits en matière d’égalité de traitement. L’organisation plaignante présente à l’appui de ses allégations 11 exemples de licenciements démontrant, selon elle, l’ampleur des pratiques antisyndicales au niveau national.
- 1338. Le comité note que le gouvernement considère que la législation nationale offre une protection adéquate aux délégués et représentants syndicaux contre les actes de discrimination antisyndicale, et ce conformément à l’article 1 de la convention no 98. La genèse des articles 336 et 336a du CO montre que le législateur avait précisément l’intention de renforcer la protection des travailleurs contre les licenciements abusifs. L’indemnité prévue par l’article 336a du CO, qui peut aller jusqu’à six mois de salaire, est suffisamment dissuasive eu égard au fait que la très grande majorité des entreprises suisses sont des petites et moyennes entreprises. Cette indemnité est fixée en équité par le juge, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, dans le cadre d’une procédure simplifiée, gracieuse et rapide lorsque la valeur du litige ne dépasse pas 30 000 francs suisses. En outre, la protection des représentants des travailleurs contre les licenciements abusifs, prévue à l’article 336, alinéa 2 b), du CO, est plus forte que dans les autres cas de licenciements abusifs. En effet, dans ce cas, le licenciement est abusif parce qu’il est donné pendant que le travailleur concerné est représentant des travailleurs au sein d’une commission d’entreprise, et en l’absence de motif justifié de résiliation, motif dont la preuve incombe à l’employeur. Une disposition légale expresse portant protection supplémentaire contre les cas de discrimination antisyndicale n’est donc pas nécessaire.
- 1339. Le comité note que le gouvernement souligne que la convention no 98 n’exige pas la réintégration du travailleur licencié pour motifs antisyndicaux, et que cette exigence ne résulte pas non plus des travaux des organes contrôlant l’application de la convention. A cet égard, pour ce qui est de l’égalité de traitement, la LEg a pour but de promouvoir dans les faits le principe constitutionnel de l’égalité entre femmes et hommes en interdisant toute discrimination fondée sur le sexe dans le domaine de l’emploi. La solution retenue par le législateur, à cette fin, est l’annulabilité du congé et non le principe de la réintégration du travailleur ou de la travailleuse; de plus, il est loisible à l’intéressé(e) de renoncer à l’annulation du congé et de demander une indemnité au sens de l’article 336a du CO.
- 1340. Enfin, le comité note que le gouvernement, au-delà de la protection contre les licenciements, donne des explications sur la protection en général contre les actes de discrimination antisyndicale. A cet égard, il souligne que, lors de la procédure de ratification de la convention, les autorités nationales n’avaient pas constaté de divergences fondamentales entre la convention et la législation nationale. Dans son message relatif à la ratification, le Conseil fédéral avait fait valoir que: 1) outre la protection générale de la personnalité, pouvant être invoquée en matière de discrimination antisyndicale, les travailleurs bénéficiaient d’une protection avant leur engagement par le biais de la loi sur la protection des données (LPD); 2) les travailleurs bénéficient de la protection spéciale prévue à l’article 336, alinéa 2 a), du CO. Pour ce qui est des exemples cités par l’organisation plaignante, le gouvernement indique qu’ils ont tous fait (et font toujours pour certains) l’objet d’une procédure judiciaire régulière au cours de laquelle les droits des parties ont été respectés.
- La législation et la pratique nationales
- 1341. Le comité note que les représentants syndicaux sont protégés contre les licenciements antisyndicaux en vertu de l’article 336, alinéa 2, du CO, l’article 336 étant la disposition générale sur la résiliation abusive. Le comité note à cet égard qu’à l’origine le Conseil fédéral avait proposé une disposition séparée sur la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise contre le licenciement, et que c’est le Parlement qui a finalement décidé d’intégrer cette protection dans l’article général sur le licenciement abusif.
- 1342. Le comité note que l’alinéa 2 de l’article 336 du CO distingue entre le licenciement abusif donné en raison de l’affiliation syndicale ou des activités syndicales légitimes du travailleur (alinéa 2 a)) et le licenciement donné pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d’une commission d’entreprise ou d’une institution liée à l’entreprise (alinéa 2 b)). Le comité a pris bonne note des explications du gouvernement et des décisions de justice soulignant que la protection dans le second cas est renforcée: le licenciement est abusif par le simple fait qu’il est intervenu alors que le travailleur est membre d’une commission d’entreprise ou d’une institution liée à l’entreprise; il incombe alors à l’employeur de prouver le motif justifié de résiliation. Le comité note par ailleurs que, lorsque le travailleur ne peut se prévaloir de cette protection accrue, il doit apporter la preuve que son licenciement est intervenu en raison de son affiliation syndicale ou de ses activités syndicales légitimes. Toutefois, il découle des décisions judiciaires ayant été portées à la connaissance du comité que le juge tient compte de la difficulté qu’il y a à rapporter une telle preuve et présume l’existence d’un licenciement abusif lorsque le travailleur a présenté suffisamment d’indices pour «faire apparaître comme non réel le motif avancé par l’employeur».
- 1343. Le comité note que tous les cas de licenciements abusifs, y compris ceux inscrits à l’alinéa 2 de l’article 336 du CO, donnent lieu au paiement de l’indemnité prévue par l’article 336a du CO. Son montant est fixé par le juge compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et dans la limite du maximum fixé par cet article, soit six mois de salaire. A cet égard, le comité note qu’à l’origine le Conseil fédéral avait proposé dans le cas du licenciement d’un représentant des travailleurs, d’une part, le versement d’une double indemnité (une indemnité fondée sur la disposition spécifique relative aux représentants des travailleurs et une indemnité sur la disposition générale relative au licenciement abusif des travailleurs) et, d’autre part, une limite maximale de douze mois de salaire pour l’indemnité à verser à la victime d’un licenciement abusif. Le comité a pris bonne note des éléments dont le juge tient compte pour fixer l’indemnité et relève que la jurisprudence estime que cette indemnité a une double finalité: elle doit tout à la fois offrir une réparation au travailleur licencié abusivement et sanctionner l’employeur. Elle est due même si la preuve du dommage n’est pas rapportée ou si le dommage n’existe pas.
- 1344. Enfin, le comité note que ce sont les tribunaux civils ou les tribunaux de travail qui sont compétents pour connaître des cas de licenciements abusifs et que la procédure devant ces tribunaux est simplifiée, gracieuse et rapide lorsque la valeur litigieuse ne dépasse pas 30 000 francs suisses. Il arrive aussi dans certains cas que les parties concluent une convention, en étant ainsi en mesure de pouvoir régler leur litige plus rapidement.
- L’analyse de la législation et la pratique nationales
- à la lumière des principes de la liberté syndicale
- 1345. Comme le relèvent tant l’organisation plaignante que le gouvernement, le paragraphe 1 de l’article 1 de la convention no 98 exige que «les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi». L’article 3 de la convention dispose que «des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d’organisation défini par les articles précédents».
- 1346. Il découle de ces deux articles que la convention ne prescrit pas un modèle particulier de protection contre les actes de discrimination antisyndicale mais oblige d’une manière générale les Etats à assurer une protection adéquate en instituant, le cas échéant, «des organismes appropriés aux conditions nationales». Le comité souligne que, selon les principes de la liberté syndicale rappelés ci-dessous, cette protection est constituée de différents éléments, et que la sanction (entendue au sens large et comprenant toute mesure, y compris réparatrice) en est un élément important.
- 1347. D’une manière générale, le comité rappelle qu’il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale, afin d’assurer l’efficacité pratique de l’article 1 de la convention no 98. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 697.] Plus particulièrement, pour ce qui est des dirigeants et délégués syndicaux, un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi
- – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.]
- 1348. Pour ce qui est des procédures tendant à assurer l’efficacité de l’article 1 de la convention no 98, le comité rappellera les principes suivants:1) le comité a souligné que l’existence de normes législatives fondamentales interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante si celles-ci ne s’accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique. C’est ainsi que, par exemple, il peut être souvent difficile, sinon impossible, à un travailleur d’apporter la preuve qu’il a été victime d’une mesure de discrimination antisyndicale. C’est dans ce sens que prend toute son importance l’article 3 de la convention no 98 qui prévoit que des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d’organisation [voir Recueil, op. cit., paragr. 740]; 2) outre les mécanismes de protection préventive contre les actes de discrimination antisyndicale (tels, par exemple, qu’une demande d’autorisation préalable de l’inspection du travail avant de procéder au licenciement d’un dirigeant syndical), un moyen complémentaire d’assurer une protection efficace pourrait consister à faire obligation à l’employeur d’apporter la preuve de la nature non syndicale du motif qui sous-tend son intention de licencier un travailleur [voir Recueil, op. cit., paragr. 752]; 3) le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 741.]
- 1349. Le comité note qu’à bien des égards la législation et la pratique nationales sont conformes aux principes précités. En effet, il existe aux termes de la législation nationale une protection contre les actes de discrimination antisyndicale, et la question a été attentivement examinée par les autorités suisses lors de la ratification de la convention no 98. Bien que le présent cas porte seulement sur les licenciements pour motifs antisyndicaux, le comité relève qu’il existe une protection expresse des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale au moment de l’embauche, en vertu de la loi sur la protection des données (LPD). Le comité note également que la protection est également expresse pour les licenciements pour motifs antisyndicaux et pour les représentants élus des travailleurs. Le comité a également pris bonne note des observations du gouvernement sur l’article 12 de la loi fédérale sur la participation (LPart) sur la protection des membres de la représentation élue des travailleurs dans l’entreprise qui est complétée par l’article 336, alinéa 2 a) et b), du CO. Enfin, le comité relève le renversement de la charge de la preuve, inscrit dans la loi, lorsqu’un représentant élu des travailleurs est licencié, et l’allègement de la charge de la preuve, admis par les tribunaux, pour les travailleurs qui allèguent un licenciement antisyndical mais qui ne sont pas des représentants élus des travailleurs.
- 1350. Le comité prend aussi note des explications du gouvernement sur la procédure judiciaire applicable aux actes de discrimination antisyndicale. De fait, le comité note les délais suivants de certains des exemples cités dans la plainte: dans le cas du troisième exemple, il s’est écoulé un peu plus de trois mois entre la notification du licenciement et la conclusion de la convention mettant fin au litige; dans le quatrième exemple, il s’est écoulé un peu plus de huit mois entre l’introduction de la demande en justice et le jugement; dans le onzième exemple, il s’est écoulé huit mois entre l’introduction d’une demande en justice et le jugement de première instance, et un peu plus de quatre mois entre ce jugement et l’arrêt de la Chambre de recours.
- 1351. Pour ce qui est de la sanction proprement dite, le comité rappellera les principes suivants: 1) le comité a précisé qu’il n’apparaît pas qu’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 707; voir également 326e rapport, cas no 2116, paragr. 592; 332e rapport, cas no 2262, paragr. 394; 333e rapport, cas no 2186, paragr. 351]; 2) il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale afin d’assurer l’efficacité pratique des articles 1 et 2 de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 743.] Quant à la question de la réintégration en cas de licenciement antisyndical, le comité rappelle que: 1) nul ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 755]; 2) le gouvernement doit prendre des mesures pour que les syndicalistes qui le souhaitent soient réintégrés dans leurs fonctions lorsqu’ils ont été licenciés pour des activités liées à la création d’un syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 757.]
- 1352. En l’espèce, le comité note que le maximum de l’indemnité prévue à l’article 336a CO a été fixé par le Parlement pour avoir un effet préventif, en tenant compte des circonstances nationales suivantes: le salaire moyen national et le fait que la très grande majorité des travailleurs sont employés par des petites et moyennes entreprises. Le comité note que les tribunaux considèrent que l’indemnité doit tout à la fois réparer et punir et qu’elle est due par le simple fait du caractère abusif du licenciement, sans que le travailleur ait besoin de prouver l’existence d’un dommage.
- 1353. Toutefois, le comité note que l’indemnité prévue en cas de licenciement abusif est la même que le travailleur soit licencié en raison de son affiliation ou de son activité syndicale légitime, ou de son mandat au sein d’une commission d’entreprise, ou qu’il soit licencié pour un autre motif constituant un licenciement abusif. Le comité relève à cet égard que le gouvernement explique très clairement que «la loi ne fait aucune différence entre l’indemnité due en cas de licenciement antisyndical et celle due dans les autres cas de licenciements … les tribunaux pouvant tenir compte du motif du licenciement (antisyndical ou non) en fixant l’indemnité dans le cas d’espèce». Le comité note que des exemples fournis par l’organisation plaignante, et notamment le huitième et le onzième exemple, les tribunaux n’accordent pas systématiquement l’indemnité maximale en cas de licenciement antisyndical. Le comité retient aussi l’allégation de l’organisation plaignante, selon laquelle «la pratique des tribunaux, ces dernières années, consiste à n’allouer, dans la plupart des cas, que trois mois de salaire au maximum». Bien que le comité ne soit pas en mesure de vérifier le bien-fondé de cette allégation à partir seulement de 11 exemples, dont certains montrent que le montant maximum est accordé par les tribunaux quand ils l’estiment justifié, le comité note que le gouvernement n’a pas rejeté clairement cette allégation.
- 1354. Il ressort du paragraphe précédent que, aux termes de la législation et de la pratique nationales, le montant maximum de l’indemnité qui peut être reçu par un travailleur est le même pour les licenciements antisyndicaux que pour les autres cas de licenciements abusifs, les tribunaux pouvant tenir compte du motif de licenciement pour fixer le montant de l’indemnité. En outre, le comité note que, à la lumière des informations fournies par le gouvernement, la législation nationale prévoit l’annulabilité du licenciement en cas de violation du principe de l’égalité de traitement qui est un principe inscrit dans la Constitution nationale comme l’est la liberté syndicale. Enfin, le comité note que, dans le cadre de la fonction publique fédérale suisse, l’annulation de la résiliation de l’engagement de l’employé est possible dans certains cas.
- 1355. Compte tenu de ce qui précède, le comité invite le gouvernement, de concert avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, à examiner la situation actuelle en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements pour motifs antisyndicaux afin que, à la lumière des principes exposés ci-dessus et si la discussion tripartite l’estime nécessaire, des mesures soient prises pour qu’une telle protection soit réellement efficace dans la pratique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1356. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité invite le gouvernement, de concert avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, à examiner la situation actuelle en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements pour motifs antisyndicaux afin que, à la lumière des principes exposés ci-dessus et si la discussion tripartite l’estime nécessaire, des mesures soient prises pour qu’une telle protection soit réellement efficace dans la pratique. Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations sur l’évolution de la situation quant aux questions traitées dans ce cas.
Annexe
Annexe- III. Protection contre les congés
- 1. Résiliation abusive
- a) Principe
- Article 336 [1]
- 1. Le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie:
- a) pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre partie, à moins que cette raison n’ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l’entreprise;
- b) en raison de l’exercice par l’autre partie d’un droit constitutionnel, à moins que l’exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l’entreprise;
- c) seulement afin d’empêcher la naissance de prétentions juridiques de l’autre partie, résultant du contrat de travail;
- d) parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail;
- e) [2] parce que l’autre partie accomplit un service obligatoire, militaire ou dans la protection civile, ou un service civil, en vertu de la législation fédérale, ou parce qu’elle accomplit une obligation légale lui incombant sans qu’elle ait demandé de l’assumer.
- 2. Est également abusif le congé donné par l’employeur:
- a) en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l’exercice conforme au droit d’une activité syndicale;
- b) pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d’une commission d’entreprise ou d’une institution liée à l’entreprise et que l’employeur ne peut prouver qu’il avait un motif justifié de résiliation;
- c) [3] sans respecter la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs (art. 335f).
- 3. Dans les cas prévus à l’alinéa 2, lettre b), la protection du représentant des travailleurs dont le mandat a pris fin en raison d’un transfert des rapports de travail (art. 333) est maintenue jusqu’au moment où ce mandat aurait expiré si le transfert n’avait pas eu lieu [4].
- b) Sanction
- Article 336a [5]
- 1. La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l’autre une indemnité.
- 2. L’indemnité est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur. Sont réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre.
- 3. En cas de congé abusif au sens de l’article 336, alinéa 2, lettre c), l’indemnité ne peut s’élever au maximum qu’au montant correspondant à deux mois de salaire du travailleur [6].
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- Notes:
- [1] Nouvelle teneur selon le chapitre I de la loi fédérale du 18 mars 1988, en vigueur depuis le 1er janvier 1989 (RO 1988 1472 1479; FF 1984 II 574).
- [2] Nouvelle teneur selon le chapitre 3 de l’annexe à la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil, en vigueur depuis le 1er octobre 1996 (RS 824.0).
- [3] Introduite par le chapitre I de la loi fédérale du 17 décembre 1993, en vigueur depuis le 1er mai 1994 (RO 1994 804 807; FF 1993 I 757).
- [4] Introduit par le chapitre I de la loi fédérale du 17 décembre 1993, en vigueur depuis le 1er mai 1994 (RO 1994 804 807; FF 1993 I 757).
- [5] Nouvelle teneur selon le chapitre I de la loi fédérale du 18 mars 1988, en vigueur depuis le 1er janvier 1989 (RO 1988 1472 1479; FF 1984 II 574).
- [6] Introduit par le chapitre I de la loi fédérale du 17 décembre 1993, en vigueur depuis le 1er mai 1994 (RO 1994 804 807; FF 1993 I 757).
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