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- 1297. Le Syndicat unifié des métallurgistes (BIRLESIK METAL-IS) a soumis la plainte dans une communication en date du 31 mai 2004, à laquelle était jointe une lettre datée du 22 mars 2004 et adressée par l’organisation plaignante au bureau de l’OIT à Ankara. L’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans une communication datée du 1er juin 2005.
- 1298. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 30 août 2004, à laquelle étaient joints un certain nombre de documents rédigés en turc, notamment des observations de l’organisation d’employeurs concernée, à savoir l’Union turque des industriels du métal (MESS). Le gouvernement a présenté des informations supplémentaires dans des communications datées des 7 janvier et 23 septembre 2005.
- 1299. La Turquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- Entreprise Colakoglu Métallurgie
- 1300. L’organisation plaignante indique que l’entreprise Colakoglu Métallurgie, sise à Gebze, compte environ 1 000 employés; elle est membre de l’Union turque des industriels du métal (MESS). Au moment où se sont produits les événements faisant l’objet de la plainte, l’entreprise était couverte par une convention collective conclue entre la MESS et l’organisation plaignante; en fait, ces deux organisations passaient des conventions collectives depuis un certain nombre d’années.
- 1301. L’organisation plaignante affirme que, dans la nuit du 11 mars 2004, les travailleurs qui venaient juste de terminer l’équipe de nuit et qui se rendaient à l’autobus qui les ramènerait chez eux ont été stoppés en chemin du fait de la fermeture des grilles de l’usine. L’employeur a demandé à ces travailleurs de se réunir dans le réfectoire de l’usine. Dans cette salle, le cinquième notaire de Gebze, invité par la direction, attendait lesdits travailleurs, en compagnie de représentants d’un autre syndicat, le Syndicat turc du métal. L’organisation plaignante affirme que les travailleurs de l’équipe de nuit ainsi que les travailleurs qui arrivaient pour prendre leurs fonctions au sein de l’équipe suivante ont tous été obligés de démissionner du syndicat et de s’affilier au Syndicat turc du métal; 700 travailleurs ont ainsi été forcés de signer 12 formulaires, six formulaires pour leur démission et six formulaires pour leur affiliation. Ces formalités ont été accomplies en seulement dix heures.
- 1302. L’organisation plaignante déclare avoir demandé au tribunal du travail de Gebze d’ouvrir immédiatement une enquête officielle en vue de «déterminer les preuves»; à cette fin, le tribunal a désigné un juriste, lequel s’est rendu sur les lieux où se sont déroulés les événements. L’organisation plaignante cite ensuite ce qu’elle présente comme étant la déclaration de l’expert. Dans cette citation, l’expert explique qu’il est arrivé à 16 h 45, en même temps que le juge du travail de Gebze et d’autres personnes. Ils ont vu 50 personnes qui attendaient à l’extérieur de l’usine et ont remarqué que les autobus n’étaient pas partis bien que leur horaire de travail fût dépassé. Le secrétaire du cinquième notaire de Gebze était dans le réfectoire de l’usine avec 50 autres personnes. Le personnel du notaire maniait un certain nombre de documents imprimés. Ces documents comprenaient six formulaires de démission et six formulaires d’affiliation par travailleur. Sur ces documents étaient imprimés les logo, nom, adresse, numéro de téléphone, secteur d’activité et numéro de dossier du Syndicat turc du métal. L’expert et ses collègues ont contrôlé les actes établis par le notaire et ont signalé que les formulaires de démission ne spécifiaient ni le nom du travailleur ni le nom et l’adresse de l’entreprise; en outre, les informations requises concernant l’identité des travailleurs n’y étaient pas portées. Par ailleurs, les formulaires portaient la mention imprimée suivante: «Je confirme que je démissionne du syndicat susmentionné; je demande que les formalités requises à cette fin soient effectuées conformément à la loi sur les syndicats no 2821. Date/signature.» Les travailleurs ne faisaient que signer ces documents. Les formulaires ne contenaient aucune autre déclaration ou confirmation. De même, les formulaires d’affiliation n’avaient pas été remplis, notamment les rubriques réservées aux travailleurs. Les formulaires d’affiliation portaient la signature de ces derniers sous la mention imprimée suivante: «Ayant lu la constitution de votre syndicat, je ne vois aucun obstacle à en devenir membre. Veuillez accepter ma demande d’affiliation. Date/signature.» Aucune copie des cartes d’identité des travailleurs n’était jointe. Au total, 614 séries de documents ont été traitées. Lorsque l’expert et ses collègues sont arrivés, mais aussi lorsqu’ils sont partis, des travailleurs à l’intérieur de l’usine protestaient contre cette manipulation.
- 1303. Selon l’organisation plaignante, le rapport de l’expert a démontré que la procédure suivie par le notaire contrevenait à la loi sur le notariat à deux égards. D’une part, un notaire commet un délit si, à la demande d’une partie intéressée, il se rend sur les lieux où se sont déroulés des événements pour y recueillir les papiers et les documents nécessaires. Les notaires sont tenus d’exercer leurs fonctions dans leur étude. D’autre part, les actes établis par le notaire n’ont pas été enregistrés dans le «Journal officiel du notaire». L’organisation plaignante a donc saisi le tribunal du travail de Gebze; il a finalement été établi que l’enregistrement des actes avait été retardé d’une journée.
- 1304. En outre, l’organisation plaignante affirme que le fait que l’employeur ait retardé le départ des autobus montre que ses membres avaient été illégalement contraints de démissionner de celle-ci et de s’affilier à un autre syndicat. Le fait que 100 travailleurs attendaient à l’extérieur et à l’intérieur de l’usine est une autre preuve évidente de l’intention de l’employeur. L’organisation plaignante rappelle à cet égard que ses membres faisant partie de l’équipe de nuit n’ont pu rentrer chez eux et ont été enfermés dans l’usine jusqu’au matin suivant. On les a forcés à se regrouper dans le réfectoire avec les travailleurs de l’équipe de jour. Les dirigeants du Syndicat turc du métal et l’employeur ont contraint l’ensemble de ces travailleurs, sous la menace de licenciement, à démissionner de leur syndicat et à adhérer au Syndicat turc du métal.
- 1305. L’organisation plaignante renvoie également à une déclaration faite par le directeur de l’usine selon laquelle, affirme-t-elle, les travailleurs qui décidaient de changer de syndicat ne perdraient pas leurs droits et ne seraient pas licenciés. Selon l’organisation plaignante, le directeur de l’usine a expressément déclaré: «Ainsi que je l’ai déjà annoncé, je garantis personnellement la sécurité d’emploi de nos travailleurs. Un climat de paix sera désormais instauré sur notre lieu de travail.» Le plaignant considère que, lorsqu’un employeur tient de tels propos, il faut y voir une menace explicite. Cette déclaration prouve le degré d’implication de l’employeur dans cette affaire.
- 1306. L’organisation plaignante affirme également que des armes, décrites dans la lettre du 22 mars 2004 comme étant trois armes à feu et dix gros bâtons, ont été trouvées dans la voiture du président de la section Sakarya du Syndicat turc du métal et que la présence de ces armes a été consignée dans un document officiel de la police. Des poursuites en justice ont été engagées; au cours du procès, les défendeurs ont prétendu qu’ils se rendaient à Adapazari alors que, selon l’organisation plaignante, on les avait interceptés sur la route conduisant à l’usine Colakoglu. Dans sa lettre du 22 mars 2004, l’organisation plaignante a laissé entendre que des «hommes du Syndicat turc du métal munis d’armes à feu» étaient présents pendant l’accomplissement des formalités de démission et d’affiliation. L’organisation plaignante a affirmé qu’ils étaient si pressés qu’ils n’ont pas demandé aux travailleurs leur carte d’identité, sachant parfaitement bien qu’ils pourraient remplir les formulaires d’adhésion en obtenant toutes les informations nécessaires auprès de l’employeur.
- 1307. L’organisation plaignante souligne que, en vertu de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out, le syndicat conserve sa compétence jusqu’à expiration de la période de validité de la convention collective. Dans l’entreprise Colakoglu Métallurgie, le syndicat compétent jusqu’en septembre 2004 était l’organisation plaignante. Malgré cela, on a empêché ses représentants d’exercer leurs fonctions, et en particulier d’entrer dans l’usine, en violation des dispositions de la convention collective en vigueur. Le Syndicat turc du métal, en revanche, pouvait organiser des réunions à l’intérieur de l’usine avec l’accord et l’approbation de l’employeur. L’organisation plaignante estime que cela montre bien que l’employeur avait pris parti pour un syndicat aux dépens d’un autre.
- 1308. L’organisation plaignante déclare avoir engagé une action en justice au niveau national et avoir attendu les conclusions de l’examen du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Malgré toutes les preuves produites par l’organisation plaignante, le ministère a reconnu la compétence du Syndicat turc du métal. Dans sa lettre du 22 mars 2004, l’organisation plaignante a affirmé que les travailleurs de l’entreprise Colakoglu Métallurgie ont commencé, un par un, à lui apporter à nouveau leur soutien.
- 1309. Dans sa communication du 1er juin 2005, l’organisation plaignante ajoute qu’un représentant de l’entreprise Colakoglu Métallurgie a déclaré, dans une déposition effectuée auprès de l’inspecteur du travail les 22 et 23 juillet 2004, que la direction avait, lors des événements du 11 mars 2004, demandé l’appui des forces de sécurité pour empêcher les membres du conseil exécutif de ladite organisation de pénétrer dans l’usine, malgré le fait que cette dernière, à ce moment-là, était en droit, en tant que syndicat représentant, d’avoir accès au lieu de travail. L’employeur est donc intervenu pour forcer les travailleurs à démissionner du syndicat. L’organisation plaignante joint également une lettre dans laquelle elle pose certaines questions concernant les réponses fournies par l’entreprise Colakoglu Métallurgie à la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie, notamment: pourquoi l’employeur a-t-il verrouillé les portes de l’usine et a-t-il réuni les travailleurs dans le réfectoire? Qui a décidé que les véhicules de service devraient attendre pendant des heures? Quel était le rôle des bandes placées devant les grilles de l’usine? Pourquoi deux armes à feu ont-elles été trouvées par la police dans la voiture à bord de laquelle circulait le président de la section Sakarya du Syndicat turc du métal (l’organisation plaignante prétend, à cet égard, être en possession de procès-verbaux d’audience)? Qui a fait venir le notaire à l’usine alors que, sauf circonstances exceptionnelles, les notaires doivent exercer leurs fonctions dans leur étude? Si les employés ont démissionné du syndicat de leur propre volonté, comment se fait-il que pas un seul d’entre eux ne se soit rendu chez le notaire pour y effectuer les démarches requises? Pourquoi les représentants du syndicat compétent aux yeux de la loi ne sont-ils pas reconnus et autorisés à pénétrer dans l’usine conformément aux dispositions de la convention collective? Pourquoi le directeur de l’usine a-t-il fait une déclaration écrite dans laquelle il soulignait qu’il garantissait personnellement la sécurité d’emploi des travailleurs? Ne s’agit-il pas là, manifestement, d’une menace? Pourquoi l’employeur, dans cette lettre, parle-t-il en termes positifs du Syndicat turc du métal et en termes négatifs de l’organisation plaignante? Le fait que l’employeur relève qu’un climat de paix et de sécurité s’est instauré après les événements ne constitue-t-il pas une expression de son opinion?
- Grammer A.S.
- 1310. Dans sa lettre du 22 mars 2004, adressée au bureau de l’OIT à Ankara et jointe à la plainte, l’organisation plaignante a affirmé que des violations des droits syndicaux avaient été commises dans une usine située à Bursa et appartenant à une entreprise multinationale allemande appelée Grammer A.S. L’organisation plaignante a expliqué qu’elle avait commencé à organiser les travailleurs dans cette entreprise. Elle a affirmé que le directeur avait alors commencé à licencier les travailleurs qui participaient à l’organisation d’activités syndicales et qu’il avait fait des déclarations laissant entendre qu’il continuerait à licencier les travailleurs qui auraient des contacts avec l’organisation plaignante. Cinquante-quatre travailleurs avaient été licenciés au moment où l’organisation plaignante a adressé sa lettre au bureau de l’OIT à Ankara. L’organisation plaignante a également déclaré que, selon les informations qu’elle avait reçues, des travailleurs avaient, par la suite, été contraints de se rendre en autobus chez le notaire pour démissionner du syndicat. La direction de l’entreprise a appelé la police en renfort lorsque les travailleurs ne souhaitant pas monter dans les autobus ont commencé à opposer de la résistance.
- 1311. L’organisation plaignante joint à sa communication du 1er juin 2005 une lettre adressée par le directeur général de l’entreprise Grammer A.G. au secrétaire général de la Fédération européenne des métallurgistes. Dans cette lettre, datée du 20 avril 2004, la direction de la société Grammer A.G. reconnaît qu’une violation a été commise. Le directeur général de l’entreprise a indiqué qu’il avait été troublé par les allégations de violation au sein de la filiale Grammer A.S. et qu’afin d’avoir une meilleure compréhension de la situation des ressources supplémentaires avaient été mobilisées pour appuyer l’équipe de direction locale. Il a également déclaré que les mesures prises par l’entreprise Grammer A.S. étaient inopportunes et que la société mère travaillait actuellement à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures visant à corriger la situation, notamment la réintégration des employés qui avaient été licenciés. L’organisation plaignante joint également un protocole d’accord conclu entre elle et l’entreprise Grammer A.S. le 26 mars 2004, soit juste avant que le directeur général n’adresse à la Fédération européenne des métallurgistes la lettre mentionnée précédemment. L’article 4 de cet accord stipule que «les employés qui ont été licenciés réintégreront leur emploi le 29 mars 2004; en outre, DISK BIRLESIK METAL-IS et l’entreprise Grammer engageront, à partir du 1er avril 2004, des négociations conjointes avec un petit nombre de ces travailleurs».
- 1312. L’organisation plaignante estime que la lettre du directeur général et le protocole d’accord sont en complète contradiction avec le rapport d’enquête de l’inspecteur du travail, qui a conclu que la seule violation qui avait commise était la résiliation de trois contrats de travail sans motif valable.
- 1313. L’organisation plaignante allègue que les prétendues mesures pour corriger la situation n’ont pas été mises en œuvre, exception faite de la réintégration des travailleurs. La direction de l’entreprise Grammer A.S. a embauché 238 nouveaux travailleurs à la même date que celle à laquelle elle a licencié 54 membres de l’organisation plaignante, à savoir le 18 mars 2004. Selon l’organisation plaignante, l’entreprise a agi de la sorte pour augmenter le niveau de représentation devant être atteint pour avoir la compétence pour la négociation collective sur le lieu de travail et ainsi empêcher le syndicat d’obtenir la représentation majoritaire requise. Afin de se faire délivrer le certificat requis, le syndicat a retiré sa demande et l’a soumise à nouveau le 29 mars 2004. La direction a cependant poursuivi ses actions visant à empêcher le syndicat d’organiser ses activités, licenciant 16 travailleurs et embauchant 39 nouveaux travailleurs, en violation de la loi sur l’assurance sociale, ce pour quoi l’employeur a été contraint de payer une amende administrative de 34 686 000 000 LT. En conséquence, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a délivré le certificat de syndicat majoritaire au Syndicat turc du métal qui, avant les incidents opposant la direction de l’entreprise Grammer à l’organisation plaignante, ne comptait que 15 membres sur le lieu de travail. L’affaire est en instance devant le tribunal depuis quinze mois.
- 1314. Une action en justice intentée contre l’ancien directeur du personnel de l’entreprise Grammer, qui avait été licencié, a été rejetée par le tribunal, ce dernier ayant décidé que le défendant n’était pas responsable de la décision d’embaucher de nouveaux travailleurs et d’en licencier d’autres dans le but d’empêcher l’organisation plaignante de mener ses activités et de soutenir un autre syndicat (texte en turc ci-joint). Or une déclaration manuscrite émanant de Ihsan Sur, rédigée en turc et jointe à la plainte, revêt une importance particulière, selon l’organisation plaignante, en cela qu’elle met en relief les violations qui ont été commises au sein de l’entreprise Grammer. Selon cette déclaration, quand Ihsan Sur est arrivé à l’usine pour prendre son poste, on lui a remis une série de documents à remplir. On lui a également dit qu’il devrait devenir membre du Syndicat turc du métal, faute de quoi il ne pourrait commencer à travailler. Comme il avait besoin d’un emploi, on l’a amené, le 9 avril 2004, ainsi que 20 ou 25 autres travailleurs nouvellement embauchés, à l’étude du notaire no 14 au moyen des véhicules de service de l’entreprise. C’est contre sa volonté, et sous la contrainte exercée par Mural Altiparmak, dont le rôle n’est pas précisé, qu’il est allé chez ce notaire. Des hommes se présentant comme étant des responsables du Syndicat turc du métal et qui n’étaient pas des employés de l’usine se trouvaient à bord de l’autobus. Mural Altiparmak a ordonné que l’on amène les travailleurs chez le notaire afin d’y procéder à leur affiliation au Syndicat turc du métal. Chez le notaire, la plupart des personnes nouvellement engagées ont, contre leur volonté et sous l’emprise de la peur, signé certains documents. Parmi ceux-ci figurait un formulaire de six pages ayant trait à l’affiliation. L’auteur de la déclaration a également signé des formulaires de démission vierges. L’organisation plaignante ajoute que les conclusions déposées par les avocats de l’entreprise Grammer auprès du premier tribunal du travail de Bursa, le 17 août 2004, constituent un autre élément de preuve important. Les défenseurs, dans ce document, admettent que certains responsables ont tenté de forcer les travailleurs nouvellement embauchés à devenir membres d’un autre syndicat (texte en turc ci-joint).
- B. Réponse du gouvernement
- Entreprise Colakoglu Métallurgie
- 1315. Dans sa communication du 30 août 2004 concernant les allégations formulées à l’encontre de l’entreprise Colakoglu Métallurgie, le gouvernement indique que la procédure applicable pour l’obtention du «certificat de compétence» dont un syndicat a besoin pour conclure une convention collective est régie par le deuxième chapitre de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out. Le gouvernement souligne que toutes les informations envoyées par les organisations syndicales, les employeurs et les notaires au ministère du Travail et de la Sécurité sociale sont traitées par voie électronique par le département compétent, de sorte qu’il ne peut y avoir d’«évaluation erronée» pendant la procédure prévue pour déterminer la compétence d’un syndicat donné, notamment celle de l’organisation plaignante. Le gouvernement précise que, en tout état de cause, cette dernière a fait opposition auprès du deuxième tribunal du travail de la province de Kocaeli et que l’affaire est pendante.
- 1316. Le gouvernement affirme qu’aucun élément de preuve ne vient corroborer les allégations. Il a produit, à l’appui de sa déclaration, plusieurs documents résumés ci-après, à savoir: 1) les observations formulées par l’organisation d’employeurs concernée, à savoir la MESS, dans une communication datée du 30 juillet 2004; 2) deux notifications de la direction de l’entreprise, dont l’une est datée du 25 mars 2004; 3) un rapport daté du 9 juillet 2004 contenant l’analyse réalisée par l’inspecteur du travail principal à la suite des visites qu’il a effectuées à l’entreprise les 10 et 11 juin 2004; 4) les comptes rendus des 22 et 23 juillet 2004 de l’inspecteur du travail en chef; 5) le rapport du 2 avril 2004 de l’expert nommé par le tribunal du travail de Gebze pour contrôler la procédure de changement d’affiliation syndicale suivie par le notaire.
- 1317. Dans une communication en date du 23 septembre 2005, le gouvernement a indiqué que la validité de la démission des travailleurs de l’organisation plaignante et de leur affiliation au Syndicat turc du métal était contestée devant le tribunal du travail de Gebze. La décision du ministère du Travail et de la Sécurité sociale de reconnaître la compétence du Syndicat turc du métal pour la négociation sur le lieu de travail susmentionné fait également l’objet d’une action devant le deuxième tribunal du travail de Kocaeli intentée par l’organisation plaignante. Les deux affaires sont en instance, et le gouvernement se conformera à la décision qui sera rendue.
- Observations de l’Union turque des
- industriels du métal (MESS)
- 1318. La MESS explique que la société en commandite par actions Colakoglu Métallurgie a été fondée en 1966 et qu’elle est membre de son organisation depuis 1989. Des conventions collectives ont été conclues depuis 1974. Jamais, en trente ans, l’entreprise n’a-t-elle manifesté une quelconque préférence concernant le syndicat autorisé à exercer son activité sur le lieu de travail. L’organisation d’employeurs déclare qu’il n’y a que peu de différence entre «les conventions collectives de groupe» – et qu’il n’y en a, en fait, aucune sur le plan des montants se rapportant aux clauses financières – qu’elle a conclues avec trois organisations de travailleurs, dont l’organisation plaignante et le Syndicat turc du métal. La teneur des conventions signées entre la MESS, d’une part, et l’organisation plaignante et le Syndicat turc du métal, d’autre part, confirme cette quasi-absence de différence. Il n’y a donc pas de raison pour que la Colakoglu Métallurgie S.A. préfère le Syndicat turc du métal et fasse pression sur ses travailleurs pour qu’ils s’affilient à ce syndicat.
- 1319. S’agissant de ce cas précis, la MESS confirme que, le 11 mars 2004, il y a eu une démission collective de l’organisation plaignante, suivie d’une affiliation collective au Syndicat turc du métal. D’après l’organisation d’employeurs, ce changement d’affiliation syndicale était dû à des difficultés internes rencontrées par l’organisation plaignante. La Colakoglu Métallurgie S.A. n’a exercé aucune pression sur ses travailleurs pour qu’ils changent de syndicat. A l’appui de ses affirmations, l’organisation d’employeurs renvoie aux comptes rendus de l’inspection du travail datés des 22 et 23 juillet 2004 joints à la réponse du gouvernement et résumés ci-après. L’organisation d’employeurs, à cet égard, déclare ce qui suit: les représentants syndicaux sur le lieu de travail ont soumis leur candidature aux élections qui se sont tenues au siège de l’organisation plaignante en décembre 2003, tout en soutenant d’autres candidats. Ces candidats n’ont finalement pas été élus. La nouvelle équipe dirigeante de l’organisation plaignante a alors refusé de collaborer avec les représentants syndicaux de la Colakoglu Métallurgie S.A. et a essayé de nommer ses propres représentants. Les travailleurs, après avoir résisté à ces tentatives pendant dix jours, ont finalement pris la décision de démissionner de l’organisation plaignante. Celle-ci a fait pression sur les travailleurs pour qu’ils reconsidèrent leur position. De ce fait, certaines actions menées à l’extérieur du lieu de travail ont commencé à compromettre le fonctionnement paisible de l’entreprise. La direction est néanmoins restée impartiale et n’est intervenue en aucune manière dans les affaires syndicales.
- 1320. La MESS réfute l’allégation selon laquelle des travailleurs ont été enfermés à l’intérieur de l’usine et contraints de démissionner de l’organisation plaignante. Elle indique qu’au contraire la direction a informé les travailleurs du fait qu’ils avaient le droit de s’affilier au syndicat de leur choix et que ce droit était inscrit dans la Constitution. L’exercice de ce droit ne pouvait donc en aucun cas entraîner une perte de droit ou un licenciement et la sécurité d’emploi était garantie par l’entreprise. L’employeur a fait cette déclaration non pas pour influencer le choix des travailleurs, mais pour préserver la paix sur le lieu de travail ainsi que la production.
- 1321. Enfin, la MESS affirme que le notaire a été invité par les travailleurs eux-mêmes à venir sur le lieu de travail afin de procéder aux formalités relatives à l’affiliation syndicale. La présence du notaire ne constituait nullement une ingérence de la part de l’employeur. Par ailleurs, l’organisation d’employeurs indique que, compte tenu du conflit qui opposait les travailleurs à l’organisation plaignante, cette dernière n’a pas été autorisée à accéder au lieu de travail pendant que le notaire procédait aux formalités de démission et d’affiliation.
- Notifications de la direction
- 1322. La première notification, datée du 25 mars 2003, a été publiée sous le nom de l’entreprise et comporte la signature du directeur de l’usine. Dans cette notification, l’entreprise reconnaît que les travailleurs, en démissionnant de l’organisation plaignante et en s’affiliant au Syndicat turc du métal, ont exercé «leur droit constitutionnel», et que «la sécurité d’emploi [...] dépend de l’entreprise Colakoglu Métallurgie S.A., où [les travailleurs] ont travaillé dans un climat de paix pendant des années. La sécurité d’emploi de tous nos collègues de bonne foi est garantie.» La société appelle ses employés à ne pas céder «à ceux qui [...] veulent perturber la paix du travail». Cette notification se termine par l’affirmation suivante: «Nous sommes convaincus que tous nos travailleurs feront preuve à cet égard de tout le discernement voulu.»
- 1323. La deuxième notification a été publiée sous les nom et signature du directeur de l’usine. Celui-ci y souligne que les changements d’affiliation syndicale n’entraîneront ni perte de droit ni licenciement. Faisant référence à la précédente notification, il réaffirme qu’il se porte garant des emplois de tous les travailleurs. Le directeur de l’usine évoque également les pressions exercées par des éléments extérieurs dans le but de perturber la paix du travail. Rappelant que l’usine a toujours été un lieu dans lequel régnait un climat de paix et de sécurité, il se dit convaincu que les employés continueront d’accomplir leur travail «avec la même loyauté et la même détermination qu’auparavant».
- Analyse de l’inspecteur du travail principal à la
- suite de la visite qu’il a effectuée à l’entreprise
- les 10 et 11 juin 2004 (rapport du 9 juillet 2004)
- 1324. Dans sa communication, le gouvernement indique que l’organisation plaignante a saisi diverses instances, notamment le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Dès qu’il a reçu ces allégations, l’inspecteur du travail principal du ministère, M. Mehmet Gökçay, a entrepris d’examiner la situation; à cette fin, il s’est rendu à l’entreprise les 10 et 11 juin 2004. L’inspecteur du travail avait pour mission de déterminer si des pressions à caractère antisyndical avaient été exercées sur les travailleurs. Il a eu des entretiens avec des représentants syndicaux et avec l’employeur. Son rapport est résumé ci-après.
- 1325. Le rapport précise tout d’abord que l’entreprise emploie 966 travailleurs. Il qualifie l’organisation plaignante de syndicat compétent et confirme qu’une «convention collective du travail de groupe» était en vigueur dans l’entreprise pendant la période 2002-2004, 164 ouvriers n’étant toutefois pas couverts pas cette convention. Le représentant de l’employeur a assuré à l’inspecteur du travail que l’entreprise n’avait en aucune façon provoqué la démission collective de l’organisation plaignante et qu’elle n’était nullement intervenue dans les affiliations au Syndicat turc du métal. Le 21 mai 2004, l’inspecteur du travail a interrogé le représentant syndical principal, lequel a expliqué qu’avant le 11 mars 2004 il était le représentant de l’organisation plaignante. Il a indiqué qu’environ 650 travailleurs avaient librement démissionné de cette organisation de leur plein gré pour adhérer au Syndicat turc du métal (une copie de la déclaration du représentant syndical principal, telle qu’elle a été transcrite par l’inspecteur du travail, a été transmise par le gouvernement). Deux représentants sur le lieu de travail ont confirmé ces dires et l’un d’eux a souligné qu’un travailleur était resté membre de l’organisation plaignante sans pour autant être licencié.
- 1326. Le rapport indique qu’après la visite de l’inspecteur du travail une communication signée par 166 travailleurs a été envoyée au bureau de l’inspection du travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Dans cette communication, les signataires ont déclaré vouloir porter à l’attention du bureau de l’inspection du travail qu’ils avaient démissionné de l’organisation plaignante et adhéré au Syndicat turc du métal de façon libre et volontaire. Dans son évaluation, l’inspecteur du travail principal indique qu’il «estime que les travailleurs qui étaient membres de [l’organisation plaignante] en ont démissionné le 11 mars 2004 et sont devenus membres du Syndicat turc du métal [...] librement et de leur plein gré».
- 1327. Compte tenu de son analyse, et sur la foi de la pétition signée par 166 travailleurs, l’inspecteur du travail conclut qu’aucune pression à caractère antisyndical n’a été exercée à l’encontre des travailleurs.
- Comptes rendus de l’inspecteur du travail en chef
- des 22 et 23 juillet 2004
- 1328. Les comptes rendus susmentionnés ont été rédigés sur la base d’une autre analyse effectuée par l’inspecteur du travail en chef, M. Canpolat Ceran, les 22 et 23 juillet 2004. Il semble que cette seconde analyse ait été entreprise après que la plainte déposée auprès du comité a été transmise au gouvernement. L’inspecteur du travail en chef explique d’emblée que la convention collective du travail de groupe conclue entre la MESS et l’organisation plaignante était toujours en vigueur au moment où l’inspection a été effectuée car elle avait été conclue pour la période comprise entre le 1er septembre 2002 et le 30 août 2004.
- 1329. L’inspecteur du travail en chef indique que, depuis novembre 1974, moment où des conventions collectives ont commencé à être conclues au sein de l’entreprise, lesdites conventions ont été appliquées sans interruption, à l’exception d’une grève de quinze jours en 1989. Selon l’inspecteur du travail en chef, les relations professionnelles au sein de l’entreprise se caractérisent par «une très bonne compréhension mutuelle».
- 1330. L’inspecteur du travail en chef explique avoir établi les faits suivants: après les élections de la section de Gebze, tenues en octobre 2003, des élections de siège ont été organisées en décembre 2003. Des représentants syndicaux sur le lieu de travail étaient candidats à ces élections ou soutenaient certains candidats qui ont finalement perdu tant les élections de section que les élections de siège. Après ces élections, la nouvelle équipe dirigeante du syndicat a tenté de nommer d’autres représentants sur le lieu de travail. Les représentants syndicaux de l’époque et les travailleurs ne se sentaient pas à l’aise dans cette situation. Le 11 mars 2004, pour mettre fin aux dissensions internes du syndicat, les travailleurs ont fait venir le cinquième notaire de Gebze. Environ 640 travailleurs ont, ce jour-là, démissionné de l’organisation plaignante et sont devenus membres du Syndicat turc du métal. Dans le même temps, l’organisation plaignante a saisi le tribunal du travail de Gebze, alléguant que l’employeur avait exercé des pressions à ses dépens et que des infractions au droit applicable aux notaires avaient été commises. S’agissant du rapport rédigé par l’expert désigné par le tribunal, l’inspecteur du travail en chef estime qu’il n’aborde pas la question des pressions qui auraient pu être exercées et qu’il ne saurait donc constituer une preuve en la matière. Ce rapport, en fait, se borne à examiner la procédure suivie par le notaire.
- 1331. L’inspecteur du travail en chef indique que, le 4 mai 2004, le Syndicat turc du métal a adressé une demande au ministère du Travail et de la Sécurité sociale en vue d’être reconnu en tant que syndicat ayant compétence pour la négociation collective. Le 17 mai 2004, en application de l’article 13 de la loi no 2822, le ministère a reconnu la compétence de ce syndicat, celui-ci répondant aux critères de représentativité. Le ministère en a ensuite informé toutes les parties concernées. Lorsque la décision du ministère lui a été notifiée, l’organisation plaignante l’a contestée devant le tribunal, mettant en cause tant la reconnaissance de la compétence du Syndicat turc du métal que les circonstances dans lesquelles cette reconnaissance est intervenue. L’inspecteur du travail en chef indique que l’affaire est pendante.
- 1332. L’inspecteur du travail en chef indique que deux travailleurs, sur 966, ont décidé de rester membres de l’organisation plaignante et qu’une «cotisation de membre» était donc déduite de leur salaire pour le compte de ce syndicat. Il précise qu’aucune «cotisation de membre» n’est retenue sur le salaire des travailleurs membres de l’autre syndicat. L’inspecteur du travail en chef déclare que la convention collective de travail conclue entre la MESS et l’organisation plaignante continue de s’appliquer aux travailleurs qui ont démissionné de cette dernière et adhéré au Syndicat turc du métal.
- 1333. L’inspecteur du travail en chef cite ensuite une déclaration du représentant de l’employeur. Dans cette déclaration, celui-ci réitère que l’employeur n’a pas fait pression sur les travailleurs pour les inciter à changer d’affiliation syndicale et que cette affaire a pour seule origine un conflit interne. Ce sont les travailleurs qui ont invité le cinquième notaire à se rendre sur le lieu de travail afin de procéder aux formalités de démission et d’affiliation. La direction ne s’est pas opposée à la présence du notaire. Le représentant de l’employeur estime qu’il n’y a pas eu déni de droits syndicaux car les travailleurs ont pu adhérer librement au syndicat de leur choix. Le représentant de l’employeur explique que, pour empêcher des éléments extérieurs d’accéder à l’usine pendant que l’on procédait aux formalités de démission et d’affiliation, l’assistance de la province de Gebze et du chef du département de la sécurité a été sollicitée; les forces de sécurité ont donc pris les mesures nécessaires. Le représentant de l’employeur a réitéré que, depuis le 11 mars 2004, aucun employé n’avait été licencié et que les seuls cas de résiliation de contrat étaient des cas de départ à la retraite ou de démission.
- Rapport du 2 avril 2004 établi par l’expert
- nommé par le tribunal du travail
- 1334. Le gouvernement souligne que le rapport ne porte que sur des aspects de la procédure suivie par le notaire, à l’exclusion de toute autre question. Le rapport, dont copie a été jointe à la réponse du gouvernement, peut se résumer comme suit.
- 1335. Le rapport, rédigé par un juriste, est adressé au bureau du juge du tribunal du travail de Gebze. L’expert a consigné la déclaration du notaire concernant le changement d’affiliation syndicale de 613 travailleurs. Ce dernier a ainsi indiqué que les noms et signatures des travailleurs figuraient sur les formulaires de démission et d’affiliation et que les autres rubriques à remplir étaient vides. Le notaire, à cet égard, a déclaré: «J’ai pris sur moi de remplir les […] rubriques vides.» L’expert note dans son rapport que le notaire n’a pas enregistré les démissions et les affiliations le jour où elles ont été effectuées et que cela constituait une violation de la loi sur le notariat. Il semble que cette lacune ait été corrigée le jour suivant. Le rapport de l’expert ne contient aucune information sur quelque autre question que ce soit.
- Grammer A.S.
- 1336. Dans sa communication du 7 janvier 2005, le gouvernement indique qu’à la suite de la saisine, le 22 mars 2004, de la direction du travail de la province de Bursa – lieu où se trouve l’entreprise – par l’organisation plaignante un inspecteur du travail a entrepris un examen de la situation et qu’il s’est notamment penché sur un certain nombre de documents et de procès-verbaux communiqués par l’employeur. Le rapport de l’inspecteur du travail, en date du 30 avril 2004, est annexé à la communication du gouvernement et peut être résumé comme suit.
- 1337. Le rapport fournit d’abord des informations générales sur l’entreprise, laquelle emploie 856 travailleurs, indiquant en particulier qu’elle ne compte aucun syndicat reconnu. Les faits suivants, tels qu’ils ont été établis par l’inspecteur du travail, doivent être mis en exergue:
- – l’entreprise n’est couverte par aucune convention collective;
- – les contrats de 54 travailleurs ont été résiliés le 18 mars 2004, en vertu de l’article 25/II de la loi sur le travail no 4857, aux motifs que les actions et le comportement desdits travailleurs avaient entraîné une baisse de la production, qu’ils avaient menacé d’autres travailleurs, qu’ils avaient persisté, en dépit de plusieurs avertissements, à faire preuve d’un comportement agressif et perturbateur et, enfin, que leur travail n’était pas satisfaisant;
- – hormis les lettres de résiliation, il n’existe aucun document relatif aux motifs pour lesquels les 54 résiliations ont été décidées; en outre, l’employeur n’a pas informé les autorités compétentes des licenciements;
- – sur les 54 travailleurs, 51 ont contesté leur licenciement devant le troisième tribunal du travail de Bursa, 47 d’entre eux exigeant leur réintégration tandis que quatre travailleurs demandaient le versement d’une compensation;
- – trois travailleurs n’ont pas engagé d’action en justice et deux d’entre eux ont été réembauchés par l’employeur à compter du 13 avril 2004.
- 1338. Les représentants de l’employeur ont notamment déclaré aux inspecteurs du travail que l’affiliation syndicale n’avait eu aucune influence quelle qu’elle soit sur les résiliations de contrats et qu’aucune pression n’avait été exercée à l’encontre des travailleurs pour les faire monter dans les autobus et pour qu’ils se rendent chez le notaire afin de démissionner de l’organisation plaignante. En effet, selon les représentants de l’employeur, il n’est pas possible d’identifier les travailleurs qui sont membres d’un syndicat ou encore les syndicats concernés. Les représentants de l’employeur ont assuré à l’inspecteur du travail que les travailleurs sont libres d’adhérer au syndicat de leur choix et qu’ils en ont été informés par les représentants sur le lieu de travail.
- 1339. Sur la base de son examen, l’inspecteur du travail est notamment parvenu aux conclusions suivantes:
- – aucune action administrative ne pouvait être entreprise pour le moment concernant les 51 travailleurs ayant contesté la résiliation de leur contrat devant le tribunal du travail de Bursa;
- – pour ce qui est des trois travailleurs n’ayant pas saisi les tribunaux, l’inspecteur du travail a estimé que l’employeur n’avait fourni aucune preuve à l’appui des motifs de résiliation; les licenciements étaient injustifiés et, de plus, les travailleurs n’avaient pas été préalablement notifiés de la résiliation de leur contrat, en violation de l’article 17 de la loi sur le travail; l’inspecteur du travail en a donc conclu que les trois travailleurs devaient recevoir, en lieu et place de la notification, un paiement équivalant à huit semaines de leurs salaires respectifs, ainsi qu’une indemnité de licenciement; il convient d’ajouter que, s’agissant des deux travailleurs ayant été réembauchés, l’inspecteur du travail a considéré que leur emploi avait cessé le 18 mars 2004 et qu’un nouveau contrat de travail avait été conclu lorsqu’ils ont été réengagés le 13 avril 2004;
- – l’inspecteur n’a pas pu établir le caractère antisyndical des résiliations de contrats ou le fait que des pressions avaient été exercées sur les travailleurs pour qu’ils démissionnent de l’organisation plaignante; l’inspecteur du travail a donc décidé qu’aucune action administrative ne s’imposait à cet égard et a informé l’organisation plaignante qu’elle pouvait saisir les tribunaux pour contester cette conclusion.
- 1340. Le gouvernement indique que les conclusions du rapport de l’inspecteur du travail ont été dûment notifiées à l’employeur et à l’organisation plaignante au moyen de deux lettres en date du 18 mai 2004 (copies de ces lettres ont été transmises par le gouvernement).
- 1341. Dans une communication datée du 23 septembre 2005, le gouvernement ajoute qu’une visite de l’inspection du travail a été effectuée le 14 mai 2004 à la demande de l’organisation plaignante et de son organisation rivale, le Syndicat turc du métal, afin de déterminer qui détenait la compétence pour conclure une convention collective sur le lieu de travail. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, conformément aux dispositions de l’article 13 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out, a déterminé que le Syndicat turc du métal était l’organisation comptant le plus grand nombre de membres sur le lieu de travail susmentionné et, partant, lui a délivré le certificat de compétence requis, rejetant ainsi la demande de l’organisation plaignante que l’on reconnaisse sa compétence pour la négociation sur le lieu de travail. L’organisation plaignante a engagé deux actions devant le tribunal du travail, demandant l’annulation de la décision du ministère de refuser de lui accorder la compétence ainsi que de sa décision de reconnaître la compétence de son organisation rivale. Au cours des audiences du premier tribunal du travail de Bursa, l’avocat de l’employeur a reconnu que la société mère de l’entreprise de Bursa désapprouvait la manière dont agissait sa filiale et a informé le tribunal que les travailleurs licenciés avaient été réintégrés; pour ce qui est des poursuites judiciaires intentées par les travailleurs licenciés eux-mêmes, selon les informations obtenues auprès du troisième tribunal du travail de Bursa, certaines de ces requêtes en sont restées au stade introductif, les plaignants n’ayant pas donné suite, tandis que toutes les autres réclamations, à l’exception de deux, ont été retirées par les plaignants. Le 1er juillet 2005, le premier tribunal du travail de Bursa a décidé que, compte tenu des irrégularités commises dans les procédures d’embauche de certains nouveaux travailleurs et dans les procédures de licenciement d’autres travailleurs, il y avait simulation sur le lieu de travail et que, par conséquent, la décision du ministère de refuser l’accréditation de l’organisation plaignante était annulée et la compétence de cette dernière reconnue. Le Syndicat turc du métal a interjeté appel le 27 juillet 2005. La deuxième action en justice engagée par l’organisation plaignante contre la décision du ministère de reconnaître la compétence du Syndicat turc du métal est encore en instance, et l’OIT sera tenue informée des éléments nouveaux s’y rapportant.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1342. Le comité note que la présente plainte porte sur des allégations selon lesquelles l’entreprise Colakoglu Métallurgie a contraint environ 700 travailleurs à démissionner de l’organisation plaignante et à s’affilier au Syndicat turc du métal; de ce fait, l’organisation plaignante a perdu son statut de syndicat ayant compétence pour la négociation collective et a été empêchée d’accéder au lieu de travail pour y mener ses activités. Il est également allégué que l’entreprise Grammer A.S. a licencié 54 membres de l’organisation plaignante et a embauché d’autres personnes pour les remplacer, tandis que d’autres membres ont été menacés de licenciement ou contraints de démissionner du syndicat dans le but d’empêcher le plaignant d’être reconnu compétent pour la négociation collective.
- Entreprise Colakoglu Métallurgie
- 1343. Le comité note que, selon l’organisation plaignante: 1) au moment où se sont produits les événements, l’entreprise était couverte par une convention collective conclue entre l’Union turque des industriels du métal (MESS, organisation d’employeurs à laquelle l’entreprise Colakoglu Métallurgie est affiliée) et l’organisation plaignante; en fait, ces deux organisations passaient des conventions collectives depuis un certain nombre d’années; 2) dans la nuit du 11 mars 2004, les travailleurs qui venaient juste de terminer l’équipe de nuit ont été stoppés alors qu’ils se rendaient à l’autobus de service et l’employeur leur a demandé de se réunir dans le réfectoire; 3) dans cette salle, le cinquième notaire de Gebze, invité par l’employeur, ainsi que des représentants d’un autre syndicat, le Syndicat turc du métal, attendaient les employés qui venaient de terminer de travailler ainsi que ceux qui arrivaient pour prendre leurs fonctions au sein de l’équipe suivante; 4) environ 700 travailleurs, sur un total de 1 000, ont été obligés de démissionner de l’organisation plaignante et de s’affilier au Syndicat turc du métal; 5) les dirigeants du Syndicat turc du métal et l’employeur ont contraint l’ensemble de ces travailleurs, sous la menace de licenciement, de démissionner de leur syndicat et d’adhérer au Syndicat turc du métal; 6) des déclarations du directeur de l’usine selon lesquelles il garantissait personnellement la sécurité d’emploi des travailleurs après qu’un climat de paix aurait été instauré dans l’entreprise constituaient des menaces indirectes à l’encontre des travailleurs qui ne souhaiteraient pas quitter le syndicat; 7) des armes (trois armes à feu et dix gros bâtons) ont été trouvées dans la voiture du président de la section Sakarya du Syndicat turc du métal, la présence de ces armes ayant été consignée dans un document officiel de la police (non fourni); au cours du procès, les défendeurs ont prétendu qu’ils se rendaient à Adapazari alors que, selon l’organisation plaignante, ils se rendaient à l’usine Colakoglu; 8) des hommes munis d’armes à feu étaient apparemment présents pendant que l’on procédait aux démissions et aux affiliations; 9) un expert mandaté par le tribunal du travail pour examiner les preuves a indiqué que les travailleurs présents dans l’usine ont protesté contre cette manipulation; 10) depuis les changements intervenus au sein des effectifs de l’organisation plaignante, les représentants de cette dernière ont été empêchés de pénétrer dans l’usine, en violation des dispositions de la convention collective en vigueur et de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out, qui prévoit que le syndicat conserve sa compétence jusqu’à l’expiration de la convention collective; le Syndicat turc du métal, en revanche, a pu organiser des réunions dans l’usine avec l’accord et l’approbation de l’employeur; 11) la procédure suivie par le notaire contrevenait à la loi sur le notariat, celui-ci ayant exercé ses fonctions en dehors de son étude et n’ayant pas enregistré les actes établis dans son minutier (il a ensuite été établi que l’enregistrement avait été retardé d’une journée); 12) l’organisation plaignante a engagé une action en justice contre la décision du ministère du Travail et de la Sécurité sociale de reconnaître la compétence du Syndicat turc du métal pour la négociation collective.
- 1344. Le comité note que le gouvernement a notamment joint à sa réponse deux rapports de l’inspection du travail et les observations de l’Union turque des industriels du métal (MESS). Dans sa réponse, le gouvernement affirme que: 1) depuis 1974, moment où des conventions collectives ont commencé à être en vigueur au sein de l’entreprise Colakoglu Métallurgie, jamais la direction n’a manifesté une quelconque préférence concernant le syndicat autorisé à exercer son activité sur le lieu de travail; selon l’inspecteur du travail en chef, les relations professionnelles au sein de l’entreprise se caractérisaient par «une très bonne compréhension mutuelle»; 2) des «conventions collectives de groupe» ont été conclues entre la MESS et trois organisations de travailleurs, dont l’organisation plaignante et le Syndicat turc du métal, ces conventions ne présentant que des différences minimes entre elles, et aucune sur le plan financier; il n’y a donc pas de raison pour que l’entreprise Colakoglu Métallurgie préfère l’un ou l’autre syndicat; 3) selon les deux rapports de l’inspection du travail, les démissions collectives de l’organisation plaignante résultent de difficultés internes rencontrées par cette dernière et aucune pression n’a été exercée par l’employeur; 4) en décembre 2003, en particulier, l’équipe dirigeante nouvellement élue de l’organisation plaignante a refusé de collaborer avec les représentants syndicaux précédents de l’entreprise Colakoglu Métallurgie et a tenté de nommer de nouveaux représentants, ce à quoi les travailleurs se sont opposés; 5) après avoir résisté pendant dix jours, les travailleurs ont finalement décidé de démissionner de l’organisation plaignante; celle-ci a alors exercé des pressions sur eux pour qu’ils reconsidèrent leur position, ce qui a donné lieu à certaines actions menées à l’extérieur du lieu de travail qui ont commencé à compromettre le fonctionnement paisible de l’entreprise; 6) la direction de l’entreprise est restée impartiale afin de préserver le climat de paix ainsi que la production; elle s’est bornée à informer les travailleurs qu’ils avaient le droit constitutionnel de s’affilier au syndicat de leur choix et que l’exercice de ce droit n’entraînerait ni perte de droit ni licenciement; 7) le notaire a été invité par les travailleurs eux-mêmes à venir, le 11 mars 2004, sur le lieu de travail afin de procéder aux formalités relatives à l’affiliation syndicale; l’employeur ne s’est pas opposé à sa présence; 8) 640 travailleurs ont, ce jour-là, démissionné de l’organisation plaignante et sont devenus membres du Syndicat turc du métal; deux travailleurs, sur 966, ont décidé de rester membres de l’organisation plaignante; 9) en raison du conflit qui opposait les travailleurs à l’organisation plaignante, cette dernière n’a pas été autorisée à accéder au lieu de travail pendant que le notaire procédait aux formalités de démission et d’affiliation; 10) par la suite, 166 travailleurs ont déclaré par écrit à l’inspecteur du travail qu’ils avaient démissionné de l’organisation plaignante et adhéré librement et volontairement au Syndicat turc du métal; 11) l’organisation plaignante a saisi le tribunal du travail de Gebze, alléguant des pressions exercées à son encontre par l’employeur et des violations de la loi sur le notariat; 12) l’expert désigné par le tribunal n’a pas abordé dans son rapport la question des pressions qui auraient pu être exercées sur les travailleurs pour qu’ils démissionnent du syndicat, se bornant à examiner la procédure suivie par le notaire (et constatant des irrégularités mineures qui ont été corrigées); 13) l’affaire portant sur la validité de la démission des travailleurs membres de l’organisation plaignante et de leur affiliation au Syndicat turc du métal est toujours en instance devant le tribunal du travail de Gebze; 14) à la suite d’une demande adressée par le Syndicat turc du métal en date du 4 mai 2004, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a décidé, le 17 mai 2004, de reconnaître la compétence de cette organisation pour la négociation collective, les critères de représentativité ayant été remplis (art. 13 de la loi no 2822); 15) après avoir été notifiée de la décision du ministère, l’organisation plaignante a contesté cette dernière devant le deuxième tribunal du travail de Kocaeli où l’affaire est en instance.
- 1345. Au vu des informations dont il dispose, le comité observe que cette affaire semble porter en grande partie sur un différend au sein du mouvement syndical. Il rappelle qu’une situation qui n’implique pas de différend entre le gouvernement et les organisations syndicales, mais ne résulte que d’un conflit au sein du mouvement syndical, est du seul ressort des parties intéressées. Les conflits qui éclatent au sein d’un syndicat échappent à la compétence du comité et doivent être tranchés par les parties elles-mêmes avec ou sans l’assistance de l’autorité judiciaire ou d’un médiateur indépendant. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 962 et 972.]
- 1346. Pour ce qui est des allégations d’ingérence et de favoritisme de la part de l’employeur dans le cadre de ce différend, le comité constate que, compte tenu des informations contradictoires fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement, il n’est pas en mesure de se prononcer sur cette question. Le comité note toutefois que deux affaires liées à cette réclamation sont en instance devant les tribunaux depuis presque deux ans – l’une concernant la validité de la démission des travailleurs de l’organisation plaignante et de leur affiliation au Syndicat turc du métal, l’autre concernant la reconnaissance de la compétence du Syndicat turc du métal pour la négociation collective. Le comité souligne l’importance d’examiner les plaintes découlant de cette affaire le plus rapidement possible afin de mettre un terme à ce différend et exprime l’espoir que les tribunaux se prononceront sur ces questions sans plus attendre. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard et de lui transmettre une copie des décisions dès qu’elles auront été rendues.
- 1347. S’agissant des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles on aurait empêché ses représentants de remplir leurs fonctions et, en particulier, de pénétrer dans l’usine, le comité rappelle que les organisations syndicales minoritaires qui se sont fait refuser le droit de négocier collectivement doivent pouvoir mener leurs activités, notamment parler au nom de leurs membres et les représenter en cas de revendication individuelle. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 313.] Le comité demande donc au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe et de le tenir informé à cet égard.
- Grammer A.S.
- 1348. Le comité note que, selon l’organisation plaignante: 1) 54 travailleurs ayant pris part à l’organisation d’activités syndicales au sein de l’entreprise Grammer A.S. ont été licenciés le 18 mars 2004; 2) d’autres travailleurs ont été menacés de licenciement s’ils continuaient à avoir des contacts avec l’organisation plaignante; 3) ces travailleurs ont, par la suite, été contraints par l’entreprise, avec le soutien de la police, de se rendre chez un notaire afin de démissionner de l’organisation plaignante; 4) un travailleur a déclaré, dans une déclaration manuscrite, avoir été forcé, ainsi que 20 à 25 autres travailleurs nouvellement embauchés, à s’affilier au Syndicat turc du métal le 9 avril 2004; 5) le directeur général de la société mère, Grammer A.G., dont le siège se trouve en Allemagne, a indiqué, dans une lettre datée du 20 avril 2004 et adressée au secrétaire général de la Fédération européenne des métallurgistes, que «certaines des mesures prises par l’entreprise Grammer A.S. (Turquie) ne sont pas conformes à la législation sur le travail et au code de conduite observé par notre entreprise. Nous travaillons actuellement à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures visant à corriger la situation, notamment la réintégration des employés qui ont été licenciés» (lettre jointe à la communication de l’organisation plaignante); 6) un protocole d’accord signé le 26 mars 2004 entre les représentants de l’entreprise Grammer A.G. et l’organisation plaignante prévoyait que tous les travailleurs seraient réintégrés et que des négociations conjointes entre l’organisation plaignante et l’employeur seraient engagées à partir du 1er avril 2004 (lettre jointe à la communication de l’organisation plaignante); 7) les 54 travailleurs concernés ont bien été réintégrés; cependant, 238 autres travailleurs ont été embauchés le 18 mars 2004, c’est-à-dire le jour même où les 54 travailleurs mentionnés précédemment avaient été licenciés; qui plus est, 16 autres travailleurs ont été licenciés et 39 autres personnes embauchées, en violation de la loi sur l’assurance sociale, ce pour quoi l’employeur a été contraint de payer une amende administrative; 8) ces changements ont eu pour conséquence que l’organisation plaignante n’a pas pu se faire reconnaître comme syndicat ayant compétence pour la négociation collective; 9) le Syndicat turc du métal, en revanche, a été reconnu compétent, malgré le fait qu’avant ces incidents il ne comptait que 15 membres sur le lieu de travail; 10) l’organisation plaignante a saisi les tribunaux et l’affaire est en instance devant le premier tribunal du travail de Bursa depuis quinze mois; 11) les avocats de l’entreprise Grammer ont, le 17 août 2004, reconnu devant le tribunal que certains responsables avaient tenté de forcer les travailleurs nouvellement embauchés à devenir membres d’un autre syndicat.
- 1349. Le comité note que, selon le gouvernement: 1) 51 des 54 travailleurs licenciés ont, dans un premier temps, contesté leur licenciement devant le troisième tribunal du travail de Bursa; 2) un inspecteur du travail qui a enquêté sur ces dénonciations s’est abstenu de tirer quelque conclusion que ce soit concernant le cas de ces 51 travailleurs, l’affaire étant toujours en instance devant le tribunal; 3) l’inspecteur du travail a examiné les cas des trois autres travailleurs et a conclu que leur licenciement était injustifié car ces derniers n’en avaient pas été notifiés; il n’a cependant pas examiné la question de la discrimination antisyndicale. Il a décidé que les trois travailleurs concernés devaient recevoir, en lieu et place de la notification, un paiement équivalant à huit semaines de salaire ainsi qu’une indemnité de licenciement; deux de ces travailleurs ont, entre-temps, été réengagés par l’entreprise à compter du 13 avril 2004; 4) à la suite d’une demande adressée par l’organisation plaignante et le Syndicat turc du métal afin de déterminer l’organisation compétente pour conclure une convention collective, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a constaté que le Syndicat turc du métal comptait le plus grand nombre de membres sur le lieu de travail et lui a délivré le certificat de compétence requis, rejetant ainsi la demande de l’organisation plaignante; 5) l’organisation plaignante a engagé deux actions devant le tribunal du travail, demandant l’annulation de la décision du ministère refusant de lui accorder compétence, ainsi que l’annulation de celle reconnaissant la compétence de l’organisation rivale; 6) au cours des audiences du premier tribunal du travail de Bursa, l’avocat de l’employeur a reconnu que la société mère de l’entreprise de Bursa désapprouvait la manière d’agir de sa filiale et a informé le tribunal que les travailleurs licenciés avaient été réintégrés; les poursuites judiciaires que ces derniers avaient engagées en vue d’obtenir leur réintégration ou une compensation ont été abandonnées; 7) le premier tribunal du travail de Bursa a décidé, le 1er juillet 2005, que compte tenu des irrégularités commises dans les procédures d’embauche de certains nouveaux travailleurs et de licenciement d’autres travailleurs la décision du ministère concernant la compétence pour mener la négociation collective devait être annulée et la compétence de l’organisation plaignante reconnue; 8) le Syndicat turc du métal a interjeté appel le 27 juillet 2005; 9) la deuxième action en justice engagée par l’organisation plaignante contre la décision du ministère de reconnaître la compétence du Syndicat turc du métal est encore en instance, et le BIT sera tenu informé des éléments nouveaux concernant cette affaire.
- 1350. Tout en se félicitant du fait que l’entreprise Grammer A.S. ait reconnu que des actes de discrimination antisyndicale avaient été commis au sein de sa filiale de Bursa et qu’elle ait, de sa propre initiative, pris des mesures pour corriger la situation, notamment la réintégration de tous les travailleurs licenciés, le comité note avec regret que l’inspection du travail initialement chargée d’enquêter sur les dénonciations s’est abstenue d’examiner la question de la discrimination antisyndicale. Le comité rappelle que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales et qu’il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 696.] Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’on remédie pleinement à tous les effets qu’auraient pu avoir les actes de discrimination antisyndicale commis en mars 2004 au sein de l’entreprise Grammer A.S. sur les effectifs de l’organisation plaignante, notamment dans le cadre des dispositions que la direction a, de son plein gré, prises à cette fin, et de le tenir informé à cet égard.
- 1351. Le comité note également que le premier tribunal du travail de Bursa a décidé, le 1er juillet 2005, que compte tenu des irrégularités commises dans les procédures d’embauche de certains nouveaux travailleurs et de licenciement d’autres travailleurs la décision du ministère concernant la compétence pour mener la négociation collective devait être annulée et la compétence de l’organisation plaignante en la matière reconnue; le comité note en outre que le Syndicat turc du métal a fait appel de cette décision le 27 juillet 2005. Il note également qu’une autre action en justice intentée par l’organisation plaignante contre la décision du ministère de reconnaître la compétence du Syndicat turc du métal est toujours en instance et que le BIT sera tenu informé des éléments nouveaux concernant cette affaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure en cours portant sur la reconnaissance de l’organisation syndicale ayant compétence pour la négociation collective au sein de l’entreprise Grammer A.S.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1352. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) S’agissant des deux affaires en instance portant sur la validité de la démission des travailleurs de l’organisation plaignante et de leur affiliation au Syndicat turc du métal ainsi que sur la reconnaissance de la compétence du Syndicat turc du métal pour la négociation collective au sein de l’entreprise Colakoglu Métallurgie, le comité exprime l’espoir que les tribunaux se prononceront sur ces questions sans plus attendre et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard et de lui transmettre une copie des décisions dès qu’elles auront été rendues.
- b) Pour ce qui est des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles on aurait empêché ses représentants de remplir leurs fonctions, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect du principe selon lequel les organisations syndicales minoritaires à qui est refusé le droit de négocier collectivement doivent pouvoir mener leurs activités, notamment parler au nom de leurs membres et les représenter en cas de revendication individuelle, et de le tenir informé de la situation à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’on remédie pleinement à tous les effets qu’auraient pu avoir les actes de discrimination antisyndicale commis en mars 2004 au sein de l’entreprise Grammer A.S. sur les effectifs de l’organisation plaignante, notamment dans le cadre des dispositions que la direction a, de son plein gré, prises à cette fin, et de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures en cours portant sur la reconnaissance de l’organisation syndicale ayant compétence pour la négociation collective au sein de l’entreprise Grammer A.S.