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- 824. La présente plainte figure dans une communication datée du 3 avril 2006 de l’Association colombienne des footballeurs professionnels (ACOLFUTPRO). Le 4 mai 2006, la Fédération internationale des footballeurs professionnels (FIFPRO) soutient la plainte présentée par ACOLFUTPRO. Le 25 mai 2006, ACOLFUTPRO a présenté des informations complémentaires. Le 3 novembre 2006, elle a envoyé des informations concernant la nature de son organisation.
- 825. Dans une communication datée du 14 août 2006, le gouvernement a fait parvenir ses observations et a mis en cause la recevabilité de la plainte.
- 826. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 827. Dans ses communications datées des 3 avril et 25 mai 2006, l’Association colombienne des footballeurs professionnels (ACOLFUTPRO), en sa qualité de seule organisation existante représentant les footballeurs professionnels et d’affiliée à la Fédération internationale des footballeurs professionnels (FIFPRO), a présenté une plainte contre le gouvernement de la Colombie dans laquelle elle allègue le refus de la Fédération colombienne de football (COLFUTBOL) et de la Grande division de football colombien (DIMAYOR) qui regroupe des clubs professionnels de football de négocier collectivement. Concrètement, elle allègue que, le 17 août 2004, il y a eu une réunion entre ACOLFUTPRO, COLFUTBOL et DIMAYOR en vue de discuter le statut du joueur. Dans ladite réunion, toutes les parties se sont mutuellement reconnues comme représentantes des footballeurs et des clubs de football et ont discuté des questions diverses telles que le statut du joueur émis par COLFUTBOL et son ajustement à la législation du travail et aux dispositions de la Fédération internationale du football associé ainsi que l’adoption conjointe d’un modèle de contrat de travail qui pourrait servir à tous les clubs professionnels. Les 8 et 23 février et le 7 juin 2005, d’autres réunions se sont tenues avec les mêmes objectifs. Au cours de cette dernière, les représentants des footballeurs ont demandé aux employeurs (clubs professionnels) de respecter les droits professionnels des footballeurs et que le statut du joueur élaboré par COLFUTBOL respecte la réglementation nationale et internationale. A cet effet, les représentants des employeurs ont proposé la présentation d’un nouveau statut à ACOLFUTPRO pour qu’il soit discuté entre les parties et ont également demandé que, afin de régler les aspects professionnels, ACOLFUTPRO présente un cahier de revendications en vue de parvenir à un accord collectif.
- 828. Le 5 juillet 2005, les footballeurs ont approuvé à l’unanimité le texte du cahier de revendications qu’ACOLFUTPRO a présenté le 7 juillet à COLFUTBOL et à DIMAYOR, en tant que représentants des employeurs. Le 18 juillet 2005, ACOLFUTPRO a proposé de convenir d’un calendrier pour la discussion du projet de statut du joueur colombien ainsi que de dates pour la négociation collective. Après plusieurs réunions manquées, le 22 août 2005, les présidents de COLFUTBOL et de DIMAYOR ont renvoyé le cahier de revendications en arguant du fait qu’ils n’étaient pas les employeurs et n’avaient donc pas le pouvoir légal de négocier le cahier. Cependant, selon l’organisation plaignante, conformément à la circulaire O80 du 24 août 2005 émanant de DIMAYOR et de COLFUTBOL, ils reconnaissent avoir été autorisés à discuter les questions professionnelles avec les représentants des travailleurs. L’organisation plaignante ajoute qu’en tout cas, et conformément à la législation colombienne (art. 433 du Code du travail), si DIMAYOR et COLFUTBOL ont considéré qu’elles n’étaient pas compétentes pour négocier le cahier de revendications, elles auraient dû le transmettre à l’autorité compétente en la matière. C’est pour cette raison qu’ACOLFUTPRO a demandé à l’autorité du travail d’infliger des sanctions à DIMAYOR et à COLFUTBOL. Suite à la paralysie des conversations, et après avoir tenu des assemblées à ce sujet dans les dix-huit clubs de football affectés, les travailleurs ont décidé, le 30 août 2005, d’avoir recours à la grève. Dans le même temps, l’organisation plaignante a demandé l’intervention du ministère de la Protection sociale pour réactiver les négociations. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement a répondu par le biais de l’Unité spéciale d’inspection, surveillance et contrôle du ministère de la Protection sociale qu’il avait rempli son rôle en encourageant des réunions avec les présidents des clubs dans ceux où ces derniers ont indiqué leur volonté que chaque club négocie avec ses propres joueurs. L’organisation plaignante allègue qu’une telle attitude implique la non-reconnaissance d’ACOLFUTPRO en tant que représentant des travailleurs.
- 829. ACOLFUTPRO allègue également que les footballeurs ont subi des harcèlements et des pressions pour les empêcher de participer à la grève: ils ont été en effet menacés de licenciement et d’autres actes de discrimination antisyndicale.
- 830. Enfin, dans sa communication datée du 3 novembre 2006, ACOLFUTPRO envoie une information complémentaire en ce qui concerne la nature de l’organisation et envoie en annexe:
- a) une copie des statuts de l’Association colombienne des footballeurs professionnels dans laquelle la finalité et l’objet de l’organisation sont établis: ils consistent à «défendre les droits du joueur de football professionnel colombien»;
- b) une copie d’un procès-verbal d’accord dans lequel DIMAYOR, COLFUTBOL et ACOLFUTPRO s’engagent à discuter «dans sa complétude, à la lumière de la Constitution et des normes légales en vigueur, le projet de statut du joueur colombien qui a été élaboré par le Comité exécutif de COLFUTBOL qui, en pertinence, consacrera les droits fondamentaux du travail et inclura dans l’aspect professionnel les questions suivantes. 1. Cadre général du contrat de travail […]. 2. Obligations […] des clubs et des joueurs; 3. Régime disciplinaire […]; 10. Fin du contrat de travail…»;
- c) un procès-verbal d’accord signé dans l’Unité spéciale d’inspection, surveillance et contrôle, en présence du vice-ministre du Travail, procès-verbal dans lequel l’accord suivant a été conclu:
- 1. Dans la présentation du statut du joueur colombien, le texte suivant est établi: «le présent statut a été concerté entre la Fédération colombienne de football et l’Association colombienne des footballeurs professionnels (ACOLFUTPRO), en tant que représentant des joueurs professionnels de football de Colombie».
- d) des copies des pouvoirs (délégation de représentativité) conférés par les joueurs à l’association en question afin qu’elle les représente dans la négociation collective.
- 831. ACOLFUTPRO a envoyé une communication datée du 19 février 2007 dans laquelle elle fournit des informations additionnelles sur les questions examinées.
- B. Réponse du gouvernement
- 832. Dans sa communication du 14 août 2006, le gouvernement signale que les joueurs professionnels se sont regroupés en une organisation civile et n’ont pas constitué une organisation de travailleurs bien que la législation en vigueur le leur permette et que, par conséquent, la plainte est irrecevable, vu que seules les organisations de travailleurs ou d’employeurs peuvent présenter des plaintes. Le gouvernement ajoute qu’ACOLFUTPRO n’est pas inscrite dans le registre des organisations syndicales et qu’elle n’a donc pas compétence pour négocier collectivement étant donné qu’elle ne peut pas présenter de cahier de revendications.
- 833. Le gouvernement ajoute d’autre part que ni COLFUTBOL ni DIMAYOR ne peuvent être considérées comme des organisations d’employeurs. Il s’agit d’entités qui règlent des aspects du football en Colombie et c’est pourquoi elles sont en relation avec les clubs de football, mais elles ne sont pas des employeurs et ne les regroupent pas. Lesdites entités avaient été autorisées par les clubs à élaborer un statut du joueur de caractère général mais non à négocier collectivement un cahier de revendications. C’est pourquoi le gouvernement envoie ci-joint de nombreuses lettres de clubs de football dans lesquelles ceux-ci confirment qu’ils n’ont donné aucune représentation, ni à COLFUTBOL ni à DIMAYOR, pour qu’elles négocient collectivement en leur nom.
- 834. Le gouvernement envoie aussi copie des différentes décisions administratives dans lesquelles sont infligées des sanctions à différents clubs de football pour non-respect de la législation colombienne.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 835. Le comité prend note de la plainte présentée par l’Association colombienne des footballeurs professionnels dans laquelle elle allègue le refus de la Fédération colombienne de football (COLFUTBOL) et de la Grande division de football colombien (DIMAYOR) de négocier collectivement, malgré la présentation d’un cahier de revendications, les différentes demandes de sanction auxdites entités présentées au ministère de la Protection sociale, sans qu’il n’y ait eu de progrès concrets, ainsi que le harcèlement, les pressions et la menace de licenciement qu’ont subis les travailleurs pour qu’ils renoncent à recourir à la grève décidée le 30 août 2005 par ACOLFUTPRO suite au refus de négocier.
- 836. Le comité prend note également de la réponse du gouvernement qui considère en premier lieu que la plainte est irrecevable en raison du fait qu’ACOLFUTPRO est une association civile et non une organisation syndicale dûment inscrite, bien que rien ne l’empêche de se constituer en tant que telle. Le gouvernement ajoute que, pour cette raison, elle ne peut pas non plus présenter de cahier de revendications en vue d’une négociation collective. Le comité prend note également du fait que, selon le gouvernement, ni DIMAYOR ni COLFUTBOL ne sont des employeurs ou des représentants des clubs de football en vue de la négociation collective mais qu’elles ont été autorisées par ceux-ci à élaborer le statut du joueur colombien.
- 837. Le comité observe que, en résumé, les questions abordées dans le présent cas se réfèrent à: a) la recevabilité de la plainte présentée par l’Association colombienne des footballeurs professionnels posée par le gouvernement, étant donné qu’elle n’est pas enregistrée en tant qu’organisation syndicale, ce qui implique qu’elle ne peut pas être considérée comme une organisation de travailleurs ayant compétence pour présenter une plainte devant le Comité de la liberté syndicale; b) le refus de DIMAYOR et de COLFUTBOL de négocier collectivement avec ACOLFUTPRO car, cette dernière étant une organisation à caractère civil et n’étant pas enregistrée comme syndicat, elle ne peut présenter de cahier de revendications et parce que DIMAYOR et COLFUTBOL ne sont pas les représentants des employeurs (clubs de football) mais qu’elles ont seulement été autorisées par ceux-ci à élaborer un statut du joueur colombien; et c) des pressions, menaces de licenciement et autres actes de discrimination syndicale de la part des clubs de football à l’encontre des travailleurs suite à leur décision de recourir à la grève, après le refus de DIMAYOR et de COLFUTBOL de négocier collectivement.
- 838. En ce qui concerne la recevabilité de la plainte, le comité observe que, si ACOLFUTPRO ne s’est pas constituée en syndicat mais en association de caractère civil, ses statuts établissent que sa finalité est de «défendre les droits du joueur de football professionnel colombien». Le comité estime que la condition de travailleurs des footballeurs professionnels est indiscutable. Ceci implique qu’ils doivent être couverts par les conventions nos 87 et 98 et par conséquent qu’ils doivent jouir du droit de s’associer pour défendre leurs intérêts, bien que, de par les caractéristiques spécifiques à leur travail, les footballeurs aient estimé préférable de se constituer en organisation civile au lieu d’un syndicat. Ceci ne diminue en rien la qualité d’ACOLFUTPRO en tant qu’organisation représentant les travailleurs footballeurs. En outre, dans le même sens, le comité rappelle qu’«il possède entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme une organisation professionnelle au sens de la Constitution de l’OIT et il ne se considère lié par aucune définition nationale de ce terme». [Voir Procédure de l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale dans le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006.]
- 839. D’autre part, le comité observe que, de la lecture de la différente documentation envoyée en annexe par l’organisation plaignante et par le gouvernement, il découle que la qualité de représentant des joueurs d’ACOLFUTPRO a été reconnue en de nombreuses occasions tant par les clubs de football que par COLFUTBOL et DIMAYOR ainsi que par le gouvernement. En effet, au cours de différentes réunions et pendant la négociation sur le statut du joueur avec les clubs de football, avec DIMAYOR et avec COLFUTBOL, ACOLFUTPRO a été reconnue comme l’interlocuteur valable en tant que représentant des travailleurs en ce qui concerne la négociation de questions d’intérêt pour les joueurs. En outre, ACOLFUTPRO envoie en annexe les copies des pouvoirs de représentation que les joueurs lui ont conférés pour la négociation. Dans ces conditions, le comité rejette l’argumentation du gouvernement signifiant qu’ACOLFUTPRO ne peut être considérée comme une organisation de travailleurs dont l’intérêt consiste à défendre les intérêts socio-économiques de ses membres.
- 840. Quant au refus de COLFUTBOL et de DIMAYOR de négocier collectivement avec ACOLFUTPRO étant donné que: 1) ACOLFUTPRO étant une association à caractère civil, elle ne peut présenter de cahier de revendications, et que 2) ni COLFUTBOL ni DIMAYOR ne sont les vrais employeurs des footballeurs et n’ont reçu aucune représentation des clubs pour négocier, le comité observe que, si les footballeurs sont une catégorie professionnelle de travailleurs indépendants particulière qui, de par les caractéristiques de leur travail, pourraient être exclus du champ d’application du Code du travail, il n’en reste pas moins qu’ils doivent être considérés comme des travailleurs et, par conséquent, ils sont couverts par les garanties établies dans les conventions nos 87 et 98. Ainsi donc, ils doivent jouir du droit de constituer les organisations qu’ils estiment pertinentes, comme il a été souligné dans les paragraphes antérieurs, et lesdites organisations doivent pouvoir négocier collectivement pour la défense des intérêts des travailleurs qui en sont membres et qui ont expressément conféré les pouvoirs à ACOLFUTPRO pour qu’elle négocie en leur nom.
- 841. D’autre part, en ce qui concerne le refus de COLFUTBOL et de DIMAYOR de négocier collectivement étant donné que, selon ce qu’a signalé le gouvernement, lesdites organisations ne sont pas les employeurs des footballeurs mais ont reçu des pouvoirs des clubs (les employeurs directs des footballeurs) exclusivement pour élaborer un statut du joueur colombien, le comité rappelle que le droit de négocier librement avec les employeurs les conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale. Le comité estime que si, comme l’affirme le gouvernement, ni COLFUTBOL ni DIMAYOR ne sont les employeurs des footballeurs et ne constituent pas une organisation représentant les intérêts desdits employeurs, ACOLFUTPRO devrait pouvoir négocier directement avec chacun des clubs intéressés. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement, conformément à la convention no 98, de prendre des mesures pour garantir le droit de négociation collective d’ACOLFUTPRO en sa condition d’organisation professionnelle représentant les footballeurs, que ce soit directement avec les clubs de football ou avec l’organisation d’employeurs que ceux-ci choisiront pour les représenter. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 842. Le comité observe que les négociations entre DIMAYOR et COLFUTBOL avec ACOLFUTPRO sur le statut du joueur colombien à propos duquel les premières avaient reçu des pouvoirs de la part des clubs de football ont elles aussi été gelées. Le comité demande aux parties de déployer tous les efforts possibles pour poursuivre lesdites négociations.
- 843. En ce qui concerne les allégations relatives aux pressions, menaces de licenciement et autres actes de discrimination de la part des clubs de football à l’encontre des travailleurs, suite à leur décision de recourir à la grève à cause du refus de DIMAYOR et de COLFUTBOL de négocier collectivement, le comité rappelle que nul ne doit faire l’objet d’une discrimination ou subir un préjudice dans l’emploi à cause de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, et les responsables de tels actes doivent être punis. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 772.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête afin de déterminer l’existence de pressions et de menaces de licenciement et autres actes de discrimination exercés à l’encontre des travailleurs à cause de leur décision de recourir à la grève et, au cas où lesdites allégations seraient avérées, de prendre des mesures pour dûment sanctionner les responsables. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 844. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement , conformément à la convention no 98, de prendre des mesures pour garantir le droit de négociation collective d’ACOLFUTPRO en sa qualité d’organisation professionnelle représentant les footballeurs, que ce soit directement avec les clubs de football ou avec l’organisation d’employeurs que ceux-ci choisiront pour les représenter. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité demande à ACOLFUTPRO, DIMAYOR et COLFUTBOL de déployer tous les efforts possibles pour reprendre les négociations sur le statut du joueur colombien.
- c) Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête afin de déterminer l’existence de pressions et de menaces de licenciement et autres actes de discrimination exercés à l’encontre des travailleurs à cause de leur décision de recourir à la grève et, si ces allégations étaient avérées, de prendre des mesures pour dûment sanctionner les responsables. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.