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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 354, June 2009

Case No 2581 (Chad) - Complaint date: 10-JUL-07 - Closed

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  1. 1086. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de novembre 2008 et présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 351e rapport, paragr. 1313 à 1338, approuvé par le Conseil d’administration à sa 303e session.]
  2. 1087. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication en date du 17 février 2009.
  3. 1088. Le Tchad a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, ainsi que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 1089. Lors de son examen antérieur du cas en novembre 2008, le comité avait attiré l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes en cause et avait formulé les recommandations suivantes [voir 351e rapport, paragr. 1338]:
    • a) Le comité exprime sa vive préoccupation concernant les faits particulièrement graves allégués dans le présent cas et l’absence de toute réponse de la part du gouvernement. Le comité le prie instamment de fournir sans délai ses observations de manière à permettre l’examen objectif de chacun des points soulevés.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des explications sur la confiscation du passeport de M. Assali, secrétaire général de l’UST, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ledit document lui soit restitué et d’assurer qu’il jouisse d’une pleine liberté de mouvement dans l’exercice de son mandat de dirigeant syndical.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête et de fournir sans délai des explications sur l’intervention des forces de sécurité à la Bourse du travail le 5 juin 2007 ainsi que sur l’occupation pendant une dizaine de jours du siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), rendant l’accès à ce local impossible aux travailleurs.
    • d) Le comité veut croire que le gouvernement garantira à l’avenir le plein respect des principes rappelés en matière de liberté d’action des organisations représentatives et de négociation collective et lui demande d’assurer que les organisations syndicales ne seront pas limitées dans les actions éventuelles qu’elles décideront de réaliser conjointement pour défendre les intérêts des travailleurs.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, sa législation en matière de détermination des services essentiels. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1090. Dans une communication en date du 17 février 2009, le gouvernement indique sa surprise de la mention selon laquelle il n’aurait fourni aucune réponse à la plainte dans la mesure où il estime avoir répondu par une communication du 18 mars 2008 dont il transmet une copie.
  2. 1091. S’agissant de la confiscation du passeport de M. Djibrine Assali, secrétaire général de l’Union des syndicats du Tchad (UST), le gouvernement indique avoir déjà fourni à plusieurs reprises des explications sur le fait que ce dernier, comme les autres membres de la délégation du Tchad appelée à se rendre à la Conférence internationale du Travail, a reçu un ordre de mission qu’il a utilisé dans les démarches en vue de l’obtention des documents pour le voyage. Cependant, alors qu’il ne devait présenter que cet ordre de mission lors de l’embarquement, M. Assali a choisi de présenter un autre ordre de mission non conforme, ce qui lui a valu le retrait de son passeport par les services de sécurité de l’aéroport. Le gouvernement déclare que M. Assali est animé par une volonté de confrontation depuis 2007 où il a pris ses distances avec les autres membres de la délégation tchadienne lors d’une mission à Addis-Abeba en avril et organisait la longue grève des fonctionnaires qui a débuté le 2 mai. Le gouvernement indique par ailleurs que M. Assali a pris part aux travaux de la Commission du travail et des affaires sociales à Addis-Abeba en avril 2008 sans y avoir été nommé par son organisation et s’en est pris au secrétaire général adjoint qui avait pourtant été proposé par son organisation. Le gouvernement explique que, malgré son absence prolongée du pays, M. Assali a toujours été inscrit dans la liste de la délégation du Tchad et pris en charge dans la mesure où son organisation le désigne comme tel. Selon le gouvernement, les explications fournies par le ministre du Travail aux représentants de la Confédération syndicale internationale n’ont pas manqué de les surprendre sur les allégations mensongères de M. Assali.
  3. 1092. Selon le gouvernement, M. Assali a toujours caché sa volonté de se consacrer à une lutte politique et a fini par le révéler en démissionnant, contre toute attente, de son poste de secrétaire général de l’UST.
  4. 1093. S’agissant des négociations collectives engagées entre les organisations syndicales et les autorités suite à la grève dans le secteur public déclenchée le 2 mai 2007, le gouvernement indique qu’elles se sont déroulées dans plusieurs cadres. Les premières négociations ont eu lieu au sein de la Commission tripartite chargée de la négociation de la revalorisation du travail mise en place par le Premier ministre à laquelle ont participé l’UST, le Syndicat des enseignants du Tchad (SET), le Syndicat national des instituteurs du Tchad (SNIT) et le Syndicat autonome des agents de l’administration du Tchad (SAAAT). Les négociations se sont ensuite déroulées dans le cadre d’une Commission tripartite chargée de négociation avec les organisations syndicales créée par l’arrêté du Premier ministre no 1481/PR/PM/MFPT/2007 du 6 juin 2007, élargie à trois autres organisations syndicales non membres de l’intersyndicale qui négociait jusqu’alors avec les autorités, la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT), la Confédération syndicale du Tchad (CST) et la Confédération syndicale des travailleurs du Tchad (CSTT), qui avaient les mêmes revendications.
  5. 1094. Le gouvernement indique avoir présenté, lors des négociations, les arguments économiques et budgétaires nécessaires pour justifier ses propositions que les organisations syndicales ont rejetées, les considérant insuffisantes. Il a en outre indiqué que sa demande faite aux syndicats de lever le mot d’ordre de grève se justifiait par sa volonté de négocier dans la sérénité, dans l’intérêt de tous. Le gouvernement explique aussi qu’il a informé les partenaires de sa volonté de négocier avec tous les syndicats mais que l’intersyndicale s’est retirée des négociations lors de la réunion de la Commission tripartite de négociation du 24 mai 2007 en demandant l’exclusion des organisations non membres de l’intersyndicale des négociations, l’annulation de la loi no 008/PR/2007 portant réglementation de l’exercice du droit de grève dans les services publics et l’annulation d’une circulaire relative à la retenue des salaires des travailleurs en grève. Le gouvernement indique que, malgré une dernière invitation du gouvernement à la poursuite des négociations avec une dernière proposition, celui-ci a été notifié par les organisations composant l’intersyndicale par courrier daté du 19 juin 2007 de leur refus de participer aux négociations. Cependant, la CLTT, la CST et la CSTT ont répondu à l’invitation et ont signé le 20 juin 2007 un protocole d’accord avec les autorités. Ce protocole reste ouvert, selon le gouvernement, à l’adhésion des autres organisations syndicales et prévoit en plus la possibilité de négocier sur des points spécifiques qui faisaient l’objet des cahiers de doléances de la part de l’UST, du SET et de la CLTT.
  6. 1095. Le gouvernement exprime donc son regret devant la position radicale et l’attitude négative adoptée par les organisations syndicales non signataires du protocole d’accord, notamment leur insolence vis-à-vis de décisions prises par le chef de l’Etat, leur refus de négocier dans un cadre élargi et leur activité de désinformation à l’endroit des médias et des organisations syndicales internationales sur les prétendues atteintes à la liberté syndicale. Cette attitude, que le gouvernement qualifie de dérive menée par l’UST qui fait fi des lois nationales, a amené le SET à se désolidariser des autres organisations.
  7. 1096. En ce qui concerne la requête en vue de la suspension de l’activité de l’intersyndicale et sa dissolution, le gouvernement explique que l’inspection du travail a constaté après enquête que la constitution de l’intersyndicale n’avait pas respecté les procédures prévues par le Code du travail, qui exige le dépôt du statut et de la liste des dirigeants à la préfecture contre la délivrance d’un récépissé. En conséquence, le ministère de la Fonction publique et du Travail a pris un acte pour déclarer la non-reconnaissance officielle de l’intersyndicale pour défaut d’existence juridique. Ensuite, conformément à la procédure prévue par le Code du travail, l’inspecteur du travail a saisi en référé la chambre sociale de la Cour d’appel de N’Djamena pour statuer sur l’existence juridique de l’intersyndicale. Le gouvernement indique qu’il est cependant disposé à poursuivre des négociations avec les organisations de travailleurs non signataires du protocole d’accord du 20 juin 2007 pris individuellement, sur la base des acquis dudit protocole.
  8. 1097. Le gouvernement renvoie aux principes posés par le Comité de la liberté syndicale sur la reconnaissance d’une organisation syndicale par un enregistrement officiel ainsi qu’aux dispositions du Code du travail, selon lesquelles «les syndicats régulièrement constitués peuvent librement se grouper en centrales syndicales. Celles-ci peuvent se dénommer unions, confédérations, selon les groupements et appellations qu’ils décident d’adopter. La constitution et la modification de ces groupements sont soumises aux mêmes formes et conditions que la constitution et la modification des syndicats eux-mêmes.» Ainsi, le gouvernement rappelle que les droits syndicaux doivent s’exercer dans le respect de l’ordre public et de l’autorité de l’Etat. Le gouvernement indique enfin que la saisine de la Cour suprême par M. Assali, au nom de l’intersyndicale, a été rejetée par cette dernière au motif qu’il n’avait pas qualité pour agir.
  9. 1098. En ce qui concerne la loi no 008/PR/2007 portant réglementation de l’exercice du droit de grève dans les services publics, le gouvernement indique que cette dernière vient combler un vide juridique dans la gestion de la grève dans le secteur public. Il rappelle que le droit syndical est reconnu aux fonctionnaires mais qu’il doit s’exercer dans le cadre de la loi. Il déclare en outre que la détermination des services essentiels s’est faite en fonction des réalités du pays en tenant compte de l’obligation du gouvernement d’assurer la sécurité de ses populations face à l’état de guerre et d’insécurité imposé par l’extérieur. Le gouvernement déclare avoir pris en compte le principe posé par le comité, selon lequel «ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays».

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1099. Le comité rappelle que le présent cas porte sur l’adoption d’un décret de non-reconnaissance officielle d’une intersyndicale et la saisine de la justice administrative pour obtenir sa dissolution, la prise d’assaut de la Bourse du travail par les forces de sécurité et l’occupation des locaux d’un syndicat durant plusieurs jours empêchant son accès aux travailleurs, la confiscation du passeport de M. Djibrine Assali, secrétaire général de l’Union des syndicats du Tchad, l’empêchant de se rendre à la Conférence internationale du Travail, et l’adoption d’une loi étendant la notion de services essentiels à des activités qui ne le seraient pas stricto sensu selon le Comité de la liberté syndicale. Lors du précédent examen du cas, le comité avait exprimé sa préoccupation devant la gravité des faits allégués.
  2. 1100. Le comité note les explications fournies par le gouvernement sur certains aspects du cas. Il note en outre que la communication du 18 mars 2008 à laquelle se réfère le gouvernement concerne sa réponse à des observations présentées par la Confédération syndicale internationale dans le cadre de la procédure d’examen de l’application des conventions ratifiées devant la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et, en l’absence d’une requête spécifique du gouvernement en ce sens, n’avait donc pas lieu d’être considérée dans le cadre de l’examen de la présente plainte.
  3. 1101. S’agissant de la question abordée à l’alinéa b) de ses recommandations relatives à la confiscation du passeport de M. Djibrine Assali, secrétaire général de l’UST, le comité note les explications fournies par le gouvernement qui reprennent celles que ce dernier avait fournies lors de l’examen de la question par la Commission de vérification des pouvoirs, lors de la 96e session (juin 2007) de la Conférence internationale du Travail (voir Compte rendu provisoire no 4C, paragr. 123-127) et que le comité avait déjà relevées. Le comité note que, selon le gouvernement, M. Assali, comme les autres membres de la délégation du Tchad appelée à se rendre à la Conférence internationale du Travail, a reçu un ordre de mission qu’il a utilisé pour les démarches en vue de l’obtention des documents nécessaires pour le voyage. Cependant, alors qu’il ne devait présenter que cet ordre de mission lors de l’embarquement, M. Assali aurait choisi pour des raisons inconnues de présenter un autre ordre de mission non conforme, ce qui lui a valu le retrait de son passeport par les services de sécurité de l’aéroport. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle cette attitude de M. Assali serait symptomatique d’une volonté de confrontation affichée depuis 2007 ainsi que les exemples présentés par le gouvernement pour illustrer son propos. Le comité note enfin l’indication selon laquelle M. Assali a, contre toute attente, présenté sa démission du poste de secrétaire général de l’UST en juillet 2008.
  4. 1102. Le comité a eu à rappeler dans le présent cas l’importance particulière qu’il attache au droit des représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs d’être présents et de participer à des réunions des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs ainsi que de l’OIT. Il importe ainsi qu’aucun délégué à un organisme ou à une conférence de l’OIT et qu’aucun membre du Conseil d’administration ne soit inquiété, de quelque façon que ce soit, de manière à l’empêcher ou le détourner de remplir son mandat, ou pour avoir accompli un tel mandat. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 761 et 766.] Le comité avait relevé la déclaration du gouvernement devant la Commission de vérification des pouvoirs en 2007 selon laquelle M. Assali pouvait récupérer son passeport auprès des services de police. Tout en notant que, selon le gouvernement, M. Assali n’exerce plus d’activité syndicale au sein de l’UST, le comité demande au gouvernement d’indiquer si son passeport lui a effectivement été restitué depuis. En outre, le comité prie instamment le gouvernement de garantir pour l’avenir à tous les dirigeants syndicaux du pays une pleine liberté de mouvement dans l’exercice de leur mandat, en particulier la liberté de participer à des activités syndicales organisées à l’étranger et aux réunions de l’OIT sans être inquiétés de quelque façon que ce soit.
  5. 1103. Le comité rappelle qu’il avait noté avec préoccupation les allégations des organisations plaignantes sur les différents incidents et mesures qui ont suivi le déclenchement de la grève du 2 mai 2007, notamment le fait que des travailleurs associés au mouvement de grève auraient subi des pressions de la part des autorités qui, en outre, auraient posé comme condition de reprise des négociations la levée du mouvement de grève. A cet égard, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il a demandé aux syndicats de lever le mot d’ordre de grève par volonté de négocier dans la sérénité, dans l’intérêt de tous. Le comité tient à rappeler une nouvelle fois que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux publics [voir Recueil, op. cit., paragr. 522], et que le gouvernement devrait garantir, dans ces circonstances, qu’aucune pression ne puisse affecter en pratique l’exercice de ce droit.
  6. 1104. Le comité avait noté avec préoccupation les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles, le 5 juin 2007, les forces de sécurité ont pris d’assaut la Bourse du travail pour lui interdire d’ouvrir ses portes et ont occupé pendant une dizaine de jours le siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), rendant ainsi l’accès à ce local impossible aux travailleurs. Il avait demandé instamment au gouvernement de diligenter une enquête et de fournir sans délai des explications sur l’intervention des forces de sécurité. Le comité note avec un profond regret que le gouvernement ne fournit aucune information relative à ce point abordé à l’alinéa c) de ses recommandations. Le comité rappelle une nouvelle fois que l’inviolabilité des locaux et biens syndicaux constitue l’une des libertés civiles essentielles pour l’exercice des droits syndicaux et que l’occupation des locaux syndicaux par les forces de l’ordre, sans mandat judiciaire les y autorisant, constitue une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales. Des agissements, tels que des assauts menés contre des locaux syndicaux et des menaces exercées contre des syndicalistes, créent un climat de crainte parmi les syndicalistes et sont préjudiciables à l’exercice des activités syndicales et les autorités, lorsqu’elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 179 et 184.] En conséquence, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête sur les allégations d’intervention des forces de sécurité à la Bourse du travail le 5 juin 2007 et l’occupation pendant une dizaine de jours du siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET) et de fournir des explications à cet égard.
  7. 1105. Le comité note les explications fournies par le gouvernement concernant les négociations engagées suite à la grève du 2 mai 2007 dans le secteur public. Le comité note notamment l’indication selon laquelle les négociations ont eu lieu dans plusieurs cadres avec les organisations composant l’intersyndicale qui négociait jusqu’alors avec les autorités
    • – l’UST, le SET, le SNIT et le SAAAT, élargies par la suite à trois autres organisations syndicales non membres de l’intersyndicale, la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT), la Confédération syndicale du Tchad (CST) et la Confédération syndicale des travailleurs du Tchad (CSTT), qui avaient les mêmes revendications. Le comité note que le gouvernement estime avoir présenté, lors des négociations, les arguments économiques et budgétaires nécessaires pour justifier ses propositions mais que les organisations syndicales les ont toutefois rejetées en les considérant insuffisantes. Le comité note l’indication selon laquelle les syndicats composant l’intersyndicale ont quitté les négociations en demandant l’exclusion des négociations des organisations non membres de l’intersyndicale, l’annulation de la loi no 008/PR/2007 portant réglementation de l’exercice du droit de grève dans les services publics et l’annulation d’une circulaire relative à la retenue des salaires des travailleurs en grève. Cependant, selon le gouvernement, la CLTT, la CST et la CSTT (toutes trois non membres de l’intersyndicale) auraient répondu à une dernière invitation du gouvernement, ce qui a abouti à la signature, le 20 juin 2007, d’un protocole d’accord qui demeure ouvert à l’adhésion des autres organisations syndicales et prévoit en plus la possibilité de négocier sur des points spécifiques qui faisaient l’objet des cahiers de doléances de la part de l’UST, du SET et de la CLTT.
  8. 1106. Le comité observe que le gouvernement regrette la position radicale et l’attitude négative adoptées par les organisations syndicales non signataires du protocole d’accord, notamment leur insolence vis-à-vis de décisions prises par le chef de l’Etat, leur refus de négocier dans un cadre élargi et leur activité de désinformation des médias et des organisations syndicales internationales sur les prétendues atteintes à la liberté syndicale. Cette attitude aurait amené le SET à se désolidariser des autres organisations.
  9. 1107. De l’avis du comité, la négociation collective dans la fonction publique comporte certes des particularités, dans la mesure où l’Etat dispose d’une marge de manœuvre étroitement liée à ses recettes fiscales et qu’il est en même temps ultimement responsable de l’affectation de ces ressources dans son rôle d’employeur. Le comité considère que, dans le présent cas, il ne lui appartient pas de se prononcer sur le bien-fondé des arguments économiques présentés par le gouvernement pour justifier sa position dans la négociation collective. En revanche, il lui appartient de rappeler au gouvernement, en application des principes de promotion de la négociation collective contenus dans les conventions nos 98 et 151 ratifiées par le Tchad, la nécessité pour les autorités de privilégier dans toute la mesure du possible la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires. Dans ce sens, et relevant que pratiquement deux années se sont écoulées depuis la signature du protocole d’accord du 20 juin 2007, le comité demande au gouvernement d’indiquer toute mesure concrète prise en vue d’engager de nouveau des négociations avec les organisations de travailleurs n’ayant pas signé le protocole d’accord afin de trouver une solution mutuellement acceptable par les parties aux questions restées en suspens. A cet égard, le comité rappelle l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles [voir Recueil, op. cit., paragr. 934], celles-ci dépendant essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque.
  10. 1108. S’agissant de l’adoption par le gouvernement de l’arrêté no 019/PR/PM/MFPT/ SG/DTSS/2007 du 4 juillet 2007 déclarant «la non-reconnaissance officielle de l’intersyndicale pour défaut d’existence juridique», le comité avait noté lors de l’examen précédent du cas les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles une requête en vue de la suspension de l’activité de l’intersyndicale et sa dissolution avait été introduite le 26 juin 2007 par l’inspecteur interrégional du travail de la zone nord devant la chambre administrative de la Cour suprême, mais que l’arrêté ministériel a été adopté avant même qu’une décision n’ait été rendue. Le comité avait également relevé que, selon les organisations plaignantes, l’inspecteur n’a pas la compétence pour introduire une telle requête, de même que la chambre administrative de la Cour suprême n’a pas compétence pour connaître une affaire de cette nature, compétence qui doit échoir, aux termes des articles 299, 300 et 314 du Code du travail, à la chambre sociale de la Cour d’appel. A cet égard, le comité relève l’indication du gouvernement selon laquelle l’inspecteur du travail a bien saisi en référé la chambre sociale de la Cour d’appel de N’Djamena pour statuer sur l’existence juridique de l’intersyndicale.
  11. 1109. Le comité avait également noté la position des organisations plaignantes selon laquelle l’intersyndicale ne constitue pas une organisation en elle-même mais plutôt une plate-forme revendicative composée d’une centrale syndicale nationale (l’UST) et de plusieurs organisations syndicales représentant des branches professionnelles, toutes dûment enregistrées conformément à la loi. Ainsi, le comité avait noté les informations fournies par l’intersyndicale, où cette dernière y rappelait être une organisation ad hoc composée d’organisations syndicales légalement constituées et jouissant toutes d’une personnalité juridique propre. L’intersyndicale ne se revendiquait pas comme une supra-organisation ni une organisation en elle-même et indiquait que sa convention de création signée par les organisations syndicales ne pouvait en aucun cas être assimilée à un statut d’un syndicat dont le dépôt serait obligatoire aux termes de l’article 299 du Code du travail. L’intersyndicale en concluait que l’action du gouvernement visait uniquement à empêcher les organisations syndicales signataires de la plate-forme revendicative de l’intersyndicale d’exercer leurs activités légitimes.
  12. 1110. Sur cette question, le comité note les explications du gouvernement selon lesquelles l’inspection du travail a simplement constaté après enquête que la constitution de l’intersyndicale qui négociait avec les autorités n’avait pas respecté les procédures prévues par le Code du travail, qui exige le dépôt du statut et de la liste des dirigeants à la préfecture contre la délivrance d’un récépissé. En conséquence, le ministère de la Fonction publique et du Travail a pris un acte pour déclarer la non-reconnaissance officielle de l’intersyndicale pour défaut d’existence juridique. Ensuite, conformément à la procédure prévue par le Code du travail, l’inspecteur du travail a saisi en référé la chambre sociale de la Cour d’appel de N’Djamena pour statuer sur l’existence juridique de l’intersyndicale. Le comité note par ailleurs que le gouvernement renvoie aux principes qu’il a posés sur la reconnaissance d’une organisation syndicale par un enregistrement officiel et fait référence aux termes du Code du travail selon lesquels «les syndicats régulièrement constitués peuvent librement se grouper en centrales syndicales. Celles-ci peuvent se dénommer unions, confédérations, selon les groupements et appellations qu’ils décident d’adopter. La constitution et la modification de ces groupements sont soumises aux mêmes formes et conditions que la constitution et la modification des syndicats euxmêmes.»
  13. 1111. Tout en prenant note de la déclaration du gouvernement sur la nécessité d’exercer les droits syndicaux dans le respect de la loi, le comité ne peut cependant que réitérer ses conclusions précédentes dans lesquelles il observait que l’action du gouvernement dans le cas présent, en dehors de toute lecture juridique, est nuisible au développement de relations professionnelles normales et saines car ce genre d’agissement est de nature à porter de fait atteinte à la liberté, consacrée par la convention no 87, de chaque organisation représentative d’organiser librement ses activités et ses moyens d’action, conformément à ses propres statuts. Le comité attire une nouvelle fois l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. [Voir à cet égard Recueil, op. cit., paragr. 881.] Observant que l’intersyndicale n’avait comme objectif que de regrouper de manière informelle et sans revendication d’une personnalité juridique propre plusieurs syndicats dûment enregistrés ayant une position commune sur des points précis, le comité demande au gouvernement d’assurer à l’avenir que les organisations syndicales ne seront pas limitées dans les actions éventuelles qu’elles décideront de réaliser conjointement pour défendre les intérêts des travailleurs.
  14. 1112. Enfin, s’agissant de la question contenue à l’alinéa e) de ses recommandations relatives à la loi du 9 mai 2007 (no 008/PR/2007) portant réglementation de l’exercice du droit de grève dans les services publics, le comité rappelle qu’il avait précédemment observé que ladite loi prévoit en son article 18 qu’«un service minimum obligatoire est assuré dans le domaine des activités des services publics essentiels, dont l’interruption complète mettrait en danger la vie, la sécurité et la santé de tout ou partie de la population». La loi énumère en son article 19 une liste des services publics considérés comme essentiels pour établir un service minimum obligatoire, à savoir: les services qui concourent à la circulation aérienne; les services hospitaliers; les services d’eau et d’électricité; les services des pompiers; les services des postes et télécommunications; les services des télévisions; les services de radiodiffusion; les services centraux du ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine; les services des inspections interpréfectorales du travail; les services des régies financières; les abattoirs et le laboratoire de Farcha.
  15. 1113. Le comité prend note des brèves indications fournies par le gouvernement selon lesquelles la loi no 008/PR/2007 est venue combler un vide juridique dans la gestion de la grève dans le secteur public et que la détermination des services essentiels dans cette loi s’est faite en fonction des réalités du pays en tenant compte de l’obligation du gouvernement d’assurer la sécurité de ses populations face à l’état de guerre et d’insécurité imposé par l’extérieur. Le gouvernement déclare ainsi avoir pris en compte le principe posé par le comité selon lequel «ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays».
  16. 1114. A cet égard, le comité tient à rappeler tout d’abord que le droit de grève est un corollaire indissociable du droit syndical protégé par la convention no 87. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 523.] Il rappelle en outre le principe selon lequel, s’agissant d’une exception au principe général du droit de grève, les services essentiels qui permettent une dérogation totale ou partielle à ce principe devraient être définis restrictivement, à savoir que seuls peuvent être considérés essentiels les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Pour les secteurs énumérés qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, le comité rappelle qu’un service minimum pourrait être approprié comme solution de rechange possible dans les situations où une limitation importante ou une interdiction totale de la grève n’apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé d’assurer la satisfaction des besoins de base des usagers ou encore la sécurité ou le fonctionnement continu des installations. En outre, dans la détermination des services minima et du nombre des travailleurs qui en garantissent le maintien, il importe que participent non seulement les pouvoirs publics, mais aussi les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. Outre que cela permettrait un échange de vues réfléchi sur ce que doivent être en situation réelle les services minima strictement nécessaires, cela contribuerait aussi à garantir que les services minima ne soient pas étendus au point de rendre la grève inopérante en raison de son peu d’impact et à éviter de donner aux organisations syndicales l’impression que l’échec de la grève tient à ce que le service minimum a été prévu d’une manière trop large et fixé unilatéralement. Enfin, le comité rappelle que ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. [Voir Recueil, op. cit, paragr. 582, 607 et 612.]
  17. 1115. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, sa législation concernant l’exercice du droit de grève dans les services publics pour assurer la détermination d’un service minimum conformément aux principes de la liberté syndicale rappelés ci-dessus. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1116. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en notant que M. Assali n’exerce plus d’activité syndicale au sein de l’UST, le comité demande au gouvernement d’indiquer si son passeport lui a effectivement été restitué. En outre, le comité prie instamment le gouvernement de garantir pour l’avenir à tous les dirigeants syndicaux du pays une pleine liberté de mouvement dans l’exercice de leur mandat, en particulier la liberté de participer à des activités syndicales organisées à l’étranger et aux réunions de l’OIT sans être inquiétés de quelque façon que ce soit.
    • b) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête sur les allégations d’intervention des forces de sécurité à la Bourse du travail le 5 juin 2007 et l’occupation pendant une dizaine de jours du siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET) et de fournir des explications à cet égard.
    • c) Relevant que deux années se sont écoulées depuis la signature du protocole d’accord du 20 juin 2007, le comité demande au gouvernement d’indiquer toute mesure concrète prise en vue d’engager de nouveau des négociations avec les organisations de travailleurs n’ayant pas signé le protocole d’accord afin de trouver une solution mutuellement acceptable par les parties aux questions restées en suspens.
    • d) Le comité demande au gouvernement d’assurer à l’avenir que les organisations syndicales ne seront pas limitées dans les actions éventuelles qu’elles décideront de réaliser conjointement pour défendre les intérêts des travailleurs.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, sa législation concernant l’exercice du droit de grève dans les services publics pour assurer la détermination d’un service minimum conformément aux principes de la liberté syndicale. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.
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