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Interim Report - Report No 353, March 2009

Case No 2620 (Republic of Korea) - Complaint date: 18-DEC-07 - Closed

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  1. 750. La présente plainte a fait l’objet de communications de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) en date des 18 décembre 2007 et 8 mai 2008. Dans une communication en date du 9 mai 2008, la Confédération syndicale internationale (CSI) s’est associée à la plainte.
  2. 751. Le gouvernement a fourni ses réponses dans une communication en date du 10 novembre 2008.
  3. 752. La République de Corée n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 753. Dans une communication en date du 18 décembre 2007, la KCTU allègue que: i) le gouvernement a refusé de reconnaître la légalité du Syndicat des travailleurs migrants (MTU) bien que la Haute Cour, dans un arrêt rendu en février 2007, ait fait valoir que le droit des travailleurs migrants, quelle que soit la situation de ceux-ci quant au titre de séjour, de constituer des syndicats et de se syndiquer est un droit qui est protégé par la législation nationale, notamment par la Constitution; ii) le gouvernement a mené une opération de répression ciblée dirigée contre le président, le vice-président et le secrétaire général du MTU, qui ont été arrêtés et expulsés.
  2. 754. Pour ce qui est de la première question, l’organisation plaignante indique que le MTU a été constitué le 24 avril 2005, que l’Office régional du travail de Séoul en a reçu notification le 3 mai 2005, en même temps que le statut et le règlement de la nouvelle organisation, comme prescrit à l’article 10(1) de la loi sur l’organisation des syndicats et des relations socioprofessionnelles (TULRAA). Le 9 mai, l’Office régional du travail de Séoul a demandé des pièces complémentaires: a) «le nom des établissements où ce syndicat est implanté, celui de ses représentants et celui de tous ses adhérents, avec le nombre de ces derniers dans chaque établissement (conformément à l’article 10(1) de la TULRAA et à l’article 4(2) de son règlement d’application»; et b) «un registre des adhérents (avec nom, prénom, date de naissance, nationalité, numéro d’enregistrement en tant qu’étranger ou numéro de passeport) pour permettre de déterminer, en ce qui concerne chaque travailleur, s’il a le droit d’être employé». Tout en acceptant de communiquer divers autres documents demandés, le MTU a refusé de fournir les renseignements susmentionnés, considérant qu’une telle exigence n’avait pas de fondement légal et qu’elle violait en soi le principe d’égalité de traitement des travailleurs étrangers, principe protégé par la Constitution, la TULRAA et le droit international. Peu après, le 3 juin 2005, l’Office régional du travail de Séoul rejeta la notification de création de syndicat faite par le MTU au motif que celui-ci n’avait pas soumis les informations demandées et que «les membres du bureau de ce syndicat étaient des étrangers n’ayant ni titre de résidence légale ni titre à l’emploi au regard de la Constitution et qu’il y avait lieu de croire que ses adhérents étaient des immigrés clandestins, que le Syndicat des travailleurs migrants de Séoul Gyeonggi-Incheon était constitué d’étrangers employés illégalement et n’ayant pas le droit de se syndiquer, et que cette organisation ne pouvait donc être admis en tant que syndicat au regard de la TULRAA».
  3. 755. Le 14 juin 2005, le MTU engagea un recours administratif contre l’Office régional du travail de Séoul, arguant que le rejet de sa demande de reconnaissance du statut de syndicat était infondé et constituait une discrimination illégale à l’égard de travailleurs étrangers. Bien que, le 7 février 2006, l’affaire fût tranchée en faveur du défendeur (c’est-à-dire du gouvernement) en appel le 1er février 2007, la Haute Cour de Séoul décida que, au regard du droit national, les travailleurs migrants en situation irrégulière jouissaient du droit de se syndiquer. Les principaux arguments sur lesquels se fondait cette décision sont: i) le rejet de la demande de reconnaissance du statut de syndicat faite par le MTU au motif de son refus de soumettre le nom des établissements dans lesquels il est implanté et de ses représentants, ainsi que le nom de tous ses adhérents et leur nombre dans chaque établissement, est dénué de tout fondement légal et constitue donc une violation de la Constitution; ii) les travailleurs migrants en situation irrégulière sont reconnus en tant que travailleurs au regard de la Constitution et de la TULRAA, si bien que les droits fondamentaux du travail protégés par la loi leur sont reconnus et que, par conséquent, le déni de ces droits fondamentaux du travail à raison de leur qualité de travailleurs migrants en situation irrégulière est une violation de la Constitution et de la TULRAA, instruments qui, l’un et l’autre, protègent le droit des étrangers, rejettent la discrimination et fondent les droits fondamentaux du travail. Le ministère du Travail a fait appel de cette décision, et cet appel est à ce jour pendant devant la Cour suprême.
  4. 756. Selon l’organisation plaignante, les arguments du gouvernement sont de deux ordres: i) du fait qu’il a des adhérents dans plus d’un établissement, le MTU risque d’enfreindre l’article 5(1) de la TULRAA, qui interdit temporairement l’existence de plus d’un syndicat dans une seule et même entreprise dans certaines circonstances; et ii) les travailleurs migrants en situation irrégulière, du fait qu’ils ne sont pas légalement employables en vertu de la loi sur le contrôle de l’immigration, n’ont pas le statut légal qui leur permettrait de lutter pour l’amélioration de leur salaire et de leurs conditions de travail puisqu’une telle prétention présuppose l’existence d’une relation d’emploi légale, si bien que les travailleurs en question ne peuvent être considérés comme ayant le droit de former un syndicat.
  5. 757. L’organisation plaignante indique que la Haute Cour a réfuté ces deux arguments sur les motifs suivants: i) la finalité de l’article complémentaire 5(1) de la TULRAA est de prévenir toute confusion qui pourrait naître de l’apparition de nouveaux syndicats dans les entreprises où cela était interdit auparavant, pendant un délai spécifique et dans certaines conditions; cet article ne vise pas les syndicats constitués à un niveau plus élevé que celui de l’entreprise, c’est-à-dire les syndicats régionaux de branche ou les autres syndicats ayant eux aussi des adhérents dans plus d’un établissement, même lorsque ces syndicats ont une audience dans des entreprises où il existe déjà un syndicat du niveau de l’entreprise; l’article 4(2) du règlement d’application de la TULRAA, qui demande d’indiquer le nom des différents établissements dans lesquels le nouveau syndicat s’implante, celui de ses représentants et celui de tous ses adhérents, avec le nombre de ces derniers dans chaque établissement, ne concerne pas les syndicats constitués à un niveau plus élevé que celui de l’entreprise; ii) les étrangers qui sont déjà engagés dans une relation d’emploi, même lorsqu’ils n’ont pas de titre de résidence légale, demeurent des travailleurs au regard de la législation nationale pertinente, notamment de la Constitution, de la loi sur les normes du travail et de la TULRAA, et sont protégés contre la discrimination pour tout ce qui touche à leurs droits fondamentaux, notamment aux trois droits essentiels; et iii) si la loi sur le contrôle de l’immigration réglemente l’emploi des étrangers dans le but d’interdire l’emploi d’étrangers n’ayant pas de titre de résidence légale, ces travailleurs disposent néanmoins du droit de constituer une organisation en vue de l’amélioration de leurs conditions de travail.
  6. 758. L’organisation plaignante souligne que, comme l’a retenu la Haute Cour de Séoul, l’article 11(1) de la Constitution proclame que «Tous les citoyens sont égaux devant la loi. Dans quelque domaine de la vie politique, économique, sociale ou culturelle que ce soit, nul ne fera l’objet d’une discrimination qui serait fondée sur son sexe, sa religion ou son statut social.» La Cour constitutionnelle a estimé que, même si, dans cet article, c’est le mot «citoyens» qui est employé, cette disposition signifie que les droits fondamentaux sont protégés par la Constitution de manière égale pour les étrangers et pour les nationaux, des limitations ne pouvant intervenir qu’en ce qui concerne la participation à la vie politique (décisions de la Cour constitutionnelle 93 Ma 120, du 29 décembre 1994, et 99 Ma 494, du 29 novembre 2001). De plus, l’article 33(1) de la Constitution définit le travailleur comme étant «celui qui vit d’un salaire ou d’une autre forme de revenu, quel que soit le type de travail qu’il exerce» et prévoit que «les travailleurs ont le droit de s’organiser de manière indépendante, de négocier collectivement et d’agir collectivement pour l’amélioration de leurs conditions de travail». Cette disposition reconnaît ainsi que, pour les travailleurs, c’est à la fois une nécessité et un droit que de constituer des organisations et de négocier collectivement dans le sens d’une égalité matérielle avec les employeurs et que, au-delà de la simple reconnaissance de ce droit, le gouvernement a la responsabilité de fonder un système légal qui crée les conditions dans lesquelles ce droit peut s’exercer. Conformément à la Constitution, ces droits n’admettent de limitation que dans le cas où des étrangers (et des nationaux) sont employés en tant que fonctionnaires ou dans la défense nationale (art. 33(2) et (3)) ou ils n’en admettent seulement que selon ce qui est approprié «pour la protection de la sécurité publique, de l’ordre public ou de l’intérêt commun» et, dans ce cas, ces droits ne doivent être limités que le moins possible (art. 37(2)). L’article 5 de la TULRAA dispose également que «tous les travailleurs ont le droit de constituer librement des syndicats ou de s’affilier à des syndicats» et l’article 9 énonce que «les membres d’un syndicat ne peuvent, en quelque circonstance que ce soit, faire l’objet d’une discrimination sur la base de la race, de la religion, du sexe, de l’affiliation politique ou du statut social».
  7. 759. L’organisation plaignante indique en outre que le président du MTU, Kajiman Khapung, le vice-président, Raju Kumar Gurung (Raju), et le secrétaire général, Abul Basher Moniruzzaman (Masum), ont été arrêtés dans le cadre d’une vaste opération de répression menée le matin du 27 novembre 2007 entre 8 h 30 et 9 h 30. Elle allègue que, malgré les dénégations de la Direction de l’immigration et du ministère de la Justice, ces personnes ont été arrêtées dans le cadre d’une opération systématique des services de l’immigration, et il ne fait aucun doute que leur arrestation avait été planifiée et était conçue comme une opération de répression visant à donner un coup d’arrêt aux activités syndicales légitimes du MTU: toutes les arrestations ont été opérées pratiquement au même moment, devant le domicile ou le lieu de travail de chacun des intéressés, avec un nombre démesuré (jusqu’à 15) d’agents en uniforme des services de l’immigration, en possession de documents ordonnant le placement en détention immédiate des intéressés, qui ont été transférés dans un centre de détention se trouvant à trois heures de route de la capitale et non dans le centre de détention habituel proche de Séoul; ce placement en détention a coïncidé avec une intensification de la répression contre les travailleurs immigrés en situation irrégulière (lesquels sont environ 230 000, ce qui représente plus de la moitié du total des travailleurs immigrés en Corée du Sud), répression qui avait été dénoncée par le MTU, en même temps que certains projets de révision de la législation sur l’immigration tendant à diminuer les droits des travailleurs migrants, projets contre lesquels le MTU avait manifesté son opposition. Les organisations plaignantes ajoutent que ces arrestations ne sont pas les seules à avoir été dirigées contre le MTU. Peu après la création du syndicat, en 2005, son premier président, Anwar, a été arrêté dans le cadre d’une opération similaire déclenchée le 7 mai 2005 au milieu de la nuit. Bien que la Commission nationale des droits de l’homme ait établi que cette arrestation était par nature contraire aux droits de l’homme, ce n’est qu’à l’issue de près d’une année de détention que le président Anwar a obtenu une suspension temporaire de sa détention pour raison de santé. En outre, depuis l’arrestation du président du MTU, Kajiman Khapung, du vice-président, Raju Kumar Gurung (Raju), et du secrétaire général, Abul Basher Moniruzzaman (Masum), le 27 novembre 2007, non moins de 20 autres membres et dirigeants du MTU ont été arrêtés.
  8. 760. Enfin, l’organisation plaignante se réfère à l’expulsion du président du MTU, Kajiman, du vice-président, Raju, et du secrétaire général, Masum. Elle allègue en particulier que, malgré l’engagement selon lequel les trois hommes ne seraient pas expulsés tant que l’enquête ouverte par la Commission nationale des droits de l’homme le 11 décembre 2007 serait en cours, les trois hommes ont été réveillés au milieu de la nuit et emmenés chacun dans un fourgon cellulaire sous l’escorte de plusieurs gardes. Vingt minutes plus tard, on les a fait sortir de leur fourgon et on leur a fait franchir une petite porte, descendre une colline, passer par une ouverture pratiquée par l’un de leurs gardes dans une clôture en grillage qui venait d’être posée, puis on les a fait monter dans une autre voiture où d’autres gardes les attendaient. Chacun d’eux a été conduit séparément à l’aéroport international d’Incheon, escorté par des agents du ministère de la Justice qui rendaient compte toutes les cinq minutes des déplacements de leur convoi au moyen de leur téléphone mobile. A l’aéroport, ils ont été embarqués dans des avions en partance pour leur pays d’origine, le Népal et le Bangladesh. A son arrivée à Dacca, le secrétaire général Masum était attendu par la police qui l’a interrogé plus d’une heure et l’a convoqué pour être à nouveau entendu par le procureur le 18 décembre 2007. En outre, le MTU a indiqué que le ministère de la Justice entendait transmettre des documents concernant le secrétaire général aux autorités bangladaises en vue de cet interrogatoire. L’organisation plaignante ajoute que cette expulsion opérée de nuit et secrètement a été menée de manière illégale et au mépris des promesses faites. Ces hommes n’ont même pas pu prévenir leurs familles et leurs amis en Corée du Sud ou dans leur pays d’origine.
  9. 761. L’organisation plaignante indique enfin que ces faits se sont déroulés dans un climat de discrimination généralisée contre les travailleurs migrants – en situation irrégulière comme en situation régulière – orchestré afin de disposer d’une main-d’œuvre faiblement rémunérée et facile à exploiter, comme le veulent le gouvernement et les employeurs. Il existe en particulier un système de permis de travail qui «lie» les travailleurs migrants à leur employeur et restreint leur liberté de changer d’employeur (ceci n’étant possible que trois fois), système qui limite très strictement la période de résidence légale, laquelle n’est que de trois ans, et qui soulève des obstacles de langue et de culture, faute de services de traduction et d’éducation. De l’avis de l’organisation plaignante, ces faits constituent une violation des conventions nos 87 et 143, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles et de la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. L’organisation plaignante se réfère également aux cas examinés par le Comité de la liberté syndicale touchant aux droits des travailleurs migrants (cas nos 2121 et 2227).
  10. 762. Par communication en date du 8 mai 2008, l’organisation plaignante a fourni des informations additionnelles selon lesquelles, après les opérations de répression du 27 novembre 2007, le MTU, la KCTU et des personnes soutenant le mouvement des travailleurs ont tenu une manifestation pacifique («sit in») de protestation pendant 99 jours, appelant à la fin de l’oppression des travailleurs migrants qui cherchent à se syndiquer et reconstituer le MTU. Le 6 avril 2008, le MTU a élu une nouvelle équipe dirigeante, avec Toran Limbu comme président, et a relancé son action de lutte pour la protection des droits des travailleurs migrants. Mais le nouveau gouvernement conservateur a accentué sa politique générale de répression contre les travailleurs migrants, notamment contre le MTU, allant même jusqu’à faire des déclarations selon lesquelles il ne serait pas toléré qu’un syndicat organise, comme l’a fait le MTU, des travailleurs migrants n’ayant pas de titre de résidence légale. Dans ce climat, le président nouvellement élu du MTU, Torna Limbu, et son vice-président, Abdus Sabur, ont été arrêtés dans la nuit du 2 mai 2008 par 10 ou 15 agents de l’immigration habillés en civil, pour le premier sur son lieu de travail et pour le second à son domicile. L’arrestation de Torna Limbu se serait accompagnée de violences physiques, et l’intéressé aurait été empêché d’utiliser son téléphone portable. Pendant son transfert en fourgon cellulaire, le président Limbu aurait entendu les communications qu’échangeaient continuellement entre eux les agents qui l’escortaient et ceux qui étaient postés près du domicile du vice-président Sabur. Les véhicules transportant les deux dirigeants syndicaux se sont rejoints dans une rue et se sont arrêtés un instant. De l’avis de l’organisation plaignante, ces actes de répression constituent une violation supplémentaire des droits fondamentaux du travail à l’égard de ces travailleurs migrants.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 763. Dans une communication en date du 10 novembre 2008, le gouvernement déclare que, en raison de l’évolution économique et sociale du pays, la République de Corée est devenue un pays non plus d’émigration mais d’immigration. De ce fait, il est devenu nécessaire de prévoir la protection des travailleurs nationaux, d’une part, et celle des droits de l’homme en ce qui concerne les travailleurs étrangers, d’autre part. Pour ce faire, la République de Corée a adopté et mis en œuvre plusieurs systèmes, dont celui du système de permis de travail en vigueur à l’heure actuelle. L’organisation plaignante a fait référence à une affaire dont est actuellement saisie la Cour suprême, juridiction nationale indépendante dont la procédure offre toutes les garanties d’impartialité. Conformément à la procédure spéciale d’examen des plaintes, «Lorsqu’un cas fait l’objet d’un recours devant une juridiction nationale indépendante dont la procédure offre les garanties appropriées et qu’il considère que la décision à intervenir est susceptible de lui apporter des éléments supplémentaires d’information, le comité sursoit à l’examen du cas pendant une durée raisonnable en attendant d’être en possession de cette décision sous réserve que le délai ainsi entraîné ne risque pas de porter préjudice à la partie dont il est allégué que les droits ont été violés.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, annexe 1, paragr. 29.] Compte tenu de ces éléments, le gouvernement demande que le comité suspende l’examen de cette affaire jusqu’à ce que la Cour suprême ait rendu sa décision finale.
  2. 764. Quant au fond, le gouvernement déclare que, le 3 mai 2005, un groupe de 91 étrangers a saisi l’Office régional du travail de Séoul près le ministère du Travail d’une notification de création d’un syndicat. Conformément aux dispositions de la loi sur l’organisation des syndicats et des relations socioprofessionnelles (TULRAA), l’Office régional du travail de Séoul a demandé, le 9 mai 2005, les informations complémentaires suivantes: i) les noms et adresses des trois dirigeants du syndicat et du vérificateur aux comptes, qui avaient été omis dans le rapport; ii) a) les noms des entreprises où les adhérents sont employés, le nombre des adhérents et le nom du dirigeant du syndicat, et b) une liste des adhérents permettant de vérifier si chacun d’eux a effectivement le droit de travailler en République de Corée; iii) d’autres documents pertinents, dont le procès-verbal des assemblées générales. Malgré cela, de toutes les informations complémentaires demandées, le syndicat n’a communiqué que les pièces mentionnées en i) et iii) et n’a pas communiqué celles mentionnées en ii), arguant que, conformément à la TULRAA, ces informations n’avaient pas à être communiquées pour une notification de création d’un syndicat.
  3. 765. Le 3 juin 2005, les autorités compétentes ont rejeté la déclaration faite par le syndicat pour sa création non seulement parce que le syndicat n’avait pas communiqué toutes les informations complémentaires demandées mais encore parce qu’il ne s’était pas constitué de manière légitime au regard de la TULRAA puisque ses adhérents étaient principalement des étrangers qui n’avaient aucun droit de séjour en République de Corée d’après la loi sur le contrôle de l’immigration. Le 14 juin 2005, le syndicat a introduit un recours devant les autorités administratives, demandant l’annulation du rejet de son enregistrement. Le 7 février 2006, le tribunal administratif de Séoul a débouté le plaignant sur les motifs suivants: i) la TULRAA interdit à titre temporaire – jusqu’au 31 décembre 2006 (cette date limite a ensuite été prorogée au 31 décembre 2009) – la création de syndicats multiples, et l’article 3(4) du règlement d’application de la TULRAA prescrit à un syndicat, lorsqu’il fait sa déclaration de création, de fournir le nom des entreprises où ses adhérents sont employés; ii) l’organisme déclarant était constitué principalement d’étrangers en situation irrégulière; il était donc légal de demander une liste des adhérents puisque cela est nécessaire pour pouvoir dire si le plaignant satisfaisait aux conditions à remplir par un syndicat légitime en examinant si ses adhérents étaient des travailleurs qui pouvaient légalement créer un syndicat; iii) étant donné qu’en vertu de la loi sur le contrôle de l’immigration il est strictement interdit à toute personne en situation irrégulière de travailler, toute personne se trouvant dans cette situation n’a pas légalement le droit de chercher à améliorer ou préserver ses conditions de travail ou d’améliorer sa situation puisque de tels droits ne sont reconnus que s’il existe une relation d’emploi légitime et durable; par conséquent, il serait difficile de concevoir que des étrangers en situation irrégulière puissent être des travailleurs ayant le droit de constituer un syndicat.
  4. 766. Le 21 mars 2006, l’organisation plaignante a fait appel devant la Haute Cour de Séoul. Le 1er février 2007, la cour a tranché en sa faveur sur les arguments suivants: i) l’interdiction du pluralisme syndical exprimé par la TULRAA se limite à l’interdiction de syndicats multiples constitués par des travailleurs exerçant un travail du même genre dans la même entreprise; par conséquent, la notification de création du syndicat ne devait pas être rejetée sur le simple motif que ce syndicat n’avait pas fourni des documents complémentaires qui n’étaient pas exigés par la loi; ii) même les étrangers en situation irrégulière doivent être considérés comme des travailleurs ayant le droit de constituer un syndicat dès lors qu’ils fournissent effectivement leur travail et qu’ils tirent leur existence d’un salaire ou d’un revenu équivalent versé à raison des services rendus; iii) les restrictions conçues par la loi sur le contrôle de l’immigration en ce qui concerne l’emploi d’étrangers en situation irrégulière ne sont pas destinées à interdire à des travailleurs étrangers qui n’ont pas le droit à l’emploi de constituer une organisation de travailleurs dans le but de rechercher, sur un pied d’égalité avec l’employeur, l’amélioration de leurs conditions de travail. Il est donc contraire au droit de demander sans motif légal la liste des adhérents d’un syndicat dans le seul but de vérifier si ses adhérents ont effectivement un titre de résidence légale. Le gouvernement a décidé de faire appel de cette décision, et l’affaire est actuellement pendante devant la Cour suprême.
  5. 767. S’agissant de la légitimité de la demande d’informations complémentaires par l’Office régional du travail de Séoul, le gouvernement indique que cela était nécessaire pour permettre aux autorités de vérifier si ce syndicat nouvellement créé était un syndicat multiple ou non, et il ajoute que la Cour suprême a déclaré, dans un arrêt du 1er février 2007, que la constitution d’un nouveau syndicat à un niveau plus élevé que celui de l’entreprise peut toujours être interdite si ce syndicat comporte une branche ou une section fonctionnant déjà en tant que syndicat indépendant et qui est capable de conclure indépendamment des conventions collectives sans avoir à en référer à un niveau supérieur (art. 5 de l’addendum de la TULRAA et 4(2) du règlement d’application de la TULRAA). En outre, sur la base de l’article 2(4) de la TULRAA, et comme confirmé par la décision 93DO855 de la Cour suprême (1996), lorsqu’elles reçoivent une notification de création d’un syndicat, les autorités doivent rechercher l’existence d’une relation d’emploi entre les adhérents et leur employeur ou examiner l’indépendance du syndicat; cette procédure a pour finalité de conférer au syndicat certains avantages légaux, tels que les immunités, exonérations fiscales, etc., auxquels il a droit et de garantir un fonctionnement normal en ce qui le concerne. De l’avis du gouvernement, ce principe trouve son expression au paragraphe 275 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, où il est précisé que «les Etats restent libres de prévoir dans leur législation telles formalités qui leur semblent propres à assurer le fonctionnement normal des organisations professionnelles».
  6. 768. Le gouvernement ajoute que les droits fondamentaux reconnus par la Constitution peuvent se répartir entre les droits de l’homme, d’une part, et les droits du citoyen, d’autre part. Les droits de l’homme, tels que la valeur et la dignité de la personne, le droit à la recherche du bonheur, la liberté individuelle, le droit à la vie privée, etc., sont reconnus en tant que droits fondamentaux pour tous les individus, qu’ils aient ou non un statut de résidence légale dans le pays. Par contre, les droits élémentaires que sont le droit de vote, le droit d’accès aux services publics, etc., doivent être considérés comme des droits permettant à un pays de se gouverner et se maintenir et non comme des droits universels, ce pourquoi ils ne sont pas nécessairement reconnus aux étrangers. Le droit d’exercer des activités syndicales peut présenter des caractéristiques similaires au droit à la liberté, qui est un droit de l’homme, mais il présente assurément davantage de similitudes avec les droits du citoyen ou les droits sociaux fondamentaux en ce que l’Etat intervient activement dans les relations socioprofessionnelles et défend les droits des travailleurs qui sont indispensables pour la vie et l’existence de ces derniers, pour compenser les déséquilibres du capitalisme. Par conséquent, le statut devant être conféré aux étrangers par rapport à l’emploi en République de Corée, notamment lorsque ces étrangers n’ont pas de titre de résidence légale, est une question qui relève de la loi et de la politique du pays à travers son appréciation souveraine de la situation économique, de la situation de l’emploi, de ses relations avec les autres pays et de la conjoncture internationale. Il ne s’agit aucunement d’un droit qui serait directement garanti par la Constitution.
  7. 769. Le gouvernement ajoute que l’article 18(1) de la loi sur le contrôle de l’immigration énonce que le permis de résidence est une condition sine qua non d’accès à l’emploi pour les étrangers en République de Corée. Les droits dont jouissent les étrangers dans le domaine du travail sont reconnus par la loi. Il s’agit, par exemple, des prestations d’assurance-maladie et d’assurance concernant la réparation des accidents du travail qui sont garanties par la loi sur l’emploi des travailleurs étrangers. Comme d’autres gouvernements, le gouvernement coréen n’a aucunement l’obligation de conférer à des personnes sans titre légal de résidence tous les droits prévus par la législation du travail. De plus, considérant la finalité des dispositions pertinentes de la loi sur le contrôle de l’immigration (lesquelles prévoient l’expulsion des étrangers en situation illégale et des sanctions pénales en cas d’engagement d’étrangers en situation illégale), reconnaître à des étrangers en situation illégale le droit de constituer un syndicat serait créer une situation absolument contradictoire dans laquelle le gouvernement s’appuierait sur la loi sur le contrôle de l’immigration pour expulser – au besoin de force – des travailleurs étrangers en situation irrégulière et réprimer pénalement les employeurs qui les ont engagés, tout en garantissant à ces travailleurs le droit d’agir et de négocier collectivement à l’avenir. Une telle contradiction serait de nature à engendrer la «menace grave pour la sécurité et l’ordre publics» à laquelle se réfère le recueil susmentionné. C’est pourquoi il convient de s’appuyer sur les dispositions pertinentes de la loi sur le contrôle de l’immigration pour restreindre, sur la base de la régularité de leur situation, le droit des travailleurs étrangers de constituer un syndicat. Une telle précaution est nécessaire pour avoir une prise efficace sur le marché du travail intérieur, instable par définition, assurer une gestion efficace de la main-d’œuvre et préserver les conditions de travail non seulement des travailleurs coréens mais aussi des travailleurs étrangers en situation régulière.
  8. 770. Le gouvernement ajoute que, comme la loi sur le contrôle de l’immigration interdit strictement aux étrangers n’ayant pas de titre de séjour légal en République de Corée d’avoir un emploi, ces étrangers ne sont pas légalement en position de chercher à préserver et améliorer leurs conditions de travail et leur situation en postulant que leur situation dans l’emploi va se poursuivre. Ce point de vue a été confirmé par la Cour suprême dans un arrêt faisant valoir que la relation d’emploi avec un étranger quel qu’il soit, qui n’a pas le droit d’être à nouveau engagé, doit être rompue (arrêt 94NU12067 du 15 septembre 1995). Le gouvernement garantit la protection des droits fondamentaux, y compris à l’égard des étrangers en situation illégale lorsque ceux-ci se trouvent avoir établi une relation d’emploi; par exemple, ils peuvent percevoir les arriérés de salaires qui correspondent à des prestations accomplies ou bénéficier des compensations prévues en cas d’accident du travail. Cependant, cette protection s’applique pour des prestations déjà accomplies et n’a rien à voir avec l’idée de reconnaître à ces personnes le droit de constituer un syndicat, de négocier collectivement, d’agir collectivement en postulant que la relation de travail va se poursuivre. En outre, étant donné que la constitution d’un syndicat par des travailleurs en situation irrégulière ne garantit pas à ces derniers qu’ils obtiendront un statut leur permettant de séjourner légalement dans le pays, l’Office de contrôle de l’immigration, dès qu’il est avisé de la situation irrégulière de travailleurs, prend des dispositions en vue de leur expulsion, conformément à la loi. C’est pourquoi il est absolument hors de question que des personnes séjournant illégalement dans le pays aient la faculté de négocier et conclure des conventions collectives en postulant que leur relation d’emploi va se poursuivre et qu’elles puissent s’appuyer sur une telle convention collective pour chercher à maintenir et améliorer leurs conditions de travail, but ultime de la création d’un syndicat.
  9. 771. En ce qui concerne le rejet de la notification de la création du MTU, le gouvernement indique que, sur examen du rapport de cette organisation, il est apparu que le président et le trésorier étaient des étrangers et que ses statuts stipulaient que son but était de «faire front contre la répression et l’expulsion des travailleurs migrants et lutter pour la régularisation de ces travailleurs», etc. En ce qui concerne Anwar Hossain en particulier, le gouvernement indique que l’intéressé est entré en République de Corée avec un visa de touriste le 24 mai 1996 et qu’il séjournait illégalement dans ce pays depuis le 25 août 1996, date d’expiration de son visa. Le 14 mai 2005, l’intéressé a été appréhendé dans le cadre d’une opération menée contre les résidents illégaux et, en tant qu’étranger en situation illégale, a été frappé d’une décision d’expulsion et placé en rétention. Cependant, il a été remis temporairement en liberté au motif d’un traitement médical et dans l’attente de l’aboutissement de la procédure le concernant. Cette remise en liberté était subordonnée à la condition du respect par l’intéressé des conséquences de son interdiction de séjour au regard de la loi sur le contrôle de l’immigration. Sa période de remise en liberté a été prorogée à six reprises jusqu’au 31 juillet 2007. Or, pendant cette période de liberté temporaire, l’intéressé a annoncé qu’il avait constitué un syndicat d’étrangers et a soumis un rapport sur la création de ce syndicat en déclarant qu’il en avait été élu président. Durant son séjour en République de Corée, il s’est livré, avec des groupes activistes principalement, à l’organisation de manifestations ou à la participation à des manifestations contre l’envoi de troupes en Iraq, l’importation de denrées agricoles ou encore contre la répression et l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Le 26 juillet 2007, il a quitté la République de Corée de son propre chef.
  10. 772. Sur la base des éléments exposés ci-dessus, les autorités ont rejeté la notification de création du syndicat en s’appuyant sur les raisons suivantes: ce syndicat était composé principalement d’étrangers en situation irrégulière; le but déclaré de ce syndicat, tel qu’exprimé par ses statuts, sortait du cadre des finalités légitimes prévues par la TULRAA; ses fondateurs contrevenaient aux règles de contrôle de l’immigration d’un pays souverain en s’opposant à l’arrestation et à l’expulsion de résidents illégaux et en luttant pour la légalisation de ces résidents; enfin, ses fondateurs n’ont pas déféré à la demande de communication de pièces complémentaires. Le gouvernement souligne que les autorités administratives n’ont aucunement l’obligation de délivrer un agrément et de conférer les avantages prévus par la loi à une organisation ayant à sa tête un délinquant séjournant illégalement dans le pays en violation de la loi sur le contrôle de l’immigration, organisation qui s’est dotée de statuts contraires à la loi et à l’ordre d’un pays souverain, qui ne sera manifestement pas en mesure d’atteindre les buts qu’elle s’est fixée et qui n’a pas déféré à la demande de communication de pièces complémentaires. Le gouvernement évoque à titre de comparaison la situation en vigueur dans les autres pays de l’OCDE, et fait valoir qu’il n’y a pas dans ces pays de syndicats d’étrangers en situation illégale parce que les autorités exercent un contrôle strict sur les titres de séjour et que les activités syndicales y font l’objet, dans une certaine mesure, de restrictions en ce qui concerne les travailleurs étrangers.
  11. 773. S’agissant de l’arrestation et de l’expulsion d’étrangers en situation irrégulière, le gouvernement indique que, pour assurer la protection des Coréens et maintenir le contrôle de l’immigration, les instances gouvernementales compétentes ont uni leurs efforts dans des opérations menées chaque année depuis 2004 pour appréhender les étrangers en situation illégale. MM. Kajiman Khapung, Raju Kumar Gurung et Abul Basher Moniruzzaman (Masum) séjournaient en République de Corée de manière illégale depuis respectivement quinze ans et neuf mois, sept ans et sept mois et onze ans et trois mois, en violation de la loi sur le contrôle de l’immigration, au moment où ils ont été pris dans un coup de filet. Raju Kumar Gurung, en particulier, avait été expulsé en 1998 mais était revenu en 2000 sous couvert d’un faux passeport. Bien qu’étant en situation d’illégalité, ils se sont livrés régulièrement, avec certains groupes d’activistes, à des manifestations organisées à une douzaine de reprises devant l’Office de contrôle de l’immigration pour réclamer la légalisation des étrangers en situation irrégulière et l’introduction d’un système de permis de travail. Ils se sont associés principalement à des activités consistant à ridiculiser l’exercice de la puissance publique et perturber la loi et l’ordre par rapport au contrôle de l’immigration plutôt qu’en une activité syndicale raisonnable. Ils sont allés jusqu’à protester contre la politique du gouvernement coréen, notamment contre l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la République de Corée ainsi que contre l’envoi de troupes coréennes en Iraq, et ils ont même mis les agents de l’immigration au défi de les arrêter.
  12. 774. Le gouvernement récuse les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles il s’employait à réviser la loi sur le contrôle de l’immigration dans un sens propre à réduire les droits des travailleurs migrants à l’époque où il faisait procéder à l’arrestation de personnes n’ayant pas de titre de séjour légal puisque, comme il l’explique, le projet de révision de cette loi a simplement pour but de clarifier les critères légaux sur la base desquels les personnes en situation irrégulière sont arrêtées.
  13. 775. Le gouvernement ajoute que MM. Kajiman Khapung, Raju Kumar Gurung, et Abul Basher Moniruzzaman (Masum) ont été appréhendés lors d’un coup de filet mené conjointement par les divers organes gouvernementaux compétents dans le souci de faire baisser le nombre d’étrangers en situation illégale. Il a été interdit à ces personnes d’utiliser leur téléphone mobile pour des raisons de sécurité et afin que l’opération ne soit éventée ni auprès d’autres personnes en situation irrégulière ni auprès de leurs employeurs. Néanmoins, ces personnes ont été autorisées à passer des coups de téléphone depuis le centre de rétention, et leurs téléphones mobiles leur ont été restitués au moment de leur expulsion. Les équipes mobilisées pour les opérations n’avaient pas pour cible simplement les personnes en question ou, plus largement, les étrangers en situation irrégulière; il s’agissait d’une de ces opérations qui sont menées tous azimuts contre le trafic de drogue, les paris et jeux de hasard, la conduite sans permis et la violence, dans des lieux à forte concentration d’étrangers ou affectés par une délinquance particulièrement élevée. Le gouvernement à travers, en particulier, le ministère de la Justice, la police et le ministère du Travail, procède à ce genre d’opérations une ou deux fois par an depuis 2004. Grâce à cette politique, des dizaines de milliers de personnes en situation irrégulière ont pu être découvertes et contraintes de quitter la République de Corée. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière progressant régulièrement, le gouvernement entend renforcer continuellement ces mesures.
  14. 776. Le gouvernement explique que les étrangers en situation irrégulière qui ont été arrêtés ont été emmenés avec bien d’autres au centre de rétention de Cheongju et non dans un centre de rétention plus proche parce qu’il n’y avait plus assez de place. Le matin du 13 décembre 2007, ils ont été transférés du centre de rétention de Cheongju à l’aéroport international d’Incheon puis expulsés vers leurs pays d’origine respectifs, notamment le Népal et le Bangladesh. Il n’a pas été promis à la Commission nationale des droits de l’homme de ne pas expulser les étrangers en situation irrégulière mais plutôt de ne pas le faire en attendant l’issue des plaintes soumises à cette commission et au ministère de la Justice. Cependant, la Commission nationale des droits de l’homme prend en général beaucoup de temps avant de formuler ses recommandations, et tout retard dans l’expulsion forcée des intéressés aurait pour conséquence que leur placement en rétention pour une longue durée constituerait une atteinte aux droits de l’homme. A cela s’ajoute le fait que le gouvernement n’avait aucune obligation d’attendre les recommandations de la commission à propos d’un individu notoirement sans titre de résidence légale. Le 12 décembre 2007, le ministère de la Justice a décidé de rejeter l’appel dont il était saisi, a notifié la Commission nationale des droits de l’homme de ses intentions et a avisé de sa décision les étrangers en situation irrégulière et leurs représentants légaux.
  15. 777. Le gouvernement insiste sur le point que les étrangers en situation irrégulière ayant séjourné en République de Corée dix années ou plus avaient manifestement enfreint la loi sur le contrôle de l’immigration en s’introduisant dans le pays au moyen d’un faux passeport ou en y travaillant clandestinement. Des ordonnances d’expulsion avaient déjà été émises pour de telles violations, et le gouvernement a procédé à l’arrestation des intéressés suivant des procédures légitimes. De plus, les consulats des missions diplomatiques de leurs pays respectifs avaient accepté les mesures d’expulsion forcée et avaient coopéré pour la délivrance des passeports nécessaires. Les mesures prises par le gouvernement coréen étaient donc des mesures légitimes relevant du contrôle de l’immigration, prises en application de la législation d’un Etat souverain et n’avaient rien à voir avec la création d’un syndicat par des étrangers résidant illégalement dans le pays.
  16. 778. Le matin du 13 décembre 2007, ces étrangers résidant illégalement dans le pays ont été réveillés et sont montés à bord d’un autocar pour être escortés à l’aéroport international d’Incheon en temps voulu pour les vols du matin. Mais une trentaine de manifestants, déjà informés du plan de reconduite, ont bloqué l’entrée principale du centre de rétention. Pour ne pas risquer de manquer le départ des vols, l’autocar est sorti par le portail de derrière.
  17. 779. En ce qui concerne l’arrestation de Torna Limbu et d’Abdus Sabur, le 2 mai 2008, le gouvernement indique qu’elle s’est faite lors d’une opération visant les personnes sans titre de séjour. Au moment de leur arrestation, les intéressés se trouvaient illégalement en République de Corée depuis respectivement seize ans et quatre mois et neuf ans et deux mois, en violation naturellement de la loi sur le contrôle de l’immigration. Selon les instructions qui avaient été données pour cette opération, chaque agent devait, en arrêtant une personne sans titre de séjour, contrôler son identité et ensuite produire le mandat d’arrestation. Cette procédure légale a été suivie dans la plupart des cas. Cependant, dans les cas d’urgence, tels que ceux dans lesquels l’interpellé essaie de s’enfuir ou résiste à son arrestation, on ne peut faire autrement que de le maîtriser d’abord, avant de contrôler son identité puis de produire le mandat d’arrestation. Limbu a opposé une vive résistance et a tenté de s’enfuir tandis que des personnes de son entourage faisaient obstruction, ce qui explique que les agents d’intervention ont dû employer la force pour son arrestation.
  18. 780. Le gouvernement ajoute que l’arrestation de personnes sans titre de séjour et leur expulsion vers leurs pays d’origine est un pouvoir dont un pays souverain est naturellement doté et que l’accomplissement de cette mesure n’a rien à voir avec la participation des intéressés à des activités syndicales. Leur qualité de dirigeant syndical n’entraînait pas qu’un titre de résidence légale leur était reconnu, et leur situation d’infraction par rapport à la loi sur l’immigration était manifeste. C’est pourquoi leur arrestation et leur expulsion étaient des mesures légitimes.
  19. 781. Enfin, en ce qui concerne la situation générale des travailleurs migrants en République de Corée, le gouvernement explique que le système de permis de travail tend à ce que les travailleurs étrangers continuent de travailler dans l’établissement pour lequel ils ont obtenu leur permis de travail afin d’éviter les perturbations du marché du travail; néanmoins, soucieux du respect des droits de l’homme, le gouvernement coréen permet aux travailleurs étrangers de changer d’employeur mais pour un nombre de fois fixé à quatre au maximum. Tenant compte des avis formulés par l’OIT, le gouvernement s’emploie actuellement à faire insérer dans les dispositions pertinentes la formule «lorsque la relation d’emploi apparaît difficile à maintenir en raison de violations de la législation du travail, telles que les situations d’arriérés de salaires» afin de garantir également aux travailleurs étrangers la liberté de rechercher un autre emploi et de changer d’employeur lorsque les raisons qui les poussent à le faire ne peuvent leur être imputées. Dans la pratique, depuis l’introduction du système de permis de travail, au total 73 379 travailleurs étrangers ont été autorisés à changer d’employeur. Enfin, plusieurs dispositifs légaux et institutionnels ont été mis en place pour éliminer la discrimination contre les travailleurs étrangers et protéger leurs droits et leurs intérêts (protection légale contre la discrimination, apprentissage de la langue, etc.). Le gouvernement fait observer que, ces dernières années, notamment dans les pays les plus avancés, on constate une tendance au renforcement des opérations de répression contre le séjour illégal des étrangers pour la protection de la population du pays.
  20. 782. Le gouvernement indique en conclusion qu’il est bien conscient de la nécessité, compte tenu de la mobilité accrue de la main-d’œuvre générée par la mondialisation, de faire preuve d’une plus grande attention pour les conditions de travail des travailleurs étrangers et de concevoir des mesures tendant à l’amélioration de ces conditions et à la protection des droits de l’homme en ce qui concerne ces personnes. Bien que pour la République de Corée le rôle de pays d’accueil de travailleurs étrangers soit relativement nouveau, ce pays a entrepris par des efforts multiples d’améliorer l’administration de ces travailleurs et d’assurer la protection des droits de l’homme en ce qui les concerne, y compris à travers l’introduction d’un système de permis de travail. Le gouvernement ajoute qu’il continuera de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la protection des droits et des intérêts des travailleurs étrangers et garantir la création légitime de syndicats par ceux-ci ainsi que leur participation à des activités syndicales. Le gouvernement se dit confiant de la compréhension et de la coopération continue du comité à cet égard.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 783. Le comité note que ce cas concerne des allégations selon lesquelles le gouvernement a refusé d’enregistrer le Syndicat des travailleurs migrants (MTU) et a mené une campagne de répression ciblée contre ce syndicat, ordonnant l’arrestation, successivement, de ses présidents, Anwar Hossain, Kajiman Khapung et Torna Limbu, de ses vice-présidents, Raju Kumar Gurung (Raju) et Abdus Sabur, et de son secrétaire général, Abul Basher Moniruzzaman (Masum), et l’expulsion subséquente de la plupart d’entre eux. Les organisations plaignantes ajoutent que tout ceci s’est déroulé dans un climat de discrimination généralisée, animé par la volonté de cantonner les travailleurs migrants dans le rôle d’une main-d’œuvre sous-payée et facile à exploiter.
  2. 784. Le comité note que le gouvernement demande que l’examen de cette affaire soit suspendu dans l’attente de la décision à intervenir de la Cour suprême. Le comité rappelle que, si le recours à une procédure légale interne, quel qu’en soit le résultat, constitue un élément qui doit certes être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n’est pas suspendue à la condition de l’achèvement de la procédure au niveau interne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, annexe I, paragr. 30.] De plus, le comité observe que la question est pendante devant la Cour suprême depuis plus de deux ans et que, pendant ce délai, plusieurs dirigeants du MTU ont été arrêtés et expulsés. D’autre part, la décision attendue de la Cour suprême ne concerne que la question de l’enregistrement du MTU et non les autres allégations soulevées dans la plainte. Par conséquent, le comité entend procéder à l’examen du présent cas avec pour objectif de dégager des éléments supplémentaires à examiner au regard des principes de la liberté syndicale reconnus internationalement.
  3. 785. Le comité observe que, dans le présent cas, les faits tels qu’ils ressortent des allégations des organisations plaignantes et de la réponse du gouvernement sont les suivants: le 3 mai 2005, le MTU a saisi l’Office régional du travail de Séoul d’une notification de sa création. Le 3 juin 2005, l’Office régional du travail de Séoul a rejeté cette notification, se fondant essentiellement sur les arguments suivants: i) le syndicat a omis de produire des pièces qui prouveraient que sa création ne viole pas les dispositions de la loi qui prévoient le monopole syndical au niveau de l’entreprise; et ii) le syndicat était constitué d’étrangers employés illégalement «n’ayant pas le droit de s’affilier à un syndicat», et les dirigeants de ce syndicat étaient principalement des étrangers sans titre de résidence légale ni titre de travail. Le 14 juin 2005, le MTU a engagé un recours administratif contre l’Office régional du travail de Séoul, recours qui a été rejeté par les instances compétentes essentiellement sur les motifs suivants: i) le syndicat était dans l’obligation de produire des pièces permettant d’établir que les dispositions de la TULRAA relatives au monopole syndical n’étaient pas violées; ii) les travailleurs migrants, étant donné qu’il leur est strictement interdit de prendre un emploi, en vertu de la loi sur le contrôle de l’immigration, n’ont pas le droit de rechercher le maintien ou l’amélioration de leurs conditions de travail ou l’amélioration de leur situation; de tels droits n’existent que sur la prémisse que la relation de travail légitime se poursuivra; par conséquent, des travailleurs migrants en situation illégale ne sont pas légalement fondés à constituer un syndicat. Le MTU a fait appel de cette décision, et la Haute Cour de Séoul a tranché en sa faveur le 1er février 2007 sur les arguments suivants: i) il n’était aucunement nécessaire de produire des pièces démontrant que les dispositions de la TULRAA instaurant le monopole syndical se trouvaient respectées puisque les dispositions en question n’étaient applicables que dans des circonstances spécifiques, au niveau de l’entreprise, alors que le MTU avait été constitué à un niveau supérieur; ii) des travailleurs migrants en situation irrégulière restent des travailleurs ayant le droit de constituer des syndicats dès lors qu’en fait ils fournissent des services constituant un travail dont ils tirent un salaire ou un revenu équivalent qui leur est versé à raison de ces services; iii) les restrictions que la loi sur le contrôle de l’immigration fait peser sur l’emploi de travailleurs migrants en situation illégale n’ont pas pour finalité d’interdire les travailleurs étrangers de constituer une organisation de travailleurs dans l’objectif de l’amélioration de leurs conditions de travail. Sur ces considérants, la Haute Cour a estimé qu’il était contraire à la loi d’exiger une liste des adhérents à seule fin de contrôler si ces personnes avaient un titre de résidence légale. Le gouvernement a fait appel de cette décision, et l’affaire est actuellement pendante devant la Cour suprême. Entre-temps, plusieurs dirigeants du MTU ont été arrêtés dans le cadre de plusieurs opérations de répression et, dans certains cas, ont été expulsés.
  4. 786. Le comité note que la première question à examiner est de savoir si des travailleurs migrants, même en situation irrégulière, jouissent des droits de se syndiquer et de négocier collectivement. Le comité observe que, d’après les organisations plaignantes, dans sa décision du 1er février 2007, la Haute Cour a indiqué que ces droits sont reconnus à tous les travailleurs, y compris à des travailleurs migrants en situation irrégulière, en vertu des articles 11(1) et 33(1) de la Constitution qui garantissent que tous les travailleurs, sans discrimination, ont le droit de s’organiser et d’agir et négocier collectivement de manière indépendante, et des articles 5 et 9 de la TULRAA, en vertu desquels tous les travailleurs ont le droit de constituer librement des syndicats ou de s’affilier à de telles organisations et ne doivent pas faire l’objet de discrimination.
  5. 787. La commission prend note des arguments du gouvernement selon lesquels les travailleurs migrants en situation irrégulière ne peuvent prétendre aux droits de se syndiquer et de négocier collectivement; que le droit des travailleurs migrants de constituer un syndicat est subordonné en ce qui les concerne à la détention d’un titre de résidence légale et à l’existence d’une relation d’emploi légale, ce qui, en l’espèce, était impossible. Le gouvernement considère que les droits fondamentaux reconnus par la Constitution se répartissent en deux catégories: les droits de l’homme et les droits du citoyen; que les premiers sont les seuls à pouvoir être reconnus à ces travailleurs migrants, le droit de se syndiquer et de négocier collectivement étant exclu en ce qui les concerne. De l’avis du gouvernement, en ce qui concerne les travailleurs migrants, la liberté syndicale n’est pas directement garantie par la Constitution, cette question ne devant être tranchée qu’en prenant en considération la situation économique et sociale d’un pays qui est souverain, la nécessité pour ce dernier de protéger ses nationaux, ses relations avec les autres pays et enfin la conjoncture internationale. En outre, reconnaître à des étrangers en situation irrégulière le droit de constituer un syndicat serait créer une situation absolument contradictoire dans laquelle le gouvernement s’appuierait sur la loi sur le contrôle de l’immigration pour expulser – au besoin de force – des travailleurs étrangers en situation irrégulière, tout en reconnaissant un syndicat constitué d’étrangers en situation irrégulière et en leur garantissant le droit d’agir et de négocier collectivement pour l’avenir. En vertu de la loi sur le contrôle de l’immigration, il est strictement interdit à des étrangers se trouvant en situation irrégulière en République de Corée d’avoir un emploi. Par conséquent, ceux-ci ne sont pas légalement fondés à prétendre maintenir ou améliorer leurs conditions de travail ou leur situation en postulant que leur relation d’emploi se poursuivra.
  6. 788. Le comité rappelle à cet égard le principe général en vertu duquel tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 216.] Le comité rappelle en outre que, chaque fois qu’il a examiné une législation déniant aux travailleurs migrants en situation irrégulière le droit de se syndiquer – situation qui correspond à celle qui est présentée –, il a toujours souligné que tous les travailleurs, à la seule exception des membres des forces armées et de la police, sont couverts par la convention no 87 et, en conséquence, il a toujours demandé au gouvernement de tenir compte dans sa législation de la teneur de l’article 2 de cette convention. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 214.] Le comité rappelle également la résolution concernant une approche équitable pour les travailleurs migrants dans une économie mondialisée adoptée par la Conférence de l’OIT à sa 92e session en 2004 aux termes de laquelle «Tous les travailleurs migrants bénéficient également de la protection offerte par la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi (1998). Par ailleurs, les huit conventions fondamentales de l’OIT relatives à la liberté syndicale et au droit de négociation collective, à la non-discrimination en matière d’emploi et de profession, à l’interdiction du travail forcé, et à l’élimination du travail des enfants couvrent tous les travailleurs migrants, quel que soit leur statut.» (paragr. 12).
  7. 789. Quant au refus des autorités de reconnaître la constitution du MTU et de lui octroyer le statut d’organisation syndicale, le comité observe que cet aspect du cas est en instance devant la Cour suprême et demande au gouvernement de transmettre la décision de justice dès qu’elle sera rendue de façon à ce que le comité puisse examiner cet aspect du cas en toute connaissance de cause des faits. Le comité a l’intention d’examiner cette question dans tous les cas à sa session de novembre 2009.
  8. 790. S’agissant de l’arrestation et de l’expulsion des dirigeants du MTU, le comité note que, de l’avis des organisations plaignantes, il ne fait aucun doute que ces mesures avaient été planifiées et conçues dans le but de donner un coup d’arrêt aux activités légitimes du MTU; de plus, l’expulsion, le 11 décembre 2007, du président du MTU, Kajiman Khapung, du vice-président, Raju Kumar Gurung et du secrétaire général, Abul Basher Maniruzzaman (Masum), s’est faite dans la nuit dans le secret et de manière illégale alors que leurs recours devant la Commission nationale des droits de l’homme étaient pendants et en dépit des engagements pris par le gouvernement de ne pas expulser les dirigeants syndicaux tant que les investigations menées par la Commission nationale des droits de l’homme seraient en cours.
  9. 791. Le comité note que, pour le gouvernement, l’arrestation et l’expulsion vers leurs pays d’origine de personnes en situation illégale est une prérogative dont un pays souverain est naturellement doté, prérogative dont l’exercice n’a pas de rapport avec l’implication de ces individus dans des activités syndicales. Le statut de dirigeant syndical de ces derniers ne leur confère pas un statut de résidence légale, et la violation par eux de la loi sur le contrôle de l’immigration était manifestement constituée. Selon le gouvernement, il n’a pas été promis à la Commission nationale des droits de l’homme de ne pas expulser ces dirigeants syndicaux résidant illégalement dans le pays mais plutôt de ne pas le faire en attendant l’issue des plaintes soumises à cette commission et au ministère de la Justice. Cependant, la Commission nationale des droits de l’homme prend en général beaucoup de temps avant de formuler ses recommandations, et tout retard dans l’expulsion forcée des intéressés aurait pour conséquence que leur placement en rétention pour une longue durée constituerait à leur égard une atteinte aux droits de l’homme. Le gouvernement n’avait aucune obligation d’attendre les recommandations de la commission puisque le caractère illégal de leur séjour dans le pays était évident. Leur expulsion est intervenue le 13 décembre 2007 (et non le 11, comme le prétendent les organisations plaignantes), après que le rejet, le 12 décembre 2007, de leurs recours devant le ministère de la Justice a été notifié à la Commission nationale des droits de l’homme, aux intéressés et à leurs représentants légaux.
  10. 792. Le comité est amené à observer que le président du MTU, en même temps que d’autres dirigeants de cette organisation, a été arrêté peu après son élection à la direction du syndicat en dépit du fait qu’il vivait dans le pays depuis de nombreuses années. Quant au deuxième président du MTU, M. Kajiman Khapung, il a été arrêté quatre mois après le départ de Anwar Hossain, le 27 novembre 2007, en même temps que le vice-président, Raju Kumar Gurung, et le secrétaire général, Abul Basher Maniruzzaman (Masum), alors qu’ils vivaient dans le pays depuis respectivement quinze ans et neuf mois, sept ans et sept mois et onze ans et trois mois. Ces personnes ont ensuite été expulsées vers leurs pays d’origine. Le troisième président du MTU, Torna Limbu, a été arrêté le 2 mai 2008, en même temps que le vice-président, Abdus Sabur, moins de quatre mois après leur élection à la tête du MTU alors qu’ils vivaient dans le pays depuis respectivement seize ans et quatre mois et neuf ans et deux mois. S’agissant du premier président du MTU, M. Anwar Hossain, le comité observe que ce sont sans doute précisément les activités déployées par M. Anwar pour fonder un syndicat s’adressant aux travailleurs migrants qui ont donné lieu à son arrestation puisque jusque-là il avait travaillé clandestinement pendant près de dix ans sans que cela ne suscite apparemment d’incident. De fait, il a été arrêté le 14 mai 2005, soit onze jours après avoir notifié à l’Office régional du travail de Séoul la création du MTU en indiquant qu’il en était le président.
  11. 793. Le comité rappelle que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général et des libertés syndicales en particulier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 64.] Les mesures d’arrestation de syndicalistes et de dirigeants d’organisations d’employeurs peuvent créer un climat d’intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit. paragr. 67.] De plus, des mesures d’expulsion frappant des dirigeants syndicaux dont les recours sont pendants peuvent comporter un risque d’interférence grave avec des activités syndicales. A ce propos, le comité exprime sa profonde préoccupation devant les allégations selon lesquelles le secrétaire général du MTU, Masum, a été soumis à un nouvel interrogatoire à son arrivée dans son pays, le Bangladesh. Le comité, tout en n’étant pas en position de se prononcer quant au droit légal des intéressés de résider dans le pays et bien qu’il soit hors de sa compétence d’examiner une politique nationale d’immigration n’ayant pas de rapport avec la liberté syndicale, ne peut qu’exprimer à nouveau sa profonde préoccupation devant la coïncidence dans le temps des mesures prises à l’encontre de syndicalistes qui travaillaient dans ce pays depuis de nombreuses années.
  12. 794. Le comité demande au gouvernement d’éviter à l’avenir de prendre des mesures qui comporteraient un risque grave d’interférence avec des activités syndicales, comme l’arrestation et l’expulsion de dirigeants syndicaux juste après leur élection et tandis que leurs recours devant une juridiction sont pendants. Le comité regrette que le gouvernement n’ait fourni aucune information au sujet des arrestations des présidents et vice-présidents en exercice, MM. Limbu et Sabur, et il lui demande de veiller à ce que les intéressés bénéficient d’une procédure régulière dans l’examen de leur situation et de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 795. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) S’agissant du refus des autorités de reconnaître la constitution du MTU et de lui octroyer le statut d’organisation syndicale, le comité observe que cet aspect du cas est en instance devant la Cour suprême et demande au gouvernement de transmettre la décision de justice dès qu’elle sera rendue de façon à ce que le comité puisse examiner cet aspect du cas en toute connaissance de cause des faits. Le comité a l’intention d’examiner cette question dans tous les cas à sa session de novembre 2009.
    • b) Le comité demande au gouvernement de s’abstenir à l’avenir de prendre des mesures qui comporteraient un risque grave d’interférence avec des activités syndicales, comme l’arrestation et l’expulsion de dirigeants syndicaux juste après leur élection et tandis que leurs recours devant une juridiction sont pendants.
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