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- 255. La présente plainte figure dans une communication de la Confédération capverdienne des syndicats libres (CCSL) en date du 14 décembre 2007. La CCSL a transmis des informations complémentaires en relation avec la plainte dans des communications en date des 7 février et 14 avril 2008.
- 256. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 26 mars 2008.
- 257. Le Cap-Vert a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 258. Dans sa communication en date du 14 décembre 2007, la Confédération capverdienne des syndicats libres (CCSL) indique que le gouvernement a présenté, en juillet 2003, un avant-projet de Code du travail en vue d’un examen public. Dès le début, la CCSL a fait part de ses réserves à l’égard de cet avant-projet en raison des conséquences négatives que l’adoption du projet initial aurait inévitablement, tant sur les travailleurs que sur les relations professionnelles au Cap-Vert.
- 259. Entre-temps, l’avant-projet de Code du travail a été soumis pour examen au Conseil de concertation sociale. Ce conseil a décidé de créer une commission technique chargée d’harmoniser et d’intégrer les propositions formulées par les différents partenaires sociaux afin de parvenir à un projet de Code du travail donnant satisfaction aux parties concernées.
- 260. L’organisation plaignante indique qu’après quasiment trois années de travail laborieux et de négociations intenses et complexes, les conseillers techniques des organisations syndicales, des employeurs et du gouvernement ont présenté à leurs directions respectives, par le biais du mémorandum d’accord signé par les membres de la commission technique, le projet de nouveau Code du travail afin qu’il soit examiné et discuté dans le cadre du Conseil de concertation sociale. Bien qu’elle ait approuvé dans les grandes lignes la proposition formulée par la commission technique considérant qu’elle améliorait considérablement l’avant-projet de Code du travail présenté initialement par le gouvernement, la CCSL n’a pas approuvé, n’approuve pas et n’approuvera aucune norme qu’elle considère préjudiciable aux intérêts des travailleurs et aux relations professionnelles au Cap-Vert ou qu’elle juge contraire aux conventions nos 87 et 98.
- 261. En premier lieu, la CCSL s’oppose aux dispositions de l’article 70, paragraphe 3, du Code du travail qui prévoit que les coûts de publication des statuts des syndicats au Journal officiel sont à la charge de ces derniers. La CCSL considère que cette disposition est contraire à la convention no 87. A titre d’exemple, l’organisation plaignante indique que les statuts de l’Association syndicale des travailleurs des registres notariés et d’identification civile et criminelle (ASTRANIC) n’ont pas été publiés au Journal officiel parce qu’il était demandé à l’organisation de verser l’équivalent de 1 800 euros aux fins de la publication de ses statuts.
- 262. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que l’article 70, paragraphe 4, du Code du travail dispose que les associations syndicales ne pourront commencer à exercer leurs activités qu’après la publication de leurs statuts au Journal officiel. La CCSL affirme que, par essence, les organisations syndicales sont des organismes à but non lucratif et que le fait d’exiger qu’elles s’acquittent d’une somme exagérément élevée aux fins de publication de leurs statuts pour commencer à exercer leurs activités constitue une restriction de la liberté syndicale.
- 263. En deuxième lieu, la CCSL s’oppose à l’article 110, paragraphe 1, du nouveau Code du travail qui transfère la responsabilité de la publication des conventions collectives au Journal officiel aux organisations de travailleurs et d’employeurs. L’organisation plaignante estime qu’une telle disposition est contre-productive et contraire au principe de la promotion de la négociation collective au Cap-Vert. Selon le gouvernement, cette disposition a été adoptée parce que, par le passé, le ministère du Travail avait été contraint de débourser l’équivalent de 7 000 euros pour assumer le coût de la publication de l’accord collectif conclu par les syndicats et les entreprises du secteur de la sécurité privée.
- 264. En troisième lieu, la CCSL s’oppose à l’article 353, paragraphe 1, du nouveau Code du travail qui réduit de manière drastique les congés accordés aux gens de mer, qui passent de 10 jours par mois de service effectif à 2,5 jours par mois de service effectif. L’organisation plaignante considère que le travail maritime est d’une nature tellement particulière que les congés accordés aux membres de cette profession ne peuvent être comparés à ceux auxquels ont droit d’autres professionnels. La CCSL considère par conséquent que le régime antérieur doit être maintenu.
- 265. En quatrième lieu, la CCSL affirme que le plus grave est que le gouvernement a décidé de promulguer la norme énoncée à l’article 15 du préambule du décret-loi no 5/2007 sans que l’article en question ait été soumis à l’examen de la commission technique, et encore moins à son approbation, alors que cette dernière était chargée de procéder à l’harmonisation et à l’intégration des propositions formulées par les différents partenaires sociaux et de favoriser le consensus entre ses membres. L’organisation plaignante affirme que le gouvernement tente, par ce biais, de ne pas tenir compte des années de service effectuées, de janvier 1994 à ce jour, par les travailleurs capverdiens engagés à durée déterminée aux fins du projet de conversion des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée, ce qui constitue une violation des droits contractuels acquis par les travailleurs et, partant, une violation de la convention no 98.
- 266. En cinquième lieu, la CCSL indique qu’en marge du cadre de fonctionnement du Conseil de concertation sociale le gouvernement, afin, à l’évidence, de ne pas respecter son engagement, a décidé de ne pas soumettre le mémorandum d’accord pour examen à la commission technique du Conseil de concertation sociale, comme il s’y était initialement engagé, et d’approuver le Code du travail sans que le conseil de concertation ait d’une quelconque manière délibéré sur le texte, attendu qu’il a été transmis au Président de la République pour promulgation.
- 267. Dans sa communication du 7 février 2008, la CCSL indique que, s’agissant de l’article 15 du préambule du décret-loi no 5/2007, le docteur en droit, M. Germano Almeida, qui est l’auteur matériel du projet de Code de travail, a indiqué au cours d’un entretien que le gouvernement avait modifié les dispositions du code relatives aux horaires de travail, ce qui conforte et confirme les éléments invoqués dans la plainte présentée par l’organisation plaignante. S’agissant de la réduction des congés accordés aux gens de mer, l’article 15 du décret-loi no 36/93 du 21 juin 1993 du nouveau Code du travail supprime non seulement les droits acquis par les gens de mer, mais les prive également des congés hebdomadaires et des jours fériés nationaux et municipaux légaux, ce qui constitue une violation de la convention no 98.
- 268. Dans sa communication en date du 14 avril 2008, la CCSL indique qu’elle a introduit, à cette même date, une requête devant le Procureur général de la République du Cap-Vert afin que soit prononcée l’inconstitutionnalité de l’article 15 du décret-loi no 5/2007 du 16 octobre par le biais duquel le Code du travail a été approuvé.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 269. Dans sa communication du 26 mars 2008, le gouvernement indique que la Magna Carta (Grande Charte) du Cap-Vert consacre une république souveraine qui garantit le respect de la dignité de la personne humaine, reconnaît l’inviolabilité et l’inaliénabilité des droits de l’homme en tant que fondement de l’humanité, de la paix et de la justice et a pour objectif fondamental la réalisation de la démocratie économique, sociale et culturelle en vue de l’édification d’une société libre, juste et solidaire. En ce sens, l’Etat du Cap-Vert est subordonné à la Constitution et agit conformément à la légalité démocratique en respectant et en faisant respecter la législation, tant nationale qu’internationale.
- 270. Le droit international, général ou commun, qui fait partie intégrante de l’ordre juridique du Cap-Vert ainsi que les traités et accords internationaux approuvés ou ratifiés par le pays sont intégrés dans l’ordre juridique interne dès leur publication au Journal officiel et engagent l’Etat du Cap-Vert sur le plan juridique international. Le gouvernement affirme qu’il respecte également les engagements qu’il a souscrits, en particulier ceux liés au respect du principe de légalité, et que c’est dans ce cadre qu’il convient d’analyser la plainte présentée par la CCSL.
- 271. Le gouvernement indique qu’il a décidé, par l’intermédiaire du ministère du Travail, de la Famille et de la Solidarité et dans le cadre de la réforme de l’administration publique, de procéder à une révision de la législation du travail en vigueur afin d’instaurer une plus grande justice sociale. Tous les partenaires sociaux ont, dans l’ensemble, participé au processus d’élaboration du nouveau Code du travail et tant les organisations d’employeurs que les organisations syndicales ont été consultées et ont exprimé leur point de vue sur l’ensemble du projet, comme le démontre la plainte même de la CCSL.
- 272. De fait, à cet égard et conformément aux instruments du droit international en vigueur dans le pays, essentiellement les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, l’ordre juridique interne prévoit que tous les travailleurs sont libres de créer des organisations syndicales ou des associations professionnelles pour défendre leurs intérêts et leurs droits collectifs ou individuels. Cela signifie que la liberté syndicale est pleinement reconnue, que le pluralisme syndical, l’indépendance, l’autonomie et la démocratie syndicale sont expressément garantis par rapport au patronat, à l’Etat, aux partis politiques, à l’Eglise et aux cultes religieux, et que nul ne peut être contraint de s’affilier à un syndicat, de demeurer syndiqué ou de cotiser à un syndicat auquel il n’est pas affilié. Cette liberté est reconnue en tant que droit, liberté et garantie et, outre le fait qu’elle bénéficie d’un régime spécifique, consacré par les articles pertinents de la Constitution, elle constitue également un droit fondamental contraignant et exécutoire pour toutes les entités publiques et privées.
- 273. Dans le cadre de la révision de la législation du travail, les principes susmentionnés ont été respectés et nul ne peut prétendre, à l’instar de la CCSL, que le fait que les syndicats doivent assumer le coût de la publication de leurs statuts au Journal officiel contrevient aux dispositions des conventions de l’OIT, attendu que l’article 73, paragraphe 3, dudit code est conforme aux dispositions de la convention no 87 eu égard aux relations entre les organisations syndicales et l’Etat et qu’il proscrit toute tentative d’ingérence dans les activités syndicales et de contrôle de celles-ci. Globalement, l’objectif est que l’Etat doit, dès la création des syndicats, s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice. En outre, toute organisation syndicale ayant déposé ses statuts auprès des services compétents du ministère chargé des questions professionnelles acquiert la personnalité juridique et le fait de ne pouvoir commencer à exercer des activités syndicales qu’après la publication des statuts du syndicat au Journal officiel n’enfreint pas le droit à la liberté syndicale mais, bien au contraire, renforce et protège ce droit puisque cette disposition vise précisément à garantir la sécurité du syndicat et de ses affiliés dans la mesure où la publication de ses statuts lui permet d’être publiquement reconnu, de même que les avantages qu’il défend.
- 274. Le gouvernement récuse l’affirmation selon laquelle la législation nationale, et en particulier le Code du travail, enfreint et restreindra les garanties énoncées dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT. Comme cela a déjà été indiqué, le principe énoncé à l’article 7 de la convention no 87, à savoir que l’acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d’employeurs, leurs fédérations et confédérations ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l’application des dispositions des articles 2, 3 et 4 de cette même convention, est pleinement respecté et absolument garanti.
- 275. Le gouvernement note que l’organisation plaignante prétend également que l’article 110, paragraphe 1, dudit code qui dispose que les conventions collectives et les accords confirmant l’adhésion à celles-ci doivent être publiés aux frais des intéressés au Journal officiel dans un délai de 30 jours suivant leur dépôt, une fois que ces conventions et accords sont définitivement avalisés par notification d’un membre du gouvernement chargé des questions du travail, est contraire aux conventions nos 87 et 98. Or les conventions collectives, en tant qu’accords entre parties privées, sont un mécanisme largement prévu par la législation du travail du Cap-Vert et il incombe aux travailleurs et au patronat de décider d’entamer des négociations pour que leurs relations soient codifiées par une convention collective. La Constitution prévoit que les travailleurs jouissent du droit de négocier collectivement et que ce droit n’est pas uniquement réservé aux membres d’une organisation syndicale, lesquels n’ont pas non plus le monopole de son exercice. A cet égard, l’article 100 du Code du travail, se fondant sur les principes énoncés par l’OIT, garantit ce droit aux travailleurs non syndiqués, attendu que l’autonomie et le droit de négociation collective des travailleurs se fondent sur la reconnaissance de la liberté syndicale, liberté dont jouissent tous les travailleurs, qu’ils décident ou non d’adhérer à un syndicat.
- 276. Cette garantie élargie s’explique, d’une part, par le principe consacré par l’ordre juridique interne du Cap-Vert en vertu duquel les parties sont libres de déterminer le contenu des conventions collectives. Cela signifie que, pour autant que les dispositions des conventions collectives ne soient pas contraires à d’autres normes constitutionnelles ou légales impératives et qu’elles n’accordent pas de traitement moins favorable à certains travailleurs autre que celui prévu par la loi, les parties disposent d’une grande marge de négociation quant à la détermination de ce qui doit figurer dans une convention collective (art. 98 et 99 du Code du travail). D’autre part, en vertu du principe de la primauté de la négociation et de la subsidiarité des questions non négociables, que le législateur a pris soin de consacrer, le principe de la primauté de la négociation (art. 108 du Code du travail) prévaut, tant en ce qui concerne la réglementation ab initio que la révision des conditions de travail et d’emploi. Par conséquent, le ministère compétent en matière de travail de même que le ministère de tutelle ou chargé de l’économie sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir le règlement amiable des différends liés à la négociation collective, le cas échéant.
- 277. Le principe de publicité obligatoire, selon lequel les conventions collectives ne prennent pleinement effet que lorsqu’elles sont publiées au Journal officiel aux frais des intéressés, a précisément pour objectif d’encourager la négociation collective et les accords qui en découlent. En effet, ce n’est qu’une fois publiée que les bénéficiaires d’une convention collective, principalement les travailleurs, peuvent prendre connaissance des dispositions qu’elle contient, les respecter et les faire respecter. Il ressort de ce qui précède que la législation capverdienne reflète, de manière claire et univoque, la conviction que les conventions collectives sont mieux à même de garantir la pacification des relations professionnelles lorsqu’elles ont été négociées par les intéressés eux-mêmes et qu’il lui incombe de promouvoir les normes internationales et les principes énoncés dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT.
- 278. S’agissant des gens de mer, l’article 353, paragraphe 1, du Code du travail dispose que les gens de mer ont le droit à au moins 2,5 jours de congé par mois de service effectif. Ceux qui n’ont pu prendre les jours de repos obligatoire peuvent les ajouter aux congés annuels auxquels ils ont droit, si les parties en sont d’accord. Les dispositions énoncées dans cet article sont tout à fait conformes aux dispositions du droit maritime international et prennent en compte les besoins spécifiques des gens de mer; elles sont en particulier conformes à la convention de l’OIT sur le travail maritime de 2006 qui prévoit que les marins doivent bénéficier d’au moins 2,5 jours de congé par mois de service effectif.
- 279. Le gouvernement tient à rappeler que le Code du travail est très avantageux dans ce domaine attendu que les travailleurs bénéficient d’un traitement plus favorable grâce aux mécanismes de réglementation collective, aux règlements internes et aux contrats individuels de travail et qu’il encourage, en outre, la négociation collective. Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la CCSL, les droits acquis ne seront pas remis en question attendu que la législation garantira leur application.
- 280. S’agissant des contrats à durée déterminée, le gouvernement estime que l’article 15 du préambule du décret-loi sur le Code du travail offre une meilleure sécurité de l’emploi puisque le régime établi en l’espèce ne s’applique pas aux contrats de travail conclus ou négociés avant la date d’entrée en vigueur dudit décret, en vertu de quoi les délais de prescription et de caducité sont respectés. S’agissant de l’allégation selon laquelle cet article a été adopté sans avoir été débattu et sans avoir été soumis à l’approbation des membres de la commission technique, le gouvernement indique que l’article 65 de la CRCB concernant la défense des droits et des intérêts des travailleurs prévoit que les syndicats ont le droit, selon les termes prévus par la loi, de participer à l’élaboration des lois du travail. Ce droit est réglementé par la loi no 17/B/96 du 30 décembre 1996 qui dispose qu’aucun projet ou proposition de loi portant sur le droit du travail ne peut être discuté ou voté par l’Assemblée nationale sans que les organisations syndicales aient, préalablement, fait connaître leurs vues sur le sujet. En tout état de cause, la participation des organisations syndicales au processus en question a pris, en l’occurrence, la forme d’une consultation organisée autour de commissions techniques composées de représentants des syndicats.
- 281. Le gouvernement indique que les partenaires sociaux ont, dans l’ensemble, été associés au processus d’élaboration du projet de Code du travail et que tant les organisations patronales que les organisations syndicales ont eu connaissance du texte du projet et ont exprimé leurs vues sur l’ensemble du texte proposé, comme en atteste la plainte présentée par la CCSL. Il est évident que les organisations syndicales ont participé à ce processus puisqu’elles connaissaient la teneur de la première version du projet ainsi que les différents amendements qui y ont été apportés avant leur adoption définitive. Les organisations syndicales ont donc été habilitées à se prononcer sur le texte du projet par le biais de commentaires critiques, de suggestions ou de propositions alternatives dont il a été tenu compte lors de l’élaboration finale du texte de loi adopté. Les organisations syndicales ne sont cependant pas censées participer de quelque manière que ce soit aux activités des organes législatifs et sont encore moins dotées d’un droit de vote.
- 282. Le gouvernement affirme que la participation des organisations syndicales au processus d’élaboration du Code du travail s’est effectuée selon les conditions prévues par la Constitution, c’est-à-dire que ce processus a été mené de manière à donner fondamentalement la possibilité à tous les partenaires sociaux intéressés de commenter, en toute connaissance de cause, les dispositions du texte en question. En outre, le mémorandum d’accord signé par le ministère du Travail, de la Famille et de la Solidarité et les partenaires sociaux concernant les axes fondamentaux du projet indique que les parties sont convenues qu’il incombera au gouvernement, conformément à l’engagement pris lors de l’adoption de l’article en question, de clarifier la question des contrats de travail à durée déterminée qui ne seraient pas arrivés à échéance au moment de l’entrée en vigueur du nouveau Code du travail. Par conséquent, les dispositions de l’article 15 du préambule du décret-loi sont conformes à la Constitution, aux normes internationales et à l’engagement souscrit par le gouvernement.
- 283. En outre, le gouvernement déclare que, contrairement aux allégations de la CCSL, son objectif n’est pas, grâce à ces dispositions, de ne pas tenir compte des années de service effectuées par les travailleurs sous contrat à durée déterminée mais plutôt de leur accorder une certaine sécurité de l’emploi. Cet aspect de la question n’était pas réglementé par la législation nationale antérieure, de sorte que les travailleurs passaient la majorité de leur carrière à se poser des questions et à se trouver en situation précaire. L’adoption de cette législation n’est en rien arbitraire et tend au contraire à refléter la réalité politique, économique, sociale et culturelle actuelle du pays en apportant des solutions mûrement réfléchies aux problèmes rencontrés. La législation précédente ne prévoyait pas de limite au renouvellement des contrats, si bien que les travailleurs embauchés à durée déterminée se retrouvaient dans la situation décrite plus haut chaque fois qu’approchait la date d’échéance de leur contrat, à moins d’intenter une action, avec les complications induites par une telle procédure, pour démontrer que leur contrat n’était pas à durée déterminée mais renouvelé indéfiniment.
- 284. A l’heure actuelle, en vertu de la législation en vigueur, au bout de cinq ans, et sans qu’il soit besoin de saisir une quelconque instance, un travailleur sous contrat sera automatiquement assimilé au personnel permanent de l’entreprise contractante, de sorte qu’il bénéficiera d’une plus grande sécurité de l’emploi. Le gouvernement estime donc que la CCSL n’est en rien fondée à invoquer la violation des droits acquis par les travailleurs.
- 285. En dernier lieu, le gouvernement affirme qu’il a toujours respecté le principe de légalité ainsi que les engagements qu’il a contractés, en particulier au niveau international, et que par conséquent la plainte présentée par la CCSL ne devrait pas être considérée recevable.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 286. Le comité observe que le présent cas porte sur la contestation de certaines dispositions du nouveau Code du travail par l’organisation plaignante qui allègue que le gouvernement a soumis ledit code au Président de la République pour promulgation sans tenir compte du mémorandum d’accord élaboré par la commission technique où étaient représentés les différents partenaires sociaux. Concrètement, l’organisation plaignante dénonce l’article 70, paragraphes 3 et 4, du Code du travail qui dispose que les coûts de publication au Journal officiel des statuts des syndicats sont à la charge de ces derniers (à titre d’exemple, l’organisation plaignante cite le cas d’un syndicat dont les statuts n’ont pas été publiés en raison du coût élevé de l’opération: l’équivalent de 1 800 euros) et que les syndicats ne pourront commencer à exercer leurs activités syndicales qu’après la publication de leurs statuts; l’article 110, paragraphe 1, qui transfère la responsabilité de la publication des conventions collectives au Journal officiel aux organisations de travailleurs et d’employeurs (par le passé, le ministère du Travail a dû débourser l’équivalent de 7 000 euros aux fins de la publication d’un accord conclu dans le secteur de la sécurité privée); l’article 353, paragraphe 1, qui réduit les congés des gens de mer à 2,5 jours par mois de travail effectif; l’article 15 du préambule du décret-loi no 5/2007 en vertu duquel le temps de service effectué, de 1994 à ce jour, par les travailleurs disposant d’un contrat à durée déterminée ne serait pas comptabilisé aux fins de la conversion des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.
- 287. S’agissant de l’article 70, paragraphes 3 et 4, du Code du travail qui dispose que les coûts de publication des statuts des syndicats au Journal officiel sont à la charge de ces derniers (à titre d’exemple, l’organisation plaignante cite le cas d’un syndicat dont les statuts n’ont pas été publiés en raison du coût élevé de l’opération: l’équivalent de 1 800 euros) et que les syndicats ne pourront commencer à exercer leurs activités syndicales qu’après la publication de leurs statuts, le comité prend note du fait que le gouvernement indique que: 1) les dispositions du paragraphe 3 de l’article 70 sont conformes à la convention no 87 pour ce qui a trait aux relations entre les organisations syndicales et l’Etat et à l’interdiction de toute ingérence et de tout contrôle dans les activités syndicales; 2) l’Etat doit, dès la création des syndicats, s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice; et 3) les organisations syndicales acquièrent la personnalité juridique grâce au dépôt de leurs statuts devant les services compétents du ministère chargé des questions du travail et le fait de ne pouvoir entamer des activités syndicales qu’après la publication des statuts syndicaux au Journal officiel ne contrevient pas non plus au principe susmentionné mais le renforce et le protège étant donné qu’il vise précisément à assurer la sécurité de l’organisation syndicale et de ses affiliés dans la mesure où ce n’est qu’après la publication de ses statuts que celle-ci est publiquement reconnue.
- 288. A cet égard, le comité rappelle que, s’il est vrai que les fondateurs d’un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 276.] A cet égard, et dans ces circonstances, le comité considère que le fait de contraindre les organisations syndicales à assumer les coûts de publication de leurs statuts au Journal officiel, lorsqu’ils sont aussi importants qu’en l’espèce, entrave gravement le libre exercice du droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable et enfreint, ainsi, l’article 2 de la convention no 87. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour modifier ou abroger cette disposition du Code du travail.
- 289. S’agissant de l’article 110, paragraphe 1, qui transfère la responsabilité de la publication des conventions collectives au Journal officiel aux organisations de travailleurs et d’employeurs (dans le passé, le ministère du Travail a dû débourser l’équivalent de 7 000 euros pour assurer la publication d’un accord conclu dans le secteur de la sécurité privée), le comité prend note du fait que le gouvernement transmet les informations suivantes: 1) les conventions collectives, en tant qu’accords entre parties privées, sont un mécanisme largement prévu par la législation du travail du Cap-Vert et il incombe aux travailleurs et au patronat de décider d’entamer des négociations pour que leurs relations soient codifiées par une convention collective; 2) la Constitution garantit la titularité du droit de négociation collective à tous les travailleurs, droit qui n’est pas uniquement réservé aux travailleurs syndiqués; l’article 100 du Code du travail, se fondant sur les principes énoncés par l’OIT, garantit ce droit aux travailleurs non syndiqués, attendu que l’autonomie et le droit de négociation collective des travailleurs se fondent sur la reconnaissance de la liberté syndicale, liberté dont jouissent tous les travailleurs, qu’ils décident ou non d’adhérer à un syndicat; 3) le principe de publicité, selon lequel les conventions collectives ne prennent pleinement effet qu’après leur publication au Journal officiel aux frais des intéressés, a précisément pour objectif de promouvoir la négociation collective et les accords qui en découlent; 4) ce n’est, en effet, qu’une fois publiée que les bénéficiaires d’une convention collective, principalement les travailleurs, peuvent prendre connaissance des dispositions qu’elle contient, les respecter et les faire respecter; et 5) la législation capverdienne reflète donc, de manière claire et univoque, la conviction que les conventions collectives sont mieux à même de garantir la pacification des relations professionnelles lorsqu’elles ont été négociées par les intéressés eux-mêmes et qu’il lui incombe de promouvoir les normes internationales et les principes énoncés dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT.
- 290. A cet égard, le comité considère que le fait d’obliger les parties ayant conclu une convention collective d’assumer le coût (très élevé en l’espèce) de sa publication au Journal officiel entrave très gravement l’application de l’article 4 de la convention no 98 qui consacre le principe de la promotion de la négociation collective. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour modifier ou abroger cette disposition du Code du travail. Parallèlement, le comité rappelle que la commission d’experts a rappelé à plusieurs occasions que le gouvernement devait promouvoir davantage la négociation collective dans le pays [voir Rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, rapport III (partie 1A), convention no 98, observations de 2007, 2005, 2003, 2002] et encourage le gouvernement à prendre, en concertation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées, les mesures nécessaires pour promouvoir la négociation collective au Cap-Vert. [Voir 342e rapport, cas no 2408, CapVert, paragr. 272 et 273.]
- 291. S’agissant des allégations concernant l’article 353, paragraphe 1, du Code du travail qui réduit à 2,5 jours par mois de service effectif les congés des gens de mer et l’article 15 du préambule du décret-loi no 5/2007 par le biais duquel, selon l’organisation plaignante, le gouvernement a l’intention de ne pas comptabiliser les années de service effectuées de janvier 1994 à ce jour par les travailleurs engagés à durée déterminée au Cap-Vert aux fins du projet de conversion des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée, le comité considère que les dispositions de ces deux textes n’ont pas spécifiquement trait à des questions liées à la liberté syndicale et ne poursuivra pas l’examen de ces allégations. Rappelant que les questions relatives au travail devraient en général faire l’objet de discussions et de consultations avec les partenaires sociaux dans le cadre d’un dialogue social, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures à cet effet. Par ailleurs, en ce qui concerne la référence du gouvernement à la convention maritime de 2006, le comité rappelle qu’aux termes de l’article 19, paragraphe 8, de la Constitution de l’OIT «en aucun cas l’adoption d’une convention ou d’une recommandation par la Conférence, ou la ratification d’une convention par un Membre ne devront être considérées comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord qui assurent des conditions plus favorables aux travailleurs intéressés que celles prévues par la convention ou la recommandation».
- 292. Par ailleurs, le comité prend note du fait que l’organisation plaignante indique qu’elle a introduit une requête auprès du Procureur général de la République, le 14 avril 2008, afin que soit prononcée l’inconstitutionnalité de l’article 15 du décret-loi no 5/2007 en vertu duquel le Code du travail a été approuvé, et demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de le tenir informé du résultat final de cette action.
- 293. En dernier lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle le gouvernement a transmis le Code du travail au Président de la République aux fins de promulgation sans tenir compte du mémorandum d’accord élaboré par la commission technique à laquelle ont participé les différents partenaires sociaux, le comité note que le gouvernement communique les informations suivantes: 1) tous les partenaires sociaux ont, dans l’ensemble, participé au processus d’élaboration du nouveau Code du travail et tant les organisations d’employeurs que les organisations syndicales ont été consultées et ont exprimé leur point de vue sur l’ensemble du projet, comme le démontre la plainte même de la CCSL; 2) il est évident que les organisations syndicales ont participé à ce processus puisqu’elles connaissaient la teneur de la première version du projet ainsi que les différents amendements qui y ont été apportés avant leur adoption définitive; 3) les organisations syndicales ont eu la possibilité de se prononcer sur le texte du projet par le biais de commentaires critiques, de suggestions ou de propositions alternatives dont il a été tenu compte lors de l’élaboration définitive du texte de loi adopté, étant entendu qu’elles ne sont pas censées participer, de quelque manière que ce soit, aux activités des organes législatifs et qu’elles disposent encore moins d’un droit de vote; 4) la participation des organisations syndicales au processus d’élaboration du Code de travail s’est effectuée selon les conditions prévues par la Constitution, c’est-à-dire que ce processus a été mené de manière à permettre à tous les partenaires sociaux intéressés de commenter, en toute connaissance de cause, et à veiller à ce qu’ils en aient légalement la possibilité, les dispositions du texte en question; et 5) le mémorandum d’accord signé par le ministère du Travail, de la Famille et de la Solidarité et les partenaires sociaux concernant les axes fondamentaux du projet indique que les parties sont convenues qu’il incombera au gouvernement de clarifier le statut des contrats de travail à durée déterminée, et ce dans le respect strict de l’engagement pris en vue de l’adoption de l’article en question et, par conséquent, les dispositions de l’article 15 du préambule du décret-loi doivent être considérées conformes à la Constitution, aux normes internationales et à l’engagement souscrit. Tout en prenant en compte ces informations et relevant le caractère contradictoire des allégations, le comité rappelle de manière générale, qu’il a, à de nombreuses occasions, souligné l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1072.]
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 294. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité considère que, dans les circonstances expliquées précédemment, le fait de contraindre les organisations syndicales à assumer les coûts de publication de leurs statuts au Journal officiel, lorsqu’ils sont aussi importants qu’en l’espèce, entrave gravement le libre exercice du droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable et enfreint, ainsi, l’article 2 de la convention no 87 et demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour modifier ou abroger cette disposition du Code du travail.
- b) Le comité considère que le fait d’obliger les parties ayant conclu une convention collective à assumer le coût (très élevé en l’espèce) de sa publication au Journal officiel entrave très gravement l’application de l’article 4 de la convention no 98 qui consacre le principe de la promotion de la négociation collective et demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour modifier ou abroger cette disposition du Code du travail.
- c) Le comité prend note du fait que l’organisation plaignante indique qu’elle a introduit une requête auprès du Procureur général de la République, le 14 avril 2008, afin que soit prononcée l’inconstitutionnalité de l’article 15 du décret-loi no 5/2007 en vertu duquel le Code du travail a été approuvé, et demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de le tenir informé du résultat final de cette action.