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- 220. La plainte figure dans une communication de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) d’août 2009.
- 221. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications de novembre 2009, de juin, août et 3 novembre 2010.
- 222. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 223. Dans sa communication d’août 2009, la Centrale des travailleurs argentins (CTA) indique que la présente plainte contre le gouvernement de l’Argentine a pour objet des violations multiples de la liberté syndicale et des droits des organisations et des représentants des travailleurs, garantis par les conventions nos 87, 98 et 135 ainsi que par la recommandation no 143; ces violations ont été perpétrées par le biais d’actes de discrimination, de licenciements de dirigeants, de délégués et de militants syndicaux. La CTA indique que le cas qui fait l’objet de la présente plainte n’est que l’un des nombreux cas dans lesquels les droits des travailleurs et des organisations ont été foulés aux pieds. La CTA s’inquiète devant la répétition systématique d’opérations néfastes à la liberté syndicale, et c’est pourquoi elle présente cette plainte contre le gouvernement de l’Etat argentin, au motif que l’exercice des droits syndicaux n’est pas garanti pour les affiliés, dirigeants et délégués d’entités corporatives simplement enregistrées, ou pour ceux des organisations qui ont sollicité un enregistrement, car ils n’appartiennent pas à des entités syndicales reconnues et jouissant d’un statut syndical.
- 224. La CTA allègue que le gouvernement, qui se montre réticent à l’heure d’adapter la législation interne aux normes minimales de liberté syndicale établies par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, et par la doctrine extensive émanant des mécanismes de contrôle de l’Organisation, a donné le coup d’envoi, par son omission, des actes de discrimination et de comportement antisyndical qui ont porté préjudice à M. José Vicente Leiva, représentant de la centrale et fondateur d’un syndicat.
- 225. La CTA fait savoir que la Barrick Gold Corporation est la première entreprise multinationale d’extraction minière de l’or au monde et que son siège se trouve dans la ville de Toronto. Elle gère plus de 27 mines opérationnelles aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, au Pérou, au Chili, en Argentine et en République-Unie de Tanzanie. En 2001, cette entreprise a fusionné avec l’entreprise Homestake, et c’est alors qu’elle est arrivée en Argentine et a acheté Veladero, dans la province de San Juan. Au-delà des opérations et projets actuels de l’entreprise, l’Amérique du Sud représente un espace stratégique pour sa croissance future.
- 226. La CTA fait savoir que M. José Leiva est un travailleur qui compte plusieurs années d’ancienneté dans l’entreprise et que, outre son aptitude naturelle à diriger et son militantisme syndical, il fait partie de la commission exécutive du Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine (OSMA-CTA), dont la demande de reconnaissance est en cours auprès du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (dossier no 1340646). Plus de 1 500 personnes travaillent à Veladero, dont 850 sont des travailleurs permanents tandis que le reste est victime de diverses formes de fraude du travail fondées sur la sous-traitance. Le travail a lieu dans les fronts de mine, qui actuellement se situent à 4 600 m d’altitude et les travailleurs sont soumis à des conditions très difficiles (en hiver, il fait plus de 20 degrés au-dessous de zéro). En outre, le manque d’oxygène et les émissions issues des excavations produisent dans l’environnement des particules de poussière de silice qui provoquent une maladie incurable appelée silicose, consistant en l’adhérence de ces particules aux parois pulmonaires. Le manque d’oxygène a également un effet néfaste puisqu’il engendre de graves problèmes dans la circulation du sang et provoque des maladies cardiaques et neurologiques.
- 227. En dépit de ces conditions de travail extrêmes, on ne fournit pas aux travailleurs les médicaments dont ils ont besoin ni des traitements médicaux préventifs, et moins encore les vêtements de haute montagne qui les protégeraient des basses températures. La durée du travail mensuel est de quatorze jours de travail pour quatorze jours francs, et chaque jour les mineurs travaillent plus de douze heures, comptées à partir de la porte de la galerie, auxquelles ils doivent ajouter deux heures de voyage aller-retour à l’hôtel où ils dorment pendant qu’ils sont à la disposition de l’entreprise minière. La nourriture qui leur est fournie sur le lieu de travail et à l’endroit où ils logent n’est pas suffisante, compte tenu des tâches qui leur sont demandées et des conditions climatiques prévalant à cette altitude.
- 228. Il y a un an, ces travailleurs ont fait grève pour protester contre le décès de deux ouvriers dans la montagne. Dès que la mort de ces deux travailleurs a été confirmée, ils se sont mis à rechercher les corps, et l’émotion était grande, engendrée par la certitude que ces décès s’étaient produits parce que les mesures de sécurité étaient inexistantes et les conditions de travail inadéquates. Le corps de M. Leonardo Muñoz a été retrouvé, mais il a été plus difficile de ramener le corps sans vie de M. Mauricio Aguilera. L’entreprise a alors envoyé un représentant pour réunir les travailleurs et leur expliquer qu’ils devaient abandonner les recherches et reprendre le travail immédiatement parce que l’interruption de l’activité minière engendrait des pertes. L’indignation provoquée par cette intervention a été telle que M. José Vicente Leiva s’est adressé au représentant de l’entreprise multinationale au nom des travailleurs et il lui a fait savoir qu’aucun d’entre eux ne reprendrait le travail avant que le corps du travailleur décédé ne soit retrouvé.
- 229. L’organisation plaignante explique que, compte tenu d’une perte du pouvoir d’achat, et du fait que l’entreprise refusait d’augmenter les salaires au motif qu’elle négociait avec l’AOMA, une assemblée a été convoquée en avril 2008, qui a décidé de faire une démonstration de force. La grève a été déclarée, avec abandon de poste de travail et piquets de grève à la porte de la mine. Cette grève a duré 48 heures. Ces événements ont mis en lumière la nécessité de constituer une nouvelle organisation professionnelle devant l’absence de réaction du syndicat de la branche.
- 230. Comme les plaintes qu’ils présentaient au motif des conditions de travail décrites plus haut ne suscitaient aucune réaction, les travailleurs ont décidé de s’organiser en un syndicat et de constituer le Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine (OSMA). M. José Vicente Leiva était la principale référence des travailleurs. Ainsi, plus de 200 travailleurs ont commencé de s’unir en divers groupes pour décider de la constitution du syndicat, lequel a finalement été constitué le 30 juin 2009, et M. José Vicente Leiva a été désigné secrétaire général. Au cours de cette même assemblée, les travailleurs ont décidé de s’affilier à la CTA.
- 231. La CTA allègue qu’au moment même où on procédait à l’enregistrement des documents constitutifs du syndicat devant notaire le 24 juillet 2009, l’entreprise, qui avait été informée de la création du Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine (OSMA-CTA), a décidé de licencier M. José Vicente Leiva sans motif, car il était le principal organisateur de la lutte dans la mine et parce qu’il avait été élu secrétaire général du nouveau syndicat. L’entreprise, en violation du principe de l’autonomie syndicale et de son obligation de non-ingérence, s’est empressée d’imposer au syndicat une représentation différente de celle qu’il s’était choisie.
- 232. Selon la CTA, il est évident que le licenciement du dirigeant José Vicente Leiva s’explique par son exercice de l’activité syndicale, ses revendications constantes concernant l’amélioration des conditions de travail et la constitution du Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine. En outre, il s’agit là d’un abus de pouvoir visant une reprise en main et tendant à dissuader l’ensemble des travailleurs d’exercer leurs droits collectifs. Par conséquent, il s’agit d’un licenciement discriminatoire interdit par la loi.
- 233. Devant le comportement de l’entreprise, le 11 août, des représentants de la CTA ont tenu une conférence de presse avec M. José Vicente Leiva et ils ont décidé d’entamer une procédure de réinsertion auprès de la justice du travail et de porter plainte pour licenciement antisyndical auprès de la Commission du travail de la Chambre des députés de la nation et auprès du BIT, ainsi qu’auprès de l’OCDE, car il s’agissait d’une entreprise multinationale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 234. Dans ses communications de novembre 2009 et de juin 2010, le gouvernement déclare qu’en vertu de cette plainte le ministère du Travail a convoqué le président de l’entreprise en question. L’audience a eu lieu le 1er octobre 2009 et le ministre du Travail a instamment demandé à l’entreprise de reconsidérer la situation proposant de chercher une solution par voie administrative. Le 19 octobre, l’entreprise a allégué des irrégularités dans la constitution du syndicat dont M. José Vicente Leiva est secrétaire général. La CTA a été informée de ces allégations dans un délai de dix jours et elle n’a pas donné de réponse. La direction nationale des syndicats a indiqué, en ce qui concerne l’état des procédures d’enregistrement des syndicats, que le traitement du dossier a été initié en août 2009. Un avis a été émis en novembre 2009 afin de vérifier que les conditions exigées par la loi étaient réunies et appliquées et, le 23 décembre 2009, le dossier a été demandé par le tribunal fédéral no 2, où il a été envoyé. Par ailleurs, faisant savoir que la justice nationale du travail a été saisie à cet égard, le gouvernement estime pertinent d’attendre qu’elle se prononce et de tenir le comité informé de la situation.
- 235. Dans sa communication d’août 2010, le gouvernement indique qu’un recours en amparo est en cours d’instruction devant le Tribunal national du travail de première instance no 25. Le recours a été déposé par M. Leiva et sa réintégration provisoire, au même poste et avec les mêmes horaires de travail, a été ordonnée jusqu’à la décision finale de l’autorité judiciaire.
- 236. Dans sa communication du 3 novembre 2010, le gouvernement transmet une communication du gouvernement de la province de San Juan dans laquelle il est indiqué que: 1) la compétence en matière d’associations syndicales est fédérale; 2) il n’existe pas de plaintes déposées devant l’Administration provinciale au sujet de la question mentionnée dans la requête; 3) la voie judiciaire demeure à disposition des plaignants s’ils le souhaitent; 4) le juge fédéral de la province de San Juan instruit une plainte (en cours) portant sur des questions relatives au statut officiel (personería gremial) déposée par une organisation contre une autre organisation appelée AOMA, qui a en outre requis l’ouverture d’une procédure criminelle à l’encontre de M. José Vicente Leiva.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 237. Le comité observe que, dans ce cas, l’organisation plaignante allègue le licenciement sans motif, le 24 juillet 2009, par l’entreprise Barrick Gold Corporation (fusionnée avec l’entreprise Homestake) de M. José Vicente Leiva, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine (OSMA) – dont la demande de reconnaissance du statut syndical est en cours. Le comité observe également que, selon la CTA, le licenciement du dirigeant syndical s’est produit le jour de l’enregistrement des documents constitutifs de l’OSMA devant notaire, et que le motif de ce licenciement est l’exercice de l’activité syndicale, des revendications constantes en vue de l’amélioration des conditions de travail, ainsi que la constitution du syndicat.
- 238. Le comité note que le gouvernement déclare que: 1) le ministère du Travail a convoqué le président de l’entreprise en question qui a été reçu en audience le 1er octobre 2009. L’entreprise a été priée de reconsidérer la situation et s’est vu proposer une recherche de solution par voie administrative; 2) le 19 octobre 2009, l’entreprise a allégué des irrégularités dans la constitution du syndicat et la CTA a été informée de ces allégations dans un délai de dix jours (mais elle n’a toujours pas répondu); 3) la direction nationale des syndicats indique que le traitement du dossier a été initié en août 2009 et, en décembre de la même année, le tribunal fédéral no 2 de San Juan a demandé le dossier, où il a été envoyé; 4) un recours en amparo est en cours d’instruction devant le Tribunal national du travail de première instance no 25 déposé par M. Leiva et sa réintégration provisoire, au même poste et avec les mêmes horaires de travail, a été ordonnée jusqu’à la décision finale de l’autorité judiciaire; et 5) le gouvernement informe que la justice nationale du travail ayant été saisie, il considère pertinent d’attendre qu’elle se prononce à cet égard. Selon le gouvernement provincial, une organisation syndicale rivale a intenté une action judiciaire civile contre la personnalité juridique du OSMA-CTA et pénale à l’encontre de M. José Vicente Leiva.
- 239. A cet égard, prenant en considération le fait que le gouvernement ne se réfère pas aux motifs du licenciement du dirigeant syndical, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour assurer la réintégration du dirigeant syndical, M. José Vicente Leiva, à son poste de travail, comme l’a ordonné l’autorité judiciaire dans le cadre de la procédure judiciaire relative à son licenciement. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur le jugement définitif.
- 240. Enfin, observant: 1) que l’organisation plaignante indique que la demande de reconnaissance du statut syndical du Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine (OSMA) est encore en cours au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale; 2) que le gouvernement indique que c’est l’entreprise en question qui a allégué des irrégularités dans la constitution de cette organisation et que le dossier concernant la procédure d’inscription a été transmis au tribunal fédéral no 2 de San Juan; et 3) qu’une organisation syndicale a introduit une action judiciaire contre le statut officiel (personería gremial) du OSMA-CTA (en cours) et une action pénale conte le dirigeant syndical M. José Vicente Leiva, le comité demande au gouvernement de procéder à l’enregistrement du OSMA, sauf si des irrégularités venaient à être constatées, mais qu’en toute hypothèse il n’empêche pas son fonctionnement. De plus, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires mentionnées.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 241. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour assurer la réintégration du dirigeant syndical, M. José Vicente Leiva, à son poste de travail, comme l’a ordonné l’autorité judiciaire dans le cadre de la procédure judiciaire relative à son licenciement. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat final du jugement.
- b) Le comité demande au gouvernement de procéder à l’enregistrement du Syndicat des travailleurs des mines d’Argentine (OSMA), sauf si des irrégularités venaient à être constatées, mais qu’en toute hypothèse il n’empêche pas son fonctionnement. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires relatives à cette question.