423. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs de l’industrie minière, de la pétrochimie, des agrocarburants et de l’énergie (SINTRAMIENERGETICA) reçue le 14 juin 2010.
- 423. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs de l’industrie minière, de la pétrochimie, des agrocarburants et de l’énergie (SINTRAMIENERGETICA) reçue le 14 juin 2010.
- 424. Le gouvernement a envoyé ses observations dans deux communications en date du 14 janvier et du 4 mai 2011.
- 425. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
- 426. L’organisation plaignante indique que, le 21 mars 2009, un accident du travail ayant entraîné la mort de Dagoberto Clavijo Barranco s’est produit à la mine de charbon Pribbenow (département du Cesar), exploitée par l’entreprise Drummond Ltd. Colombia (désignée ci-après «l’entreprise»). Les travailleurs de la mine ont réagi et ont déclenché un arrêt du travail, exigeant de l’entreprise des conditions de travail sûres. A cette action de protestation sont venus se rallier ultérieurement les travailleurs de Puerto Drummond, commune de Ciénaga, département de Magdalena. Par suite, les instances dirigeantes du syndicat SINTRAMIENERGETICA sont intervenues, demandant à l’entreprise de proposer des solutions en réponse aux revendications des travailleurs. L’organisation plaignante souligne que l’arrêt des activités n’a pas été décidé uniquement à cause de cet accident mortel, mais parce que cet accident venait s’ajouter à une série de 14 autres accidents du travail mortels ainsi qu’à des centaines d’accidents du travail et de cas de maladies professionnelles incapacitants. L’organisation plaignante indique qu’à de multiples reprises les travailleurs et le syndicat ont fait des réclamations en matière de sécurité, qui ont été ignorées par l’entreprise alors qu’il était question justement de risques d’accidents mettant en jeu la vie des travailleurs.
- 427. L’organisation plaignante reconnaît que cet arrêt des activités n’a pas été une grève déclarée, conformément à ce que prévoit la loi colombienne, mais un arrêt spontané déclenché par les travailleurs animés par des réclamations de caractère professionnel qui n’ont nullement été faites à l’instigation de l’organisation plaignante. Ces travailleurs ont exercé leur droit de protestation. L’organisation plaignante déclare que, par la suite, l’entreprise a présenté une requête dirigée contre le SINTRAMIENERGETICA, suivant une procédure spéciale tendant à ce que les faits soient qualifiés de «grève», de manière à en déclarer l’illégalité. L’organisation plaignante indique que le tribunal supérieur du district judiciaire de Valledupar a déclaré cet arrêt de travail illégal et l’a qualifié de «grève», décision qui a été confirmée par la Cour suprême de justice, sans considération de ce que la procédure en question entraînait le déni de nombre des droits fondamentaux des travailleurs et des dirigeants du SINTRAMIENERGETICA, accusés d’avoir fomenté cette prétendue grève.
- 428. L’organisation plaignante indique que le jugement de la Cour suprême de justice est devenu exécutoire en novembre 2009, à la suite de quoi l’entreprise a décidé d’engager une procédure de licenciement contre 35 dirigeants et militants de base de trois sections différentes du SINTRAMIENERGETICA. Suite à la reconnaissance du caractère illégal de la grève, l’entreprise a licencié au total 19 travailleurs, (sept dirigeants syndicaux de la section de Ciénaga, cinq dirigeants syndicaux et deux militants de base de la section d’El Paso et deux dirigeants syndicaux et deux militants de base de la section de Chiriguaná). Sur l’ensemble des travailleurs licenciés, neuf sont atteints de maladies professionnelles avérées, contractées dans l’entreprise, en raison de quoi ils se trouvent dans la nécessité de procéder à certaines démarches pour avoir été licenciés étant malades sans que les formalités légales obligatoires aient été accomplies. Outre qu’elle a méconnu le droit des travailleurs à la protestation, qu’elle a travesti l’arrêt de travail en grève, qu’elle a travesti une action spontanée des travailleurs en une action concertée par le syndicat et qu’elle a violé le droit à une juste administration de la justice, l’entreprise a au surplus omis de respecter un règlement émanant du ministère de la Protection sociale. Selon l’organisation plaignante, le règlement en question prévoit que l’entreprise aurait dû communiquer la liste des travailleurs accusés d’avoir participé à une grève illégale au ministère de la Protection sociale, à charge pour ce dernier: i) d’enquêter sur le degré d’implication respective de ces travailleurs et déterminer, dans le cas de chacun, si la participation était active ou passive; et ii) de recommander à l’entreprise le type de mesure qu’elle pouvait adopter, à savoir: a) la relaxe, en cas de non-participation avérée; b) la sanction disciplinaire, en cas de participation passive; ou c) le licenciement, en cas de participation active. Ce n’est qu’une fois franchie cette étape que l’entreprise aurait pu procéder à des licenciements.
- 429. L’organisation plaignante indique que, par ces décisions, l’entreprise a exploité les circonstances pour licencier des dirigeants syndicaux du SINTRAMIENERGETICA et qu’un dirigeant de l’entreprise a d’ailleurs déclaré que les premiers qui seraient licenciés seraient les dirigeants syndicaux qui étaient allés manifester aux Etats-Unis contre l’entreprise en accusant celle-ci d’avoir commandité l’assassinat par des groupes paramilitaires de deux présidents et d’un vice-président de cette organisation syndicale.
- 430. Selon l’organisation plaignante, le ministère de la Protection sociale, bien qu’ayant eu connaissance de ces violations de la législation par l’entreprise, n’a rien fait pour rétablir dans leurs droits les travailleurs qui ont été licenciés en méconnaissance de la résolution qu’il avait prise pour réglementer l’application de la loi autorisant le licenciement de travailleurs ayant participé à une grève illégale, et il a permis par son incurie les atteintes aux droits des travailleurs syndiqués du SINTRAMIENERGETICA.
- 431. L’organisation plaignante évoque, pour corroborer sa présentation des faits, certains aspects ayant un caractère d’antécédents. En premier lieu, il est évident que les travailleurs de l’entreprise n’oublient pas ceux de leurs camarades qui sont morts sur le lieu de travail par suite d’accidents du travail ou de maladies professionnelles imputables à l’entreprise, de sorte que l’arrêt du travail qui a été déclenché par ces travailleurs ne peut être perçu autrement que comme une réaction de douleur face à ces morts.
- 432. D’autre part, l’organisation plaignante rend compte de manière extrêmement détaillée des accidents tragiques survenus ces dernières années (jusqu’en 2009) en lien avec les risques professionnels encourus, et elle rappelle que, par le passé, des dirigeants syndicaux ont été assassinés et d’autres syndicalistes ont dû être transférés en raison de menaces de mort.
- 433. L’organisation plaignante déclare que la liste des faits dénoncés auprès des autorités est suffisamment longue et que, presque toujours, par pure incurie, les autorités locales ou régionales compétentes en matière de travail déclarent ne pas être en mesure d’enquêter sur cette entreprise ni de la sanctionner, en dépit des pouvoirs dont elles sont investies par la loi.
- 434. L’organisation plaignante indique qu’à ce jour elle n’a eu connaissance que de deux cas de sanctions infligées à cette entreprise par les tribunaux de première instance suite à des accidents du travail, ce qui démontre à l’envi que les règles concernant la responsabilité patronale ne sont pas appliquées. Elle ajoute que la responsabilité patronale est pourtant indiscutable, que ce soit pour la mort de Dagoberto Clavijo Barranco en 2009 ou dans l’arrêt du travail par lequel les travailleurs ont réagi à l’annonce de sa mort. L’organisation plaignante résume la situation en expliquant que si, assurément, cet arrêt du travail décidé par les travailleurs n’était pas pleinement conforme à ce que prévoit la loi no 1210 de 2008 en ce qu’il n’a pas revêtu la forme d’une grève convoquée légalement, cela ne suffit pas pour accuser le syndicat de l’avoir fomenté – illégalement – étant donné que cet arrêt du travail n’a été rien d’autre qu’une réaction à chaud, spontanée, inspirée par un profond sentiment de colère et d’indignation collective devant la mort d’un travailleur par la faute de l’entreprise du fait du non-respect par celle-ci de ses obligations en matière de sécurité professionnelle, aspects qui étayent et confortent la réalité de la responsabilité patronale dans cet arrêt du travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 435. Dans ses communications en date du 14 janvier et du 4 mai 2011, le gouvernement rappelle que les allégations relatives à l’hygiène et la sécurité professionnelles, nombreuses dans la plainte, ne relèvent pas de la compétence du comité, notamment du fait qu’il n’y est pas allégué que les situations concernant l’hygiène et la sécurité professionnelles évoquées par l’organisation plaignante auraient constitué une atteinte quelconque à la convention collective en vigueur conclue entre l’entreprise concernée et le syndicat plaignant. De ce fait, les allégations concernant ce domaine ne relèvent pas de la compétence du comité.
- 436. Le gouvernement ajoute que la déclaration du caractère illégal des arrêts du travail et des grèves est du ressort des tribunaux compétents puis, en deuxième instance, de la Cour suprême de justice, conformément à la loi no 1210 de 2008 et aux principes posés par les organes de contrôle de l’OIT. Ainsi, c’est l’autorité judiciaire qui a donné cette qualification juridique aux arrêts du travail collectifs survenus dans la mine de Pribbenow et à l’arrêt consécutif des activités de l’entreprise. Il ajoute en outre que chacune des parties en présence – la partie plaignante comme la partie intimée – a, sur le plan procédural, toute latitude pour débattre des faits et apporter ses preuves, de même que pour user des voies de recours ouvertes.
- 437. Le gouvernement souligne que, comme il ressort des décisions rendues dans cette affaire par les juridictions compétentes au terme d’une procédure à laquelle le gouvernement n’a pris aucune part quelle qu’elle soit, la déclaration du caractère illégal de l’arrêt du travail s’est fondée sur le fait, démontré au cours du procès, que ledit arrêt s’est déroulé de manière violente. Dans le jugement rendu par le tribunal (envoyé par le gouvernement dans une communication datée du 4 mai 2011), la discussion probatoire étant conclue, celui-ci parvient à la conclusion que «... sans le moindre doute, la violence a présidé à cette grève». Cette appréciation s’est fondée sur les multiples preuves apportées par la partie demanderesse, notamment sur «trente-huit rapports établis et confirmés par diverses personnes, constituant un témoignage de première main des faits survenus à l’occasion de cet arrêt du travail; il en ressort des descriptions du recours à la violence physique et/ou verbale de la part des employés ayant participé à l’arrêt du travail ... des menaces de mort...». Il est indiqué plus loin dans le jugement que «les situations de fait telles que décrites dans les rapports sont documentées par bon nombre de photographies qui attestent de leur réalité...». Le gouvernement rappelle les nombreuses reprises à l’occasion desquelles le comité s’est référé à la protection, dont les instruments internationaux de l’OIT, notamment les conventions nos 87 et 98, accordée aux activités syndicales légitimes, c’est-à-dire celles qui se déroulent de manière pacifique. De l’avis du gouvernement, comme les jugements susmentionnés le font ressortir, une telle protection ne saurait être invoquée en l’espèce et, enfin, la caractérisation d’illégalité des faits incriminés ici ne saurait constituer une atteinte quelle qu’elle soit à ces conventions. Le gouvernement considère cette raison comme une raison suffisante pour demander que le comité invite le Conseil d’administration à déterminer que ce cas ne mérite pas un examen plus approfondi.
- 438. Le gouvernement souligne également que le tribunal était assurément compétent pour déclarer l’arrêt du travail illégal, même si les travailleurs concernés arguent que, comme il se serait agi d’un arrêt du travail et non d’une grève, le tribunal n’était pas compétent pour en déclarer l’illégalité. Ce point, abordé dans les jugements tant du tribunal que de la Cour suprême, coïncide avec les conceptions établies par les organes de contrôle de l’OIT, qui tendent à ne pas faire de distinction, s’agissant des protections prévues par la législation, entre la grève et l’arrêt du travail, à l’égard duquel la déclaration d’illégalité doit être prononcée également par une instance indépendante jouissant de la confiance des parties telle que peut l’être un juge. La Cour suprême a estimé que: «devant la décision du tribunal de déclarer illégal l’arrêt collectif du travail que le syndicat SINTRAMIENERGETICA a déclenché dans la mine Pribbenow, à l’origine de l’arrêt des activités les 23, 24, 25, 26 et 27 mars 2009 et à Puerto Drummond, les 23 et 24 du même mois de la même année, la seule critique que le requérant soulève réellement contre les arguments de fond s’articule autour de la différence conceptuelle et sémantique entre la notion de «grève» et celle d’«arrêt du travail», puisqu’il estime que la juridiction peut seulement connaître de la légalité ou de l’illégalité d’une grève, ce qui – affirme-t-il – ne correspond pas à l’appréciation qui a été faite par le juge; cette discussion est sans fondement puisque de toute manière il est dit dans les motifs du jugement que ni la loi ni la jurisprudence ne font une différence sur le fond et que «en conséquence, devant la loi colombienne, constitue une grève tout arrêt collectif du travail, sans considération de ce que l’événement a réuni ou non les conditions prévues à l’article 429 du CST [Code substantiel du travail]».
- 439. D’autre part, le gouvernement déclare que la conduite même de l’arrêt du travail n’a pas respecté les préalables imposés par la législation. Le gouvernement rappelle les décisions antérieures du comité qui constituent un aval de l’existence de préalables établis par la législation pour la conduite d’une grève, préalables à propos desquels le tribunal, citant la jurisprudence de la Cour suprême de justice, a déclaré: «... S’agissant du déclenchement et de la mise en œuvre [de l’arrêt du travail collectif], il ne fait aucun doute que les règles de droit susvisées s’appliquant à la grève dans le contexte d’un conflit économique collectif doivent également être respectées dans la seconde éventualité, celle d’un arrêt collectif du travail invoquant l’inexécution [par l’employeur] de ses obligations, étant donné qu’en présence d’une grève décidée et votée, le délai devant précéder sa tenue ne peut être inférieur à deux jours échus à compter de sa décision, sans excéder 10 jours». En d’autres termes, la décision de l’arrêt du travail aurait dû être adoptée au terme d’un vote des travailleurs, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, si bien que les conditions à remplir préalablement n’ont pas été respectées. Le gouvernement évoque l’article 8 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, pour faire valoir que le SINTRAMIENERGETICA, en déployant son action syndicale, se devait de respecter la législation. De même, le gouvernement considère que la législation ne méconnaît pas – et n’a pas non plus été appliquée d’une manière qui méconnaîtrait – les garanties prévues par la convention no 87. A tout le moins, à ce jour, les organes de contrôle de l’OIT, et en particulier la commission d’experts, n’ont jamais adressé au gouvernement de critiques à ce sujet, entre autres raisons parce que tout indique que les travailleurs n’ont jamais saisi la commission d’experts de critiques en ce sens à propos de la législation.
- 440. Le gouvernement indique que le licenciement des travailleurs n’a pas constitué un acte de discrimination antisyndicale étant donné que la déclaration d’illégalité de la grève est du ressort des tribunaux et non du ministère de la Protection sociale et que, en l’espèce, cette déclaration d’illégalité, qui s’est fondée sur le caractère de violence revêtu par l’arrêt du travail incriminé, ne constitue pas un acte de discrimination au sens de l’article premier de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
- 441. S’agissant des allégations concernant le droit de chacun à une administration impartiale de la justice, le gouvernement souligne que, selon l’organisation plaignante: i) il s’est trouvé que certains travailleurs ont été licenciés sans considération de leur état de santé et sans que l’entreprise ait dûment accompli «toutes les diligences prescrites par la loi»; ii) l’entreprise aurait omis de «respecter la procédure prescrite par le ministère de la Protection sociale lorsqu’il s’agit de faire application du pouvoir de licencier des travailleurs ayant participé à une grève reconnue illégale...»; et iii) «le droit à la défense de nombreux travailleurs a été ignoré au cours de la procédure puisqu’ils n’ont pas eu l’autorisation de formuler individuellement leur déclaration». Le gouvernement fait valoir que: s’agissant du point i), l’entreprise a indiqué que les travailleurs cités dans la plainte ont présenté leurs recours en protection respectifs; s’agissant du point ii), comme indiqué à plusieurs reprises par le passé, et en vertu de la loi no 1210 de 2008 investissant les tribunaux de la compétence de déclarer une grève illégale, le ministère de la Protection sociale n’a plus compétence pour se prononcer sur le licenciement de travailleurs une fois qu’une telle déclaration d’illégalité est intervenue. Cette loi apporte aux travailleurs la garantie que leurs droits constitutionnels, légaux et conventionnels seront respectés, puisqu’elle crée deux instances devant lesquelles ceux-ci peuvent être entendus. Il n’appartient pas au ministère de la Protection sociale d’intervenir dans l’un quelconque des aspects concernant cette affaire. S’agissant du point iii), relatif au droit de chacun à une administration impartiale de la justice, le gouvernement rappelle que l’ordre juridique colombien comprend des moyens judiciaires pour contester les actes qui semblent devoir l’être.
- 442. S’agissant des procédures judiciaires, le gouvernement confirme que la Cour suprême de justice a tranché sur le recours en cassation contre le jugement rendu le 21 juillet 2009 par la chambre civile des affaires familiales et du travail du tribunal supérieur du district de Valledupar relatif à la qualification de la suspension ou arrêt collectif du travail dont le syndicat SINTRAMIENERGETICA a été à l’origine dans la mine Pribbenow et à Puerto Drummond, confirmant ce jugement dans tous ses aspects constitutifs par un arrêt daté du 29 septembre 2009. Le SINTRAMIENERGETICA a demandé des éclaircissements le 14 octobre 2009, requête qui a été rejetée par un acte daté du 1er décembre 2009, rendant la sentence exécutoire le 16 décembre 2009. Le SINTRAMIENERGETICA a introduit une action en protection, qui a été tranchée par la chambre pénale de cassation de la Cour suprême de justice, qui a considéré que la procédure judiciaire a été entièrement conforme à l’ordre juridique et n’a pas été entachée par la violation d’un droit fondamental quel qu’il soit. Selon le gouvernement, l’entreprise a fait savoir que 12 travailleurs avaient introduit une action en protection pour violation présumée du principe d’administration impartiale de la justice. Le juge de la protection a ordonné la réintégration de ces travailleurs et l’entreprise a déféré à la sentence mais a interjeté appel; un autre syndicaliste n’a pas obtenu sa réintégration en deuxième instance. Le gouvernement national s’est incliné devant le jugement, dans le respect du principe de séparation et d’indépendance du pouvoir judiciaire. Les effets de l’arrêt de la Cour suprême de justice et les licenciements prononcés suite à la déclaration d’illégalité de l’arrêt du travail ne peuvent être contestés que devant des juges de la République.
- 443. Le gouvernement souligne également que le ministère de la Protection sociale a mis en place un certain nombre de normes concernant les risques professionnels et la santé au travail, normes dont l’application est obligatoire pour toutes les entreprises du pays, y compris celles de l’extraction du charbon, telles que l’entreprise concernée; ces normes tendent à prévenir les effets des accidents du travail et maladies professionnelles, protéger et aider les travailleurs victimes de maladies ou accidents professionnels. Outre les normes de caractère général qui s’appliquent à toutes les entreprises du pays, il y a lieu de mentionner le décret no 1335 de 1987 portant règlement de sécurité dans les travaux souterrains et le décret no 2222 de 1993 portant règlement de sécurité et d’hygiène dans les activités extractives à ciel ouvert. Le gouvernement détaille également les mesures prises par le ministère de la Protection sociale en vue de l’application du programme permanent de santé au travail, ainsi que les diverses amendes infligées à l’entreprise, mesures administratives et procédures de sanction mises en œuvre.
- 444. Le gouvernement déclare en conclusion qu’il respecte les décisions judiciaires rendues dans le cadre de la procédure spéciale de qualification d’un arrêt du travail collectif et notamment qu’il s’incline devant les diverses sentences ayant respectivement déclaré illégal l’arrêt du travail incriminé et confirmé ce jugement. S’agissant de la supervision, de la surveillance et du contrôle de la prévention des risques professionnels par le ministère de la Protection sociale dans l’entreprise en vue de l’application du programme permanent de santé au travail, le gouvernement réitère qu’il a agi conformément à la loi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 445. Le comité observe que dans le présent cas l’organisation plaignante allègue le licenciement de dirigeants syndicaux dans l’entreprise Drummond Ltd. Colombia, suite à un arrêt du travail spontané des travailleurs (ce n’est pas le syndicat qui y avait appelé) consécutif à un accident mortel survenu dans la mine Pribbenow en 2009 (accident imputable, d’après l’organisation plaignante, aux conditions de sécurité et aux carences aussi bien des autorités compétentes que de l’entreprise, en dépit des réclamations faites par le syndicat), arrêt du travail qui a ensuite été qualifié de grève illégale par l’autorité judiciaire. Selon les allégations, l’entreprise, mue par des intentions antisyndicales, aurait profité de cet arrêt du travail spontané des travailleurs pour licencier des dirigeants et militants syndicaux. Selon l’organisation plaignante, le nombre des travailleurs morts ces dernières années par suite d’accidents du travail ou de maladies professionnelles s’élève à 16, auquel s’ajoute le nombre considérable des travailleurs atteints de maladies professionnelles. Le comité observe également que le gouvernement expose de manière détaillée les mesures prises par le ministère de la Protection sociale tendant à l’application du programme permanent de santé au travail ainsi que les diverses amendes infligées à l’entreprise, les mesures administratives et les procédures de sanction mises en œuvre. Le comité rappelle que sa compétence se limite aux questions de violation des droits syndicaux et ne s’étend pas aux questions de sécurité et de santé au travail. Le comité a estimé qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la violation des conventions de l’OIT relatives aux conditions de travail étant donné que ces considérations ne relèvent pas de la liberté syndicale.
- 446. Le comité note les informations détaillées communiquées tant par l’organisation plaignante que par le gouvernement sur les faits qui ont conduit à l’arrêt du travail collectif et les décisions et mesures prises à cet égard.
- 447. Le comité note que l’organisation plaignante indique que: 1) l’arrêt du travail qui s’est produit dans l’entreprise n’était pas une grève mais une protestation spontanée déclenchée par la mort d’un camarade de travail, ce qui explique pourquoi cette manifestation ne réunissait pas les conditions légales requises pour la grève, à savoir la présentation préalable de revendications et une négociation collective; 2) le tribunal supérieur du district judiciaire de Valledupar a déclaré cet arrêt du travail illégal et l’a qualifié de «grève», décision qui a été confirmée par la Cour suprême de justice, sans considération de ce que la procédure en question entraînait le déni de nombre des droits fondamentaux des travailleurs et des dirigeants du SINTRAMIENERGETICA, accusés d’avoir fomenté cette prétendue grève; 3) une fois l’arrêt du travail qualifié de «grève illégale» par les autorités judiciaires, l’entreprise a procédé au licenciement d’un certain nombre de dirigeants et militants syndicaux du SINTRAMIENERGETICA en raison de leur participation à ladite grève; et 4) l’entreprise a omis de respecter un règlement émanant du ministère de la Protection sociale prévoyant que l’entreprise aurait dû communiquer la liste des travailleurs accusés d’avoir participé à une grève illégale au ministère de la Protection sociale, à charge pour ce dernier d’enquêter sur le degré d’implication respective de ces travailleurs et de déterminer, dans le cas de chacun, si la participation était active ou passive, et de recommander à l’entreprise le type de mesure qu’elle pouvait adopter, à savoir: a) la relaxe, en cas de non-participation avérée; b) la sanction disciplinaire, en cas de participation passive; ou c) le licenciement, en cas de participation active.
- 448. Le comité note également que le gouvernement déclare que: 1) la déclaration du caractère illégal des arrêts du travail et des grèves est du ressort des tribunaux compétents puis, en deuxième instance, de la Cour suprême de justice, conformément à la loi no 1210 de 2008; 2) chacune des parties en présence – la partie plaignante comme la partie intimée – a, sur le plan procédural, toute latitude pour débattre des faits et apporter ses preuves, de même que pour user des voies de recours ouvertes; 3) selon ce qui ressort des décisions rendues dans cette affaire par les juridictions compétentes, la déclaration du caractère illégal de l’arrêt collectif du travail à l’origine de l’arrêt des activités les 23, 24, 25, 26 et 27 mars 2009 et à Puerto Drummond, les 23 et 24 du même mois de la même année, s’est fondée sur le fait, démontré au cours du procès, que ledit arrêt s’est déroulé de manière violente, si bien que la protection prévue par les conventions nos 87 et 98 ne saurait être invoquée en l’espèce; 4) la décision de l’arrêt du travail aurait dû être adoptée au terme d’un vote des travailleurs, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, si bien que les conditions à remplir préalablement n’ont pas été respectées; 5) le licenciement des travailleurs n’a pas constitué un acte de discrimination antisyndicale étant donné que la déclaration d’illégalité de la grève est du ressort des tribunaux et non du ministère de la Protection sociale et que, en l’espèce, cette déclaration d’illégalité s’est fondée sur le caractère de violence revêtu par l’arrêt de travail incriminé; 6) l’entreprise a fait savoir que 12 travailleurs avaient introduit une action en protection pour violation présumée du principe d’administration impartiale de la justice. Le juge de la protection a ordonné la réintégration de ces travailleurs et l’entreprise a déféré à la sentence mais a interjeté appel; et 7) la législation ne méconnaît pas – et n’a pas non plus été appliquée d’une manière qui méconnaîtrait – les garanties prévues par la convention no 87. Le comité note que, s’agissant des allégations selon lesquelles l’arrêt du travail était spontané, le gouvernement déclare que la Cour suprême attribue l’arrêt du travail à l’organisation plaignante. Le gouvernement indique que la déclaration du caractère illégal des arrêts du travail et des grèves est du ressort des tribunaux compétents et non du ministère de la Protection sociale.
- 449. Le comité observe que, selon le gouvernement, l’arrêt du travail incriminé a été considéré comme une grève illégale par l’autorité judiciaire (y compris par la Cour suprême de justice, laquelle contrairement aux allégations, attribue l’arrêt de travail à l’organisation plaignante) du fait qu’il n’a pas été procédé au vote prévu par la législation et que cet arrêt du travail a été accompagné d’actes de violence.
- 450. S’agissant des allégations selon lesquelles les licenciements survenus à la suite de l’arrêt du travail collectif auraient eu un caractère antisyndical et, selon l’organisation plaignante, auraient été décidés en raison même de l’arrêt du travail, le comité note que le gouvernement indique que ces licenciements n’ont pas constitué des actes de discrimination antisyndicale parce que la déclaration d’illégalité de la grève est du ressort des tribunaux et non du ministère de la Protection sociale et que, en l’espèce, cette déclaration d’illégalité s’est fondée sur le caractère de violence revêtu par l’arrêt du travail incriminé. Le comité constate que, selon l’organisation plaignante, le nombre des grévistes qui ont été licenciés à ce jour s’élèvent à 19 (15 dirigeants syndicaux et quatre militants). Le comité note également que, selon le gouvernement, 12 des travailleurs licenciés ont introduit une action en protection pour violation présumée du principe d’administration impartiale de la justice, que le juge de la protection a ordonné leur réintégration et que l’entreprise a déféré à la sentence mais a interjeté appel.
- 451. Notant que l’entreprise a déféré au jugement ordonnant la réintégration de 12 dirigeants et militants syndicaux mais qu’elle a interjeté appel de la décision, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de cet appel. Enfin, le comité note que, selon le gouvernement, l’entreprise a déclaré qu’un syndicaliste n’a pas obtenu sa réintégration en appel et il prie le gouvernement d’indiquer si les six syndicalistes restants ont introduit une action en justice contre leur licenciement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 452. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Notant que l’entreprise a déféré au jugement ordonnant la réintégration de 12 dirigeants et militants syndicaux mais qu’elle a interjeté appel de la décision, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de cet appel. Enfin, le comité note que, selon le gouvernement, l’entreprise a déclaré qu’un syndicaliste n’a pas obtenu sa réintégration en deuxième instance et il prie le gouvernement d’indiquer si les six syndicalistes restants ont introduit une action en justice contre leur licenciement.