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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 363, March 2012

Case No 2780 (Ireland) - Complaint date: 04-MAY-10 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes de discrimination antisyndicale et le refus d’entamer des négociations collectives de bonne foi de la part de l’entreprise Ryanair, ainsi que le fait que la législation du travail ne prévoie pas de protection adaptée contre les actes de discrimination antisyndicale ni n’encourage la négociation collective

  1. 723. La plainte, en date du 4 mai 2010, figure dans une communication du Congrès irlandais des syndicats (ICTU), au nom de l’Association des pilotes de ligne irlandais (IALPA) et du Syndicat irlandais des employés municipaux, de la fonction publique et de l’administration (IMPACT). Par des communications respectivement datées des 4 août et 24 mai 2011, la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) se sont associées à cette plainte.
  2. 724. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date des 11 juillet et 26 octobre 2011, et a fourni des informations additionnelles le 7 décembre 2011 et le 5 janvier 2012.
  3. 725. L’Irlande a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 726. Dans sa communication en date du 4 mai 2010, l’organisation plaignante allègue des violations persistantes de la convention no 98, notamment des actes de discrimination antisyndicale, l’ingérence et le refus d’entamer des négociations collectives de bonne foi, de la part de la société aérienne Ryanair (ci-après «la société») basée à Dublin. L’organisation plaignante allègue également l’existence de plusieurs lacunes dans la législation irlandaise.
  2. 727. L’organisation plaignante déclare que l’ICTU est l’organisation représentative des syndicats irlandais, avec 55 organisations affiliées pour un total de 833 486 membres. L’IALPA a été formée en 1946 et compte actuellement environ 1 000 membres, employés par au moins six sociétés aériennes différentes. Il s’agit du seul syndicat de pilotes de ligne en Irlande; certains de ses membres sont des employés de Ryanair. L’IALPA est affiliée à l’IMPACT, l’un des membres les plus importants de l’ICTU et l’un des principaux syndicats du secteur public en Irlande, qui représente également des travailleurs du secteur privé, notamment du secteur de l’aéronautique, des télécommunications et de la santé.
  3. 728. L’organisation plaignante allègue que la société a pris les mesures suivantes pour dénier à ses pilotes le droit d’être représentés par l’IALPA: i) certains avantages ont été offerts à condition qu’aucun syndicat ne soit implanté dans l’entreprise; ii) la société a mis en place des conseils représentatifs des employés (CRE), organismes fantoches qui empêchent la tenue de véritables négociations collectives; et iii) la société a refusé d’engager des négociations collectives avec l’IALPA ou ses représentants, faute de dispositions dans la législation irlandaise encourageant cette pratique.
  4. 729. L’organisation plaignante allègue en outre que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour faire en sorte que les travailleurs puissent exercer librement leur droit d’organisation et de négociation collective. Qui plus est, la législation irlandaise n’offre aucune protection contre les pratiques susmentionnées et ne prévoit pas de procédures obligeant un employeur à reconnaître un syndicat.

    Des avantages soumis à conditions

  1. 730. L’organisation plaignante déclare que la société a demandé aux pilotes de suivre une formation obligatoire, suite à la modernisation de sa flotte basée à Dublin. D’après elle, à moins de signer «un accord par lequel la société s’engageait à financer cette formation à condition de ne pas être contrainte de traiter avec l’IALPA au cours des cinq années suivantes», les pilotes de Dublin devaient en financer eux-mêmes le coût, estimé à 15 000 euros par la société. Les autres pilotes ont reçu cette formation gratuitement, sans conditions. Un certain nombre de pilotes basés à Dublin ont protesté par écrit contre les conditions associées à cette formation, que la société a justifiées en invoquant un «processus de négociation collective». L’organisation plaignante indique que les pilotes ont, en réponse, demandé des éclaircissements car, «pour autant [qu’ils sachent], voilà déjà un certain temps qu’il n’y a pas eu de négociations collectives avec les pilotes de la société. [Les pilotes] ne considèrent pas que l’imposition de conditions arbitraires à un groupe de pilotes s’apparente, en quoi que ce soit, à une négociation collective.» L’organisation plaignante se dit préoccupée du fait qu’en Irlande il n’est pas illégal pour un employeur de subordonner l’octroi de certaines conditions de travail à une renonciation, individuelle ou non, à la négociation collective.
  2. 731. L’organisation plaignante ajoute qu’en 2004 l’IMPACT et l’IALPA ont saisi le tribunal du travail de ce différend sur les allocations de formation, en vue de l’ouverture d’une enquête suivant la procédure prévue par la loi de 2001 modifiant la loi sur les relations professionnelles («IRA 2001») et la loi de 2004 sur les relations professionnelles (Dispositions diverses) («IRA 2004»). Selon l’organisation plaignante, le tribunal du travail a considéré qu’il s’agissait effectivement d’un différend du travail sur lequel il avait compétence – décision confirmée par la Haute Cour; toutefois, la Cour suprême a rendu un avis différent et infirmé la décision du tribunal du travail par un arrêt en date du 1er février 2007 (Ryanair c. Labour Court [2007] IESC 6). D’après l’organisation plaignante, la Cour suprême a jugé que le tribunal du travail n’avait pas compétence sur l’affaire, en se fondant sur trois motifs: i) il ne s’agissait pas d’un différend du travail; ii) rien ne prouvait que la société n’avait pas engagé de négociation collective; et iii) rien ne prouvait que la procédure interne de règlement des différends s’était avérée inopérante.
  3. 732. En conclusion, l’organisation plaignante déclare que l’offre de la société de prendre en charge les frais de formation des pilotes à condition de ne pas être tenue de négocier collectivement avec un syndicat constitue un acte de discrimination antisyndicale.

    Le Conseil représentatif des employés (CRE)

  1. 733. L’organisation plaignante déclare que la société a mis en place le CRE pour discuter avec ses employés dans un cadre non syndical, qu’elle considère comme un organisme fantoche puisqu’il n’a ni constitution, ni fonds, ni membres et est totalement tributaire de la société. L’organisation plaignante précise que les représentants du CRE de Dublin ont démissionné en août 2004, «désabusés par leur impuissance et leur incapacité à défendre les intérêts des pilotes de Dublin»; à sa connaissance, il n’existe plus depuis lors de CRE pour les pilotes au sein de la société.
  2. 734. L’organisation plaignante soutient que le CRE a joué un rôle purement consultatif et qu’il ne s’agit pas d’un syndicat ni d’un organisme habilité à mener des négociations collectives au sens de la convention no 98. Elle allègue que l’attitude de la société vis-à-vis de la négociation collective ressort d’un document adressé à la Commission des opérations de bourse des Etats-Unis et cité par le tribunal du travail, dans lequel elle indique ce qui suit: «Bien que [la société] mène actuellement des consultations avec des groupes d’employés, notamment les pilotes, par l’intermédiaire des CRE, au sujet des méthodes et des conditions de travail, il ne s’agit pas de négociations formelles et contraignantes avec des unités de négociation, comme c’est le cas dans de nombreuses autres sociétés aériennes.» L’organisation plaignante reconnaît cependant que, dans une déclaration assermentée mentionnée par la Cour suprême, un dirigeant de Ryanair décrit la relation que la société entretient avec le CRE comme un «processus continu» dans le cadre duquel elle négocie avec les représentants de ses employés «en vue de conclure des accords collectifs sur les salaires et les autres conditions d’emploi», la qualifie de système permettant aux employés, y compris les pilotes, d’élire leurs représentants au sein des CRE, et précise que les différents CRE négocient directement et en permanence avec la société au sujet de l’ensemble des conditions de travail.
  3. 735. L’organisation plaignante souligne qu’en vertu de la législation irlandaise les employeurs peuvent créer sur le lieu de travail des associations du personnel ou des instances de dialogue jouissant du droit de consultation ou de négociation, de manière à inciter les travailleurs à délaisser les négociations collectives menées par un véritable syndicat, même si ces instances ne procèdent pas à des élections démocratiques et ne sont nullement tenues de consulter les travailleurs qu’elles sont censées représenter.
  4. 736. L’organisation plaignante allègue en outre que l’existence d’un organisme tel que le CRE met la société à l’abri des poursuites prévues à l’article 2(1) de la loi de 2001 sur les relations professionnelles, qui dispose que le tribunal du travail peut statuer qu’il a compétence sur un «différend du travail» uniquement s’il est convaincu «que l’employeur n’a pas coutume de négocier collectivement en ce qui concerne les employés du grade, du groupe ou de la catégorie auxquels appartiennent les travailleurs qui sont partie au conflit et que la procédure de règlement des différends habituellement utilisée par les parties concernées (lorsqu’il en existe une) s’est avérée inopérante». L’organisation plaignante s’inquiète à cet égard de l’interprétation des termes «différend du travail» et «négociation collective» donnée par la Cour suprême dans son arrêt de 2007, dans lequel elle jugeait qu’il n’y avait pas de différend du travail entre le syndicat et l’employeur.
  5. 737. La Cour suprême a notamment statué que, «pour déterminer s’il y avait effectivement un différend du travail, le tribunal du travail aurait dû chercher à savoir s’il existait des voies de recours internes pour résoudre le problème soulevé et si elles avaient été épuisées». Selon l’organisation plaignante, la Cour suprême a considéré que le tribunal du travail n’avait pas satisfait à cette condition avant de juger qu’il avait compétence et ne disposait pas de preuves suffisantes pour conclure que les voies de recours internes n’avaient pas permis de régler le différend, et ce bien que les pilotes eussent démissionné du CRE. L’organisation plaignante ne partage pas cette interprétation de la loi et déclare que, si l’existence d’un différend du travail est subordonnée à l’épuisement des voies de recours internes, l’autre condition préalable à la compétence du tribunal est alors superflue (voir ci après). L’organisation plaignante conteste également le jugement de la Cour suprême parce que, selon elle, rien ne prouve que le CRE des pilotes de Dublin était effectivement en activité au moment du différend ni qu’il était mandaté pour agir en tant que mécanisme de résolution des conflits.
  6. 738. L’organisation plaignante indique en outre que la Cour suprême a estimé qu’une autre définition de la négociation collective s’applique lorsque celle-ci a lieu en l’absence d’un syndicat et que, «s’il existe au sein de [la société] un mécanisme permettant aux pilotes d’avoir des représentants indépendants qui tentent de conclure un accord avec ceux de [la société], il semble qu’on puisse parler de négociation collective». Pour la Cour suprême, «le simple fait que [la société] puisse avoir participé à l’organisation administrative des élections et s’être opposée au renouvellement du mandat d’un représentant, ce qui était effectivement le cas, ne signifie nullement que les représentants mandatés par les pilotes au sein du CRE n’étaient pas totalement indépendants». Tout en insistant sur le fait que la société ne faisait au mieux que consulter son personnel par l’intermédiaire du CRE et qu’elle n’a jamais engagé de véritables négociation collective, l’organisation plaignante indique que la Cour suprême a estimé à cet égard que «le tribunal du travail ne disposait pas de preuves suffisantes pour conclure que les CRE ne remplissaient pas leur rôle, au dire de [la société]». Par ailleurs, la Cour suprême a jugé que l’ensemble de la procédure suivie par le tribunal du travail était fondamentalement injuste pour la société, du fait qu’aucun pilote ou autre employé n’a comparu à l’audience pour appuyer les allégations du syndicat. L’organisation plaignante se déclare donc profondément préoccupée par le fait que la Cour suprême exige des employés d’une entreprise multinationale qu’ils comparaissent et témoignent publiquement contre leur employeur dans le cadre d’un différend entre celui-ci et leur syndicat.
  7. 739. La Cour suprême a conclu que rien n’autorisait le tribunal du travail à considérer que la société n’avait pas engagé de négociation collective par l’intermédiaire du CRE et, partant, à statuer qu’il avait compétence en la matière. L’organisation plaignante déclare que cette décision a pour effet de mettre la société à l’abri de tout recours devant le tribunal du travail pour ses activités antisyndicales.
  8. 740. L’organisation plaignante déclare enfin que, depuis l’arrêt de la Cour suprême, un certain nombre de mesures ont été prises pour réactiver le CRE, qui la confortent dans l’opinion qu’il s’agit d’une instance fictive, dont la mise en place s’explique – au moins en partie – par une volonté de contrecarrer les activités syndicales, et que l’employeur s’ingère dans le fonctionnement du CRE. Le 23 mai 2008, les pilotes de Dublin ont reçu des documents les informant qu’il était envisagé de rétablir un CRE pour les représenter et que l’aide de la société avait été sollicitée en vue de la tenue d’élections entre les 3 et 6 juin; l’organisation plaignante déclare cependant que ces élections n’ont jamais eu lieu. L’un des candidats a écrit à la société pour lui demander quand elles se tiendraient (les dates annoncées étant déjà passées). L’organisation plaignante joint à sa plainte la réponse à ce courrier, dans laquelle la société nie être informée de ces élections ou impliquée de quelque manière que ce soit dans leur organisation, et renvoie son interlocuteur vers le CRE des pilotes de Dublin. On peut y lire entre autres ce qui suit: «En toute franchise, nous n’avons ni le temps ni l’envie de discuter avec vous des CRE, ou même de vos tentatives de déstabilisation depuis que votre syndicat a été totalement débouté par la Cour suprême la dernière fois qu’il a essayé de contraindre [la société] à le reconnaître... Veuillez respecter le droit constitutionnel, reconnu à notre société, de traiter directement avec ses employés sans ingérence d’un tiers, en l’occurrence un syndicat de pilotes.» L’organisation plaignante déclare que, pour autant qu’elle sache, il n’existait à l’époque aucun CRE pour les pilotes de Dublin, les élections ayant justement pour objet d’en constituer un nouveau. D’après elle, on ne sait pas précisément qui a distribué les documents ou pris part à l’opération, mais il semble probable que la société y a participé puisque ces documents ont été publiés via un site Web sécurisé lui appartenant, auquel elle seule a accès, qu’elle est citée à plusieurs reprises dans ces documents, tout comme plusieurs membres du service du personnel, et que les élections devaient avoir lieu dans ses locaux.
  9. 741. L’organisation plaignante déclare qu’une nouvelle tentative d’élire un CRE a eu lieu à la fin de 2008, cette fois-ci à l’initiative de plusieurs pilotes. Le capitaine Goss, un pilote qui s’était impliqué et avait présenté sa candidature lors des dernières élections avortées, a distribué deux documents concernant les procédures qu’il se proposait de suivre pour ces élections. D’après l’organisation plaignante, des poursuites disciplinaires ont été engagées contre le capitaine Goss, qui s’est vu infliger une amende pour «utilisation non autorisée des pigeonniers de la société», prouvée par un enregistrement de vidéosurveillance. Les documents en question ont été entre-temps retirés des pigeonniers, et un autre courrier a été distribué pour informer les pilotes que les communiqués précédents n’émanaient pas du CRE des pilotes de Dublin. Malgré le dépôt de candidatures, la préparation des élections a été interrompue dans un climat délétère. Le capitaine Goss a écrit à la société le 9 janvier 2009 pour s’enquérir de la manière dont il devait procéder pour communiquer avec les personnes se prétendant membres du CRE ou contacter le personnel au sujet de son fonctionnement, et demander l’autorisation d’utiliser les pigeonniers pour s’adresser au personnel. Selon l’organisation plaignante, le directeur du Département du personnel lui a répondu en ces termes le 3 février 2009: «Les documents étrangers à la société (y compris les communiqués du CRE) ne peuvent être distribués [dans les pigeonniers] sans autorisation préalable de sa part. Je note que vous demandez l’autorisation d’utiliser les boîtes à lettres du salon des équipages; cette autorisation vous est refusée. Si vous souhaitez vous entretenir de certaines questions avec le CRE des pilotes de Dublin, nous vous invitons à le contacter directement. La société n’intervient pas à cet égard et n’a pas à le faire, même si nous aidons le CRE des pilotes de Dublin à transmettre ses communiqués ou à organiser des élections, lorsqu’il nous en fait la demande.»
  10. 742. L’organisation plaignante allègue en outre que l’employeur s’ingère de diverses manières dans le fonctionnement du CRE: i) le CRE n’a pas de constitution formelle à laquelle les travailleurs pourraient se reporter; ii) le CRE ne possède pas de fonds propres, hormis ceux que l’employeur fournit à ses représentants; iii) le CRE ne peut recevoir ni aide ni ressources extérieures sans l’aval de la société; et iv) il semble que l’employeur intervienne dans le choix de la date des élections, du nombre de sièges à pourvoir, des candidats qui se présenteront, des personnes autorisées à voter, du lieu du scrutin et des scrutateurs. Pour l’organisation plaignante, la création du CRE est un acte d’ingérence de la part de l’employeur parce que cet organisme n’est pas un véritable syndicat.

    Non-reconnaissance du syndicat aux fins de la négociation collective

  1. 743. L’organisation plaignante considère que le CRE n’est pas compétent pour mener des négociations collectives et que son existence ne devrait pas être une raison pour exclure un syndicat des négociations. Elle allègue qu’il s’agit d’une violation du principe de la négociation collective volontaire, étant donné que les travailleurs ne sont pas libres de choisir leurs représentants et que l’employeur impose une structure de négociation puisque ses interlocuteurs n’ont pas été désignés ou élus par les travailleurs pour les représenter. L’organisation plaignante indique par ailleurs qu’on ne sait toujours pas si le CRE des pilotes de Dublin existe effectivement depuis 2004, puisque les pilotes ne semblent pas avoir été en mesure d’identifier leurs représentants au sein de cette instance ou d’entrer en contact avec eux, pas plus qu’ils n’ont été consultés ou informés au sujet de ses activités.
  2. 744. S’agissant de l’attitude de Ryanair, l’organisation plaignante allègue qu’il est de notoriété publique qu’elle a pour politique de ne pas négocier avec les syndicats (même si cela ne signifie pas qu’elle interdit à ses employés d’en devenir membres). Dans son arrêt de 2007, la Cour suprême a souligné que la société «a pour règle de traiter directement et uniquement avec ses employés, et non par l’intermédiaire d’entités extérieures, y compris des syndicats». Pour l’organisation plaignante, «la société mène une politique antisyndicale agressive et est particulièrement fière de se considérer comme une entreprise non syndiquée». La société refuse aux pilotes le droit d’être représentés par un syndicat en cas de grief ou de procédure disciplinaire, et leur syndicat n’a pas le droit de formuler des observations ou de négocier – individuellement ou collectivement – en leur nom.
  3. 745. L’organisation plaignante affirme également qu’aucune disposition de la législation irlandaise n’oblige l’employeur à reconnaître un syndicat aux fins de la négociation collective volontaire et que les entreprises ont «le droit de fonctionner sans syndicat». Il n’est pas illégal pour un employeur de refuser de reconnaître un syndicat aux fins de la négociation collective, et ce quel que soit le soutien dont il bénéficie dans l’entreprise. L’organisation plaignante note par ailleurs que les lois de 2001 et de 2004 sur les relations professionnelles disposent que le tribunal du travail, s’il a compétence sur un différend, peut formuler des recommandations ou rendre un jugement pour le résoudre, mais ne peut imposer des mécanismes de négociation collective.
  4. 746. Enfin, l’organisation plaignante se dit gravement préoccupée par l’arrêt de 2007 de la Cour suprême qui, selon elle, consacre un nouveau droit constitutionnel pour les entreprises qui veulent éliminer les syndicats, comme l’illustre le passage suivant: «Il ne fait aucun doute que, juridiquement parlant, [la société] est parfaitement en droit de ne pas traiter avec des syndicats et qu’on ne peut adopter une loi pour la contraindre à le faire. Il existe cependant un risque manifeste d’exploitation pour les employés d’une entreprise dans laquelle il n’existe pas de syndicat; ... eu égard à leur objet, [les lois de 2001 et 2004 sur les relations professionnelles] doivent être interprétées de manière impartiale et dans le respect de la Constitution, de manière à ne pas nier sans motif valable le droit de [la société] de ne pas traiter avec un syndicat.»
  5. 747. Pour l’organisation plaignante, l’arrêt de la Cour suprême a pour effet de dénier aux employés le droit de désigner – individuellement ou collectivement – les représentants de leur choix. Les employeurs ont un droit, constitutionnellement protégé, de ne pas traiter avec les syndicats; en revanche, les citoyens ne jouissent pas, en contrepartie, du droit à la représentation syndicale dans leurs relations avec la société. L’organisation plaignante affirme instamment que les négociations collectives ne devraient avoir lieu qu’avec un syndicat indépendant. Elle dénonce le fait qu’à l’heure actuelle, en Irlande, un employeur est libre de créer ou de faciliter la création d’un organisme «représentatif» virtuel, sans membres ni ressources, et d’engager des négociations avec lui. Il a ainsi la garantie de ne pas avoir à traiter avec des syndicats et s’exonère de la législation censée permettre aux organisations de travailleurs d’introduire des recours contre les employeurs qui refusent de les reconnaître. Pour l’organisation plaignante, les dispositions de la loi de 2001 sur les relations professionnelles, telles qu’interprétées par la Cour suprême, sont devenues un instrument de lutte antisyndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 748. Dans sa communication du 11 juillet 2011, le gouvernement a demandé un délai supplémentaire pour compléter ses observations, la situation ayant évolué en raison d’un récent changement de gouvernement. Ce dernier a informé le comité que le nouveau gouvernement s’était engagé «à réviser la législation actuelle sur le droit des travailleurs de négocier collectivement (à savoir la loi de 2011 modifiant la loi sur les relations professionnelles), afin d’assurer le respect des récents arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme».
  2. 749. Dans sa communication du 26 octobre 2011, le gouvernement déclare que la plainte de l’ICTU concerne l’interprétation de la loi de 2011 modifiant la loi sur les relations professionnelles, retenue par la Cour suprême de l’Irlande dans l’affaire Ryanair Ltd c. Labour Court [2007] IESC 6 (ci-après «l’affaire Ryanair»); il souligne que ses observations constituent sa réponse juridique officielle à la plainte de l’ICTU. Le gouvernement considère que l’Irlande ne viole pas la convention no 98 et expliquera sa position ci-dessous. Etant actuellement engagé dans un processus politique de réexamen de la loi de 2001 modifiant la loi sur les relations professionnelles, notamment à la lumière de l’affaire Ryanair, le gouvernement ne peut pas anticiper le résultat de ces discussions mais, pour éviter toute ambiguïté, déclare que sa réponse ne doit pas être considérée comme signifiant qu’il ne proposera aucune modification à la loi actuelle.
  3. 750. Le gouvernement allègue que l’ICTU a mal interprété la portée de l’arrêt Ryanair et la nature de la procédure devant le comité. Selon le gouvernement, le jugement dans l’affaire Ryanair repose sur le fait que le syndicat n’a pas établi certains faits concernant les relations professionnelles au sein de la société, ce qui ne signifie pas pour autant que l’Irlande viole la convention no 98. L’ICTU semble instrumentaliser cette plainte pour faire rejuger son différend avec Ryanair, puisqu’elle en vient pratiquement à demander au comité d’annuler le jugement de la Cour suprême au motif qu’il constituerait une interprétation erronée de la législation irlandaise.
  4. 751. Le gouvernement souligne que les articles 1 à 4 de la convention no 98 n’obligent aucunement les employeurs à reconnaître les syndicats ou à négocier avec eux. Comme l’indique clairement l’article 4, la convention vise la négociation volontaire entre les employeurs et les organisations de travailleurs, ce qu’elle facilite par le biais des articles 1 et 2 qui prévoient que les travailleurs doivent pouvoir négocier volontairement et librement grâce à des procédures assurant le respect du droit d’organisation, à savoir le droit à la protection contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence. Toutefois, selon le gouvernement, la négociation volontaire ne peut être rendue obligatoire, aucune disposition des articles 1 à 4 ne le prévoyant.

    L’affaire Ryanair

  1. 752. Selon le gouvernement, l’ICTU retient une interprétation très personnelle du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Ryanair Ltd c. Labour Court [2007] IESC 6; elle tient pour acquis que ce jugement exclut toute autre requête des pilotes de Ryanair devant le tribunal du travail et en conclut que l’Irlande viole ses obligations en vertu de la convention no 98. En ce sens, la demande de l’ICTU repose intégralement sur son interprétation de l’arrêt de la Cour suprême, qu’elle estime totalement erroné.
  2. 753. Le gouvernement déclare qu’aux fins de cette plainte il faut s’en tenir aux faits établis devant la Cour suprême. La société Ryanair a décidé de moderniser sa flotte, ce qui obligeait les pilotes qui piloteraient les nouveaux avions à suivre une formation spéciale; elle a décidé de proposer cette formation à huit pilotes expérimentés, basés à Dublin, sous certaines conditions. Les pilotes concernés étaient insatisfaits de certaines de ces conditions et en ont fait part à la direction.
  3. 754. Selon le gouvernement, la Cour suprême a accepté les preuves déposées par Ryanair, démontrant que la négociation collective est un processus permanent dans la société, qui négocie avec les représentants de ses employés afin de conclure des conventions collectives sur les salaires et autres conditions d’emploi. Les employés élisent leurs représentants aux différents conseils représentatifs des employés (CRE), qui négocient directement et en permanence avec l’entreprise au sujet de toutes les conditions d’emploi. Il existait un CRE pour les pilotes de Dublin, et il leur appartenait d’y élire ou d’y nommer leurs représentants; toutefois, en août 2004, les représentants des pilotes se sont retirés du CRE et aucun nouveau pilote n’y a été nommé.
  4. 755. Le gouvernement ajoute que le président de l’IALPA (filiale de l’IMPACT), employé de la société Aer Lingus, a écrit le 3 novembre 2004 au directeur général de Ryanair pour lui soumettre trois questions (conditions d’emploi; formation au pilotage des nouveaux avions; suppressions d’emplois) sur lesquelles l’IMPACT souhaitait négocier. Le directeur général a refusé de discuter avec l’IALPA, indiquant que cette dernière ne participerait pas aux discussions internes de Ryanair avec ses pilotes. Cela a donné lieu à un échange de courrier entre la Commission des relations du travail (CRT) et le directeur général de Ryanair, d’où il est ressorti que la société n’entrerait pas en matière avec la CRT.
  5. 756. Le gouvernement déclare que, le 19 novembre 2004, les huit pilotes basés à Dublin ont envoyé à la direction de Ryanair une lettre concernant l’offre conditionnelle de formation (du 12 novembre 2004), dans laquelle ils faisaient état de plusieurs préoccupations, et notamment d’une des conditions de cette offre, à savoir qu’ils devraient en rembourser le coût si la société était contrainte de négocier collectivement avec un syndicat dans les cinq années suivant la formation. Ils y demandaient également s’ils subiraient un préjudice s’ils continuaient à piloter la flotte d’Airbus 200 jusqu’à l’élimination progressive de ces appareils. Dans une lettre reçue le 23 novembre 2004 par l’IALPA, Ryanair nie que les pilotes étaient invités à prendre quelque engagement qu’il leur était impossible de souscrire et affirme que la société leur faisait simplement une offre. Dans cette même lettre, la direction: convient de participer à une réunion portant sur les informations supplémentaires demandées par les pilotes; insiste sur le fait qu’ils devaient suivre la formation dans un certain délai; précise que, s’ils n’acceptaient pas l’offre, ils continueraient à piloter les avions de l’ancienne flotte jusqu’à l’élimination graduelle de ces appareils; fait référence à un processus de négociation collective au sein de Ryanair.
  6. 757. Selon le gouvernement, il semble qu’une réunion se soit tenue entre les pilotes et le directeur général. Dans un courrier du 29 novembre 2004, les pilotes ont contesté la référence au processus de négociation collective au sein de la société, déclarant: «pour autant que nous le sachions, il n’y a plus de négociation collective avec les pilotes de Ryanair depuis un certain temps». La Cour suprême a interprété ce passage comme faisant référence à la situation résultant de la démission des deux représentants des pilotes du CRE de Dublin. Sept jours avant cette lettre, le 22 novembre 2004, l’IMPACT a engagé un recours devant le tribunal du travail au nom de tous les pilotes de Ryanair membres du syndicat. Ces membres n’ont jamais été identifiés durant la procédure devant le tribunal du travail, la Haute Cour et la Cour suprême.
  7. 758. Quant à l’article 2 de la loi de 2001 amendant la loi sur les relations professionnelles, modifiée par la loi de 2004 sur les relations professionnelles (Dispositions diverses), (ci après la «loi de 2001»), le gouvernement indique que cette disposition donne compétence au tribunal du travail pour enquêter sur un différend du travail si certaines conditions sont remplies. L’expression «différend du travail» est définie à l’article 3 de la loi de 1946 sur les relations professionnelles comme «tout litige ou conflit entre un employeur et des travailleurs ou entre des travailleurs, concernant des questions liées au travail ou non, les conditions de travail, ou les conditions de travail de toute autre personne». Les paragraphes 2(a) et (b) de la loi de 2001 énoncent deux exigences positives concernant la conduite de l’employeur, et les paragraphes 2(c) et (d) deux exigences négatives concernant celle du syndicat. L’article 2(a) dispose que l’employeur ne doit pas avoir pour pratique de négocier collectivement en ce qui concerne la classe, le groupe ou la catégorie de travailleurs qui sont partie au différend du travail, et que la procédure interne de règlement des différends normalement utilisée par les parties (s’il en existe une) n’a pas permis de résoudre le différend; l’article 2(b) dispose que l’employeur ne doit pas avoir engagé des procédures volontaires pour résoudre le différend du travail. L’article 2(c) dispose que le syndicat ne doit pas agir de manière à contrarier les efforts faits par l’employeur pour respecter un code de pratique; l’article 2(d) dispose que le syndicat ne doit pas engager d’actions collectives après avoir renvoyé le différend à la Commission des relations du travail (CRT). L’article 3 habilite le tribunal du travail à examiner si ces exigences ont été satisfaites, lors d’une audience préliminaire ou lors de l’audience sur le fond. Le gouvernement en conclut que la loi de 2001 institue un mécanisme de règlement des différends du travail lorsque cela ne peut se faire au moyen des procédures existantes. Il souligne également que le tribunal du travail peut émettre une recommandation et, par la suite, une décision exécutoire, mais ne peut pas contraindre l’employeur à engager des négociations collectives.
  8. 759. Le gouvernement souligne que l’article 2(1) de la loi de 2001 donne compétence au tribunal du travail pour enquêter sur un «différend du travail» – la question examinée par la Cour suprême –, sous réserve que quatre conditions cumulatives soient remplies. Le seul point en litige en l’espèce était la condition (a), qui comporte deux sous-conditions (absence de négociation collective; échec de la procédure interne de règlement des différends). En conséquence, l’IMPACT devait établir trois points pour asseoir la compétence du tribunal du travail: i) il existait un différend du travail; ii) Ryanair n’avait pas pour pratique de négocier collectivement à l’égard des pilotes qui étaient partie au différend du travail; et iii) la procédure interne de règlement des différends normalement utilisée par les parties concernées (le cas échéant) n’avait pas permis de résoudre le différend. La Cour suprême a statué qu’aucun de ces points n’avait été établi. Le gouvernement en déduit que ces conclusions et leurs raisons sous-jacentes doivent être analysées en détail parce qu’elles reflètent l’état du droit irlandais en la matière et, partant, la seule base qui permettrait de conclure que l’Irlande viole ses obligations en vertu de la convention no 98.
  9. 760. Différend du travail. Selon le gouvernement, le tribunal du travail a jugé que les mots «ou conflit» (dans l’expression «litige ou conflit») répondaient à la définition plus large du terme «différend». La Cour suprême a rejeté cette analyse, statuant que, pour déterminer si un «différend du travail» était engagé, le tribunal du travail aurait dû examiner s’il existait une procédure interne de règlement des différends et si ces recours avaient été épuisés. La Cour suprême a conclu que la question n’avait pas été examinée dans ces termes, étant donné notamment qu’aucun des pilotes qui étaient partie au litige n’avait témoigné. Le gouvernement en conclut que le tribunal du travail n’a pas établi qu’il existait un différend du travail en l’espèce et n’a donc pas affirmé sa compétence quant au premier point.
  10. 761. Pratique de la négociation collective. Selon le gouvernement, le tribunal du travail a interprété littéralement l’article 2(l)(a), concluant que, si une catégorie de salariés, par exemple les pilotes basés à Dublin, décidait de ne pas négocier collectivement avec Ryanair, cette dernière ne pouvait de ce fait même avoir pour pratique de négocier collectivement. La Cour suprême a estimé que cette interprétation était incompatible avec les objectifs de la loi, parce qu’elle reviendrait à permettre aux employés d’invoquer la compétence du tribunal du travail en se contentant de boycotter tout mécanisme de négociation collective que la société aurait mis en place. La Cour suprême a conclu que le mot «pratique» signifiait dans ce contexte qu’un mécanisme de négociation collective était en place et n’avait pas un caractère ponctuel, et que le tribunal du travail peut uniquement avoir compétence lorsqu’il n’existe pas de mécanisme de négociation collective et que les parties ne s’y sont pas engagées, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
  11. 762. Le gouvernement indique en outre que la Cour suprême a examiné si les mécanismes mis en place par Ryanair constituaient un processus de «négociation collective» au sens de l’article 2. La cour a considéré que le tribunal du travail avait mal interprété l’expression «négociation collective» au sens ordinaire de ce terme dans un contexte de relations professionnelles et a infirmé sa décision, à savoir qu’en vertu de cette loi l’expression «négociations collectives» désigne les négociations avec tout groupe par lequel les employés qui étaient partie au différend du travail souhaitaient être représentés. La Cour suprême a statué que le groupe, la classe ou la catégorie d’employés semblait en l’espèce être les pilotes basés à Dublin, membres ou non du syndicat; elle a également conclu que la société, comme elle en avait le droit, n’avait pas négocié avec le syndicat, mais avait insisté pour négocier avec le CRE des pilotes de Dublin, ce qui s’était révélé impossible parce que leurs représentants s’en étaient retirés. La Cour suprême a conclu que la décision sur ce point pouvait être fondée ou non, mais qu’en tout état de cause le tribunal du travail n’avait jamais examiné si un mécanisme adéquat de négociation collective (au sens ordinaire de cette expression) existait au sein de la société Ryanair. Elle a donc estimé que, dans la mesure où il existait effectivement un mécanisme permettant aux représentants indépendants des pilotes de discuter avec ceux de la société afin de conclure éventuellement un accord, cela semblait constituer des «négociations collectives» au sens ordinaire de cette expression, estimant qu’il serait malvenu d’imposer des définitions propres aux négociations syndicales avec les entreprises non syndiquées.
  12. 763. Selon le gouvernement, la Cour suprême a considéré que la notion de représentants indépendants est cruciale dans un contexte de négociations collectives. Analysant le CRE selon ce critère, elle a rejeté l’idée que l’indépendance des représentants des pilotes était compromise parce que Ryanair avait participé à l’organisation administrative des élections au CRE, et qu’elle s’opposait au renouvellement du mandat d’un représentant. Pour analyser le jugement de la Cour suprême sur ce point, il importe de comprendre comment il a été plaidé. Les représentants de Ryanair qui ont témoigné devant le tribunal du travail ont déclaré que le CRE exerçait des fonctions de négociation collective, alors qu’aucun pilote n’a jamais présenté de témoignage contraire (devant le tribunal du travail, la Haute Cour ou la Cour suprême). Le tribunal du travail a conclu que Ryanair n’avait pas négocié collectivement en se fondant sur l’argumentaire de l’IMPACT et sur des documents de Ryanair qui évoquaient des consultations, plutôt que des négociations avec le personnel, et en a déduit que les CRE étaient des organes consultatifs. La Cour suprême a ultimement rendu des conclusions d’ordre procédural, estimant que le tribunal du travail ne disposait pas de preuves suffisantes lui permettant de juger que le CRE n’exerçait pas les fonctions alléguées par Ryanair, notamment en l’absence de témoignage d’au moins un employé directement concerné par le différend. Ce faisant, la Cour suprême n’a pas statué une fois pour toutes que les CRE établis au sein de Ryanair sont suffisamment indépendants pour constituer un mécanisme de négociation collective; elle a plutôt conclu que le tribunal du travail n’était pas saisi de preuves suffisantes pour en venir à la conclusion opposée, compte tenu des preuves claires produites par les témoins de Ryanair. La Cour suprême a souligné que le tribunal du travail avait manqué aux règles d’équité procédurale en autorisant la non-divulgation de l’identité des personnes que le syndicat était censé représenter.
  13. 764. Non-règlement du différend par la procédure interne. Le gouvernement soutient que le tribunal du travail s’est fondé sur le non-fonctionnement du CRE pour statuer sur ce point. La Cour suprême a écarté ce fait, le jugeant non pertinent en l’espèce, alors que le tribunal du travail estimait qu’il avait une incidence sur les conditions de la formation offerte aux pilotes, immédiatement ou par la suite. La Cour suprême a estimé qu’il était injuste, voire pratiquement impossible, pour le tribunal du travail de statuer sur ce point sans identifier au préalable les pilotes concernés. Elle a considéré que le différend concernait en fait les huit pilotes qui tentaient encore de transiger avec la société à la date du recours intenté devant le tribunal du travail, et que ce dernier ne disposait pas de preuves lui permettant de conclure que la procédure interne de règlement des différends n’avait pas permis de résoudre le litige.
  14. 765. Le gouvernement considère que l’arrêt Ryanair clarifie utilement les aspects suivants de la procédure établie en vertu de la loi de 2001: i) le tribunal du travail ne peut pas conclure qu’il existe un différend du travail sans établir préalablement que les recours internes ont été épuisés, le témoignage d’un employé directement concerné étant nécessaire à cet égard; ii) le concept de «négociations collectives» n’oblige pas un employeur à négocier avec un syndicat du choix des employés, mais signifie plutôt que les employés doivent avoir leurs propres représentants indépendants dans le cadre des négociations avec l’entreprise; la Cour suprême n’a pas statué que le système de CRE au sein de la société Ryanair satisfaisait à ce critère, mais a plutôt décidé qu’en l’absence de tout témoignage d’un employé de Ryanair le tribunal du travail ne pouvait rejeter les preuves contraires apportées par les représentants de la société; et iii) le tribunal du travail ne peut conclure qu’une procédure interne de règlement des différends n’a pas permis de résoudre un différend du travail en l’absence de preuve à cet effet par un employé de l’entreprise. Le gouvernement souligne que le jugement de la Cour suprême ne préjuge en rien du droit de contester à l’avenir la procédure en place au sein de la société Ryanair, mais offre plutôt des indications sur les différentes modalités d’application de l’article 2, dans le respect des règles d’équité procédurale.

    La présente plainte

  1. 766. S’agissant de l’argument selon lequel la plainte concerne certaines mesures prises par Ryanair pour nier à ses pilotes le droit d’être représentés par l’IALPA, au sens de la convention no 98, le gouvernement trouve cette formulation révélatrice pour deux raisons: i) on ne sait pas clairement ce que l’ICTU entend par «droit d’être représenté» puisqu’elle ne peut pas invoquer le droit des pilotes de négocier avec Ryanair par l’entremise de l’IALPA (puisque les articles 1 à 4 de la convention no 98 protègent la négociation volontaire); et ii) la plainte de l’ICTU concernant Ryanair plutôt que l’Irlande, elle ne peut se contenter d’identifier des positions antisyndicales adoptées par Ryanair pour en conclure de ce seul fait que l’Irlande viole ses obligations internationales. L’Irlande a mis en place un système de relations professionnelles afin, notamment, de satisfaire à ses obligations en vertu du droit international; c’est uniquement dans l’hypothèse où ces mécanismes auraient été utilisés et jugés insuffisants que l’ICTU pourrait prétendre que l’Irlande viole ses obligations en vertu de la convention.
  2. 767. La première difficulté concerne la reconversion des pilotes et «l’offre d’avantages liés à une condition, à savoir que l’entreprise devrait rester non syndiquée». Comme on l’a vu précédemment, c’est la question qui préoccupait les pilotes immédiatement avant et après la requête de l’IMPACT au tribunal du travail, en vertu de l’article 2 de la loi de 2001. Le gouvernement considère cependant que ce n’était pas la question en litige dans l’affaire Ryanair, et il se pourrait fort bien que de telles conditions soient irrecevables en droit irlandais. Selon le gouvernement, l’Irlande ne peut pas être reconnue coupable de violation de la convention en raison d’une position adoptée par un seul employeur, dont la légalité n’a pas été tranchée par les tribunaux irlandais. En outre, l’ICTU ne cite aucun article de la convention que ce comportement enfreindrait.
  3. 768. La deuxième préoccupation concerne les CRE; l’organisation plaignante affirme que ces comités sont une imposture et servent à exclure toute véritable négociation collective. Le gouvernement considère que l’analyse des plaignants – à savoir que la conclusion de la Cour suprême selon laquelle Ryanair avait peut-être institué une règle contre le renouvellement du mandat des représentants tend à révéler un certain degré d’ingérence de l’employeur dans le fonctionnement des CRE, qui ne pouvaient donc être des organisations autonomes, libres de toute ingérence en ce qui concerne leur «formation, leur fonctionnement ou leur administration» (article 2 de la convention no 98) – est fondée sur une hypothèse erronée, à savoir que les CRE sont des organisations de travailleurs au sens de la convention. Selon le gouvernement, Ryanair a pour règle de ne pas négocier avec les syndicats, et la convention respecte ce droit en reconnaissant que la négociation collective doit être libre et volontaire; Ryanair discute avec ses employés par l’entremise de ses CRE, qui ne sont pas des organisations de travailleurs et ne sont donc pas soumis à l’article 2 de la convention.
  4. 769. Le troisième problème concerne l’absence de dispositions dans la législation irlandaise incitant les entreprises à conclure des arrangements de négociation volontaire. L’ICTU conteste l’approche de Ryanair à cet égard (pas de syndicat dans la société) et le fait que le droit du travail irlandais ne prévoie pas le droit strict des travailleurs d’être accompagnés par un responsable syndical lors des audiences internes en matière disciplinaire ou de griefs, de faire valoir leur point de vue par l’entremise de leur syndicat ou d’être représentés par lui dans les questions liées à l’emploi. Le gouvernement critique la position de l’ICTU à cet égard car elle n’identifie aucune disposition de la convention qui serait violée; selon lui, cela tient sans doute au fait que la convention concerne la négociation collective volontaire, alors que l’ICTU souhaite la négociation collective obligatoire. S’agissant de la préoccupation exprimée par l’ICTU concernant l’émergence d’un nouveau droit, constitutionnellement protégé, d’exploiter une entreprise non syndiquée, le gouvernement déclare qu’il s’agit là d’une interprétation contestable de l’arrêt de la Cour suprême, manifestement prématurée dans le contexte de cette plainte.
  5. 770. Le gouvernement observe que la procédure prévue par la loi de 2001 est décrite dans la plainte comme une bonne disposition, qu’on pourrait considérer comme compatible avec les obligations du gouvernement aux termes de l’article 4 de la convention, mais qui est rendue inefficace par l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Ryanair: «En pratique, une disposition bien intentionnée est devenue un outil d’élimination des syndicats, parce que la Cour suprême a statué qu’un employeur qui discute avec un organe tel que le CRE de Ryanair est, aux fins de la loi de 2001, un employeur qui négocie collectivement. Ainsi, non seulement Ryanair n’est pas tenue par la loi irlandaise d’autoriser ses pilotes à se faire représenter par le syndicat de leur choix, mais en établissant un CRE la société bénéficie en outre d’une immunité contre les poursuites intentées devant le tribunal du travail contre les employeurs qui ne reconnaissent pas les syndicats.» Le gouvernement considère que cela reflète une incompréhension fondamentale de l’arrêt de la Cour suprême. Cette dernière n’a pas statué que les CRE de Ryanair avaient pour effet de soustraire la société au champ d’application de la loi de 2001, mais a plutôt identifié un critère d’indépendance et a ensuite jugé que, dans ce cas particulier, sur la base des éléments factuels avancés par Ryanair et en l’absence de preuves factuelles présentées par l’IMPACT, le tribunal du travail ne pouvait rendre un tel jugement. Par ailleurs, dans un passage totalement inattaquable de son arrêt, la Cour a statué que les employés ne pouvaient pas asseoir la compétence du tribunal du travail par une tactique délibérée, à savoir refuser de participer au mécanisme de négociation collective interne de l’entreprise. Le jugement de la Cour suprême laisse entière la question de savoir si les CRE de Ryanair sont suffisamment indépendants. Le gouvernement considère la plainte de l’ICTU totalement irrecevable car elle demande au comité de se prononcer au sujet de la loi irlandaise, sur la base d’affirmations factuelles qui n’ont jamais été établies; si elles avaient été prouvées devant les tribunaux, l’ICTU ne pourrait peut-être même pas contester l’état actuel du droit irlandais.
  6. 771. Quant à l’argument de l’ICTU – à savoir que l’arrêt de la Cour suprême est préoccupant car il oblige en fait les employés d’une multinationale à comparaître et à témoigner publiquement contre l’employeur dans le cadre d’un conflit entre leur syndicat et l’employeur –, le gouvernement souligne que les plaignants allèguent ici pour la première fois que le jugement de la Cour suprême est incompatible avec la convention, encore une fois sans en citer aucun article; il soutient que, pour les motifs avancés dans le jugement, un système juridique ne saurait fonctionner s’il permet de considérer des faits comme établis même en l’absence de preuve directe.
  7. 772. La plainte énumère ensuite un certain nombre de faits nouveaux dans les relations professionnelles au sein de la société depuis 2007, en commençant par une affirmation, à savoir que l’arrêt de la Cour suprême «a donc eu pour effet d’empêcher la contestation des activités antisyndicales de Ryanair devant le tribunal du travail». De l’avis du gouvernement, cela constitue manifestement une interprétation erronée de cet arrêt, qui avait une portée beaucoup plus restreinte. La cour n’a pas évalué la manière dont Ryanair mène ses affaires et n’a nullement conclu que le tribunal du travail ne pourrait pas, à l’avenir, être saisi des différends survenant au sein de la société.
  8. 773. L’organisation plaignante allègue que l’article 1 est violé en raison des actes de discrimination antisyndicale de Ryanair, parce que la société a fait une offre de reconversion aux pilotes à condition qu’ils remboursent les frais de reconversion si elle était contrainte de négocier collectivement avec un syndicat. Selon le gouvernement, il s’agit là d’une plainte contre Ryanair, et non contre le gouvernement de l’Irlande qui a mis en place un système de règlement des différends du travail pour les entreprises où la négociation collective n’existe pas. Le gouvernement considère que l’IMPACT a tenté de se prévaloir de ce mécanisme, mais a échoué parce qu’il n’a pas pu établir certains faits.
  9. 774. L’organisation plaignante soutient ensuite que l’article 2 est violé en raison de l’ingérence de l’employeur dans une organisation de travailleurs. Elle semble affirmer à cet égard qu’il y a eu ingérence dans le CRE et que le syndicat est exclu à tort des procédures prévues par la loi de 2001. Là encore, cependant, il s’agit d’une plainte contre Ryanair, et non contre le gouvernement de l’Irlande. De plus, cet argument est fondé sur une hypothèse erronée, à savoir que les CRE sont des organisations de travailleurs.
  10. 775. L’organisation plaignante soutient également que l’article 3 est violé parce que l’Irlande n’aurait pas pris les mesures voulues pour instituer un mécanisme de protection du droit syndical, comme le prévoient les articles 1 et 2. Le gouvernement considère cependant qu’une telle procédure a été établie aux termes de la loi de 2001 puisque, la convention ne prévoyant pas la négociation obligatoire avec les syndicats, les employeurs qui ne négocient pas collectivement peuvent éventuellement se voir imposer les conditions d’emploi dans leur entreprise. Selon le gouvernement, le fait que l’IMPACT n’ait pu se prévaloir de cette procédure dans un cas isolé parce qu’il n’avait pas pu prouver certains faits ne constitue pas pour autant une violation de l’article 3.
  11. 776. Enfin, l’organisation plaignante allègue que gouvernement ne promeut pas le principe de la négociation collective volontaire, tel que requis par l’article 4 de la convention, et que la législation irlandaise viole cette disposition parce que les CRE de Ryanair ne peuvent pas conclure de conventions collectives. Selon le gouvernement, la plainte s’appuie à cet égard sur la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, instrument non contraignant, plutôt que sur la convention no 98, instrument créant des obligations, afin d’éviter la disposition de cette convention prévoyant le caractère volontaire de la négociation collective. De son point de vue, l’Irlande n’a pas violé l’article 4 de la convention; il considère en outre qu’une obligation de nature positive et promotionnelle comme celle de l’article 4 ne peut être considérée comme violée lorsqu’il s’agit de faits particuliers à un cas d’espèce. Sur un plan général, l’Irlande a pris de nombreuses mesures de promotion de la négociation collective et mis en place depuis de nombreuses années un système de partenariat social, où les syndicats jouent un rôle important, inégalé dans la plupart des autres pays. Le gouvernement conclut que la plainte de l’ICTU, à savoir que l’Irlande n’assure pas la promotion de la négociation collective en raison de l’arrêt dans l’affaire Ryanair, n’est pas fondée.

    Observations de la Irish Business and Employers’ Confederation (IBEC)

  1. 777. Par ailleurs, le gouvernement transmet des informations communiquée par la Irish Business and Employers’ Confederation (IBEC) en relation avec la plainte.
  2. 778. L’IBEC souligne qu’elle ne représente pas la position ou les intérêts de Ryanair, qui fait l’objet de la plainte. Cependant, en sa qualité d’organisme national représentatif des employeurs irlandais et de partenaire social au niveau national, elle tient à s’assurer que le comité dispose de toutes les informations pertinentes. L’IBEC réfute fermement l’allégation selon laquelle l’Irlande viole la convention no 98. Il existe en Irlande une législation très développée, outre le droit constitutionnel, qui donne effet aux principes énoncés dans la convention.
  3. 779. L’IBEC déclare que les principaux griefs semblent concerner le différend au sein de Ryanair, pour lequel la loi irlandaise actuelle institue des recours, à condition que la réclamation soit fondée. Dans sa plainte, l’ICTU néglige de présenter les nombreux recours et mesures réglementaires dont disposent les travailleurs irlandais, que ces derniers et les syndicats connaissent bien et utilisent largement dans le cadre établi des relations professionnelles. Cela amène à s’interroger non seulement sur les motifs pour lesquels les plaignants n’ont pas employé ces procédures, mais aussi pourquoi elles ne sont pas mentionnées dans la plainte.
  4. 780. L’IBEC soutient que, plus qu’une préoccupation liée au respect de la convention no 98 par l’Irlande, la plainte constitue une tentative de faire réexaminer les faits d’un cas individuel qui a déjà été tranché par la Cour suprême et d’étendre la portée de la convention bien au-delà de l’interprétation que lui a donnée antérieurement le comité. Enfin, les critiques exprimées par les organisations plaignantes à l’égard de la décision de la Cour suprême suggèrent qu’elles contestent l’application de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) aux employeurs.
  5. 781. En ce qui concerne l’article 1 de la convention no 98, l’IBEC soutient que les travailleurs irlandais jouissent de la meilleure protection juridique possible contre les actes de discrimination antisyndicale. La Constitution de l’Irlande, plus précisément son article 40.6.1, garantit le droit des citoyens de former des associations et des syndicats, sous réserve du respect de l’ordre public et de la moralité. Ce droit d’association, constitutionnellement garanti et renforcé par une série de mesures législatives (décrites ci dessous), ne signifie toutefois pas que les employeurs sont tenus à quelque obligation allant au-delà du strict respect de ce droit. Cela n’oblige pas l’employeur à négocier avec toute association pouvant être formée par les employés. L’absence d’une obligation légale de coopérer avec un syndicat donné, voire quelque syndicat que ce soit, est entièrement compatible avec les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale. L’IBEC note en particulier que, comme l’a déjà déclaré le comité, le principe de la négociation libre et volontaire des conventions collectives et donc l’autonomie des partenaires à la négociation, sont des principes fondamentaux de la liberté syndicale. L’IBEC soutient que la reconnaissance par la Cour suprême du droit de Ryanair «d’exploiter une entreprise non syndiquée» est entièrement compatible avec ces principes et que la plainte de l’ICTU cherche à saper le caractère volontaire de la négociation collective consacré dans la convention.
  6. 782. S’agissant de l’allégation selon laquelle la loi n’interdit pas aux employeurs irlandais d’offrir aux travailleurs certaines conditions d’emploi à condition qu’ils refusent, individuellement ou collectivement, le recours à la négociation collective, l’IBEC déclare que cette affirmation est fausse. L’ordonnance de 2004 (Code de pratique sur les traitements préjudiciables), prise en vertu de la loi de 1990 sur les relations professionnelles, interdit expressément de défavoriser un salarié en raison de son adhésion ou de son refus d’adhérer à un syndicat ou à une organisation assimilée (agent négociateur exempté de l’obligation de détenir un certificat de négociation, «excepted body»), ou de sa participation ou de son refus de participer à leurs activités. Ces dispositions s’appliquent à tout autre employé se trouvant dans une situation où les mécanismes de négociation collective sont inexistants ou inefficaces. Les mesures préjudiciables visées dans le texte de loi mentionné ci-dessus comprennent tant les actes que les omissions, y compris le préjudice subi par un employé en raison d’un changement défavorable dans ses conditions d’emploi ou d’actes qui nuisent à ses intérêts. La partie 5 du code décrit la procédure de plainte qui permet aux victimes d’obtenir réparation, y compris une indemnisation d’au plus deux ans de rémunération, et une ordonnance de mettre fin aux actes faisant l’objet de la plainte.
  7. 783. Concernant l’allégation selon laquelle, en Irlande, un employeur peut légalement constituer une association du personnel ou une instance de dialogue et leur offrir des droits de consultation ou de négociation afin d’inciter les travailleurs à ne pas confier la négociation collective à un véritable syndicat, l’IBEC souligne que, dans tous les cas où un employeur offre des incitations aux travailleurs pour les dissuader de se syndiquer ou d’exercer des activités syndicales, ceux-ci peuvent se prévaloir des recours prévus par l’ordonnance de 2004 mentionnée ci-dessus. Cependant, aucune disposition de la convention no 98 (ou de toute autre convention de l’OIT) n’interdit la création d’une association du personnel ou d’une instance de dialogue. De fait, un employeur est parfois tenu de créer de telles associations, par exemple en vertu d’une directive de l’Union européenne.
  8. 784. Quant à l’allégation selon laquelle un employeur, en Irlande, peut légalement constituer une association du personnel ou une instance de dialogue qui n’est aucunement tenue d’organiser des élections démocratiques ou de consulter les travailleurs qu’elle est censée représenter, l’IBEC déclare que les associations de ce type, établies conformément aux directives de l’UE mentionnées ci-dessus (transposées en droit irlandais), sont assujetties à certaines obligations en ce qui concerne la nomination des représentants des salariés. A titre d’exemple, la loi de 2006 sur les employés (Communication d’informations et consultation) dispose que les représentants des salariés doivent être élus ou autrement désignés par les salariés et que «... les conditions de ces désignations doivent être convenues avec l’employeur, si les employés le souhaitent». Ces dispositions ont pour objectif de s’assurer que «les représentants sont démocratiquement élus ou nommés par les salariés et sont représentatifs». Un employeur qui n’organise pas l’élection ou la désignation des représentants des travailleurs, comme l’exige la loi, commet une infraction pénale. Ces associations doivent également tenir des consultations sur certaines questions, comme l’exige la loi, et l’omission de ce faire constitue également une infraction pénale. Les sanctions en cas d’infraction comportent une amende d’au plus 30 000 euros ou une peine d’emprisonnement d’au plus trois ans. Si ces associations ne pratiquent pas véritablement la négociation collective et qu’un différend du travail survient, un syndicat ou une organisation exemptée peut saisir le tribunal du travail pour enquêter sur ce différend, conformément à l’article 2 de la loi de 2001.
  9. 785. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, en Irlande, il n’est pas illégal pour un employeur de refuser de reconnaître un syndicat aux fins de la négociation collective, quel que soit le niveau de soutien dont il dispose dans l’entreprise, l’IBEC déclare que cette assertion est exacte. Toutefois, la plainte omet de mentionner qu’aucune disposition du droit international ou des conventions de l’OIT n’oblige l’Irlande à légiférer pour imposer la reconnaissance obligatoire des syndicats aux fins de la négociation collective; l’OIT reconnaît notamment que les pays ont toute latitude quant à l’organisation des relations professionnelles. L’IBEC soutient que le comité appuie également le principe selon lequel la négociation collective doit être volontaire pour être réellement efficace et qu’une législation qui impose la conciliation obligatoire est contraire à la convention. Dans sa plainte, l’ICTU soutient que le droit de l’employeur de ne pas reconnaître un syndicat constitue «une violation flagrante du droit international», mais n’identifie aucun texte que l’Irlande aurait violé. Quant au précédent de la Cour européenne des droits de l’homme mentionné dans la plainte, l’IBEC déclare que la cour a refusé de statuer que les libertés consacrées par l’article 11 de la CEDH obligent les Etats membres à légiférer pour rendre obligatoires la négociation collective ou la reconnaissance des syndicats, et a conclu que le fait que les employeurs ne sont pas tenus de négocier collectivement ne constitue pas une violation de la convention.
  10. 786. S’agissant de l’absence alléguée du droit des travailleurs à une représentation syndicale pour les griefs individuels et les questions disciplinaires, l’IBEC soutient qu’aucune disposition de la convention no 98 n’impose une telle exigence. En droit irlandais, si un employeur refuse ce type de représentation aux travailleurs ou y fait obstacle dans la pratique, le tribunal du travail peut intervenir, comme il l’a fait à maintes reprises, pour assurer la conformité avec le Code de pratique concernant les griefs et les procédures disciplinaires, qui donne des exemples de la notion de «représentant des employés», par exemple «un collègue choisi par l’employé ou un syndicat accrédité». Un travailleur qui ne jouit pas d’une représentation adéquate peut également invoquer la violation des principes de justice naturelle et d’équité, protégés par la Constitution de l’Irlande (1937). Enfin, l’article 5 de la loi de 1993 amendant la loi sur les licenciements injustes habilite le tribunal d’appel de l’emploi à statuer qu’un licenciement mal fondé est injuste, notamment si le motif invoqué est un défaut de représentation.
  11. 787. L’IBEC souligne les autres mesures mises en place par l’Irlande pour donner effet à la protection additionnelle instituée par la convention no 98 contre les actes de discrimination antisyndicale. L’article 6 de la loi de 1977 sur les licenciements injustes dispose qu’un licenciement est automatiquement considéré comme injuste s’il est dû, entièrement ou principalement, à l’appartenance ou aux activités syndicales; l’employé peut être réintégré dans son poste ou recevoir un dédommagement d’au plus deux ans de rémunération. La loi prévoit des sanctions sévères en cas de mesure préjudiciable imposée aux représentants des travailleurs, y compris l’interdiction de licenciement ou de tout changement défavorable dans leurs conditions d’emploi, de tout traitement inéquitable ou toute autre action préjudiciable en matière d’emploi. Toute violation de ces dispositions constitue une infraction pénale en vertu de la législation irlandaise.
  12. 788. En ce qui concerne les actes d’ingérence visés à l’article 2 de la convention no 98, la législation irlandaise protège généreusement les syndicats contre ce type d’ingérences, par rapport à d’autres pays. L’article 14 de la loi de 1990 sur les relations professionnelles offre de larges pouvoirs discrétionnaires aux syndicats quant à la tenue des votes de grève ou d’autres actions collectives; un employeur qui soupçonne qu’un tel scrutin a été mené de manière antidémocratique ne dispose d’aucun recours à cet égard. Les syndicats irlandais jouissent d’une grande liberté dans l’exercice de leurs activités par rapport aux autres pays. L’IBEC soutient qu’une plainte d’ingérence, intentée conformément à la loi de 2001 et appuyée par des preuves suffisantes, se traduirait par une décision défavorable à l’employeur, à savoir qu’il n’a pas négocié collectivement de bonne foi, avec toutes les conséquences juridiques que cela comporte. Ce mécanisme de recours et le Code de pratique sur les mesures préjudiciables répondent adéquatement aux allégations d’ingérence soulevées dans la plainte.
  13. 789. Quant aux articles 3 et 4 de la convention no 98, l’IBEC fait valoir que la législation irlandaise établit un vaste cadre favorisant le bon déroulement des relations professionnelles, avec une série d’organes statutaires créés à cette fin, y compris la Commission des relations du travail (CRT) et le tribunal du travail. Etablie en vertu de la loi de 1990 sur les relations professionnelles, la LRC offre un vaste éventail de services à tous les établissements de travail irlandais, afin de prévenir et résoudre les conflits du travail et les différends individuels et collectifs impliquant les travailleurs, les employeurs et leurs représentants, notamment les principaux services suivants: consultations; conciliation; médiation; Commissaire aux droits (griefs et plaintes); formation. Créé en 1946, le tribunal du travail a joué depuis lors un rôle majeur dans la résolution des conflits en Irlande; organe indépendant composé à égalité de représentants des employeurs et des travailleurs, il fonctionne comme un tribunal des relations professionnelles; il exprime son avis sur les différends et formule ses recommandations sur les conditions de leur règlement. En dernière analyse toutefois, la responsabilité du règlement d’un litige incombe aux parties. Le tribunal du travail n’intervient qu’en dernier recours pour trancher les différends; autrement dit, il ne peut être saisi que si tous les recours existant en vertu de la procédure interne de résolution des conflits et des autres mécanismes publics de règlement des différends (CRT, commissaire aux droits) ont été épuisés. Les parties au différend sont tenues de fournir leur argumentaire écrit au tribunal et de participer aux audiences. Tous ces dispositifs, y compris la capacité de conclure des conventions collectives susceptibles d’exécution juridique, illustrent les mesures prises par l’Irlande pour donner effet aux articles 3 et 4 de la convention. Cependant, le système de relations professionnelles irlandais respecte les divers arrangements que les employeurs et leurs employés peuvent souhaiter adopter en matière d’information, de consultation, de négociation et de négociation collective. Ces dispositions sont entièrement compatibles avec les principes de la convention no 98.
  14. 790. L’IBEC souligne que le principal motif du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Ryanair était l’absence de toute preuve au soutien des allégations syndicales. L’arrêt Ryanair n’offre une analyse juridique que d’une infime partie du cadre législatif conçu pour assurer le bon déroulement des relations professionnelles et de la négociation collective en Irlande, à savoir la loi de 2001. Certaines conditions préalables doivent être remplies avant que le Tribunal ne puisse intervenir. La Cour suprême a jugé que ces conditions n’étaient pas satisfaites en l’espèce et voyait mal comment le tribunal du travail pouvait statuer sans recevoir le témoignage d’au moins un employé directement concerné. Selon l’IBEC, cet arrêt donne donc des orientations utiles sur la notion de négociation collective, en déclarant que celle-ci suppose l’existence de certains mécanismes à cette fin, qui ne doivent pas être de nature purement ponctuelle. La cour a jugé que la présence de représentants indépendants des travailleurs constituait un aspect important pour qu’on puisse conclure à l’existence d’un véritable mécanisme de négociation collective; en revanche, elle n’a pas conclu que les actions de Ryanair en l’espèce – à savoir faciliter l’élection de ces représentants – sapaient en elles-mêmes leur indépendance.
  15. 791. L’IBEC considère toutefois que ce jugement ne reflète pas l’état définitif du droit irlandais en matière de négociation collective, avec lequel tous les intéressés devraient maintenant composer. La plainte du syndicat contre Ryanair a échoué en raison de l’absence totale de preuves au soutien de ses allégations. Ni Ryanair ni d’autres employeurs ne sont à l’abri de poursuites en vertu de la loi de 2001. Tout syndicat ou organisme exempté («excepted body») conserve le droit de contester les pratiques de l’entreprise en cas de différend du travail. Toutefois, le tribunal du travail doit être convaincu que les conditions préalables mentionnées à l’article 2 sont satisfaites, et tout plaignant doit étayer sa demande par des preuves.
  16. 792. L’IBEC conclut que cette plainte est essentiellement dirigée contre une entreprise privée, soit Ryanair, et non contre le gouvernement de l’Irlande. L’organisation plaignante n’a identifié aucune violation de la convention no 98, ou de tout autre convention ou principe de droit international, de la part du gouvernement. L’Irlande possède un système très avancé, doté de ressources adéquates, pour promouvoir la négociation collective et interdire la discrimination antisyndicale. Les travailleurs qui estiment avoir été licenciés ou défavorisés en raison de leur appartenance ou de leurs activités syndicales disposent d’un large éventail de protections statutaires, la loi prévoyant des sanctions pour les employeurs à cet égard et leur interdisant notamment d’inciter les travailleurs à renoncer à ces droits. La législation prévoit également des conséquences juridiques, ainsi que sur le plan des relations professionnelles, pour les employeurs qui ne négocient pas collectivement de bonne foi. Cependant, aucune disposition de la convention ne conforte l’interprétation de l’ICTU, à savoir que seul un syndicat indépendant peut négocier collectivement. En conséquence, l’IBEC invite le comité à rejeter la plainte et à conclure que l’Irlande ne viole pas la convention no 98.

    Observations de Ryanair

  1. 793. Enfin, le gouvernement transmet les informations communiquées par la société concernée, Ryanair, qui dénonce le fait qu’aucune tentative n’a été faite pour établir l’exactitude des faits allégués contre elle.
  2. 794. La société mentionne que l’article 40 de la Constitution de l’Irlande garantit à chaque citoyen irlandais le droit à la liberté d’association. Les législations de l’Irlande et de l’UE protègent également les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, les actes d’ingérence par les employeurs et tous les actes contraires au principe de la négociation collective volontaire. Ryanair affirme qu’en vingt-huit ans d’activité elle n’a jamais été reconnue coupable de violation de cette liberté constitutionnelle et de la législation applicable en la matière, et qu’elle a toujours respecté le droit de ses employés de se syndiquer ou de s’en abstenir.
  3. 795. La société affirme qu’un certain nombre de ses employés sont syndiqués, mais que la majorité écrasante des divers corps de métier (pilotes, personnel de cabine, ingénieurs, etc.) participe librement à la négociation collective directe avec elle. Ces négociations collectives prennent la forme d’accords pluriannuels sur les salaires et les autres conditions de travail négociés par le CRE, dont les représentants sont élus au suffrage direct ou nommés par les salariés de chaque section, ratifiés au scrutin secret par tous les membres de chaque unité. En ce qui concerne les pilotes, l’un d’entre eux est désigné par ses collègues au CRE de chacune des 45 bases de Ryanair; ces CRE sont en place depuis le début des années quatre-vingt-dix. La société indique que le CRE des pilotes de Dublin a négocié directement des accords pluriannuels sur la rémunération et les conditions de travail avec Ryanair en 1997, 2000, 2007, 2009 et 2011, que les pilotes de Dublin ont ratifiés par scrutin secret avec une majorité substantielle.
  4. 796. La société souligne que les accords collectifs conclus au Royaume-Uni ont fait l’objet d’une campagne menée en 2001 par la British Airline Pilots Association (BALPA), qui demandait son accréditation pour négocier collectivement au nom des pilotes de Ryanair. Lors d’un scrutin secret, moins de 20 pour cent des pilotes de la société ont voté en faveur de cette demande, 80 pour cent préférant continuer à négocier collectivement avec Ryanair par l’entremise du CRE.
  5. 797. Selon la société, de 2004 à 2007, l’IALPA, l’IMPACT et l’ICTU ont tenté d’exploiter la nouvelle loi (adoptée en 2001) pour éliminer le CRE des pilotes de Dublin, afin de soutenir qu’il existait un «différend du travail» pouvant être soumis à l’examen du tribunal du travail, et convaincre ce dernier que «l’employeur n’avait pas pour pratique de négocier collectivement» parce que le CRE des pilotes de Dublin avait disparu et, par conséquent, que le tribunal devrait obliger Ryanair et tous ses pilotes à reconnaître le syndicat. Saisie de cette question, la Cour suprême a statué que la société pratiquait la négociation collective, que le grand nombre de CRE présents dans l’entreprise constituait un système acceptable de négociation collective et que la tentative de l’IALPA, de l’IMPACT et de l’ICTU d’éliminer le CRE de Dublin en exploitant une faille de la législation irlandaise (pour imposer la reconnaissance syndicale) ne devait pas être autorisée, car cela porterait atteinte aux mécanismes de négociation collective bien établis existant au sein de la société.
  6. 798. La société soutient que la plainte n’est pas fondée, qu’elle cherche manifestement et délibérément à induire le comité en erreur en omettant des faits pertinents et plus récents, et qu’elle comporte des allégations fausses et diffamatoires contre Ryanair; elle affirme que la Cour suprême d’Irlande reconnaît le droit de tous ses employés de se syndiquer et de participer pleinement à la négociation collective par l’entremise des structures élaborées des CRE, et que la procédure interne de règlement des différends n’a pas été défaillante. La société soumet que l’organisation plaignante n’a présenté aucune preuve d’actes antisyndicaux et que le retrait des pilotes du CRE de Dublin en 2004 était une manœuvre de leur part et de leur syndicat pour exploiter une faille de la loi de 2001, puisque les CRE des autres pilotes et de tous les autres groupes ont continué à fonctionner efficacement avant, pendant et après 2004. Elle soutient en outre que ses pilotes continuent de participer activement aux négociations collectives et qu’à chaque scrutin secret tenu durant les quinze dernières années ils ont approuvé ces négociations et entériné les augmentations salariales et les améliorations des conditions de travail négociées directement par leur CRE. Suite à la décision de la Cour suprême, les pilotes du CRE de Dublin ont repris les négociations collectives avec Ryanair et conclu en septembre 2007 un accord sur les salaires et les autres conditions de travail.
  7. 799. Ryanair considère que le jugement de la Cour suprême réfute clairement les allégations erronées contenues dans cette plainte, et prouve qu’elle respecte la Constitution et les lois de l’Irlande (et de l’UE); elle poursuit les négociations collectives avec les pilotes et le personnel de cabine sur les rémunérations et les conditions de travail. La Cour suprême irlandaise a statué que la Constitution irlandaise reconnaît le droit de non-reconnaissance de la représentation syndicale, expressément inscrit à l’article 11 de la CEDH. Cette plainte devrait être immédiatement rejetée car elle n’a aucun fondement factuel.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 800. Le comité note que ce cas concerne des allégations d’actes de discrimination antisyndicale et le refus de la société Ryanair de négocier collectivement de bonne foi, ainsi que des allégations concernant l’absence de dispositions dans la législation du travail qui assurent la promotion de la négociation collective et une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale.
  2. 801. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, la société: i) a demandé en 2004 aux pilotes basés à Dublin de suivre une formation obligatoire suite à la modernisation de sa flotte basée à Dublin; ces pilotes ont été informés qu’ils pouvaient soit payer eux-mêmes la formation (15 000 euros), soit signer un «accord par lequel la société s’engageait à financer cette formation, à condition de ne pas être contrainte de traiter avec l’IALPA durant les cinq années suivantes»; ii) a créé un Conseil représentatif des employés (CRE) pour discuter avec ses employés dans une instance non syndicale, entité fantoche totalement tributaire de la société qui, par ailleurs, a refusé d’engager des négociations collectives avec l’IALPA.
  3. 802. Le comité prend également note des allégations de l’organisation plaignante, selon lesquelles: i) le CRE n’a pas de statuts officiels auxquels les travailleurs pourraient se reporter; ii) le CRE ne possède pas de fonds propres, hormis ceux que l’employeur fournit à ses représentants; iii) le CRE ne peut recevoir ni aide ni ressources extérieures sans l’aval de la société; iv) le CRE n’a pas de membres; et v) il semble que l’employeur intervienne dans le choix de la date des élections, du nombre de sièges à pourvoir, des candidats, des personnes autorisées à voter, du lieu du scrutin et des scrutateurs. Le comité observe que, selon l’organisation plaignante, le CRE des pilotes a cessé d’exister, ou du moins d’exercer effectivement ses fonctions, depuis août 2004. Le comité note les allégations selon lesquelles, en 2008, à l’occasion d’une tentative avortée de réactivation du CRE, la société avait participé à l’organisation d’élections (choix de la date et du lieu du scrutin, attribution du droit de vote, choix du mode de scrutin, désignation des scrutateurs, etc.), ce qu’elle a nié par la suite.
  4. 803. S’agissant du refus d’engager des négociations collectives avec l’IALPA, le comité note d’après les allégations de l’organisation plaignante: que le CRE sert à empêcher la tenue de véritables négociations collectives; que les travailleurs ne sont pas libres de choisir leurs négociateurs, l’employeur leur imposant une structure dont ils n’ont ni désigné ni élu les membres; que le CRE n’a jamais joué qu’un rôle consultatif et n’est pas un organe adéquat pour mener des négociations collectives au sens de la convention no 98. L’organisation plaignante allègue également que les pilotes de la société se voient refuser le droit d’être représentés par un syndicat en cas de grief ou de procédure disciplinaire, et que leur syndicat n’a pas le droit de présenter des revendications et de négocier – individuellement ou collectivement – en leur nom.
  5. 804. Par ailleurs, le comité note que le tribunal du travail a conclu qu’il avait compétence pour examiner le différend relatif aux allocations de formation (décision confirmée par la Haute Cour), mais que la Cour suprême a infirmé cette décision au motif qu’aucun des trois critères prévus à l’article 2(1) de la loi de 2001 sur les relations professionnelles n’était satisfait: 1) il ne s’agissait pas d’un différend du travail; 2) rien ne prouvait que la société n’avait pas engagé de négociations collectives; et 3) rien ne prouvait que la procédure interne de règlement des conflits s’était avérée inopérante. Le comité note en particulier que, selon la Cour suprême, le tribunal du travail n’a pas suffisamment examiné l’argument de la société, à savoir que le CRE était une instance de négociation collective. Le comité note que l’organisation plaignante se déclare vivement préoccupée par les répercussions de ce jugement et dénonce notamment le fait: i) que les actes antisyndicaux de la société ne peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal du travail parce que l’existence d’un organisme tel que le CRE la protège des poursuites prévues à l’article 2(1) de la loi de 2001 sur les relations professionnelles; ii) que les employés d’une société multinationale sont tenus de comparaître et de témoigner publiquement contre leur employeur dans le cadre d’un différend entre celui-ci et un syndicat; et iii) que les employeurs se voient ainsi conférer un nouveau droit, constitutionnellement protégé, de ne pas traiter avec les syndicats, tandis que les citoyens ne jouissent pas, en contrepartie, du droit d’être représentés par un syndicat dans leurs relations avec l’employeur. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les dispositions de la loi de 2001 sur les relations professionnelles, telles qu’interprétées par la Cour suprême, sont devenues un instrument de lutte antisyndicale.
  6. 805. Le comité note que, selon le gouvernement: l’Irlande ne viole pas la convention no 98; l’ICTU interprète l’arrêt de la Cour suprême de façon erronée; ses critiques du jugement sont inacceptables; l’ICTU comprend mal la nature de la procédure du comité, dans la mesure où elle semble instrumentaliser cette plainte pour faire rejuger son litige avec la société. Le comité note que, selon le gouvernement: i) la Cour suprême a statué que l’IMPACT n’avait établi aucun des points requis pour asseoir la compétence du tribunal du travail, et s’est prononcée sur un point d’ordre procédural, concluant qu’aucune preuve ne justifiait la décision du tribunal, particulièrement en l’absence de tout témoignage d’au moins un employé de la société; ii) la Cour suprême a décidé que le concept de «négociations collectives» n’oblige pas un employeur à négocier avec un syndicat choisi par les travailleurs, mais signifie plutôt que ces derniers doivent mandater leurs propres représentants pour négocier de manière indépendante avec l’employeur; la Cour suprême n’a pas statué que le système des CRE mis en place par la société répondait à ce critère, mais a plutôt conclu que le tribunal du travail ne pouvait écarter les preuves contraires apportées par la direction, en l’absence de tout témoignage d’un employé de la société; la Cour suprême a également rejeté l’argument selon lequel l’indépendance des représentants des travailleurs était remise en cause parce que la société avait participé à l’organisation administrative des élections du CRE et s’était opposée au renouvellement du mandat d’un représentant; iii) l’arrêt de la Cour suprême n’empêche aucunement d’autres poursuites judiciaires au sujet de toutes autres menées ou activités antisyndicales de la société; la Cour suprême a simplement infirmé la décision du tribunal du travail en raison de l’absence de preuves, mais ne s’est pas prononcée sur le comportement de la société; iv) s’agissant de la violation alléguée de l’article 1, résultant de «l’octroi d’avantages liés à la condition que la société reste non syndiquée», cette question n’était pas en litige devant le tribunal, et il se pourrait fort bien que de telles conditions soient irrecevables en droit irlandais; toutefois, l’Irlande ne saurait être tenue responsable d’une violation de la convention du seul fait qu’un employeur isolé a adopté une position dont la légalité n’a pas été tranchée par les tribunaux; v) quant à la violation alléguée de l’article 2, résultant d’un acte d’ingérence de la société dans le CRE, organisme fantoche visant à prévenir de véritables négociations collectives, la plainte est fondée sur un postulat erroné, à savoir que les CRE sont des organisations de travailleurs; par conséquent, la disposition de l’article 2 prévoyant que ces organisations doivent être autonomes et rester libres de toute ingérence en ce qui concerne leur «formation, leur fonctionnement et leur administration» ne s’applique pas en l’espèce; vi) s’agissant de la violation alléguée de l’article 3, au motif que le gouvernement n’aurait pas pris les mesures voulues pour établir un mécanisme de protection du droit d’organisation, comme le prévoient les articles 1 et 2 de la convention, la loi de 2001 institue en fait un tel mécanisme; le fait que l’IMPACT n’a pas pu s’en prévaloir dans un cas donné, parce qu’il n’a pas pu établir certains faits, ne signifie pas pour autant que l’Irlande a enfreint l’article 3; vii) quant à la violation alléguée de l’article 4, résultant de l’absence de dispositions dans la législation irlandaise incitant l’employeur à engager volontairement des négociations collectives, l’ICTU conteste le fait que la loi ne donne pas aux travailleurs le droit strict d’être accompagnés par un délégué syndical lors des audiences internes disciplinaires ou de griefs, et de présenter leurs revendications par l’entremise d’un syndicat pour les questions d’emploi; l’ICTU cherche à obtenir la négociation collective obligatoire et se fonde sur la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, instrument non contraignant, pour contourner la convention, qui pose le principe de la négociation collective volontaire; la société a pour règle de ne pas traiter avec les syndicats et la convention, qui reconnaît que la négociation collective doit être volontaire, respecte ce droit; viii) s’agissant de l’allégation relative à l’obligation faite aux employés d’une société multinationale de témoigner publiquement lors d’un litige entre leur employeur et un syndicat, elle est irrecevable dans le cadre d’un système juridique fondé sur le principe que des faits ne peuvent être considérés comme établis s’ils ne sont pas étayés par des preuves directes; ix) la plainte est globalement infondée; les plaignants demandent au comité de rendre une décision concernant la législation irlandaise sur la base d’assertions factuelles qui n’ont jamais été établies devant les tribunaux; si elles l’avaient été, l’ICTU ne pourrait peut-être même pas contester la position qui aurait été adoptée en droit irlandais; x) l’ICTU ne saurait se contenter d’identifier des positions antisyndicales adoptées par une entreprise pour en conclure que l’Irlande a violé ses obligations; l’Irlande a mis en place un système de relations professionnelles afin, notamment, de satisfaire ses obligations aux termes du droit international; c’est uniquement dans l’hypothèse où ce mécanisme serait utilisé et jugé inefficace qu’un plaignant pourrait arguer que l’Irlande viole ses obligations.
  7. 806. Le comité note, sur la base des informations transmises par le gouvernement, que l’organisation d’employeurs concernée, l’IBEC, partage son point de vue, et déclare en outre que: i) la loi irlandaise prévoit déjà des recours en ce qui concerne les principaux griefs découlant du litige avec la société, à condition que ceux-ci soient établis; ii) la plainte omet de mentionner les nombreux recours et procédures que les travailleurs irlandais peuvent invoquer; iii) s’agissant de l’article 1 de la convention no 98, les travailleurs bénéficient d’une large protection en vertu de l’article 40 de la Constitution irlandaise, de l’ordonnance de 2004 (Code de pratique sur les mesures préjudiciables) prise en vertu de la loi de 1990 sur les relations professionnelles, et de la loi sur les licenciements injustes; il est inexact d’affirmer qu’en Irlande un employeur peut légalement offrir certaines modalités d’emploi aux travailleurs à condition qu’ils renoncent, individuellement ou collectivement, à la négociation collective; iv) quant à l’article 2, la législation irlandaise offre une solide protection aux syndicats contre les actes d’ingérence; saisie d’une demande de cette nature formulée en vertu de la loi de 2001 et étayée par des preuves adéquates, l’instance compétente statuera que l’employeur n’a pas négocié collectivement de bonne foi; cependant, aucune disposition des conventions de l’OIT n’interdit la constitution d’associations du personnel ou d’instances de dialogue; de fait, un employeur peut être tenu de mettre en place ce type d’organismes en vertu d’une directive de l’UE; v) s’agissant des articles 3 et 4 de la convention no 98, le gouvernement a mis en place un système très élaboré de relations professionnelles et établi plusieurs organismes à cette fin, y compris la CRT et le tribunal du travail; toutefois, le régime irlandais de relations professionnelles respecte la diversité des arrangements possibles en matière d’information et de consultation; aucune disposition des conventions de l’OIT ne stipule que les négociations collectives sont l’apanage exclusif d’un syndicat indépendant, ou n’oblige les Etats Membres à imposer par voie législative la reconnaissance obligatoire des syndicats aux fins de la négociation collective; l’arrêt de la Cour suprême qui reconnaît aux employeurs le droit d’exploiter une entreprise «non syndiquée», est parfaitement cohérent avec le caractère volontaire de la négociation collective reconnu dans la convention; vi) la société Ryanair, ni aucun autre employeur, n’est «à l’abri» de poursuites en vertu de la loi de 2001, et un syndicat ou un organisme exempté («excepted body») pourraient contester les pratiques en vigueur au sein de la société en cas de différend du travail; toutefois, les conditions préalables de l’article 2 doivent être satisfaites, tout plaignant étant tenu d’apporter des preuves au soutien de sa demande; vii) la présente plainte concerne essentiellement une société privée et non le gouvernement de l’Irlande, et l’organisation plaignante n’a identifié aucune violation de la convention ou d’autres principes du droit international que le gouvernement aurait enfreints.
  8. 807. Le comité note, sur la base des informations transmises par le gouvernement, que la société Ryanair ajoute les observations suivantes: i) l’article 40 de la Constitution irlandaise protège les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, les actes d’ingérence par les employeurs et tous les actes contraires au principe de la négociation collective volontaire; ii) en vingt-huit ans d’activité, la société n’a jamais été reconnue coupable de violation de la législation applicable en la matière; elle a toujours respecté le droit de ses employés de se syndiquer ou de s’en abstenir, et l’organisation plaignante n’a fourni aucune preuve en ce sens; iii) un certain nombre d’employés de la société sont syndiqués, mais la majorité écrasante des divers corps de métier participe librement aux négociations collectives, qui ont permis la conclusion d’accords pluriannuels sur les salaires et les autres conditions de travail, accords négociés par les CRE directement élus ou nommés par les employés, puis ratifiés au scrutin secret par tous les membres de chaque unité; iv) le CRE des pilotes de Dublin a négocié directement avec la société des accords pluriannuels sur la rémunération et les conditions de travail en 1997, 2000, 2007, 2009 et 2011, qui ont été ratifiés par scrutin secret à une large majorité; v) de 2004 à 2007, l’IALPA, l’IMPACT et l’ICTU ont tenté d’exploiter une faille de la nouvelle loi (adoptée en 2001) pour éliminer le CRE des pilotes de Dublin et convaincre le tribunal du travail que «l’employeur n’avait pas pour pratique de négocier collectivement»; la Cour suprême a rejeté cet argument, statuant que le grand nombre de CRE présents dans l’entreprise constituait un système acceptable de négociation collective, et que la Constitution irlandaise reconnaît le droit de non-reconnaissance de la représentation syndicale.
  9. 808. Le comité souhaite d’abord souligner qu’il n’est pas appelé à réexaminer l’interprétation de la législation irlandaise par la Cour suprême du pays, mais qu’il doit plutôt assurer le respect des principes de la liberté syndicale. C’est dans cet esprit que le comité formule les considérations ci-dessous.
  10. 809. Le comité note la gravité des allégations selon lesquelles une entreprise offrirait certains avantages à ses pilotes à condition que les syndicats en restent absents; il note que le gouvernement et la société concernée se bornent à indiquer, respectivement, que cette allégation ne constituait pas un point en litige devant les tribunaux et que les plaignants n’ont pas apporté la preuve d’activités antisyndicales de la société. S’agissant des allégations relatives aux tactiques antisyndicales consistant à essayer d’acheter des syndicalistes pour les encourager à se retirer du syndicat et en présentant aux travailleurs des déclarations de retrait du syndicat, le comité rappelle qu’il a toujours considéré que ces actes sont contraires à l’article 2 de la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres réalisés soit directement, soit par le biais de leurs agents ou de leurs membres, dans leur formation, leur fonctionnement ou leur administration. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 858.] Le comité considère que, si elle est avérée, l’offre alléguée de la société d’octroyer certains avantages aux pilotes à condition de ne pas être contrainte d’engager des négociations collectives avec le syndicat constituerait une ingérence de l’employeur dans le droit des travailleurs de constituer une organisation de leur choix et de s’y affilier, afin qu’elle représente leurs intérêts. L’information disponible étant insuffisante pour déterminer si ces actes ont eu lieu et, le cas échéant, s’ils auraient été jugés contraires à la législation irlandaise s’ils avaient été prouvés, le comité prie le gouvernement de faire en sorte que la protection contre la discrimination antisyndicale couvre adéquatement de tels actes et notamment de procéder à un réexamen complet de ces mesures de protection, en consultation avec les partenaires sociaux concernés.
  11. 810. De plus, le comité note l’allégation grave selon laquelle la société a créé un organisme fantoche – le CRE – et s’ingère de manière significative dans son fonctionnement afin d’exclure le syndicat du processus de négociation collective. Le comité note que cette allégation a été indirectement examinée par les tribunaux nationaux, y compris la Cour suprême, dans le cadre d’un argument procédural sur la compétence du tribunal du travail, notamment sur le point de savoir si le mécanisme mis en place par la société constituait effectivement un processus de «négociation collective».
  12. 811. Le comité note à cet égard que, selon la Cour suprême, l’expression «négociations collectives» ne devrait pas être interprétée dans le contexte des relations professionnelles, mais plutôt dans son sens ordinaire, estimant qu’il serait malvenu d’imposer à une entreprise non syndiquée une définition propre aux négociations syndicales et que, «s’il existe au sein de [la société] un mécanisme permettant aux pilotes de mandater des représentants indépendants pour tenter de conclure un accord avec ceux de [la société], il semble qu’on puisse parler de négociations collectives». La Cour suprême a également statué que «le simple fait que [la société] puisse avoir participé à l’organisation administrative des élections et s’être opposée au renouvellement du mandat d’un représentant – ce qui était effectivement le cas – ne signifie nullement que les pilotes mandatés dans le cadre du CRE n’étaient pas totalement indépendants». La Cour suprême a statué que le tribunal du travail n’avait aucun motif de conclure que la société n’avait pas engagé de négociations collectives, et a considéré que le tribunal n’avait pas compétence sur le différend. Le comité note également que la Cour suprême, observant que la société «a pour règle de traiter directement et exclusivement avec ses employés, et non par l’intermédiaire d’organes extérieurs, y compris des syndicats», a conclu: «Il ne fait aucun doute que, juridiquement parlant, [la société] est parfaitement en droit de ne pas traiter avec des syndicats et qu’on ne peut adopter une loi pour l’y contraindre. Il existe cependant un risque manifeste d’exploitation pour les employés d’une entreprise dans laquelle il n’existe pas de syndicat ... Afin de pallier ce problème éventuel, le gouvernement a adopté les lois de 2001 et de 2004 sur les relations professionnelles. Eu égard à leur objet, ces lois doivent être interprétées raisonnablement, dans le respect de la Constitution, afin de ne pas nier sans motif valable [à la société] son droit de ne pas traiter avec un syndicat.»
  13. 812. Le comité souhaite rappeler à cet égard que l’article 2 de la convention no 98, ratifiée par l’Irlande, établit l’indépendance totale des organisations de travailleurs vis-à-vis des employeurs dans l’exercice de leurs activités; la création de comités d’entreprise pouvant constituer une étape préliminaire vers la formation d’organisations de travailleurs indépendantes et librement constituées, tous les postes dirigeants de ces comités, sans exception, devraient donc être occupés par des personnes élues librement par les travailleurs concernés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 404.] S’agissant des actes qu’aurait commis la société dans ce cas particulier et de l’allégation globale concernant le climat antisyndical au sein de la société en raison de sa détermination à ne pas négocier collectivement avec une organisation de travailleurs, le comité prend dûment note de l’indication du gouvernement et de l’IBEC, qui déclarent que la société n’est pas à l’abri de poursuites futures aux termes de la loi de 2001, puisque la Cour suprême n’a pas décidé une fois pour toutes qu’il existait un processus de négociation collective dans l’entreprise, mais a plutôt conclu que la preuve en sens inverse était insuffisante. Compte tenu de la gravité des allégations concernant la portée des actes d’ingérence de l’employeur, le comité prie le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante sur les allégations d’ingérence de l’employeur, afin d’établir les faits intervenus dans ce cas particulier et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect intégral des principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue de cette enquête.
  14. 813. S’agissant du refus de la société d’engager des discussions avec l’IALPA, de sa préférence pour le mécanisme des CRE et de son «droit d’exploiter une entreprise non syndiquée», le comité rappelle que la négociation directe entre une entreprise et son personnel, en ignorant les organisations représentatives existantes, peut dans certains cas être contraire au principe selon lequel il faut encourager et promouvoir la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs. Les conventions (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et (no 154) sur la négociation collective, 1981, contiennent elles aussi des dispositions expresses pour garantir que, lorsqu’une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées soient prises pour assurer que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 945 et 946.] Le comité invite le gouvernement à réexaminer les mécanismes existants, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de promouvoir un mécanisme de négociation volontaire entre les organisations d’employeurs et de travailleurs en vue de la détermination des conditions d’emploi.
  15. 814. Au vu de ce qui précède, notant avec intérêt que le gouvernement déclare dans sa communication du 11 juillet 2011 s’être engagé dans son Programme politique à réformer la législation en vigueur concernant le droit de négociation collective des employés (loi de 2011 modifiant la loi sur les relations professionnelles) afin de se conformer aux arrêts récemment rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, et observant en outre que le gouvernement déclare que sa réponse à la plainte ne signifie pas qu’il ne proposera aucune modification dans le cadre du processus actuel de révision des procédures prévues par la loi de 2001 modifiant la loi sur les relations professionnelles, compte tenu notamment de l’arrêt Ryanair, le comité invite le gouvernement, en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, à réviser le régime actuellement en vigueur et à envisager toutes les mesures voulues, y compris d’ordre législatif, pour assurer le respect des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans ses conclusions. A cet égard, le comité rappelle que l’article 4 de la convention no 98, ratifiée par l’Irlande, prévoit que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. Le comité estime fermement que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et que les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 881.] De plus, le comité rappelle en outre que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, dispose que l’on entend par «convention collective» tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d’emploi conclu entre, d’une part, un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs et, d’autre part, une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs, ou, en l’absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers, en conformité de la législation nationale. Ladite recommandation, tout comme l’article 4 de la convention no 98, met l’accent sur le rôle des organisations de travailleurs en tant que parties à la négociation collective; seule la recommandation mentionne les représentants des travailleurs non syndiqués, et elle ne leur confie un rôle en matière de négociation collective que dans les cas où il n’existe pas d’organisation de travailleurs.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 815. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Considérant que, si elle est avérée, l’offre alléguée d’avantages conditionnels faite par la société, à condition de ne pas être contrainte d’engager des négociations collectives avec le syndicat, constituerait une ingérence de l’employeur dans le droit des travailleurs de constituer l’organisation de leur choix et de s’y affilier, afin qu’elle représente leurs intérêts, et l’information disponible étant insuffisante pour déterminer si ces actes ont eu lieu et, le cas échéant, s’ils auraient été jugés contraires à la législation irlandaise s’ils avaient été prouvés, le comité prie le gouvernement de s’assurer que la protection contre la discrimination antisyndicale couvre adéquatement de tels actes et l’invite notamment à procéder à un réexamen complet de ces mesures de protection, en consultation avec les partenaires sociaux concernés.
    • b) Compte tenu de la gravité des allégations concernant la portée des actes d’ingérence de l’employeur, le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sans délai sur les allégations d’ingérence de l’employeur, afin d’établir les faits intervenus dans ce cas particulier et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect intégral des principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue de cette enquête.
    • c) Au vu de ce qui précède, notant avec intérêt que le gouvernement déclare dans sa communication du 11 juillet 2011 s’être engagé, dans son programme politique, à réformer la législation en vigueur concernant le droit de négociation collective des employés (loi de 2011 modifiant la loi sur les relations professionnelles) afin de se conformer aux arrêts récemment rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, et observant en outre que le gouvernement déclare que sa réponse à la présente plainte ne signifie pas qu’il ne proposera aucune modification dans le cadre du processus actuel de révision des procédures prévues par la loi de 2001 modifiant la loi sur les relations professionnelles, tenant compte notamment de l’arrêt Ryanair, le comité invite le gouvernement, en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, à réviser le régime actuellement en vigueur et à envisager toutes les mesures voulues, notamment d’ordre législatif, pour assurer le respect des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans ses conclusions, y compris un réexamen du dispositif de promotion des mécanismes de négociation volontaire entre les organisations d’employeurs et de travailleurs en vue de la détermination des conditions d’emploi.
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