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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 365, November 2012

Case No 2829 (Republic of Korea) - Complaint date: 10-JAN-11 - Closed

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a commis des actes de répression contre les syndicats et violé les droits de négociation collective dans plusieurs institutions et entreprises publiques, a pris une série de directives visant généralement à restreindre les activités syndicales; refuse de reconnaître le statut de travailleurs aux chauffeurs routiers et menace d’annuler l’accréditation du Syndicat coréen des travailleurs du transport (KTWU)

  1. 430. La plainte figure dans des communications de la Confédération coréenne des syndicats (ci-après «la KCTU») et de la Fédération syndicale coréenne des travailleurs des services publics et du transport (ci-après «la KPTU»), reçues les 10 janvier et 10 mars 2011.
  2. 431. Le gouvernement a transmis sa réponse dans une communication en date du 28 octobre 2011.
  3. 432. La République de Corée n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 433. Dans les communications reçues les 10 janvier et 10 mars 2011, les organisations plaignantes allèguent que les syndicats de plusieurs institutions et entreprises publiques ont été victimes de répression antisyndicale et de violations des droits de négociation collective; elles soutiennent également que le gouvernement a pris une série de directives visant généralement à restreindre les activités syndicales, refuse d’octroyer le statut de travailleurs aux chauffeurs routiers et menace d’annuler l’accréditation du Syndicat coréen des travailleurs du transport (KTWU).
  2. 434. Les organisations plaignantes considèrent que la liberté syndicale des travailleurs, composante inaliénable de leurs droits fondamentaux, a été gravement violée en Corée du Sud depuis l’avènement du nouveau gouvernement en 2008. Les travailleurs du secteur public sont particulièrement visés par la privation de leurs droits fondamentaux du travail, tels le droit de syndicalisation, de négociation collective et de grève. Le gouvernement de la République de Corée a pris une série de directives afin de restreindre globalement les activités syndicales. Par ailleurs, le projet dit «Plan de renforcement des institutions publiques» a provoqué des tensions dans les relations professionnelles, et entraîné des mesures de répression draconiennes contre les travailleurs du secteur public qui s’y opposaient. Les organisations plaignantes résument comme suit les violations survenues.
  3. 435. Le Syndicat des travailleurs du secteur ferroviaire coréen (KRWU), affilié au KTWU, syndicat sectoriel lui-même affilié à la KPTU, a entamé des négociations collectives en juillet 2008. Leur employeur, la Korea Railroad Corporation (ci-après «la société KORAIL»), a proposé une convention collective, dont environ 120 des 170 clauses entraîneraient une dégradation des conditions de travail par rapport à la convention précédente. Ces propositions visaient à: supprimer la garantie des activités syndicales; obliger le syndicat à accepter des compressions de personnel; réduire les journées de congé payés; et modifier d’autres conditions de travail. Désireux d’atteindre un compromis avec la direction par la voie du dialogue, le KRWU a fait des concessions et accepté la plupart des conditions que la société KORAIL proposait. Toutefois, cette dernière a informé le syndicat de l’annulation de la convention collective le 24 novembre 2009. Deux jours plus tard, le KRWU déclenchait la grève. Il est maintenant avéré qu’en résiliant unilatéralement la convention la direction voulait provoquer le syndicat et l’inciter à la grève. Un document interne de l’entreprise mentionne clairement «… [la direction] poussera le syndicat à la grève en résiliant la convention collective». En outre, selon ce document, la direction voulait forcer les membres du syndicat à s’en désaffilier. La direction prévoyait que, si les autorités déclaraient la grève illégale, elle pourrait affaiblir le syndicat au moyen de mesures disciplinaires massives, en démettant les syndicalistes de leurs fonctions et en exerçant des pressions sur les syndiqués afin qu’ils quittent le syndicat. Ce complot reste actif. La grève menée en novembre 2009 par le KRWU était conforme à la réglementation et aux procédures juridiques applicables en la matière. Le syndicat a maintenu les services essentiels prescrits par la loi, bien qu’il considérât que ces dispositions compromettent gravement son droit à l’action collective. Les autorités ont toutefois déclaré la grève illégale au motif qu’elle entravait l’activité économique. Selon le gouvernement, la grève visait à contester ses politiques, qui ne peuvent faire l’objet de négociations en vertu de la législation du travail applicable. En l’espèce, les politiques gouvernementales en litige concernaient le «Plan de renforcement des institutions publiques». Le syndicat a fait grève pour protester contre la dégradation attendue des conditions de travail, mais le gouvernement considère que ces activités constituent une opposition à ses politiques, ce qui excède la compétence des employeurs, pris individuellement. Cela signifiait que toutes les actions collectives menées au sein des institutions publiques régies par les directives et politiques gouvernementales seraient déclarées illégales. Durant la grève, des mandats d’arrestation ont été émis contre 15 hauts dirigeants syndicaux et la police a perquisitionné les locaux du syndicat. Par la suite, 169 dirigeants syndicaux ont été licenciés et plus de 12 000 membres du syndicat qui avaient participé à la grève ont subi des mesures disciplinaires.
  4. 436. S’agissant du Syndicat de la Société coréenne du gaz (ci-après «KOGAS»), affilié à la Fédération syndicale coréenne des travailleurs du secteur public et des services sociaux (KPSU), elle-même affiliée à la KPTU, la convention collective conclue entre la direction et le syndicat a été annulée en raison d’une intervention injuste du gouvernement. De plus, la direction ayant proposé des conditions de travail moins avantageuses que la convention collective existante, conformément au Plan de renforcement des institutions publiques, le syndicat a fait des concessions au terme d’une série de sessions de négociation afin d’éviter une détérioration encore plus marquée des relations professionnelles. Manifestement, ces demandes provenaient essentiellement du gouvernement, comme le mentionnait l’offre de la direction. Le 31 mars 2010, les parties ont finalement signé une nouvelle convention collective, qui devait entrer en vigueur le 30 avril. Cependant, la direction a refusé de l’appliquer parce que le gouvernement avait fermement exigé qu’elle abaisse encore les conditions de la convention collective. Le syndicat a intenté des poursuites afin de faire valider la nouvelle convention, et demandé une injonction contre «l’obstruction aux activités syndicales». Le tribunal saisi a statué que la convention collective était valide. La direction de KOGAS a commis des actes de répression contre le syndicat, conformément à la politique générale du gouvernement visant les syndicats des institutions publiques, après que les parties eurent négocié une convention collective. En novembre 2009, le syndicat a fait grève pour appuyer la conclusion d’une convention collective au moyen de négociations autonomes entre la direction et le syndicat. Toutefois, le gouvernement et la direction ont déposé contre dix dirigeants syndicaux des accusations d’entrave à l’activité économique, infraction prévue au Code pénal, le procureur requérant des peines pouvant aller jusqu’à douze mois d’emprisonnement.
  5. 437. En ce qui concerne le syndicat du Service des pensions et de la solidarité sociale, affilié à la KPSU, la direction a également exercé des mesures de répression antisyndicale, conformément aux instructions du gouvernement pour le «renforcement» des institutions publiques et de leurs relations professionnelles. La direction a également proposé une révision à la baisse de la convention collective, de nature à entraver généralement les activités syndicales. La conclusion d’un accord semblait difficile mais les représentants des deux parties aux comités de travail, qui avaient l’entière responsabilité des négociations, ont conclu un accord de principe le 23 décembre 2009; toutefois, la direction l’a renié et proposé d’autres modifications encore plus défavorables aux travailleurs. La direction souhaite mettre en place un système de rémunération annuelle, arguant que le gouvernement avait donné des instructions en ce sens et que cela améliorerait la qualité des évaluations de rendement. Le syndicat ayant contesté ce nouveau régime de rémunération, la direction a résilié la convention collective conclue en mars 2010. Malgré l’opposition du syndicat au système de rémunération annuelle et aux autres tentatives de détérioration des conditions de travail, ainsi qu’aux autres mesures hostiles aux activités syndicales, la direction exige qu’il accepte tout simplement les nouvelles propositions, insistant sur le fait que ces mesures sont conformes aux instructions du gouvernement. Le syndicat ne pouvait que protester contre ces nouvelles propositions mais, lorsqu’il a déclenché une grève en juillet 2010, la direction et le gouvernement ont porté des accusations contre lui, comme dans les autres cas. Six permanents syndicaux ont été accusés d’entrave à l’activité économique, en violation du Code pénal. La direction refuse de participer à toute négociation et attend simplement que le syndicat cède, puisque aucune convention collective n’est en vigueur.
  6. 438. Le Syndicat de l’Institut coréen du travail, affilié à la Fédération syndicale coréenne des travailleurs et des employés professionnels de la recherche publique (KUPRP), a été informé par la direction de l’annulation de la convention collective en février 2009. Comme on pouvait s’y attendre, cette démarche s’inscrivait dans la stratégie de destruction des relations professionnelles et d’élimination des syndicats, qui se poursuivait au nom de la politique gouvernementale de renforcement des institutions publiques. Le gouvernement a analysé les conventions collectives en vigueur dans les établissements publics, y compris les instituts de recherche financés publiquement, et a proposé un plan en vue de leur «amélioration», aux termes duquel divers aspects (éventail des activités syndicales, portée de l’adhésion syndicale, étendue des pouvoirs reconnus aux syndicats) devaient être «rationnalisés», conformément à ses instructions. A l’époque où le gouvernement a procédé à cette analyse, la tendance était à l’annulation des conventions collectives, de sorte que plusieurs conventions ont été résiliées à l’Institut coréen du travail et dans d’autres institutions publiques, ces mesures étant censées «rationnaliser les conventions collectives». Le Syndicat de l’Institut coréen du travail a fait grève lors de la résiliation de sa convention collective. Le directeur de l’institut a démissionné après 85 jours de grève et les employés ont repris le travail, sans que reprennent de véritables négociations. Au lieu de cela, la direction a exercé des pressions sur le syndicat, exigeant que ses dirigeants démissionnent, qu’il se désaffilie de la KCTU et accepte une convention collective conforme aux normes gouvernementales. En outre, après que le directeur de l’Institut eut démissionné, le gouvernement, qui était jusqu’alors le principal client de cet établissement, financé par des fonds publics et dont la tâche consiste à mener des recherches liées aux politiques gouvernementales en matière de travail, a complètement arrêté ses commandes de projets de recherche. Il s’agit là d’un acte de vengeance purement gratuit, qui a causé des difficultés financières à l’institut, qui, en mai 2010, a dû réduire de 30 pour cent le salaire de tous ses employés à plein temps. Selon les organisations plaignantes, ces mesures de répression et de contrôle du syndicat de cet institut public de recherche sont tout simplement inconstitutionnelles.
  7. 439. A l’Institut coréen des technologies du bâtiment, dont le syndicat est affilié à la KUPRP, la direction a pris des sanctions disciplinaires contre un travailleur qui, en décembre 2008, avait formulé une déclaration d’objection de conscience contre la politique du gouvernement. Le syndicat ayant protesté contre ces sanctions, la direction a pris des mesures de rétorsion, qui, selon les organisations plaignantes, illustrent la véritable nature du «Plan de renforcement des institutions publiques». En décembre 2009, le syndicat a été informé de la résiliation unilatérale de sa convention collective et subi une répression à peine déguisée de la part de la direction. Le gouvernement et la direction s’étaient initialement engagés à ne pas sanctionner le chercheur qui avait fait la déclaration d’objection de conscience mais, une fois le litige retombé, ils ont renié leur promesse et lui ont imposé des sanctions disciplinaires, auxquelles le syndicat s’est fermement opposé. En fin de compte, ce chercheur (membre du syndicat) a été suspendu pour trois mois et le président du syndicat congédié. Le vice-président du syndicat a été muté à un site d’essais, loin de Séoul, puis licencié lorsqu’il a contesté sa mutation injuste. Ces actes de répression antisyndicale constituaient clairement des mesures de représailles, comme le prouve l’objection soulevée par la direction face à des questions légitimement soulevées par le syndicat en avril 2009 en relation avec des soupçons concernant le directeur de l’institut, soit qu’il aurait plagié sa thèse de doctorat. La direction a réagi en allant jusqu’à tenter de détruire le syndicat. Après seulement six mois, le syndicat, qui regroupe habituellement 400 membres, soit un taux de syndicalisation de 90 pour cent, ne compte plus que 70 membres (17 pour cent) en raison des pressions exercées par la direction. Cette dernière a déclaré qu’elle n’accorderait jamais de promotion aux syndiqués et pénaliserait tous les membres du syndicat, qu’elle leur demanderait par ailleurs de quitter.
  8. 440. Le Syndicat coréen du secteur de l’énergie électrique (KPPIU), affilié à la KPTU, a fait face au même processus de répression des syndicats d’institutions publiques: proposition par la direction d’une convention collective moins favorable que la convention existante; résiliation unilatérale de la convention collective; accusations portées contre les dirigeants syndicaux pour avoir appelé à la grève. Toutes ces mesures s’inscrivent dans la volonté du gouvernement de «renforcer» les institutions publiques. Le KPPIU et les directions des sociétés de production d’électricité ont entamé des négociations collectives en juillet 2008; les parties se sont entendues sur 144 articles de la convention, cinq dispositions seulement restant en litige. Le 4 novembre 2009, soit le lendemain de la treizième session de négociation, la direction a informé le KPPIU de la résiliation unilatérale de la convention collective et fermé les bureaux du syndicat et de ses cinq sections en avril 2010. En mai, elle a bloqué le prélèvement à la source des cotisations syndicales et cessé de payer les frais de bureau, de communication et d’électricité du syndicat, paralysant ainsi le dialogue avec le KPPIU. Ce dernier a accepté des concessions sur les cinq clauses en suspens et demandé à la direction d’annuler l’avis de résiliation de la convention collective, ou de proroger sa période de validité, ce qu’elle a refusé.
  9. 441. Les organisations plaignantes concluent que le gouvernement et la direction de ces institutions publiques ont tenté d’évincer les syndicats et d’entraver leurs relations professionnelles. Le gouvernement a exigé que les directeurs des institutions publiques «adhèrent aux principes existants et refusent toute concession par rapport à leurs droits de gestion et en matière de personnel»; il a ordonné à la direction des sociétés d’énergie électrique d’observer strictement les instructions qu’il avait émises en invoquant la nécessité d’un renforcement des institutions publiques; il s’ingérait ainsi dans les relations professionnelles de ces établissements en leur donnant des instructions spécifiques.
  10. 442. Selon les organisations plaignantes, ces exemples démontrent que les droits fondamentaux des travailleurs des institutions publiques font l’objet de sérieuses restrictions. L’obligation faite à ces travailleurs d’assurer les services essentiels en cas de grève les prive du droit de mener des actions collectives, violation contre laquelle la KCTU et la KPTU ont déposé plainte au BIT en 2008. En outre, le droit à la négociation collective des syndicats des institutions publiques est sérieusement restreint dans la mesure où des négociations autonomes entre la direction et les syndicats sont pratiquement impossibles. Le gouvernement limite la portée des négociations collectives par le biais d’instructions officielles, et exige même la révision des conventions déjà négociées. Le gouvernement a pris des directives sur le «Renforcement des institutions publiques» afin «de promouvoir» les relations professionnelles au sein de ces organisations. Toute objection émanant des syndicats est rejetée au motif que les conventions collectives doivent se conformer à ces directives gouvernementales. Si un syndicat n’accepte pas une convention défavorable aux travailleurs, la direction met fin à l’accord existant. Si un syndicat appelle à la grève afin de protester contre la détérioration des conditions de travail, le gouvernement la déclare illégale, comme cela a été le cas pour la grève du KRWU en 2009, déclarée illégale non pas en raison de questions procédurales, mais parce que les travailleurs avaient fait grève en rapport avec des questions «non négociables». Le droit syndical est lui aussi sérieusement restreint: conformément aux directives gouvernementales, les institutions publiques ont pratiquement toutes demandé à leur syndicat de limiter les critères d’adhésion syndicale, niant ainsi les droits des syndicats en tant qu’organisations indépendantes de travailleurs.
  11. 443. En outre, les chauffeurs routiers se sont vu dénier d’emblée le droit syndical, le gouvernement soutenant qu’il ne s’agit pas de travailleurs, mais de propriétaires-exploitants. Le Syndicat coréen des travailleurs du transport (affilié à la KPTU), qui regroupe les chauffeurs routiers, fait actuellement face à une menace d’annulation de son accréditation syndicale.
  12. 444. Ces violations des droits syndicaux fondamentaux sont explicitées ci-dessous.

    I. Mesures de répression contre les syndicats des institutions publiques

    1) Syndicat des travailleurs du secteur ferroviaire (KRWU), affilié au KTWU

    i) Négociations collectives et motifs de grève
  1. 445. La direction de la société KORAIL et le syndicat ont entamé des négociations en juillet 2008 pour renouveler la convention collective. Durant les quatre mois de négociations, la direction a tenté d’obtenir la révision de plus de 120 clauses de la convention, ce qui aurait entraîné une détérioration des conditions de travail des employés. Du 29 juillet au 14 octobre 2008, le syndicat et la direction de la société ont tenu quatre sessions générales, portant notamment sur la négociation collective et les salaires, et 73 sessions en comité de travail. Les parties ont conclu une entente de principe sur 81 des 170 clauses en discussion mais ont dû reconnaître l’échec des négociations, n’ayant pu s’entendre sur quelque 90 dispositions de la convention. Du 29 au 31 octobre, le syndicat a procédé à un vote de grève auprès de ses membres, que la majorité a appuyée.
  2. 446. Le PDG de la société ayant été arrêté le 11 novembre 2008 sous l’accusation d’avoir touché des pots-de-vin, la direction a demandé au syndicat de différer les négociations collectives jusqu’en mars 2009, date à laquelle un nouveau directeur devait entrer en fonctions. Les négociations pour la convention collective de 2008 étaient censées reprendre en mars 2009, mais n’ont en fait repris qu’en mai, lorsque le nouveau directeur a pris son poste. Le 12 mai, le syndicat et la direction sont convenus de tenir une séance générale de négociation une fois toutes les deux semaines, et de se réunir deux fois par semaine en comité de travail. Malgré cet accord, la direction a systématiquement négligé les négociations générales. Même la Commission nationale des relations du travail (NLRC), compétente pour arbitrer le différend sur la convention collective entre la direction et le KRWU, a fait part de sa préoccupation face à la négligence continue de la direction par rapport aux négociations. Lors de la seizième session en comité de travail (le 16 octobre 2009), la direction a exigé la modification ou l’annulation de 27 dispositions de la convention sur lesquelles les parties avaient conclu un accord de principe en 2008, rendant ainsi plus difficile une solution négociée.
  3. 447. Le 9 novembre, la direction a suggéré la tenue d’une session spéciale de négociation. Le KRWU a reporté au 26 novembre la grève qui devait commencer le 14 novembre afin de tenter de trouver une issue pacifique au différend, a accepté la suggestion de la direction et constitué un comité spécial de négociation, qui a reçu tous les pouvoirs à cette fin. Une série d’entretiens particuliers a eu lieu les 12, 18, 20 et 24 novembre. Les représentants syndicaux ont présenté leur offre finale le 23 novembre, et la direction a soumis les siennes le lendemain. Elle a cependant annoncé unilatéralement, par facsimilé, la résiliation de la convention collective moins d’une heure après la fin des discussions le 24 novembre, soit une pratique sans précédent dans l’histoire des relations professionnelles au sein de la société. Les représentants de la direction n’avaient aucunement fait état d’une résiliation durant les derniers pourparlers, et n’ont pas informé les représentants syndicaux avant d’envoyer l’avis de résiliation. Cela démontre que la direction n’avait aucunement l’intention de conclure une convention collective par la voie du dialogue et de la négociation. Le KRWU a déclenché une grève le 26 novembre pour appuyer sa demande de convention collective.
  4. 448. Les organisations plaignantes exposent ensuite les preuves en leur possession, démontrant que la direction de la société avait planifié en amont la résiliation unilatérale de la convention collective afin de pousser le syndicat à la grève. Habituellement, les dirigeants d’entreprise menacent de résilier une convention collective pour persuader les syndicats d’annuler une grève. Toutefois, dans le cas de la société KORAIL, la direction a planifié la résiliation afin d’inciter le syndicat à faire grève et à ne pas poursuivre les négociations.
    ii) Actes de répression contre le KRWU
  1. 449. Aucune table ronde de négociation collective dans l’entreprise n’a duré aussi longtemps que celle de 2008. Fait sans précédent, la direction persistait à exiger la révision à la baisse des clauses de la convention protégeant les activités syndicales et conférant des avantages aux travailleurs.
  2. 450. La Commission coréenne de contrôle et d’inspection (Board of Audit and Inspection of Korea, ci-après «la BAI») a mené une inspection au sein de la société en 2008 et conclu que sa convention ne satisfaisait pas aux normes gouvernementales concernant les responsables syndicaux à plein temps, les congés payés et les jours fériés, ce qui était source de différends. Le ministère de la Stratégie et des Finances (ci-après «le MOSF») a publié en 2008 un document, intitulé «Rapport d’évaluation de la gestion des entreprises publiques», soulignant essentiellement que la convention collective de la société n’était pas conforme aux lignes directrices gouvernementales. Le rapport recommandait à la société d’augmenter le nombre mensuel d’heures de travail des employés contractuels de 172 à 209 heures, de réduire le nombre de jours de vacances, etc.
  3. 451. En outre, le 31 août de la même année, le gouvernement a pris une directive énonçant les critères d’évaluation de la gestion des directeurs d’établissements publics, et de l’exécution de leurs objectifs de gestion. Le nouveau barème attribuait plus de points aux thèmes liés aux relations professionnelles – par exemple la révision des conventions collectives afin de restreindre les activités syndicales – que celui de l’année précédente. En conséquence, les directeurs des institutions publiques, sur lesquels le gouvernement exerce son autorité par le biais des allocations budgétaires, ont dû se conformer à cette directive et présenter des demandes indues aux syndicats, ce qui entrave l’autonomie des parties à la négociation. En outre, le barème prévoyait le recours à plusieurs critères: «rationalisation des relations professionnelles; respect de la loi et des principes de gestion des relations professionnelles; avancées concrètes de la coopération patronale-syndicale», pour déterminer si les pratiques en matière de relations professionnelles étaient rationnelles et juridiquement fondées. Les syndicats des entreprises publiques ont réalisé par la suite que l’expression «rationalisation des relations professionnelles» employée dans la directive désigne en fait la résiliation des conventions collectives ou la révision de leurs clauses afin de restreindre le pouvoir des syndicats et que, globalement, le résultat du processus d’évaluation dépend très largement de ce critère d’évaluation des relations professionnelles. Le barème comportait également d’autres critères d’évaluation des clauses des conventions collectives, par exemple: justification du soutien aux activités syndicales; influence du syndicat sur la politique du personnel et la gestion globale; justification du maintien des conditions de travail existantes; protection juridique des actions collectives; améliorations par rapport à la convention collective précédente, etc. En outre, la directive prévoyait que la part de rémunération liée au rendement serait fonction des résultats de l’évaluation, que le directeur de l’institution concernée recevrait un avertissement s’il ne parvenait pas à respecter une norme donnée, et que le rapport d’évaluation recommanderait automatiquement au gouvernement de le destituer s’il recevait un avertissement deux années de suite.
  4. 452. Ces méthodes – résiliation unilatérale des conventions collectives et répression antisyndicale – deviennent actuellement une pratique généralisée dans tout le secteur public. Au second semestre 2008, le gouvernement a publié à l’intention des institutions publiques des directives sur la négociation collective, intitulées «Renforcement des institutions publiques». Se fondant sur ces directives, plusieurs institutions publiques, y compris Korea Railroad, Korea Gas Corporation et cinq centrales thermiques de la société Korea Electric Power Corporation, ont informé les syndicats de la résiliation de leur convention collective, autant d’exemples qui illustrent l’impact de ces directives. Toutes les clauses des conventions collectives favorables aux syndicats doivent être annulées si un organisme public veut en réviser les termes conformément à la directive; les syndicats ne peuvent manifestement pas accepter ces conditions. Par conséquent, les établissements publics doivent résilier la convention collective s’ils veulent recevoir une évaluation favorable. Les syndicats ne peuvent accepter cette situation et doivent réagir à ces demandes inéquitables par la grève. Par ailleurs, le processus d’évaluation favorise non seulement la résiliation des conventions, mais permet également de vérifier si les directeurs d’établissements publics réussissent à empêcher les actions collectives et à résoudre les différends du travail existants. Ainsi, la direction prend toutes les mesures nécessaires pour opprimer les syndicats. Voilà ce que signifie en réalité le «respect des règles et des lois dans la gestion des relations professionnelles». En outre, la disposition relative aux «avancées concrètes de la coopération patronale-syndicale» désigne en fait la renonciation pure et simple des syndicats aux moyens de pression collectifs.
  5. 453. Selon les organisations plaignantes, lorsque le syndicat a lancé la grève, un quotidien a rapporté que le ministère du Travail, le Procureur général et le Service de police s’étaient réunis le 26 novembre pour examiner les conditions d’exercice de la grève et avaient conclu que celle-ci ne constituait pas une action collective illégale. Néanmoins, le Président a déclaré publiquement le 28 novembre que le public ne comprenait ni ne tolérait cette grève, et que les autorités devaient faire preuve de fermeté. Immédiatement après cette déclaration, le Procureur général et le Service de police ont soudainement modifié leur position, qualifiant la grève d’illégale et prenant des mesures draconiennes pour y mettre fin, notamment en diligentant une enquête pénale approfondie. Enfin, les ministres et vice-ministres de cinq ministères, y compris le ministère du Travail et le MOSF, ont fait une proclamation solennelle à la nation, ainsi formulée: «La grève du KRWU est illégale, et le gouvernement y répondra dans le strict respect de la loi et de la réglementation applicables.»
  6. 454. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement a appliqué l’article 314 du Code pénal (Entrave à l’activité économique) aux membres du KRWU qui refusaient passivement de travailler. Par la suite, le gouvernement a lancé une répression généralisée contre les actions collectives du syndicat: perquisition dans les locaux syndicaux; saisie de matériel; émission de mandats d’arrêt contre les principaux dirigeants syndicaux; etc. Le Président lui-même a ordonné aux fonctionnaires concernés d’envisager de remplacer les cheminots grévistes par des militaires.
  7. 455. Pendant la grève, les membres du KRWU n’ont jamais employé la force physique ni commis d’infractions, comme l’occupation ou la destruction d’installations. En outre, seuls 12 000 travailleurs sur un total de 25 000 syndiqués ont participé à la grève afin de maintenir les services essentiels prévus par la législation. La grève s’est déroulée pacifiquement et les membres du syndicat se sont bornés à refuser passivement de fournir leurs services.
  8. 456. Toutefois, le Tribunal du district central de Séoul a retenu les arguments du Procureur général sur l’illégalité de la grève, et rendu la décision suivante:
    • Les décisions relatives aux affectations de personnel dans les nouvelles entreprises, les programmes de réduction de main-d’œuvre et les autres plans de renforcement des institutions publiques relèvent des prérogatives de la direction et du domaine des droits de gestion. La réintégration des employés licenciés, l’annulation des accusations, des plaintes et des réprimandes, ainsi que le désistement des poursuites en dommages-intérêts constituent également des questions étrangères à la détermination des conditions de travail, qui relèvent de la direction. En conséquence, un syndicat ne doit pas exercer son droit de grève pour ces motifs. Les clauses des conventions collectives concernant le nombre approprié d’employés, l’effectif total du personnel et les consultations avec le syndicat sur la réduction des effectifs n’ont pas de rapport avec la détermination des conditions de travail. Le syndicat ne peut donc pas faire grève au motif qu’il existe des différends à cet égard.
  9. 457. Suite à la déclaration du Président, la police a commencé à réprimer la grève en diligentant une enquête inappropriée. A sa demande, des citations à comparaître ont été émises le 27 novembre contre des dirigeants du KRWU, sous l’accusation d’entrave à l’activité économique. Toutefois, les deux premières dates de comparution (samedi 28 et dimanche 29 novembre) étaient des jours fériés. Le 30 novembre, la police a demandé l’émission de mandats d’arrêt contre eux.
  10. 458. La direction a démis 980 responsables syndicaux de leurs fonctions le 26 novembre, date prévue pour le début de la grève, et les a contraints à assister à un cours de formation, où ils ont dû rédiger un rapport (en réalité un aveu de culpabilité). Ces changements d’affectation ont été maintenus après le 4 décembre, date à laquelle les employés ont repris le travail. Suite à ces changements massifs d’affectation, la direction a envoyé des avis en ce sens par courrier recommandé/contenu certifié au domicile des membres du syndicat.
  11. 459. La société invoquait l’article 52.1 du Règlement du personnel («Inaptitude à l’exécution des fonctions») pour justifier ces mesures. En règle générale, une société change temporairement un employé d’affectation lorsque le maintien dans ses fonctions risque de poser un problème sérieux. Or, dans ce cas, tous les dirigeants syndicaux ont été collectivement démis de leurs fonctions uniquement en raison de leur rôle dans le syndicat. Ces représentants syndicaux ont subi un changement d’affectation lorsqu’il s’est confirmé qu’ils avaient participé à l’action collective, tandis que ceux qui avaient cessé la grève n’ont pas été sanctionnés. Par ailleurs, même les responsables syndicaux qui n’étaient pas en service, étaient en vacances ou en congé de maladie, ont été victimes de ces mesures.
  12. 460. En outre, les organisations plaignantes donnent des exemples des pressions exercées par la société sur les représentants syndicaux et leur famille au cours de la grève du KRWU, pour les dissuader de se joindre au mouvement: entrevues directes, ou par d’autres méthodes (visites et appels téléphoniques à domicile, appels sur téléphone cellulaire, SMS, Internet et courriels); menaces de sévères mesures disciplinaires, y compris licenciement et poursuites en responsabilité civile et pénale; diffamation du syndicat et de ses dirigeants. La société est allée jusqu’à évoquer la honte que les enfants des grévistes éprouveraient à l’école, pour renforcer les pressions exercées sur les membres du syndicat.
  13. 461. Le 4 décembre 2009, le KRWU a annoncé la reprise du travail. Cent soixante-neuf dirigeants syndicaux ont été licenciés et tous les grévistes (environ 12 000) ont fait l’objet de mesures disciplinaires, soit un nombre record de mesures disciplinaires pour fait de grève, sans précédent dans l’histoire du mouvement syndical coréen. Le processus disciplinaire a été si expéditif que certains syndiqués n’ont pas eu la possibilité de se défendre. La société ayant installé des caméras vidéo pour enregistrer les entrevues menées par les comités disciplinaires, le syndicat a exigé leur retrait afin de protéger les droits fondamentaux des syndiqués victimes de sanctions disciplinaires et s’assurer qu’ils n’étaient pas soumis à des pressions indues; toutefois, la plupart des caméras sont restées en place, ce qui était certainement illégal, compte tenu des impératifs de légitimité procédurale, des objectifs poursuivis, du choix des emplacements et des méthodes employées par la direction. Cette dernière a également intenté des poursuites contre plus de 200 syndiqués et dirigeants syndicaux au titre des dommages que la grève aurait causés, pour un montant total d’environ 10 milliards de won sud-coréens (soit 958 millions pour la grève d’avertissement du 6 novembre et 8,7 milliards de dollars pour la grève du 26 novembre au 4 décembre), ce qui a causé une grave dépression chez certains syndiqués. Une poursuite en dommages d’un montant d’environ 10 milliards de won pour des actions collectives légitimes ne peut avoir qu’un objectif: détruire le syndicat.

      Travailleurs victimes de mesures disciplinaires suite à la grève du KRWU en 2009

    • Année Licenciement Suspension Sanction salariale Réprimande Avertissement Total
      2009 169 407 366 9 405 1 241 11 588
      >
  14. 462. Après que le syndicat eut mis fin à la grève le 4 décembre 2009, la direction a conçu un plan visant à forcer les syndiqués occupant un poste de direction à quitter le syndicat, par différents moyens (interventions intensives et répétées, par téléphone et lors d’entretiens) du 7 au 20 décembre.
  15. 463. La direction n’avait aucune intention de reprendre les négociations collectives ou salariales au terme de la grève. Le syndicat ayant demandé la reprise des négociations sans poser aucune condition préalable, la direction a refusé, déclarant qu’elle ne reviendrait pas à la table de négociations tant que le syndicat ne renoncerait pas officiellement à la grève. Ce droit est inscrit dans la Constitution coréenne, et les droits collectifs des syndiqués s’incarnent dans l’exercice de la grève. Toute renonciation indue à ces droits constitue donc une pratique illégale et déloyale.

    2) Syndicat de la société Korea Gas Corporation, affilié à la KPSU

  1. 464. La huitième convention collective conclue par le Syndicat de la société Korea Gas Corporation et la société KOGAS a expiré le 13 mars 2009. Le syndicat et la direction ont négocié du 6 avril 2009 au 29 mars 2010 afin de renouveler la convention, soit neuf sessions de négociation générale et 20 sessions en comité de travail pour les clauses particulières. La rupture des négociations, l’échec de la médiation de la Commission nationale des relations de travail (NLRC) en août 2009, la grève en novembre 2009 et, enfin, l’avis de résiliation unilatérale de la convention par la société KOGAS ont créé un climat d’intense confrontation dans les relations professionnelles au sein de la société.
  2. 465. Le 6 novembre 2009, les syndicats du secteur ferroviaire, de l’électricité et du gaz ont conjointement fait grève pour protester contre l’ingérence indue du gouvernement dans les négociations collectives, et exiger des négociations indépendantes dans le respect des procédures juridiques existantes. Le gouvernement a répondu que la grève était illégale parce qu’elle visait à protester contre sa politique; il a porté des accusations pénales contre tous les syndicats (voir notamment le point I.1). Pour les syndicats, le seul but de la grève était la conclusion d’une convention collective et pourtant dix membres du comité exécutif (les dirigeants syndicaux à plein temps) attendent maintenant le prononcé de leur sentence sur les accusations portées contre eux par la société. Le 5 octobre 2010, le procureur a inculpé les dix dirigeants pour avoir violé l’article 314 du Code pénal (Entrave à l’activité économique) et demandé qu’ils soient condamnés à des peines d’emprisonnement allant de huit à douze mois. Si le juge suit ces réquisitions, tous les dirigeants syndicaux seront licenciés. Dès le début de la grève conjointe, le 11 novembre, la société a envoyé un avis de résiliation unilatérale de la convention collective, déclarant que cette mesure était inévitable, compte tenu des instructions gouvernementales.
  3. 466. Malgré la grève, la société a continué d’éviter des négociations et d’exiger des concessions inconditionnelles de la part du syndicat. Après une longue période sans le bénéfice d’une convention collective, le syndicat a finalement estimé qu’il devait accepter les exigences de la direction. En février-mars 2010, les parties sont convenues de reprendre des négociations intensives sur 53 clauses afin de conclure un nouvel accord avant la fin mars. Elles sont parvenues à un accord de principe sur 50 d’entre elles au terme de plusieurs sessions de négociations, mais n’ont pu s’entendre sur la définition des travailleurs bénéficiant du droit syndical, ni sur le nombre de dirigeants syndicaux détachés et payés par l’entreprise. Le syndicat a dû faire des concessions complètes pour obtenir (le 29 mars 2010) un accord prévoyant la reconduction de la plupart des clauses de la convention précédente ainsi que de sérieuses concessions de la part du syndicat, notamment une réduction du nombre de travailleurs admissibles au droit syndical et la division par deux du nombre de dirigeants syndicaux détachés et payés par la société.
  4. 467. Le 31 mars 2010, les représentants des syndicats et de la direction sont convenus que la nouvelle convention entrerait en vigueur le 30 avril et ont signé un accord à cet effet. Un accord valide avait enfin été conclu. Cependant, l’entrée en vigueur de la convention a été différée, la société ayant demandé un délai pour convaincre le ministère de donner son accord, bien que l’approbation du gouvernement ne soit pas fondée sur le plan juridique. La société a signé l’accord du 31 mars, estimant que le gouvernement l’endosserait parce qu’elle avait obtenu des concessions du syndicat lors des négociations. Cependant, alors que les consultations se poursuivaient, le gouvernement continuait de dénoncer la convention collective et d’insister sur le fait que de nouvelles négociations devaient être engagées après que l’invalidation de la précédente convention eut pris effet. Le 30 avril, date à laquelle la nouvelle convention collective devait être annoncée et entrer en vigueur, le gouvernement a maintenu sa position. Considérant que l’opposition du gouvernement ne devrait avoir aucun effet sur la validité de la convention collective, le syndicat a demandé à la direction de l’appliquer. Toutefois, la société a cédé aux pressions constantes du gouvernement, déclarant le 3 mai 2010: «Nous reconnaissons qu’un accord a été conclu, mais ne sommes pas en mesure d’y donner suite.» Le lendemain, le syndicat a reçu un avis de retrait unilatéral de l’accord, motivé par la position du gouvernement.
  5. 468. Le 11 mai 2010, la société KOGAS a informé le syndicat que, six mois s’étant écoulés depuis la résiliation unilatérale de la convention précédente (le 11 novembre 2009), la convention collective ne serait plus valide à partir du 12 mai 2010. Elle soutenait que certaines dispositions de la partie obligatoire de la convention collective n’étaient plus valables, y compris celles concernant: les dirigeants syndicaux et le personnel de soutien détachés et payés par l’entreprise; le précompte syndical; les règles relatives à l’atelier syndical; la garantie des activités syndicales rémunérées durant les heures de travail; les congés-formation payés pour les membres du syndicat; la protection des activités de sensibilisation; la mise à disposition de locaux, de véhicules et d’autres installations; etc. Ces mesures constituaient plus que de simples actes de répression antisyndicale et qu’une attaque contre les activités syndicales: la direction déclarait en fait qu’elle niait toute existence au syndicat. Toutefois, il ne s’agissait pas de mesures adoptées à l’initiative de la société elle-même, mais plutôt de décisions prises sur instructions du gouvernement, qui avait recommandé l’annulation de la convention collective, en s’inspirant des mesures prises antérieurement pour annuler les conventions conclues avec le syndicat des centrales électriques et celui des travailleurs du chemin de fer métropolitain (Seoul Metropolitan Rapid Transit Corporation Workers’ Union).
  6. 469. En conséquence, la société a lancé une attaque tous azimuts contre les activités syndicales et commis divers acte de répression antisyndicale, notamment: i) la réaffectation des dix dirigeants syndicaux à leurs fonctions au sein de la société, à condition qu’ils cessent leurs activités syndicales; ces derniers ont refusé l’ordre de reprise du travail et ont poursuivi leurs activités syndicales dans les locaux du syndicat; la société leur a envoyé de multiples «rappels» de l’ordre de reprise du travail et a exercé des pressions sur eux, déclarant qu’elle accumulait les preuves nécessaires à leur licenciement, et a cessé de payer leur salaire au motif qu’ils étaient absents sans permission; ii) l’interdiction du paiement des activités syndicales durant les heures de travail; la société a averti les syndiqués participant à diverses réunions et programmes d’éducation menés par le syndicat qu’elle pourrait les sanctionner si une inspection révélait leur manque d’assiduité; elle a également appliqué une politique dite «Pas de travail, pas de salaire» afin de dissuader les syndiqués de participer aux activités syndicales; iii) l’arrêt du précompte syndical; la société a cessé de fournir les services et installations auparavant offerts au syndicat en vertu de la convention collective, et en premier lieu le prélèvement à la source des cotisations syndicales; bien que le financement du syndicat n’ait pas été compromis puisque environ 98 pour cent des membres avaient accepté de payer leurs cotisations par virement direct, de nombreux syndicats sont confrontés à une crise budgétaire parce que leur société refuse d’offrir des services de dépôt direct; et iv) la restitution forcée des locaux syndicaux et des facilités et fournitures connexes; en exigeant que le syndicat abandonne non seulement les locaux qui lui étaient fournis auparavant, mais aussi le mobilier et les fournitures de bureau, les systèmes de télécommunications et les véhicules mis à sa disposition, la société lui niait tout droit aux activités syndicales. En outre, le 12 mai, la société a restreint l’accès du syndicat au réseau interne de communications pour publier des informations.
  7. 470. En réponse, le syndicat a déposé plainte le 25 mai 2010 pour faire reconnaître la validité de la convention collective, ainsi qu’une demande d’injonction pour «entrave aux activités syndicales» en vertu de l’accord intervenu sur la convention collective afin de faire annuler l’ordre de retour au travail et de récupérer l’usage des locaux syndicaux. Bien que le tribunal ait reconnu le caractère provisoire de l’accord sur la convention collective, il a statué le 23 juillet 2010 que cette convention était valide, déclarant: «L’accord conclu en l’espèce impliquait la conclusion d’une convention collective. Il a été consigné par écrit et signé par les représentants du syndicat et de l’employeur, et doit donc être considéré comme une convention collective valide.» La société refuse néanmoins de mettre fin à ses pratiques de travail déloyales, déclarant que l’ordonnance du tribunal a seulement valeur d’injonction, et qu’elle attendra l’issue de l’action judiciaire sur la validité de la convention collective. La société continue de se plier aux ordres du gouvernement, avance de nouvelles propositions qui réduiraient encore plus les droits prévus par la convention collective, et tente de soumettre le syndicat. Le gouvernement maintient son insatisfaction face au contenu de la convention collective et exige sa révision, ignorant même une décision judiciaire.
  8. 471. Le gouvernement est intervenu dès le début des négociations. Les propositions soumises par la direction en mars 2009 reflétaient ses instructions et se composaient de plusieurs éléments: les recommandations fondées sur les instructions et les évaluations du MOSF; les thèmes identifiés par la BAI; et les recommandations du ministère du Travail et du ministère de l’Economie de la connaissance. Les principales instructions du gouvernement comportaient les exigences suivantes: abolition de la règle de l’atelier syndical; réduction de 20 pour cent du nombre de travailleurs bénéficiant du droit syndical; réduction du nombre de dirigeants syndicaux détachés et payés par la société (suppression graduelle du poste de deux dirigeants sur dix); restriction des activités syndicales rémunérées; limitation de la protection des activités syndicales; augmentation du nombre de travailleurs privés du droit de grève (par le biais d’un élargissement des services essentiels); autorisation d’embaucher des remplaçants et de nouveaux employés durant les grèves; etc. Le gouvernement a employé diverses tactiques de négociation, par exemple des réunions et des mesures de surveillance, pour exercer des pressions – directes et indirectes – sur l’entreprise; il lui a ordonné de n’accepter aucun compromis ou concession lors des négociations. Cette dernière a donc adopté une attitude très passive, voire d’évitement, durant les négociations, dont les multiples sessions étaient en fait vides de sens. Ainsi, le gouvernement s’est immiscé dans l’ensemble du processus de négociation, depuis la formulation des propositions de l’entreprise jusqu’à la conclusion de l’accord, en passant par la stratégie et les tactiques de négociation. Le gouvernement doit cesser son ingérence illégale dans les relations professionnelles, et la convention collective, déjà conclue par le biais de négociations indépendantes, doit être mise en œuvre.

    3) Syndicat du Service public des pensions et de la solidarité sociale, affilié à la KPSU

  1. 472. Les relations professionnelles entre le Service national des pensions et le Syndicat du service public des pensions et de la solidarité sociale sont très tendues depuis la grève de novembre 2009. Le principal responsable en est la direction, qui considère le syndicat comme un adversaire à éliminer et non comme un partenaire du dialogue social. En outre, l’attitude antisyndicale du gouvernement et ses politiques défavorables aux travailleurs ont encouragé la direction dans ses actes de répression antisyndicale. Elle a déclaré à plusieurs reprises que, en sa qualité d’établissement public, le Service national des pensions devait respecter les directives du gouvernement, et est donc sujet à sa tutelle ou à ses interventions.
  2. 473. La négociation collective a débuté en avril 2009 au Service national des pensions; pour la seule année 2009, les parties ont tenu 28 sessions de négociation (cinq sur les questions générales, 23 en comité de travail sur les clauses particulières). Les représentants des deux parties à ces comités, qui avaient reçu les pleins pouvoirs, ont conclu le 23 décembre 2009 un accord de principe, que le directeur a toutefois rejeté unilatéralement, au seul motif qu’il était incompatible avec sa position, ce qui a envenimé les relations professionnelles. Le 15 mars 2010, la direction a informé le syndicat de la résiliation unilatérale de la convention collective, puis le directeur s’est engagé à négocier de bonne foi. Le syndicat a demandé la reprise des négociations, et la septième session de négociation générale a eu lieu le 3 juin 2010. Les parties sont convenues que les séances de négociation générale pour 2010 se limiteraient aux questions sur lesquelles elles n’avaient pu s’entendre durant les négociations de 2009. Toutefois, le président a ignoré l’accord, proposant de réviser à la baisse plus de 90 dispositions de la convention, en y insérant notamment des clauses: limitant la responsabilité de la direction en matière de sécurité d’emploi; restreignant les activités syndicales; privant les travailleurs de leurs droits fondamentaux; réduisant les prestations des employés et les conditions de travail, par l’introduction d’un système de rémunération annuelle au rendement; imposant des conditions d’admissibilité au syndicat et limitant le droit syndical des travailleurs appartenant à des départements ministériels arbitrairement classés comme «services de direction»; limitant à sept le nombre de délégués syndicaux à plein temps détachés et payés par l’employeur, conformément au Manuel sur les congés syndicaux publié par le ministère du Travail; réduisant la fréquence des congrès syndicaux (de deux à une fois par an) et des comités d’orientation; simplifiant la procédure de mutation des responsables syndicaux; et privant les syndiqués de certains droits fondamentaux, par exemple: supprimer les cours d’éducation syndicale, obliger le syndicat à consulter la direction avant d’afficher des banderoles ou d’autres matériels de propagande, restreindre les droits des employés qui font l’objet de mesures disciplinaires, en leur reconnaissant seulement la «possibilité de faire une déclaration» plutôt que le droit «de présenter une défense» devant les comités disciplinaires, auxquels le syndicat ne serait pas autorisé à participer ou à représenter ses membres.
  3. 474. Le syndicat ne pouvait que s’opposer à ces propositions, qui entraveraient ses activités autonomes, porteraient atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs et aggraveraient leurs conditions d’emploi. Il a mené des grèves tournantes au niveau local du 5 au 9 juillet 2010, sans que la direction change d’attitude; il a donc entamé une grève générale, du 15 au 27 juillet, ce qui a incité la direction à durcir sa position. Bien que les objectifs des grèves tournantes menées à partir du 6 novembre 2009 fussent licites et que la procédure ait été observée, la direction a pris des mesures disciplinaires abusives et intenté des poursuites contre les syndicalistes. Les six membres permanents du Comité exécutif du syndicat sont désormais accusés d’entrave à l’activité économique, infraction prévue par le Code pénal.
  4. 475. Cette ingérence du gouvernement dans l’autonomie des relations professionnelles a de graves répercussions; les critères d’évaluation de la gestion des institutions publiques et les directives gouvernementales (sur l’évaluation des directeurs des institutions) jouent un rôle déterminant à cet égard. Les directives administratives du gouvernement servent d’alibi à de sérieuses régressions des conventions collectives. Le Manuel sur les congés syndicaux publié par le ministère du Travail est employé comme arme pour submerger le syndicat de demandes visant à restreindre ses activités légitimes, et les directives du MOSF sont appliquées pour justifier le gel ou la baisse des salaires.

    4) Syndicat de l’Institut coréen du travail, affilié à la Fédération syndicale coréenne des travailleurs de la recherche et du secteur public

  1. 476. Le Syndicat de l’Institut coréen du travail a reçu l’avis d’annulation de sa convention collective en février 2009. Dès réception de cet avis, il a mené une grève, qui a duré 85 jours. A ce jour, les membres du syndicat restent en proie à l’insécurité en raison des vives pressions exercées par le gouvernement.
  2. 477. Le problème trouve sa racine dans la résiliation unilatérale de la convention existante avant le début d’un nouveau cycle de négociations collectives. Jusqu’à la date de résiliation de la convention, la direction n’a jamais négocié de bonne foi.
  3. 478. La répression exercée contre le syndicat par l’Institut coréen du travail s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de destruction des syndicats autonomes et d’entrave aux relations professionnelles dans le secteur public, au prétexte du «Plan de renforcement des institutions publiques». Le ministère du Travail a analysé les conventions collectives des établissements publics placés sous sa tutelle, et publié en avril 2009 des propositions en vue de leur amélioration, après avoir donné l’avis de résiliation de la convention collective. Selon ce document, la convention collective de l’institut était la pire de toutes celles examinées. Parmi les problèmes essentiels évoqués par le ministère du Travail figuraient notamment: l’absence de dispositions encadrant le droit syndical; la protection exagérée des activités syndicales; l’obligation faite à l’institut d’obtenir le consentement du syndicat avant de réprimander les responsables syndicaux; et la présence d’un comité sur la sécurité d’emploi, composé d’un nombre égal de représentants des travailleurs et de la direction. Les directeurs des établissements publics ont reçu instruction de réviser les clauses de la convention collective avantageuses pour les syndicats.
  4. 479. Après l’annulation de la convention collective, le syndicat a jugé qu’il était impossible de mener de véritables négociations collectives et a déclenché la grève. La direction persistant dans sa mauvaise foi et continuant de refuser les propositions de négociation du syndicat, ce dernier a décidé de mener une grève légale, qui a duré 85 jours, pour demander le retour à des relations professionnelles normales; la direction a réagi en fermant l’institut et en différant continuellement la conclusion d’une convention. Le directeur de l’institut a démissionné soudainement le 15 décembre 2009, après que le syndicat eut mis fin à la grève et que tous les travailleurs eurent repris le travail, sans avoir pu signer une convention collective; la direction et le Conseil national de recherches en sciences économiques, humaines et sociales ont déposé des accusations d’obstruction du travail contre tous les grévistes. Une enquête policière est en cours à ce sujet.
  5. 480. Le personnel ayant repris le travail, la direction a exercé des pressions sur le syndicat, exigeant sa désaffiliation de la KCTU, la conclusion d’une convention collective conforme aux normes du ministère du Travail, et la démission du comité exécutif du syndicat. Après la démission de l’ex-directeur, la présidence de l’institut est restée vacante, la nomination du nouveau directeur a été retardée et le gouvernement – principal client de l’institut – ne lui a plus confié un seul projet de recherche, les donnant à d’autres organismes; cela signifiait que l’institut n’avait plus suffisamment de fonds pour les salaires de son personnel qui, en mai 2010, a dû se résoudre à accepter une réduction salariale de 30 pour cent.

    5) Syndicat de l’Institut coréen des technologies du bâtiment, affilié à la KUPRP

  1. 481. Jusqu’au début de l’année 2010, le Syndicat de l’Institut coréen des technologies du bâtiment regroupait 400 membres, soit une densité syndicale remarquable de 90 pour cent. Toutefois, les effectifs syndicaux ont rapidement diminué en raison des efforts soutenus de la direction, sur une période de six mois, pour contraindre les membres à quitter le syndicat, sciemment désavantager les syndiqués et exercer d’autres pressions. Au début de juillet 2010, le syndicat ne comptait plus que 70 membres, soit un taux de syndicalisation de 17 pour cent seulement.
  2. 482. Les syndiqués ont subi divers inconvénients, se voyant défavorisés pour les promotions et l’affectation des projets de recherche, pour la seule raison qu’ils étaient membres du syndicat. Les dirigeants syndicaux ont été victimes d’une série d’évictions et de suspensions à caractère punitif. Les membres et les dirigeants du syndicat sont confrontés à de graves difficultés et le syndicat est menacé de disparition en raison de ces mesures.
  3. 483. La direction a commencé à inciter les membres à quitter le syndicat le 2 décembre 2009, en application de la politique «de renforcement des institutions publiques», annulant unilatéralement la convention collective et informant 21 employés des services administratifs qu’ils pouvaient soit quitter le syndicat, soit quitter leur poste. En conséquence, 330 des 400 membres du syndicat ont quitté ce dernier, de sorte qu’il ne compte plus que 70 membres. Par la suite, une rumeur a circulé à l’effet qu’aucun membre du syndicat ne serait inscrit sur la liste de promotions censée être publiée le 1er mai. En outre, les chercheurs qui étaient membres du syndicat éprouvaient des difficultés à s’acquitter de leur mission en raison des pressions exercées par la direction de l’institut. Les syndiqués n’avaient donc d’autre choix que de quitter le syndicat.
  4. 484. En décembre 2008, s’est produit un incident mettant en cause un chercheur, qui avait formulé une «déclaration d’objection de conscience». Le gouvernement et la direction avaient initialement promis de ne pas le sanctionner mais, une fois le litige dissipé, ils ont renié leur engagement et l’ont sanctionné en décembre 2009. Le syndicat ayant protesté, la direction a pris des mesures de rétorsion et licencié le président du syndicat pour avoir exigé l’annulation des sanctions imposées au chercheur. En outre, elle a muté le vice-président du syndicat au site d’essai d’Andong, situé à 300 kilomètres de Séoul, ce qui l’empêche de participer aux négociations, aux consultations et aux autres activités syndicales régulières; il a déposé plainte contre la direction afin de faire annuler sa mutation injuste et, en réponse, la direction l’a immédiatement licencié. Elle a également suspendu le Secrétaire général du syndicat pour trois mois au même motif.
  5. 485. En outre, la direction a agi comme si les activités syndicales quotidiennes – telles la publication de déclarations et la tenue d’événements – posaient problème, et les a mentionnées dans les motifs de licenciement du président du syndicat. Le directeur de l’institut ayant fait l’objet de vives critiques publiques pour avoir plagié sa thèse de doctorat, le syndicat avait soulevé cette question en avril 2009. Il est donc impossible de ne pas voir une vengeance dans les pressions exercées par la direction contre le syndicat, qui conteste avec détermination le licenciement de son président et de son vice-président, et les autres tentatives de destruction du syndicat menées par la direction.

    6) Syndicat coréen du secteur de l’électricité (KPPIU)

  1. 486. La convention collective entre le KPPIU et la direction des Sociétés d’électricité (régions Sud-Est, Sud, Est-Ouest et Ouest) a été conclue le 19 septembre 2006 par voie d’arbitrage, sous l’égide de la Commission nationale du travail. A l’expiration de l’accord, la direction et le syndicat ont entamé le 29 juillet 2008 les négociations en vue de conclure la convention collective de 2008, portant notamment sur les salaires.
  2. 487. Au terme de la cinquième session de négociation, tenue le 22 octobre, les deux parties ont conclu un accord concernant 79 articles sur 140 (137 clauses principales et trois annexes). Lors de la sixième session, tenue le 4 décembre 2008, elles se sont entendues sur 144 articles, seulement cinq dispositions restant en suspens. Toutefois, le syndicat et la direction n’ont pu trouver un accord et, le 12 octobre 2009, ont renvoyé ces questions à la NLRC, qui a tenu trois sessions d’arbitrage les 21, 23 et 27 octobre. Le 28 octobre, la NLRC a mis un terme à la médiation. Le 4 novembre 2009, soit le lendemain de la treizième session de négociation, la direction a informé le KPPIU de la résiliation unilatérale de la convention collective.
  3. 488. La direction a fermé les bureaux du syndicat le 1er avril 2010, date à laquelle le cinquième comité exécutif du syndicat a pris ses fonctions. Le syndicat a tenté de résoudre le différend par le dialogue, envoyant le jour même à la direction une note appelant à la reprise des négociations, suggérant que les parties acceptent les clauses déjà convenues et se concentrent sur les problèmes en suspens afin de résoudre le différend à l’amiable.
  4. 489. A la dixième session de travail en comité, tenue le 14 avril 2010 (soit la première rencontre entre les parties après l’entrée en fonctions du cinquième comité exécutif du syndicat), la direction a présenté une nouvelle offre de convention, ignorant les clauses déjà convenues et proposant en lieu et place des conditions moins favorables. A la quatorzième session de négociation, tenue le 21 avril, le KPPIU a fait des concessions sur les cinq clauses non réglées, les estimant justifiées dans l’intérêt plus large des membres; en contrepartie, il a demandé à la direction d’accepter les 144 autres articles et d’annuler l’avis de résiliation de la convention collective, ou de proroger cette dernière, ce que la direction a refusé.
  5. 490. Le 26 avril, la date d’expiration de la convention collective approchant, la direction a avisé le syndicat qu’elle n’accepterait plus le détachement de responsables syndicaux (rémunérés) à plein temps, bloquerait la retenue à la source des cotisations syndicales, abrogerait le système d’atelier syndical, n’autoriserait plus les membres du syndicat à participer aux activités syndicales durant les heures de travail (assemblée générale, réunions de représentation, comité central, comité de gestion des élections, comité de vérification, etc.) et mettrait fin aux congés d’éducation syndicale rémunérés. Elle a également déclaré qu’elle ne paierait plus les frais de fonctionnement et les factures d’électricité du bureau du syndicat. Le syndicat a réitéré ses demandes antérieures, mais la direction a refusé.
  6. 491. Conformément à l’article 32 (3) de la TULRAA, la convention collective a expiré le 6 mai 2010 (six mois après la résiliation unilatérale). Ce jour-là, la direction a ordonné aux dirigeants syndicaux détachés à plein temps de reprendre leur poste régulier, et annoncé que ceux qui refuseraient de retourner au travail seraient considérés comme absents sans autorisation et sanctionnés. Les membres du comité exécutif ont donc consacré leurs congés annuels et mensuels à la tenue de deux sessions de négociations, ce qu’ils assimilaient à une tentative de bonne foi de conclure de façon autonome un accord à l’amiable. Toutefois, la direction a négligé les négociations, invoquant les directives du gouvernement et les pressions venant «d’en haut». Le syndicat a demandé la médiation de la NLRC le 17 mai 2010, que la direction a refusée; le syndicat a donc décidé que certains responsables syndicaux feraient une grève illimitée, à partir du 24 mai.
  7. 492. Le 25 mai, la direction a bloqué la retenue des cotisations syndicales à la source, cessé de payer les frais de fonctionnement, de communication et d’électricité des locaux du syndicat, et informé ce dernier qu’elle résilierait l’abonnement de ses deux lignes téléphoniques et de son accès Internet à partir du 31 mai. Ces actions de la direction ont paralysé toute communication avec le syndicat.

    II. Directives gouvernementales restreignant les droits des travailleurs du secteur public

  1. 493. La loi de 2007 sur la gestion des institutions publiques (Act on Management of Public institutions, 2007) dispose que 286 institutions publiques seraient dorénavant sous la direction et la supervision du gouvernement (en pratique, le ministère de la Stratégie et des Finances, ci-après le «MOSF»), qui emploie principalement les «Directives de gestion» et les «Rapports d’évaluation de gestion», établis par ce dernier, ainsi que les rapports d’inspections périodiquement effectuées par la BAI, pour contrôler les institutions publiques.

    1) Directives gouvernementales

  1. 494. La loi sur la gestion des institutions publiques charge le ministère compétent d’établir des lignes directrices (les «Directives de gestion») pour l’administration de ces institutions, sur délibération et décision du Comité de gestion des institutions publiques (ci-après le «Comité de gestion»). Ces directives traitent des questions relatives à l’administration et la gestion des institutions publiques, les effectifs prescrits, la gestion des ressources humaines, l’établissement et la gestion des budgets, ainsi que d’autres thèmes.
  2. 495. Vers le mois de novembre, sur délibération et décision du Comité de gestion, le MOSF publie chaque année des directives budgétaires globales à l’intention des sociétés publiques et quasi gouvernementales, qui doivent s’y référer pour planifier leur budget de l’exercice suivant. Au début de l’année, le ministère prend également à leur intention des directives d’exécution budgétaire, en consultation avec le comité.
  3. 496. Le comité est officiellement responsable des délibérations et des décisions concernant la gestion et l’administration des institutions publiques mais, compte tenu de sa structure et de son fonctionnement dans la pratique, son rôle se borne à avaliser les décisions du MOSF.
  4. 497. La loi stipule que le comité se compose «d’au plus onze personnes, mandatées par le président sur recommandation du MOSF, et choisies dans différents domaines, y compris le droit, l’économie, les médias, le milieu universitaire, le monde du travail, etc., possédant de bonnes connaissances et de l’expérience dans la gestion et l’administration des institutions publiques, ainsi qu’une réputation d’impartialité bien établie». Toutefois, les personnes liées au monde du travail, tels les syndicalistes, en sont exclues.
  5. 498. Le comité a rarement discuté des directives pour le renforcement des institutions publiques – qui sont susceptibles d’avoir de profondes répercussions sur les conditions de travail des employés du secteur public – jusqu’au 11 août 2008, date à laquelle elles ont été annoncées. Le Sous-comité du renforcement des institutions publiques, dont les membres sont désignés par le président du Comité de gestion (soit le ministre de la Stratégie et des Finances) ne les a abordées qu’une fois.
    i) Directives budgétaires globales
  1. 499. Vers novembre, sur délibération et décision du Comité de gestion, le MOSF publie des directives budgétaires globales à l’intention des institutions publiques et quasi gouvernementales, leur donnant les grandes orientations à suivre pour l’élaboration du budget de l’exercice suivant et des lignes directrices pour les principaux postes du plan, à savoir: coûts de personnel, frais généraux, dépenses d’exploitation, financement et autres postes budgétaires, mesures concernant les travailleurs occasionnels du secteur public.
  2. 500. Le préambule des directives budgétaires globales pour 2010, annoncées le 16 novembre 2009, se lit comme suit: «Les organismes publics devront contenir leurs frais de personnel et leurs autres dépenses afin de porter leur part des difficultés de l’économie nationale, et améliorer l’efficacité de leur gestion en limitant les avantages sociaux dont bénéficie le personnel.» En conséquence, le budget des frais de personnel a été gelé en 2010, et certaines institutions financières publiques ont même dû réduire les salaires de 5 pour cent. De nombreux avantages sociaux ont été réduits ou supprimés au nom de la «rationalisation du régime d’avantages sociaux».
  3. 501. Ces directives constituent le cadre limitatif des négociations salariales dans les établissements publics, de sorte que ces négociations ne permettent aucune modification des conditions de travail. Même si le syndicat et la direction d’un établissement public convenaient de fixer les salaires à un niveau supérieur à celui prévu dans les directives, le gouvernement se fondait sur le rapport d’évaluation de gestion de la BAI pour sanctionner cet établissement, et réduire son budget.
  4. 502. Ainsi, le rapport d’audit de la BAI sur la Korea Railroad Corporation (27 août 2009) déclare que la société n’avait pas respecté les directives budgétaires globales 2007 concernant le paiement des primes, et lui demandait de les récupérer. La direction a réagi en réduisant les salaires des employés. En 2009, leur salaire de base a été réduit de 50 pour cent, ce qui, en chiffres annualisés, correspond à 9 pour cent de la masse salariale globale ou 32,8 milliards de won, soit une moyenne de 990 000 won par personne.
  5. 503. Le syndicat et la direction de la Korea Airports Corporation n’ayant pu parvenir à un accord lors des négociations salariales de 2007, le syndicat a décidé de faire grève. La NLRC a arbitré le différend et proposé une augmentation supérieure aux directives salariales alors fixées par le gouvernement (3 pour cent), que les deux parties ont acceptée. Toutefois, le gouvernement a évalué défavorablement la société dans le rapport de 2008 et, l’année suivante, les travailleurs ont dû accepter une réduction de salaire (6,8 pour cent) pour compenser l’excédent de 2007. On se trouve donc dans une situation paradoxale, où le gouvernement exige une révision des salaires et des conventions collectives, négociés grâce à l’arbitrage de la NLRC, l’organe gouvernemental le plus élevé chargé de la médiation en matière de relations professionnelles.
  6. 504. A compter du 1er octobre 2010, aucun établissement public où existait un syndicat affilié à la KPSU n’a pu convenir d’une augmentation de salaire allant au-delà du plafond fixé dans les directives sur les dépenses de personnel. Ces directives constituent donc un cadre salarial limitatif, qui lie l’ensemble du processus de négociation collective des salaires dans les organismes publics, et vide de sens les négociations salariales dans ces établissements.
    ii) Directives d’exécution budgétaire
  1. 505. Les directives d’exécution budgétaire sont également définies comme des lignes directrices de gestion dans la loi sur les institutions publiques. Le Comité de gestion a discuté et décidé des directives 2010 le 29 janvier de la même année. Ces directives générales ont pour objectif de «proposer des lignes directrices détaillées pour la bonne exécution du budget des institutions publiques».
  2. 506. Elles prescrivent les principes et normes applicables à l’exécution des principaux postes du budget, tels les dépenses de personnel et les frais généraux. Ainsi, en ce qui concerne le barème des rémunérations liées aux évaluations – sujet tombant dans la catégorie des dépenses de personnel –, les directives 2010 précisent le nombre de critères d’évaluation, les écarts de rémunération et la part correspondant à chaque critère. Evidemment, les syndicats sont complètement exclus du processus d’élaboration de ces critères.
  3. 507. En outre, les directives 2010 prévoient ce qui suit: «Les établissements publics, dont la structure ou les effectifs ont été modifiés par suite d’une fusion, d’une redéfinition des fonctions ou d’une rationalisation, doivent mettre en œuvre les politiques budgétaires en consultation avec les organismes compétents et le ministre de la Stratégie et des Finances», ce qui implique que la direction des entreprises publiques doit consulter le MOSF sur un grand nombre de questions qui ont de profondes répercussions sur les conditions de travail.
  4. 508. Quant aux avantages sociaux, les lignes directrices vont jusqu’à prévoir des normes pour les débours du Fonds de prévoyance des employés. Elles disposent en outre que: «Toute forme de congé autre que les congés payés annuels garantis par la loi sur les normes du travail est interdite; les congés non utilisés ne peuvent faire l’objet d’une compensation monétaire.»
    iii) Plan gouvernemental pour le renforcement des institutions publiques
  1. 509. Le gouvernement a annoncé en juillet 2008 qu’il allait réformer les sociétés publiques dans le cadre de son «Plan de renforcement des sociétés publiques». La première série détaillée de réformes a été publiée le 11 août 2008, et la sixième et dernière le 31 mars 2009. Le plan prévoyait que 24 organisations seraient privatisées en tout ou en partie, que 41 organismes gouvernementaux seraient regroupés en 16 entités, et que des ajustements fonctionnels seraient apportés à certains autres. Le gouvernement a également réduit le budget et les effectifs d’autres agences non visées par ce programme de restructuration. En conséquence, 129 organismes ont licencié quelque 22 000 travailleurs, soit 12,7 pour cent de leur effectif total.
  2. 510. Au terme de la sixième série de réformes, les autorités ont révélé la deuxième phase du plan, comportant trois volets, intitulés: «Une triple rupture», «Amélioration des relations professionnelles» et «Des services publics de qualité». L’expression «triple rupture» renvoyait à la nécessité de réformer trois volets du fonctionnement des institutions publiques (les niveaux de salaire, la nomenclature des postes et la structure des entreprises publiques) qui, selon le gouvernement, étaient surdimensionnés par rapport à leur productivité réelle afin de s’attaquer à la gestion laxiste des entreprises publiques, qui était source de vives critiques de la part du public concernant les emplois confortables dans ces organismes publics, familièrement appelés «emplois tombés du ciel». Le plan d’amélioration des relations professionnelles visait pour sa part à transformer et rationnaliser le régime de relations professionnelles du secteur public, de manière à en faire un exemple pour le reste de la société. Par la suite, les directives sur la gestion des organisations publiques, décrites ci-après, ont élargi les critères employés pour la «promotion» ou la «rationalisation» des relations professionnelles.
  3. 511. Tous ces programmes auraient manifestement de profondes répercussions sur les conditions de travail des employés du secteur public, mais le gouvernement n’a jamais consulté les syndicats, et les représentants des travailleurs n’ont jamais eu la possibilité de faire valoir leur point de vue durant le processus. Le gouvernement a interdit les actions collectives des syndicats pour protester contre la détérioration des conditions de travail qui résulterait de la mise en œuvre du plan de renforcement des institutions publiques et des mesures répressives qu’il comporte, comme ce fut le cas à la société KORAIL.
  4. 512. En avril 2009, le ministère du Travail a analysé les conventions collectives des institutions publiques et proposé des «programmes d’amélioration» à cet égard. L’analyse portait sur les «conditions de base des conventions collectives, en vue d’une rationalisation des relations professionnelles»; ces conditions ont été regroupées en 21 articles, répartis sous quatre rubriques (adhésion syndicale et protection des activités syndicales; restrictions aux droits des syndicats sur les questions de personnel et les droits de gestion; salaires et autres conditions de travail; négociation collective et différends du travail). Chacun de ces éléments a été évalué sur une échelle de cinq points (de «très mauvais» à «très rationnel»). L’analyse du ministère considère généralement les clauses favorables aux employeurs comme «rationnelles», et celles qui garantissent les activités et droits syndicaux comme «irrationnelles». Par exemple, le document interprète une clause obligeant la direction à obtenir le consentement du syndicat, ou à le consulter, pour toute modification concernant les changements de statut professionnel des dirigeants syndicaux, comme une atteinte aux droits de l’employeur en matière de gestion du personnel. En outre, l’analyse présente la participation des syndicats à la gestion des activités (c’est-à-dire la participation des responsables syndicaux aux réunions de gestion) comme une pratique irrationnelle, mais considère en revanche que la participation active de l’employeur aux réunions des représentants syndicaux est une pratique exemplaire. L’analyse qualifie également d’institution irrationnelle un comité sur la sécurité d’emploi comprenant un nombre égal de représentants des travailleurs et de la direction, au motif que cela viole les droits de l’employeur en matière de gestion du personnel, bien que ce comité soit chargé des questions relatives aux changements de statut professionnel des syndiqués. Le ministère du Travail a mené l’analyse afin de modifier les «clauses irrationnelles» des conventions collectives des entreprises publiques et organisations quasi gouvernementales, et a proposé que les critères de l’analyse soient employés pour évaluer la gestion des institutions publiques.
  5. 513. En outre, le MOSF a obligé les organismes gouvernementaux à présenter un rapport mensuel sur la mise en œuvre de la réforme des conventions collectives dont ils ont la charge, notamment en ce qui concerne les relations professionnelles, leur demandant même d’établir un tableau comparatif présentant la situation avant et après la révision, en ce qui concerne quatre rubriques (politique du personnel et droits de la direction; activités syndicales et avantages sociaux; négociation collective; grève). En outre, le gouvernement a contraint les institutions à dresser une liste des clauses «préjudiciables» (c’est-à-dire portant atteinte aux droits de la direction en matière de personnel et de gestion) en vue de leur révision.
  6. 514. Le ministère du Travail a également analysé les conventions collectives des instituts de recherche financés par des fonds publics, sous les auspices du bureau du Premier ministre; en avril 2009, il a publié son rapport, qui recommandait des mesures d’amélioration. Le ministère a examiné les conventions collectives de 18 institutions sur 23, où existait un syndicat, et les a classées en cinq catégories. Le bureau du Premier ministre a convoqué une réunion des directeurs des établissements, leur a fait part des résultats et leur a ordonné de réviser les dispositions «irrationnelles» des conventions collectives favorables aux syndicats. Après cette réunion, l’Institut coréen du travail et l’Institut coréen de la recherche pour la formation et l’enseignement professionnels ont résilié unilatéralement les conventions collectives; l’Institut maritime coréen a annulé la convention, qui n’était pas encore parvenue à son terme.
  7. 515. Le plan de renforcement des institutions publiques était axé sur la «promotion» des relations professionnelles, mais cela signifiait en réalité l’affaiblissement des syndicats, comme l’illustrent les déclarations antisyndicales du gouvernement. Ce dernier a souligné l’importance qu’il attachait à la mise en place d’un nouveau type de relations professionnelles. Il a aussi rappelé que, les institutions publiques étant des organisations gouvernementales et non des établissements privés, leurs employés syndiqués n’avaient pas le droit de s’opposer aux politiques gouvernementales; s’ils le faisaient malgré tout, les directeurs des établissements publics ne devraient pas tolérer cette attitude irresponsable. Le gouvernement a publiquement condamné les syndicats d’établissements publics qui contestaient le plan de renforcement, déclarant: «Les agents publics qui manifestent dans la rue et placardent sur les murs des affiches antigouvernementales ne sauraient être habilités à exercer leurs fonctions.» Après la répression de la grève menée par le KRWU, les autorités ont choisi la société KORAIL comme projet pilote pour la mise en œuvre du Plan de renforcement des institutions publiques.
  8. 516. Enfin, l’organisation plaignante fournit des informations détaillées, par période, sur la mise en œuvre du plan de renforcement. Elle signale notamment que la deuxième phase du plan (mai-novembre 2009) visait la restructuration des institutions publiques, de manière que soient éliminés, entre autres, les risques de faillite, la faible productivité, les syndicats militants et l’indiscipline. Le plan comportait diverses mesures, dont un examen de l’état des relations professionnelles par la BAI, qui était chargée d’établir des normes «incontournables», de recommander le cas échéant le licenciement des directeurs dont la gestion serait jugée insatisfaisante et d’effectuer une première inspection des relations professionnelles dans ces établissements.
  9. 517. Quant à la «promotion des relations professionnelles» durant la deuxième phase du plan, l’organisation plaignante indique que le gouvernement projette: i) de mettre en œuvre des «normes minimales» d’évaluation des directeurs d’établissements en matière de relations professionnelles; ii) d’inclure spécifiquement la «promotion des relations professionnelles» dans la grille d’évaluation des directeurs des institutions publiques, qui devraient commencer à examiner les barèmes de salaire, les droits aux congés, les avantages sociaux et les activités syndicales (facilités accordées aux syndicats, nombre de responsables syndicaux à plein temps, participation des syndicats aux processus de gestion et aux mesures de restructuration); et iii) de détériorer les relations professionnelles dans les institutions publiques, sous couvert de leur «renforcement», avant les changements censés intervenir en 2010 (interdiction du détachement de responsables syndicaux à plein temps, payés par l’entreprise).

    2) Evaluation des directeurs des institutions publiques

  1. 518. L’évaluation de la gestion des directeurs d’institutions publiques est l’outil le plus fréquemment employé pour contrôler ces établissements. Les critères d’évaluation sont définis en fin d’année. En mars ou en avril, les organismes publics reçoivent les résultats d’évaluation de leur gestion de l’année précédente, conformément à la loi sur les institutions publiques. Ces rapports d’évaluation des institutions et de leurs directeurs sont soumis à un groupe désigné à cette fin (le Comité d’évaluation). L’ensemble du processus d’évaluation doit être complété le 20 juin, après délibération et décision du Comité de gestion. Les institutions publiques sont récompensées – ou sanctionnées – en fonction de leurs résultats, et leur allocation budgétaire est définie en conséquence. Les directeurs d’institutions qui présentent de mauvais résultats sont passibles de licenciement.
  2. 519. Le Comité d’évaluation 2010, chargé des évaluations de rendement pour l’année 2009, se composait de 55 membres en ce qui concerne l’évaluation des directeurs d’institution et de 130 membres pour l’évaluation des institutions elles-mêmes. Le comité constitué pour l’année 2005, alors que la loi sur les institutions publiques n’avait pas encore été adoptée, comprenait quelques membres ayant des liens avec le monde du travail, mais il n’en comporte plus aucun depuis l’entrée en vigueur de la loi. Les critères d’évaluation concernent notamment l’établissement de relations professionnelles harmonieuses, rubrique qui compte pour plus de 20 pour cent dans l’évaluation des directeurs d’établissement. Cependant, aucun expert en relations professionnelles, ni de personnalité du monde du travail, n’est présent au comité. Aucune explication n’a été fournie sur les critères que ces personnes non spécialisées emploient pour évaluer les relations professionnelles en toute équité.
  3. 520. Les critères d’évaluation des organismes publics sont décrits dans le Manuel d’évaluation de la gestion des institutions publiques et quasi gouvernementales, qui est publié à la fin de l’année précédant la période d’évaluation. Le manuel de 2009 comprend trois catégories – leadership/stratégie; système de gestion; qualité de la gestion –, auxquelles sont attribués des ratios de 18/32/50 pour les institutions publiques et de 18/37/45 pour les institutions quasi gouvernementales. La catégorie «leadership/stratégie» se subdivise en leadership et plans d’action directeurs, tandis que la catégorie «qualité de la gestion» comprend les principales activités de l’institution et l’efficacité de la direction. La rubrique «qualité de la gestion», qui compte pour 17 points, inclut l’organisation et la gestion des ressources humaines, la gestion des rémunérations, la rationalisation des relations professionnelles, la qualité du système de gestion, le renforcement des institutions publiques et la rationalisation de l’organisation. La rubrique «qualité de la gestion» se subdivise en trois sous-catégories: réalisations majeures, satisfaction de la clientèle et résultats obtenus grâce aux mesures de rationalisation.
  4. 521. S’agissant des critères concernant l’évaluation de l’organisation et du leadership en matière de relations professionnelles, l’organisation plaignante met en rapport les rubriques «Renforcement des institutions publiques» et «Promotion des relations professionnelles» avec celle portant sur «l’évaluation de la rationalité des relations professionnelles»; cette dernière est effectuée en examinant: si la gestion des relations professionnelles et la coopération patronale-syndicale sont légales et rationnelles; s’il existe une bonne communication entre le syndicat et la direction afin d’aboutir à des consensus; si tous les efforts voulus sont déployés pour renforcer la capacité de gestion des relations professionnelles; si les clauses de la convention collective sont rationnelles; et si des efforts sont faits pour les améliorer.
  5. 522. La directive intitulée «Critères d’évaluation de la mise en œuvre du plan», publiée sur délibération et décision du Comité de gestion, précise également les critères d’évaluation des résultats obtenus par les directeurs d’institution. Selon cette directive, le directeur de chaque organisation doit soumettre en début d’année un plan de gestion au gouvernement et présenter un bilan d’exécution à la fin de l’année, après quoi il reçoit son évaluation. Dans la directive 2009, les points attribués à la rubrique «relations professionnelles» ont augmenté, passant à 20 points, tout comme la «qualité de la gestion», qui compte également pour 20 points. Cette nouvelle rubrique englobe des questions – traitées distinctement auparavant – qui ont de profondes répercussions sur les conditions de travail (y compris la modification du système de rémunération, la réduction des effectifs, les ajustements organisationnels suite aux fusions, la privatisation et les programmes de stage pour les jeunes).
  6. 523. S’agissant spécifiquement de la «Promotion des relations professionnelles» dans le cadre de l’évaluation des directeurs d’établissement faite en 2009, l’organisation plaignante formule notamment les observations suivantes:
    • i) dans la rubrique «Les relations patronales-syndicales sont-elles rationnelles et légales?»:
      • – les critères employés pour évaluer les efforts déployés pour établir des relations professionnelles rationnelles comprennent: la rectification des relations professionnelles irrationnelles; la rationalisation de l’organisation et de la gestion du personnel; la protection des droits de la direction en cas de différend du travail; les efforts déployés et les résultats obtenus dans l’harmonisation des relations professionnelles suite aux conflits du travail; les préparatifs effectués par la direction en vue des négociations collectives à venir; les efforts déployés pour conclure des conventions collectives par la voie de la négociation (négociations de bonne foi et autres actions);
      • – les critères employés pour évaluer les efforts déployés quant aux aspects juridiques des relations professionnelles comprennent: l’adhésion stricte aux principes établis, face aux demandes indues des organisations syndicales, y compris les clauses non négociables des conventions collectives; l’attitude ferme de la direction lors des différends illégaux, et le suivi approprié; les pratiques déloyales de travail de la part de l’employeur; le maintien excessif des clauses de la convention précédente (accords particuliers et accords paritaires); et les accords confidentiels;
    • ii) dans la rubrique «Existe-t-il une communication appropriée entre le syndicat et la direction, en vue d’aboutir à des consensus?»:
      • – les critères employés pour évaluer les mesures prises par les directeurs d’établissements en matière de communication comprennent: les visites sur place; la collecte des opinions; l’établissement de canaux directs de communication entre le syndicat et la direction afin de résoudre les différends en suspens, ainsi que les résultats obtenus à cet égard; les mesures prises pour établir la coopération et le dialogue entre la direction et le syndicat;
      • – les critères employés pour évaluer les efforts visant à créer des canaux individuels de communication entre la direction et les travailleurs comprennent: l’établissement de canaux individuels de communication avec les syndiqués; les efforts déployés pour recueillir leur opinion sur des thèmes importants; et les sondages menés sur les principaux plans d’action; et
      • – les critères employés pour évaluer les efforts visant à créer des canaux collectifs de communication comprennent les mesures prises pour inciter les syndicats à développer une attitude positive à l’égard des activités de l’entreprise, et appuyer ces organisations;
    • iii) dans la rubrique «Les conditions de la convention collective sont-elles rationnelles, et quels efforts sont faits pour les améliorer?»:
      • – les critères employés pour évaluer le mode de fonctionnement du syndicat et le soutien devant lui être apporté comprennent: le droit syndical (postes admissibles à l’adhésion syndicale, normes écrites pour les travailleurs non admissibles, droit syndical des travailleurs licenciés, etc.); les activités syndicales pendant les heures de travail (processus d’approbation, portée et fréquence des activités approuvées, etc.); le droit à la formation syndicale pendant les heures de travail (objets, type et durée de la formation, etc.); la question des dirigeants syndicaux détachés à plein temps (nombre de syndiqués et de dirigeants syndicaux à plein temps; opportunité d’autoriser les dirigeants syndicaux à travailler pour des organisations faîtières; approbation de dirigeants supplémentaires; traitement réservé aux dirigeants à plein temps; etc.); les règles de personnel applicables aux dirigeants syndicaux (consultation avec le syndicat, etc.); la question des facilités et équipements fournis au syndicat pour son fonctionnement (liste des facilités et équipements fournis, soutien administratif, coûts d’entretien, coûts des événements syndicaux, coûts du personnel de soutien, etc.); la communication d’informations au syndicat (communication de renseignements personnels, droit de rejeter les demandes d’information, renseignements protégés, etc.);
      • – les critères employés pour évaluer le droit d’intervention du syndicat dans les questions de personnel et les droits de la direction comprennent: le fonctionnement de l’institution (consultation avec le syndicat sur les mesures de réorganisation); l’affectation du personnel et les mutations (interdiction des rencontres ou consultations particulières avec les syndicats, participation des dirigeants syndicaux aux entrevues de recrutement, consentement du syndicat aux mutations régulières de personnel, etc.); les promotions, les évaluations de rendement, les récompenses (participation du syndicat au comité d’examen des promotions, aux évaluations du personnel, ou au processus de recommandation des bénéficiaires de récompenses, etc.); la question des réprimandes (restrictions à l’exercice du droit disciplinaire de la direction; participation du syndicat au comité de discipline; pertinence des procédures de redressement en cas de mesure disciplinaire injuste; restrictions au licenciement de syndiqués reconnus coupables en raison de leurs activités syndicales; etc.); restrictions aux droits de gestion (consultation avec le syndicat sur les transferts de chantiers, l’investissement outre-mer et autres);
      • – les critères employés pour évaluer les conditions de travail (salaires, retraite, congés, etc.) et la justification de la protection accordée aux travailleurs en cas de grève comprennent: les niveaux de rémunération; la retraite et les congés; la protection des grévistes et la responsabilité suite aux grèves; les mesures prises suite aux grèves (y compris le principe «pas de travail, pas de salaire», et la réintégration indue des travailleurs licenciés).
    iv) Prise en compte des relations professionnelles dans l’évaluation de la direction des institutions publiques
  1. 524. Les critères retenus pour évaluer les «relations professionnelles harmonieuses» démontrent clairement que la méthode d’évaluation de la direction des institutions est hostile aux syndicats. Le document intitulé «Critères d’évaluation communs (2008) pour les sociétés publiques et les organisations quasi gouvernementales» expose les critères permettant de définir la notion de «relations professionnelles harmonieuses», qui servent à «évaluer les efforts déployés pour promouvoir les relations professionnelles»; ils sont classés sous six rubriques, comportant elles-mêmes plusieurs listes de contrôle. Par exemple, la liste de contrôle de la rubrique «Droit syndical» traite de plusieurs aspects liés à ce thème: organisation faîtière, pluralisme syndical, droit des employés de se syndiquer, pourcentage de travailleurs syndiqués et précompte syndical. La rubrique «Nombre approprié de dirigeants syndicaux à plein temps» mentionne qu’il convient d’analyser si «le nombre et le pourcentage de dirigeants syndicaux à plein temps sont appropriés par rapport à l’effectif total du syndicat». Le fait que ces critères exigent de procéder à une évaluation de l’organisation faîtière, du droit à l’adhésion syndicale et du taux de syndicalisation révèle l’intention cachée du gouvernement, à savoir s’ingérer dans les activités syndicales. La formulation de certaines rubriques révèle que le gouvernement considère même que certaines clauses des conventions collectives posent problème; ainsi, dans la rubrique «Convention collective et droits de la direction», on relève la mention suivante: «Il s’agit ici d’analyser dans quelle mesure la convention collective compromet la flexibilité de l’institution et les droits de gestion.»
  2. 525. Dans les rubriques «Promotion des relations professionnelles» et «Relations professionnelles harmonieuses», le Comité d’évaluation ne cache pas son intention de transformer le système collectif de relations professionnelles actuellement en vigueur en un régime individuel centré sur l’institution. Les suggestions du Comité d’évaluation nient fondamentalement l’autonomie des relations professionnelles dans les institutions publiques. L’organisation plaignante mentionne quelques exemples de conclusions du comité sur la base de ces critères: «certaines organisations ont perdu de leur flexibilité fonctionnelle à cause du régime de relations collectives de travail; … les avantages sociaux sont excessifs dans certaines institutions; … certaines clauses des conventions collectives peuvent porter atteinte aux droits de gestion; … la plupart des institutions ne respectent pas les directives gouvernementales sur le nombre de dirigeants syndicaux à plein temps; … certaines institutions éprouvent des difficultés à mettre en œuvre des relations professionnelles rationnelles et mutuellement bénéfiques; … certaines conventions collectives autorisant expressément les syndicats à intervenir dans la gestion ou la politique du personnel des institutions devraient être amendées; … les augmentations salariales obtenues par la voie de la négociation collective, mais excédant les lignes directrices gouvernementales, doivent être interdites; … certains syndicats ont plus de dirigeants à plein temps que nécessaire, et bénéficient d’un soutien excessif de la part de l’employeur; etc.»
  3. 526. Le rapport d’évaluation insiste sur le fait que les syndicats devraient s’affranchir de l’influence des organisations faîtières pour mettre fin au régime collectif de relations professionnelles. Par exemple, le rapport juge essentiel que les syndicats négocient dans un esprit d’ouverture, sans intervention d’un syndicat de rang supérieur. Le rapport soutient également que le gouvernement doit contrôler les institutions au moyen de directives très strictes, et fait état de changements importants intervenus à cet égard:
    • i) les salaires ne sont plus discutés à la table de négociation; le nombre et la durée des négociations sur ce point ont été réduits parce que les possibilités de changement par voie de négociation collective sont très limitées, les taux d’augmentation ne pouvant pas dépasser la limite fixée par les directives gouvernementales;
    • ii) la situation des relations professionnelles s’est généralement améliorée, mais cela est plus dû à un encadrement plus strict des relations collectives de travail par les lignes directrices gouvernementales qu’à une amélioration de la gestion des relations professionnelles de la part des employeurs. En ce sens, la «promotion» des relations professionnelles envisagée par le rapport renvoie en fait à un affaiblissement des syndicats.
  4. 527. Enfin, l’organisation plaignante fournit des exemples de rubriques contestables dans les rapports d’évaluation de la direction des institutions. Ces rapports:
    • i) décrivent les activités syndicales légitimes et d’intérêt public comme du militantisme syndical et qualifient les demandes syndicales d’exigences excessives, notamment:
      • – KORAIL: «La direction a refusé les demandes excessives du syndicat et s’en est strictement tenue aux principes existants. Il s’agit d’un cas exemplaire, la direction de la société KORAIL ayant contraint le syndicat à mettre fin à une grève en se ralliant l’opinion publique face au différend, grâce à un travail minutieux en amont et à une bonne stratégie de relations publiques ... La direction s’est efforcée de remédier aux problèmes identifiés par le gouvernement dans le précédent rapport d’évaluation: protéger les droits de la direction en matière de gestion du personnel; contrôler les conflits du travail illégaux déclenchés par le syndicat; réduire le nombre de dirigeants syndicaux détachés à plein temps, en développant le dialogue, et négociation par une augmentation du nombre de réunions paritaires ... Il subsiste toutefois une impasse en ce qui concerne l’indépendance financière du syndicat, la rémunération maximale et les pensions de retraite. De plus, même si la direction a obtenu (grâce à la négociation collective et aux réunions en comité paritaire) la suppression de dix détachements de dirigeants syndicaux à plein temps, il en reste actuellement 55, soit plus que le nombre approprié (21) compte tenu de la taille du syndicat.»
      • – KOGAS: «La direction a abandonné son approche traditionnelle de compromis dans la gestion des relations professionnelles, s’en tenant strictement aux principes établis, fondés sur la loi et l’ordre; elle a rapatrié au siège social l’essentiel des relations professionnelles, auparavant décentralisées au niveau local. La direction cherche à communiquer directement avec les employés ... Compte tenu de la situation, la direction n’avait d’autre choix que d’adhérer aux principes et aux règles établis, parce que son syndicat est exceptionnellement militant par rapport aux autres syndicats des institutions publiques. Par exemple, la direction a strictement appliqué le principe «pas de travail, pas de salaire» aux employés qui exerçaient des activités syndicales durant leurs heures de travail. Quant aux activités illégales du syndicat (qui a notamment interrompu l’assemblée générale des actionnaires et empêché le président légitimement nommé de la société d’entrer dans son bureau), la société a pris des mesures cohérentes fondées sur les principes établis: dépôt d’une plainte pour dommages-intérêts, dépôt d’une requête interdisant l’entrave à l’activité économique, dépôt d’une plainte pénale et envoi d’une réprimande aux personnes concernées.»
    • ii) obligent les employeurs à réagir face à la participation des syndicats aux activités de la KCTU et des syndicats sectoriels:
      • – Incheon International Airport Corporation: «... le syndicat ayant choisi de s’affilier à une nouvelle organisation faîtière, il faut s’attendre à ce que ses orientations politiques changent radicalement. La direction doit en tenir compte afin de maintenir l’efficacité du nouveau plan directeur de relations professionnelles.»
      • – Korea Electrical Safety Corporation: «Il conviendrait de conclure dès que possible une nouvelle convention collective, celle-ci ayant été différée en raison de la nomination du nouveau directeur de l’institution, et du rejet (par la KPSU) de la demande d’une organisation de rang supérieur, qui souhaitait la tenue de négociations sectorielles, et de convenir du principe de négociation individuelle afin de pouvoir établir une culture de coopération, mutuellement bénéfique.»
    • iii) énoncent ou exigent une déclaration conjointe sur la coopération patronale-syndicale ou l’avancement des relations professionnelles:
      • – National Health Insurance Corporation: «... les mesures susceptibles d’encourager la confiance et la coopération entre la direction et les syndicats, telles une “déclaration de coopération patronale-syndicale” ou “une déclaration conjointe patronale-syndicale”, n’existent pas.»
      • – Sports Promotion Foundation: «Dans une déclaration conjointe, publiée le 12 août, la Fondation, le syndicat et son organisation faîtière ont exprimé leur intention de contribuer à l’amélioration de la gestion par la coopération et les accords paritaires, d’améliorer le système par des consultations entre la direction et le syndicat, et de mettre en place un système de gestion efficace par le biais d’un comité mixte de gestion.»
    • iv) insistent sur la conclusion de conventions collectives sans négociations, ou octroient le pouvoir de négociation à la direction, en particulier:
      • – Sports Promotion Foundation: «Il n’y a pas eu de conflit du travail dans cette institution depuis dix-neuf ans. La convention collective de 2008 et l’accord salarial ont été conclus sans négociations, et la durée des négociations sur les salaires a également duré moins longtemps que l’année précédente.»
      • – Korea District Heating Corporation: «Comme elle l’avait fait l’année précédente, la société a conclu l’accord salarial de 2008 sans négociations, conformément au barème fixé par les directives salariales du gouvernement, ce qui reflète la coopération existant dans les relations patronales-syndicales.»
    • v) exigent l’insertion de clauses spécifiques concernant la promotion des relations professionnelles, ou l’amélioration de la gestion, ou les qualifient de réalisations positives:
      • – Korea Cadastral Survey Corporation: «... des dispositions posant problème ont été identifiées dans la convention collective: ... obligation de consulter le syndicat pour l’adoption d’un système de rémunération annualisée; ... interdiction des baisses de salaire; la direction ne peut pas baisser les salaires si elle mute un syndiqué, modifie le système de rémunération (annualisation, etc.) ou réduit la durée du travail, si la productivité baisse, si l’institution est mal gérée, ou pour toute autre raison, sans le consentement du syndicat, ou sans motif valable. Ces dispositions peuvent entraver la promotion de relations professionnelles et la rationalisation de l’institution ... La direction et le syndicat devraient réexaminer la pertinence de ces clauses, et trouver des solutions raisonnables.»
      • – Korean National Pension Service: «L’inspection menée l’année précédente a montré que la convention collective contenait des dispositions (par exemple sur la sécurité d’emploi) qui violent les droits de gestion et nuisent à la flexibilité de l’institution. Ces clauses n’ont pas encore été modifiées cette année, et la société ne se conforme pas aux directives gouvernementales sur le nombre de dirigeants syndicaux détachés à plein temps. Le contenu de la convention collective doit être amélioré et la période de négociation collective ajustée...»
      • – Sports Promotion Foundation: «La direction a supprimé trois clauses de la convention collective contraires aux droits de la direction en matière de gestion du personnel et s’est efforcée de se conformer aux directives gouvernementales.»
  5. En conclusion, l’évaluation (menée en 2009) des résultats obtenus en 2008 par la direction des institutions s’est focalisée sur leur renforcement et l’amélioration de l’efficacité de la gestion. Seize des 19 institutions «bien notées» ont obtenu de bons résultats en ce qui concerne la réduction des effectifs, l’ajustement des rémunérations et l’amélioration des relations professionnelles, et huit des 11 institutions «mal notées» ont obtenu de mauvais résultats dans ces catégories. Cela signifie que le gouvernement a employé le processus d’évaluation comme levier pour faire baisser les effectifs et les salaires, ainsi que pour détériorer les relations professionnelles dans toutes les institutions publiques. En outre, la moitié de l’évaluation de l’année 2010 portait sur la promotion des relations professionnelles. Ainsi, le ministère de la Stratégie et des Finances a instrumentalisé ce processus pour s’ingérer de manière déloyale dans les relations patronales-syndicales au sein des organismes publics, qui devraient être gérés de façon autonome par les syndicats et la direction.

    3) Inspections de la Commission d’audit et de contrôle (BAI)

  1. 528. La BAI effectue des inspections régulières des institutions publiques au moins une fois tous les trois ans. Elle examine la manière dont elles gèrent leur personnel et leur budget, et prend diverses mesures en fonction des résultats constatés: demandes de rectification ou d’amélioration, conseils sur les questions de personnel et de budget, voire dépôt d’accusations auprès des autorités de surveillance. Ces mesures de suivi constituent l’un des meilleurs outils de contrôle des institutions publiques à la disposition du gouvernement. En outre, ce dernier s’est servi des inspections effectuées par la BAI dans les institutions publiques pour préparer des fusions et des compressions de personnel dans les organisations publiques et quasi gouvernementales, et jeter les bases d’une restructuration rationnelle du secteur public.
    i) Inspection en vue du renforcement des institutions publiques (2008)
  1. 529. En 2008, la BAI a effectué une tournée générale d’inspection dans les entreprises publiques et les organisations quasi gouvernementales, invoquant la nécessité «d’améliorer l’efficacité de leur gestion». Elle a conclu que certaines d’entre elles devaient être privatisées, que d’autres devaient se réorganiser ou éliminer des postes, être intégrées au sein d’une société mère, voire liquidées purement et simplement. En entamant sa tournée générale d’inspection, la BAI a déclaré qu’elle entendait mettre en œuvre la politique gouvernementale de renforcement des institutions publiques de tous les gouvernements locaux, et que cette initiative visait à permettre au gouvernement central de fusionner, privatiser et rationaliser les sociétés publiques locales.
  2. 530. En 2008, la BAI a inspecté toutes les institutions publiques, sauf celles qui avaient été auditées durant la deuxième moitié de l’année 2007, soit une tournée d’inspection sans précédent quant à sa portée et au nombre d’institutions inspectées. Au cours du processus, les vérificateurs ont exhorté les organisations faisant l’objet d’une inspection à prendre volontairement des mesures de restructuration.
  3. 531. La BAI a lancé cette tournée d’inspection afin de contrôler les institutions publiques. La liste de contrôle comportait plus de 300 points, dont environ 100 concernaient la gestion du personnel, environ 100 les relations professionnelles et 70 à 80 les questions de personnel ayant un lien direct avec les activités syndicales. Les vérificateurs ont employé la liste de contrôle pour enquêter sur les activités syndicales et sur le droit syndical des travailleurs, ce qui a entraîné la résiliation de certaines conventions collectives ou l’arrêt de négociations collectives alors en cours.
    ii) Suivi de la mise en œuvre du Plan de renforcement des institutions publiques (2009)
  1. 532. Le 4 février 2009, la BAI a annoncé qu’un plan d’inspection serait lancé au premier semestre 2009, prévoyant qu’un organe nouvellement créé, le Département de l’inspection des institutions publiques, serait chargé de surveiller la mise en œuvre de la politique de renforcement des institutions publiques. Le plan visait en particulier «à examiner les cas de gestion laxiste afin d’améliorer la gestion des institutions publiques ... à contrôler la mise en œuvre du Plan de renforcement … et à effectuer des contrôles dans les organisations où les syndicats s’ingèrent indûment dans les activités de la direction, comptant un nombre excessif de dirigeants syndicaux détachés à plein temps, et où existent des accords secrets entre le syndicat et la direction.» Ce faisant, la BAI désignait les syndicats comme principal obstacle à la réforme des institutions publiques, ce que révèle clairement un document intitulé «Orientations à suivre pour les futurs contrôles en vue du renforcement des sociétés publiques locales». Ce document invite l’organe de contrôle à appliquer aux sociétés publiques locales les mêmes principes que ceux qui avaient été employés pour les institutions publiques centrales afin de s’assurer que les institutions locales respectent strictement les principes juridiques établis, fondés sur la loi et la réglementation. Toutefois, la BAI devant s’intéresser à toutes les causes de gestion laxiste prétendument dues aux syndicats dans les sociétés publiques, la «loi et la réglementation» signifient en fait l’affaiblissement des syndicats, qui constituent un obstacle potentiel à la «réforme».
  2. 533. Selon les organisations plaignantes, la BAI a identifié comme motifs de gestion laxiste: i) les entorses à l’éthique de la part de la direction (abus de droit en matière de gestion du personnel, par exemple emploi illicite, attitude tolérante face aux carences professionnelles et aux activités illégales des syndicats, etc.), et a recommandé de licencier ou de remplacer les cadres coupables de telles pratiques; ii) certaines pratiques illégales de relations professionnelles (violations des droits de gestion, augmentations salariales illégales au moyen d’accords secrets, etc.), et a offert son aide pour normaliser les relations de travail, conformément à la loi; iii) la complaisance des gouvernements locaux face à certaines pratiques (fonctionnaires retraités occupant des postes de direction, ou «parachutes dorés»; discipline laxiste durant des périodes prolongées; tolérance à l’égard des pratiques illégales en matière de relations professionnelles; etc.), et a recommandé d’identifier et de réprimander les responsables du contrôle et de la supervision des institutions en cause.
    iii) Audit (2009) de la société Korea Railroad Corporation (KORAIL)
  1. 534. Les abus de pouvoir et les pratiques d’audit illégales de la BAI ressortent manifestement de son rapport d’audit de la société KORAIL, publié le 27 août 2009. La BAI y mentionne que la société avait payé des primes excédentaires aux employés en 2007, en violation des directives budgétaires applicables aux institutions financées par des fonds publics, alors que les travailleurs de KORAIL n’ont jamais demandé de prime spéciale cette année-là. En fait, lors des négociations collectives de 2007, le syndicat avait uniquement demandé un rattrapage salarial parce que les salaires des travailleurs de KORAIL étaient inférieurs à ceux des travailleurs d’autres sociétés publiques. Un ajustement monétaire semblable avait déjà été convenu entre la direction, le gouvernement et le syndicat en 2005 lorsque la Korea National Railroad était devenue la Korea Railroad Corporation. En 2007, toutefois, le ministère a unilatéralement informé le syndicat qu’il ne donnerait pas suite à cet accord, en invoquant les directives gouvernementales concernant la rémunération liée au rendement. Une fois achevées les négociations collectives de 2007, la direction a décidé de verser des primes spéciales, représentant 50 pour cent de la rémunération initiale des travailleurs. La BAI en a pris acte dans son évaluation de la société pour l’année 2007, dont elle a publié les résultats en 2008. Toutefois, deux ans plus tard, l’organe de contrôle a soudainement demandé à KORAIL de rectifier la situation, de telle sorte que le salaire de base des travailleurs s’est trouvé amputé de 50 pour cent en 2009. L’organisation plaignante conclut que, lors de cette inspection, la BAI a considéré que les relations patronales-syndicales autonomes contrevenaient aux lignes directrices et directives gouvernementales.
    iv) Audit spécial sur la mise en œuvre du Plan de renforcement des institutions publiques (2010)
  1. 535. En juillet 2010, la BAI a annoncé qu’elle mènerait des inspections sur les progrès accomplis dans le cadre de la politique de renforcement des institutions publiques, ce qu’elle a fait dans 132 établissements, où elle a évalué les «plans de renforcement et leur état d’avancement» ainsi que «la gestion des questions syndicales et le soutien donné aux organisations de travailleurs». Le 20 août 2010, la BAI a annoncé les résultats des inspections, qui portaient sur cinq thèmes: gouvernance d’entreprise, progrès réalisés dans la mise en œuvre du «Plan de renforcement»; promotion des relations professionnelles; frais de personnel; avantages sociaux. Ces inspections couvraient donc l’ensemble des conditions de travail et des relations professionnelles, y compris le contenu des conventions collectives, la participation des syndicats aux décisions concernant les conditions de travail, et même le droit d’adhésion syndicale des travailleurs.
  2. 536. La BAI a considéré que l’adhésion syndicale des chefs de département, qui, selon elle, appartenaient à la catégorie des employeurs, constituait un problème. Elle fonde ses arguments quant au droit syndical de ces employés sur l’article 2.2 de la TULRAA, qui définit le terme «employeur» comme toute personne agissant au nom de la direction d’une entreprise en ce qui concerne les questions relatives aux travailleurs. La BAI soutient que «la direction a investi les chefs de département de l’autorité et de la responsabilité pour la détermination des conditions de travail des employés». Elle cite également l’article 2.4 de la TULRAA, qui stipule: «Ne peut être considérée comme syndicat une organisation qui admet en ses rangs un employeur ou d’autres personnes qui représentent toujours les intérêts de l’employeur.» La BAI cite en exemple le cas d’une société qui, grâce à la révision de la convention collective, a privé six inspecteurs de troisième grade du droit de se syndiquer. Toutefois, comme le confirme la jurisprudence, les dispositions de la TULRAA, visant à garantir l’indépendance des syndicats, prévoient qu’un syndicat qui permet aux représentants d’un employeur de rejoindre de rejoindre ses rangs (de sorte que certains syndiqués ne seront pas considérés comme membres du syndicat à part entière) ne perd pas automatiquement son statut de syndicat au sens de la loi (TULRAA) mais seulement si son indépendance est effectivement remise en cause, ou pourrait l’être, par les représentants des intérêts des employeurs. La BAI soutient toutefois que les restrictions au droit d’adhésion syndicale et à la liberté syndicale sont conformes aux directives gouvernementales sur le renforcement des institutions publiques.
  3. 537. La BAI affirme que les régimes de vacances et d’avantages sociaux prévus dans les conventions collectives et qui ne sont pas prescrits par la loi sur les normes du travail (Labour Standards Act, LSA), ou qui excèdent les «limites fixées par la LSA ou par les directives gouvernementales applicables aux institutions publiques et quasi gouvernementales», violent la loi. Elle a également contraint la société KORAIL à rectifier sa pratique consistant à «payer les heures supplémentaires et une compensation pour les congés payés non utilisés, en violation de la LSA et des directives du MOSF». Toutefois, l’article 3 de la LSA dispose que: «Les conditions de travail prévues par la présente loi sont des normes minimales; les parties aux relations professionnelles ne doivent pas convenir d’une détérioration des conditions de travail au prétexte de mise en conformité avec la présente loi.» Le contrôle exercé par le gouvernement sur les conditions de travail convenues entre les parties par convention collective, conformément à la TULRAA, n’est pas fondé juridiquement, et ce même si ces conditions de travail sont plus favorables aux travailleurs que celles prescrites par la LSA.
  4. 538. La BAI a même encouragé certaines entreprises publiques à résilier leur convention collective. Après l’audit mené en 2009 sur la mise en œuvre de la politique de renforcement des institutions publiques, elle a cité en exemple plus de dix sociétés publiques, qui avaient mis fin à une convention collective ou envoyé un avis de résiliation au syndicat. Le rapport d’audit soulignait que certaines institutions, qui venaient d’élaborer un plan de promotion des relations professionnelles, n’avaient pas encore eu le temps de prendre des mesures concrètes – telles la résiliation de la convention collective – pour le mettre en œuvre. Par conséquent, la BAI considère que la résiliation d’une convention collective par l’employeur fait partie des mesures efficaces pour promouvoir les relations professionnelles. Au 1er septembre 2010, plus de 20 syndicats d’institutions publiques – tous affiliés à la KCTU – ont été informés de la résiliation de leur convention collective, et ce depuis 2008, année de mise en œuvre de la politique de renforcement des institutions publiques.
  5. 539. La résiliation unilatérale des conventions collectives et la détérioration de leurs conditions constituent les nouvelles méthodes de répression antisyndicale. Dans la plupart des institutions publiques, lors des négociations qui ont commencé à partir de 2008, les employeurs ont exigé l’insertion de conditions conformes aux lignes directrices gouvernementales dans les conventions et, en cas de refus du syndicat, ont résilié unilatéralement la convention collective. Les employeurs ont ensuite contraint les syndicats à accepter des conditions de travail moins favorables, en invoquant divers motifs: lignes directrices du gouvernement; problèmes mentionnés dans les rapports d’évaluation; listes de contrôle du gouvernement; et recommandations formulées suite aux audits menés par la BAI. La plupart des conditions de travail défavorables concernent les restrictions au droit d’adhésion syndicale et aux activités syndicales, et la protection des droits de l’employeur en matière de gestion du personnel.
  6. 540. La TULRAA dispose qu’une convention collective devient invalide six mois après l’envoi d’un avis de résiliation par l’une des parties, auquel cas les conditions de travail (les clauses normatives de la convention collective) tombent sous le régime des contrats de travail individuels. Ainsi, les employeurs peuvent modifier les conditions d’emploi en fonction des négociations individuelles avec les travailleurs, en excluant les syndicats. Les questions institutionnelles (les clauses obligatoires des conventions collectives), concernant la protection des activités syndicales et la participation des syndicats à la gestion (participation aux comités, obligation de consulter le syndicat ou d’obtenir son consentement), posent encore plus de difficultés. Une fois la convention collective expirée, le syndicat perd tout moyen de vérifier les mesures prises par la direction et les canaux de communication par lesquels elle s’exprime; elle décide donc unilatéralement et le syndicat devient inutile.
  7. 541. Le résultat est identique si le syndicat accepte des conditions moins favorables. L’évaluation des conditions contenues dans les conventions collectives des institutions publiques comprend quatre rubriques, comptant chacune pour 25 points: droit d’adhésion syndicale et protection des activités syndicales; restrictions à la participation des syndicats à la gestion du personnel et à la gestion générale; conditions de travail (par exemple salaires); négociations collectives et différends du travail. Toutes ces rubriques concernent les activités syndicales. La dégradation et la résiliation unilatérale des conventions collectives poursuivent les mêmes objectifs: affaiblir les syndicats en restreignant leurs droits et la protection des activités syndicales; bloquer ou entraver la participation des syndicats au processus de gestion.
  8. 542. La participation des travailleurs du secteur public à la gestion des institutions publiques peut façonner, directement ou indirectement, les politiques gouvernementales. Toutefois, les actions du gouvernement ont entraîné l’exclusion de leurs syndicats du débat d’intérêt public. C’est pourquoi le gouvernement lance contre les syndicats des institutions publiques une attaque qui va bien au-delà des simples questions de relations professionnelles et conduit à leur exclusion de la gestion des institutions publiques, de telle sorte que les citoyens ne peuvent plus participer aux processus décisionnels. En ce sens, cette politique du gouvernement ne menace pas seulement les syndicats, mais la démocratie elle-même.

    III. Déni du statut de travailleur aux chauffeurs routiers; menace d’annulation de l’enregistrement du Syndicat coréen des travailleurs du transport (KTWU)

    1) Reconnaissance du statut de travailleur aux chauffeurs routiers

  1. 543. Selon la jurisprudence, une personne est un «travailleur» au sens de la loi sur les normes du travail si elle fournit un travail, en contrepartie d’un salaire, dans le cadre d’une relation de subordination avec un employeur, une entreprise ou un lieu de travail. En outre, pour déterminer si cette relation existe effectivement, on examine si l’employeur détermine le contenu du travail, s’il contrôle concrètement le travailleur et lui donne des instructions spécifiques, s’il détermine l’heure et le lieu du travail, etc. Selon ces critères, l’employeur exerce matériellement un contrôle relativement ténu sur les chauffeurs routiers, parce qu’ils transportent les cargaisons de fret de manière indépendante, hors des locaux de l’entreprise. Toutefois, ces modalités d’exercice du travail caractérisent aussi d’autres types d’emplois, par exemple les vendeurs, qui se déroulent hors d’un lieu de travail précis.
  2. 544. Etant donné la nature du transport de fret, les instructions données par l’employeur et le contrôle qu’il exerce concernent davantage le respect des délais de livraison que les modalités du transport elles-mêmes. Durant leurs périodes de travail, les chauffeurs routiers sont liés à l’employeur par un organigramme; cela signifie que ces travailleurs indépendants ne peuvent pas décider de leurs heures de travail, du lieu où il s’effectue, ni des obligations qu’ils doivent respecter, car ils n’ont pas voix au chapitre sur l’itinéraire et les délais de livraison. En outre, les compagnies de transport peuvent unilatéralement annuler un contrat. Par conséquent, les chauffeurs routiers indépendants ne peuvent être considérés comme des entrepreneurs autonomes. On ne peut raisonnablement leur nier le statut de travailleurs du seul fait qu’ils sont propriétaires de leur véhicule, puisque leur camion n’est pas un moyen permettant d’exploiter une entreprise indépendante, mais un outil indispensable pour fournir une prestation de travail dans ce système unique qu’est le secteur du transport.
  3. 545. En outre, les organisations plaignantes font un bref rappel historique de l’octroi (ou du déni) du statut de travailleurs aux chauffeurs routiers titulaires d’un contrat de propriétaire-exploitant. Elles mentionnent notamment que le ministère du Travail a publié en 1994 une interprétation administrative qui, pour la première fois, leur reconnaissait le statut de travailleurs. En 2000, le ministère a publié une nouvelle circulaire, fondée sur une décision judiciaire, infirmant l’interprétation précédente, leur niant ainsi le statut de travailleurs. En 2003, le Syndicat coréen des travailleurs du transport (KCTWU) a lancé une grève générale, au terme de laquelle il a conclu un accord avec le gouvernement, qui a reconnu aux chauffeurs routiers le statut particulier de travailleurs du transport de fret. En 2005, le gouvernement a annoncé qu’il reconnaissait le KCTWU comme organe représentatif des chauffeurs routiers propriétaires-exploitants. En 2009, le gouvernement a ordonné au KCTWU de résilier l’affiliation des chauffeurs détenant le statut particulier de travailleurs du transport de fret, déclarant que l’acceptation de ces travailleurs au sein du syndicat pourrait entraîner l’annulation de son accréditation.
  4. 546. Les organisations plaignantes donnent également un aperçu de la jurisprudence pertinente. En règle générale, la Cour suprême de Corée a constamment statué que les propriétaires-exploitants n’ont pas une relation de travail avec les entrepreneurs qui recourent à leurs services. Selon cette jurisprudence, les propriétaires-exploitants sont inscrits au registre du commerce, paient l’impôt sur les sociétés, exercent une activité commerciale avec leur camion et ne reçoivent pas d’instructions spécifiques, si ce n’est la désignation initiale de l’expéditeur et du destinataire; cela étant, ils ne peuvent être assimilés à des employés travaillant pour une entreprise. Cependant, certaines instances inférieures ont jugé que les propriétaires de camions étaient des «employés», considérant que l’entreprise de transport leur donne des instructions et exerce un contrôle sur le transport du fret, et que le propriétaire-exploitant n’a pas le droit d’embaucher de remplaçants, ni de prendre des congés, sans l’autorisation de la société de transport.
  5. 547. Ainsi, les propriétaires-exploitants n’ont pas le statut de travailleur, mais ceux qui reçoivent des instructions spécifiques de la société de transport sont assujettis à sa supervision et ne sont pas autorisés à embaucher des remplaçants qui sont, par dérogation, reconnus comme travailleurs.

    2) Menace d’annulation de l’accréditation du KTWU

  1. 548. En 2009, le KTWU a reçu l’ordre de modifier volontairement les critères d’adhésion prévus dans ses statuts, le ministère du Travail estimant, de façon quelque peu spéculative, que certains de ses membres n’étaient pas des travailleurs. Le ministère a enjoint au syndicat de rectifier dans les trente jours la composition de ses membres, déclarant qu’il avait le pouvoir d’annuler son accréditation.
  2. 549. Toutefois, les organisations plaignantes estiment que le ministère du Travail n’a pas qualité pour statuer sur la composition d’un syndicat une fois celui-ci constitué. La TULRAA n’autorise pas le ministère du Travail à examiner une demande d’accréditation présentée par un syndicat, et aucune disposition juridique ne lui permet d’examiner s’il convient d’annuler l’accréditation d’un syndicat existant, une fois celui-ci légalement constitué. Deuxièmement, le ministère du Travail n’est pas habilité à prendre une ordonnance corrective concernant les syndiqués n’ayant pas le statut de «travailleurs»; le ministère peut enjoindre un syndicat de prendre des mesures correctives en vertu de l’article 21 de la TULRAA («Rectification des statuts du syndicat et des résolutions ou mesures prises par lui») en partant du principe que des travailleurs indépendants ne peuvent pas se syndiquer, mais la loi réserve ce pouvoir aux organes administratifs compétents «sur décision de la Commission des relations professionnelles». La mesure corrective ordonnée par le ministère n’est donc pas fondée juridiquement car il n’a pas observé la procédure requise. En tout état de cause, même si le ministère obtenait l’aval de la NLRC et rendait une ordonnance de rectification légalement fondée, le syndicat serait uniquement passible d’une amende pour violation de l’ordonnance, mais son accréditation ne pourrait pas être annulée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 550. Dans sa communication du 28 octobre 2011, le gouvernement déclare que les institutions publiques en République de Corée exercent une profonde influence sur l’économie nationale car elles en représentent une part importante, disposent d’un budget conséquent, occupent un rôle central dans l’infrastructure sociale et assurent des services publics de premier plan, y compris l’énergie. En ce qui concerne les relations professionnelles, la densité syndicale dans les institutions publiques était de 59,7 pour cent en 2010, soit plus de six fois celle de l’ensemble des secteurs (9,8 pour cent en 2010), ce qui leur donne globalement une forte influence sur les relations professionnelles en République de Corée.
  2. 551. Toutefois, ces institutions publiques ont fait l’objet de critiques croissantes pour leurs problèmes récurrents: inclusion de clauses illégitimes dans les conventions collectives; pratiques de travail déloyales; gestion laxiste de la part de la direction, qui ne se sent pas véritablement concernée. Conscient qu’il fallait traiter ces problèmes et mettre en place un régime de relations professionnelles dans l’intérêt du public, qui reste en dernière analyse l’employeur des institutions publiques, le gouvernement souhaitait renforcer et promouvoir les relations professionnelles.
  3. 552. Le gouvernement estime que la plainte contient des allégations trompeuses et contraires à la réalité et présente donc ses observations, fondées sur les faits, en réponse aux allégations formulées par la KCTU et la KPTU.

    Violations alléguées des droits fondamentaux des travailleurs des institutions publiques

  1. 553. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les syndicats ont été exclus du Comité de gestion des institutions publiques (le «Comité de gestion»), le gouvernement indique que ce dernier a pour mandat d’examiner les questions concernant la gestion des institutions publiques et de prendre les décisions qui s’imposent à cet égard. Ces institutions étant dédiées à l’intérêt public, le Comité de gestion doit de préférence être composé d’experts indépendants qui représentent les intérêts du public. La loi sur la gestion des institutions publiques stipule que le comité doit se composer de personnes ayant des connaissances et une expérience approfondies de la gestion et de l’administration des institutions publiques, ainsi qu’une réputation d’impartialité bien établie. Le comité comprend actuellement sept membres issus de divers domaines: un du monde juridique, du gouvernement et de la société civile; et quatre du milieu universitaire.
  2. 554. S’agissant de l’allégation selon laquelle les syndicats ont été exclus de l’Equipe d’évaluation de la gestion des institutions publiques, le gouvernement répond que ce processus d’évaluation permet d’assurer une gestion plus efficace et responsable des institutions publiques; les résultats obtenus par les institutions reflètent la gestion – bonne ou mauvaise – de leurs dirigeants et le rendement des employés par rapport à leur rémunération. L’évaluation concernant les cadres et les employés des institutions publiques, toute personne appelée à les représenter doit être exclue de l’équipe d’évaluation. Ni les syndicats ni la direction ne sont admis dans cette équipe, qui se compose actuellement d’experts indépendants, par exemple des avocats et des universitaires, conformément à la loi applicable.
  3. 555. Quant à l’allégation selon laquelle les opinions des syndicats ne sont pas reflétées dans les décisions sur les conditions de travail des employés des institutions publiques, les organisations plaignantes font valoir que les directives budgétaires du MOSF pour les sociétés publiques et les institutions quasi gouvernementales traitent de questions globales concernant les salaires et la négociation collective des institutions publiques mais que les syndicats n’ont pas l’occasion de participer au processus décisionnel sur les aspects majeurs de ces directives, tels les coûts du personnel et les frais généraux. Le gouvernement souligne à cet égard que les directives budgétaires globales et les instructions de mise en œuvre prescrivent les normes et principes généraux pour l’élaboration et l’exécution du budget, avec le souci de gérer les institutions publiques rationnellement et efficacement. Etant donné que ces institutions, financées par les impôts des contribuables, ont pour mandat de fournir des services publics, les directives établissent des normes en ce qui concerne leurs frais de fonctionnement, y compris les augmentations salariales, etc., conformément à la réglementation applicable. Le taux d’augmentation des salaires prescrit dans les directives budgétaires globales vise à fournir des lignes directrices pour les négociations salariales, et non pas à intervenir dans la gestion globale des institutions publiques en matière de salaires ou de négociation collective, ou à exercer une supervision contraignante à cet égard. En outre, le gouvernement a recueilli l’opinion des syndicats lors d’entretiens avec, notamment, la Fédération des syndicats coréens (FKTU), les 3 et 12 novembre 2010, lors de l’élaboration de la «Directive globale (2011) pour les sociétés publiques et les institutions quasi gouvernementales».
  4. 556. Les organisations plaignantes affirment également que le gouvernement n’a pas consulté les syndicats lors de l’élaboration du plan de renforcement des institutions publiques, qui ne refléterait aucunement le point de vue des représentants des travailleurs. Le gouvernement réfute cette allégation et soutient qu’il a consulté la Fédération coréenne des syndicats du secteur public (FKPU) le 17 septembre 2009, au sujet du «Système de rémunération au rendement», lors de la restructuration du système salarial des institutions publiques. Le gouvernement a également assisté à la conférence de la KCTU du 2 novembre 2010, portant sur les systèmes d’évaluation de la direction des institutions afin de prendre en compte le point de vue de la confédération lors de la révision du système d’évaluation de la gestion, censée intervenir en 2011. En outre, le gouvernement rencontre aussi souvent que nécessaire les présidents et les dirigeants de la KCTU et de la FKTU, les deux plus importantes organisations syndicales faîtières coréennes, afin de recueillir leur opinion sur le renforcement des institutions publiques.
  5. 557. S’agissant des allégations selon lesquelles le gouvernement tenterait d’affaiblir les syndicats en remettant en cause certaines clauses des conventions collectives conclues entre les syndicats et la direction des sociétés, les organisations plaignantes affirment que le plan de renforcement des institutions publiques nie fondamentalement l’autonomie des relations professionnelles dans ces institutions, et constitue une ingérence dans les activités des syndicats, qui sont par nature des organisations autonomes, ainsi qu’une remise en cause des conventions collectives négociées entre les parties. Le gouvernement déclare à cet égard que les institutions publiques sont des organisations qui fournissent des services au public dans le cadre prescrit par la loi, et qu’il est habilité à leur donner les orientations voulues, conformément à ces lois. C’est précisément dans ce cadre que le ministère de l’Emploi et du Travail, l’organisme gouvernemental compétent, a fourni des conseils et des avis aux institutions publiques relevant de son autorité, alors qu’il était assailli de demandes des dirigeants de ces institutions sur la légalité de leurs conventions collectives. Le ministère n’avait absolument pas l’intention de remettre en question le contenu des conventions collectives ou d’en forcer la révision, pour les mettre en conformité avec les orientations politiques du gouvernement. Le plan de renforcement des institutions publiques respecte fondamentalement l’autonomie des relations professionnelles. L’évaluation des institutions publiques est menée de manière raisonnable afin de s’assurer que les services publics sont gérés efficacement. Il ne s’agit aucunement d’ingérence dans les activités syndicales ou d’une tentative de nier l’essence même des syndicats.
  6. 558. Quant à l’allégation selon laquelle le gouvernement a exercé des pressions, au moyen d’audits et d’inspections, en vue du renforcement des institutions publiques, les organisations plaignantes font valoir que les inspections menées en 2008 constituaient une ingérence directe dans les activités syndicales, et que les mesures de suivi prises en 2009 pour la mise en œuvre du plan de renforcement révèlent que le gouvernement perçoit les syndicats comme un obstacle majeur à la réforme des institutions. Le gouvernement répond à cet égard que les audits et les inspections de ces établissements ont pour but de les inciter à tenir compte de l’intérêt public et à se montrer efficaces, étant donné qu’elles sont peu motivées à réduire leurs coûts de fonctionnement car elles bénéficient d’un monopole et du soutien financier du gouvernement. Les inspections effectuées en juillet 2008 ont révélé des cas de pratiques déloyales, y compris le paiement de primes sur la base de faux documents. Le gouvernement a donc ordonné aux directions concernées de prendre des mesures et d’adopter des règles visant à prévenir la répétition de ces anomalies, ce qui, selon lui, ne saurait être considéré comme une ingérence dans les activités syndicales. De la même façon, les audits effectués en 2009 n’ont pas relevé de problèmes en ce qui concerne les pratiques de travail loyales et licites, ou le syndicat lui-même. Les organisations plaignantes allèguent qu’en annonçant la tenue d’une tournée d’inspection spéciale en 2010, la BAI a exhorté les directeurs d’établissements publics à faire pression sur les syndicats, et souligné qu’elle exercerait son droit de recommander le licenciement des cadres qui auraient fait preuve de laxisme dans leur gestion, y compris par des ententes douteuses ou illégales avec le syndicat. Le gouvernement considère toutefois qu’il lui appartient naturellement d’exercer un contrôle sur les institutions publiques financées par les deniers publics, lorsqu’elles sont gérées de façon laxiste ou que leurs cadres ne présentent pas toutes les garanties d’éthique voulues. Là encore, cela ne concerne en rien les activités syndicales.
  7. 559. Les organisations plaignantes affirment que le gouvernement, se fondant sur le résultat des inspections effectuées en 2010, a recommandé la révision du régime de négociation collective, estimant que les chefs de département des institutions publiques, qui appartiennent selon lui à la catégorie des employeurs, ne devraient pas pouvoir se syndiquer. En réalité, le gouvernement a recommandé que des correctifs soient apportés lorsque le syndicat d’une institution publique comptait parmi ses membres des employés qui ont le pouvoir de décider des conditions de travail ou de rendre des ordonnances, ou qui exercent un rôle de supervision, ce qui les fait passer dans la catégorie des employeurs. Les organisations plaignantes contestent en outre l’avis de la BAI, à savoir que les régimes de vacances et d’avantages sociaux prévus par les conventions collectives et qui dépassent les limites définies par la LSA sont inappropriés. Le gouvernement considère toutefois que cet argument ne tient pas compte du caractère unique des institutions publiques, qui fonctionnent pour le bien commun grâce à l’argent des contribuables. Bénéficiant d’un monopole et du soutien financier du gouvernement, les institutions publiques sont beaucoup plus stables que les établissements du secteur privé. Néanmoins, leur situation financière semble fragile puisque les 286 institutions publiques totalisaient en 2010 une dette de 386 milliards de won (environ 330 milliards de dollars E.-U.). Dans ces circonstances, le gouvernement a jugé nécessaire de leur apporter ses conseils afin qu’elles rationalisent leur gestion, notamment en éliminant les rémunérations et les avantages sociaux allant au-delà des minima prescrits par la LSA.
  8. 560. S’agissant des allégations concernant les interventions du gouvernement visant à obtenir la résiliation unilatérale des conventions collectives (ou une révision à la baisse des conditions de travail), le gouvernement précise que les règles concernant l’expiration des conventions collectives sont destinées à empêcher que les parties concernées soient injustement liées par la convention collective existante pendant une période indue, tout en facilitant la négociation d’un nouvel accord, si les parties ne réussissent pas à conclure une nouvelle convention lorsque la précédente est arrivée à son terme. La législation applicable dispose que toute partie à l’accord – le syndicat ou la direction – peut mettre fin à la convention collective, ce qui est équitable pour les deux parties. Les organisations plaignantes allèguent que, en appréciant la rationalité des conventions collectives en fonction de ses propres normes, en jugeant et en classant les établissements publics en termes de rationalité et en exerçant des pressions sur eux, le gouvernement nie les conventions collectives et neutralise les syndicats. Toutefois, le gouvernement n’a jamais contraint les institutions publiques à mettre fin aux conventions collectives, pas plus qu’il ne les a classées sur la base de critères rationnels, ou exercé des pressions sur elles. En outre, le gouvernement reste convaincu que les parties doivent conserver leur autonomie en ce qui concerne la conclusion ou la résiliation des conventions collectives. Les organisations plaignantes soutiennent également que le gouvernement a exclu les syndicats de la gestion des institutions publiques, les empêchant ainsi de participer au processus décisionnel sur les politiques publiques, ce qu’il nie. Le gouvernement garantit la participation des syndicats à de nombreux comités, qui discutent et décident des grandes politiques nationales, notamment: la Commission des relations professionnelles, le Conseil du salaire minimum, le Comité d’enquête sur l’assurance-emploi, et la Commission d’enquête sur l’assurance-indemnisation des accidents industriels, pour ne nommer que quelques organes ayant un lien avec le ministère de l’Emploi et du Travail.
  9. 561. Le gouvernement réfute également les allégations concernant ses interventions dans les négociations collectives de certaines institutions publiques et la répression antisyndicale.
  10. 562. En ce qui concerne la société KOGAS, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a élaboré la stratégie patronale lors des négociations collectives, et incité la direction à informer le syndicat de son retrait unilatéral de la convention collective. Le gouvernement répond qu’il n’exerce pas de pressions, ni ne s’ingère dans le processus de négociation collective, qui doit selon lui être géré de manière autonome par les parties. Quant à la convention collective KOGAS, qui a fait l’objet d’un accord de principe le 3 mai 2010, le syndicat considérait cet accord comme une entente valide, alors que la direction n’en acceptait qu’une partie. Le gouvernement estime que cette différence de perception a incité la direction à dénoncer l’entente de principe. Entre-temps, une convention collective a été signée à l’amiable le 17 septembre 2010 grâce aux efforts du syndicat et de la direction, et il ne subsiste aucun différend entre les parties.
  11. 563. S’agissant de la société KORAIL, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a déposé des accusations d’entrave à l’activité économique contre les syndiqués qui refusaient passivement de travailler et exercé une répression tous azimuts contre les actions collectives du syndicat. Le gouvernement répond que le syndicat de KORAIL a mené six grèves durant l’année 2009 et que la direction de la société a intenté des poursuites pénales contre les dirigeants syndicaux pour entrave à l’activité économique. Le Tribunal du district central de Séoul a maintenu les accusations et jugé illégales les grèves menées en novembre 2009. Les prévenus se sont pourvus devant la Cour suprême, où l’affaire est actuellement en instance. Sur le principe, les grèves légales bénéficient d’une protection juridique. Durant la grève de 2009 à la société KORAIL, le gouvernement a élaboré et mis en œuvre un plan d’urgence, prévoyant notamment le recours à d’autres moyens de transport, indépendamment de la légitimité de la grève, en vue de réduire au minimum les inconvénients pour les citoyens en raison des perturbations possibles des services de transport. Les allégations des organisations syndicales concernant une prétendue répression antisyndicale durant la grève ne sont donc pas fondées.
  12. 564. Quant à l’Institut coréen du travail, les organisations plaignantes allèguent que, suite à la grève de 2009, le ministère de l’Emploi et du Travail – principal client de l’institut – a mis fin à toutes ses commandes de recherche et a confié les projets en cours à d’autres organes de recherche, exerçant ainsi des pressions indues sur le syndicat. Le gouvernement souligne à cet égard que l’attribution des contrats de recherche concernant les orientations politiques du ministère doit respecter certaines procédures, y compris une délibération du «Comité d’examen des projets de recherche sur les politiques», composé de cinq membres externes, conformément au «Règlement sur les projets de recherche du ministère de l’Emploi et du Travail». Ce comité prend une décision en fonction de critères objectifs: 1) capacité de recherche; 2) adéquation des propositions soumises par rapport aux objectifs de la recherche; 3) faisabilité du programme de recherche proposé; 4) coûts de la recherche; etc. Par conséquent, la grève à l’institut et le choix des chargés de recherche étaient complètement dissociés, et les allégations de pressions illégitimes du ministère sont dénuées de tout fondement. En outre, le «Projet d’évaluation d’impact sur l’emploi», qui, selon les organisations plaignantes, aurait été réattribué en cours d’exécution à un autre organe de recherche est en fait un nouveau projet, lancé en 2011, après une période d’essai en 2010. L’attributaire de ce projet a été sélectionné au terme d’un processus d’appel d’offres ouvert et concurrentiel. Il est donc faux d’affirmer que le gouvernement a interrompu un projet confié à l’institut depuis plusieurs années. S’agissant du projet sur les panels syndicaux, le gouvernement n’avait d’autre choix que de le confier à un autre organe de recherche, puisque la grève à l’institut risquait de remettre en cause le bien-fondé du projet, dont les résultats devaient servir de base aux politiques de l’emploi et du travail, ainsi qu’à des études universitaires.
  13. 565. Enfin, s’agissant des allégations concernant le déni du statut syndical aux chauffeurs routiers et la menace d’annulation de l’accréditation du KTWU, le gouvernement déclare que la KCTU a déjà soulevé cette question dans le cas no 2602, pour lequel le comité a formulé des recommandations en mars 2011, et renvoie aux observations qu’il a présentées en octobre 2010 dans le cadre de ce cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 566. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent la commission d’actes de répression antisyndicale et la violation des droits de négociation collective dans plusieurs institutions et sociétés publiques; elles soutiennent également que le gouvernement a pris une série de directives visant généralement à restreindre les activités syndicales, refuse d’octroyer le statut de travailleur aux chauffeurs routiers et menace d’annuler l’accréditation syndicale du KTWU.
  2. 567. Le comité note que les questions soulevées par l’organisation plaignante concernant le déni du statut de travailleur aux chauffeurs routiers et la menace d’annulation de l’accréditation syndicale du KTWU sont traitées dans le cas no 2602 et qu’il les a déjà examinées dans son 363e rapport approuvé par le Conseil d’administration en mars 2012. En conséquence, le comité se réfère à ses dernières conclusions formulées dans le cas no 2602 (363e rapport, paragr. 454-466) et n’abordera donc pas ces points dans le présent cas.
  3. 568. S’agissant des allégations générales, le comité note que, selon les organisations plaignantes, le gouvernement porte sérieusement atteinte aux droits de négociation collective des syndicats des institutions publiques, où les relations professionnelles autonomes sont devenues pratiquement impossibles. Le comité note l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle le gouvernement restreint le droit à la négociation collective en adoptant diverses mesures, sans consultation préalable des syndicats, par exemple:
    • i) Le MOSF a pris des directives officielles concernant les coûts de personnel, sur délibération et décision du Comité de gestion; ce dernier ne comprend plus de membres émanant du mouvement syndical, de telle sorte que les syndicats ne sont jamais consultés; dans le cadre du Plan de renforcement des institutions publiques (rubrique «Promotion des relations professionnelles»), le gouvernement a analysé les conventions collectives en vigueur dans les établissements publics, a proposé de mettre en place des «programmes d’amélioration» et de réviser les dispositions «irrationnelles» de ces conventions, concernant: le fonctionnement des syndicats et le soutien qui leur est apporté; la protection des activités syndicales; le pouvoir d’intervention des syndicats quant au droit d’adhésion syndicale de certains travailleurs (par exemple, les chefs de département, les travailleurs licenciés); les restrictions aux facilités consenties aux syndicats pour leurs activités (équipement, installations, coûts de fonctionnement); la réduction du nombre de dirigeants syndicaux détachés à plein temps et rémunérés par l’employeur, en proportion des effectifs syndicaux; les restrictions apportées à la formation et aux activités syndicales durant les heures de travail (application du principe «pas de travail, pas de salaire»); restrictions au droit d’intervention des syndicats en ce qui concerne les droits de gestion de l’employeur et les questions de personnel (par exemple: participation des syndicats aux réunions de gestion; nombre égal de représentants des travailleurs et de la direction au Comité de sécurité de l’emploi; dispositions exigeant le consentement du syndicat, ou la tenue de consultations, sur les restructurations, les baisses de salaire ou les modifications de statut des dirigeants syndicaux); et l’interdiction des augmentations salariales au-delà des lignes directrices du gouvernement, ce qui favorise la disparition des négociations salariales.
    • ii) Le gouvernement a également introduit des rapports d’évaluation, assortis de listes de contrôle, qui intègrent la «promotion des relations professionnelles» dans les critères servant à évaluer «la rationalité des clauses des conventions collectives … et la rationalité et la légalité des relations professionnelles» (par exemple, protection des droits de la direction en cas de différend; adhésion aux principes établis en réponse aux demandes syndicales excessives; réponse stricte en cas de conflit du travail illégal, c’est-à-dire dépôt de plaintes pénales, poursuites en dommages-intérêts, mesures disciplinaires, etc.; pas de maintien des clauses de la convention précédente sans justification); de plus, le Comité d’évaluation ne comprend pas de spécialistes en relations professionnelles, ni de personnes émanant du mouvement syndical.
    • iii) La BAI a formulé des recommandations, suite à des inspections menées pour contrôler la mise en œuvre des directives gouvernementales (notamment le plan de renforcement des institutions publiques) et a même encouragé des sociétés publiques à mettre fin aux conventions collectives, en citant en exemple celles qui avaient pris cette mesure.
  4. 569. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, ces mesures ont eu une conséquence directe, à savoir que la résiliation unilatérale des conventions collectives et la détérioration de leurs clauses sont devenues des mesures de routine pour «rationnaliser les conventions collectives». Dans la plupart des institutions publiques où les parties ont entamé des négociations collectives depuis 2008, les employeurs ont exigé que soient incluses dans les conventions des clauses conformes aux directives gouvernementales, aux rapports d’évaluation de rendement et aux recommandations de la BAI. Si le syndicat refusait ces conditions défavorables, l’employeur résiliait immédiatement et unilatéralement la convention collective. Les employeurs ont ensuite tenté de contraindre les syndicats à accepter des clauses moins favorables, conformes aux instructions gouvernementales, prévoyant pour la plupart des restrictions au droit d’adhésion syndicale et aux activités syndicales, et une protection accrue des droits de gestion des employeurs, ainsi qu’en matière de personnel. Si les syndicats faisaient grève pour protester contre la détérioration des conditions de travail et des conventions collectives, le gouvernement les déclarait illégales, comme dans le cas de la grève du KRWU en 2009, qui, selon le gouvernement, concernait des «questions non négociables».
  5. 570. Le comité note également que les organisations plaignantes allèguent la violation des droits de négociation et la commission d’actes de répression antisyndicale dans certaines institutions et sociétés publiques:
    • i) A la société KORAIL, les négociations collectives avec le KRWU ont débuté en juillet 2008. Les propositions de l’employeur supposaient une dégradation de 120 dispositions de la précédente convention (sur 170). La direction a d’abord demandé le report des négociations, ne s’est pas présentée à des sessions de négociation, a ignoré les accords de principe intervenus antérieurement et, en dépit des concessions acceptées par le KRWU, a informé ce dernier de la résiliation unilatérale de la convention collective le 24 novembre 2009. Deux jours plus tard, le KRWU a déclenché une grève. Les informations maintenant disponibles prouvent qu’en résiliant unilatéralement la convention collective la direction voulait pousser le syndicat à la grève. Les autorités ont déclaré cette grève illégale, sous l’accusation d’entrave à l’activité économique (art. 314 du Code pénal), au motif qu’il s’agissait d’un mouvement d’opposition aux politiques du gouvernement (notamment le Plan de renforcement des institutions publiques), qui ne peuvent faire l’objet de négociations entre employeurs et syndicats. Le tribunal a confirmé l’illégalité de la grève, statuant que les syndicats ne peuvent pas exercer ce droit pour appuyer des revendications concernant les droits de gestion (par exemple réduction des effectifs, réintégration des travailleurs licenciés, etc.) alors que le syndicat avait fait grève pour protester contre la dégradation attendue des conditions de travail. Durant la grève, des mandats d’arrêt ont été émis contre 15 dirigeants syndicaux, et la police a perquisitionné les locaux du syndicat. Après la grève, 169 dirigeants syndicaux ont été licenciés, plus de 12 000 syndiqués grévistes ont subi des sanctions disciplinaires (suspensions, réductions de salaire, réprimandes, etc.), des poursuites en dommages-intérêts ont été intentées contre 200 syndicalistes au titre des dommages (10 milliards de won), qui auraient été causés par la grève, et la direction a exercé des pressions sur les chefs de département qui étaient membres du syndicat afin qu’ils s’en désaffilient.
    • ii) A la société KOGAS, les négociations collectives avec le syndicat (affilié à la KPSU) ont commencé en avril 2009. Après la rupture des négociations et l’échec d’une tentative de médiation en août, le syndicat s’est joint en novembre 2009 à une grève menée conjointement par les syndicats des secteurs du transport ferroviaire, du gaz et de l’énergie électrique, pour appuyer la conclusion d’une convention collective par des négociations autonomes. La direction a porté des accusations contre dix dirigeants syndicaux et, en octobre 2010, ceux-ci ont été inculpés d’entrave à l’activité économique, infraction pour laquelle ils sont passibles de peines de huit à douze mois d’emprisonnement. Dès le début de la grève conjointe (le 11 novembre), la société a informé le syndicat de la résiliation unilatérale de la convention et formulé des propositions moins favorables que celles de la convention précédente, conformes au Plan de renforcement des institutions publiques. Après plusieurs cycles de négociations, les parties ont conclu le 29 mars 2010 un accord final, prévoyant le maintien de la plupart des clauses de la convention précédente et des concessions majeures de la part du syndicat. Le 31 mars, les parties sont convenues que la nouvelle convention entrerait en vigueur le 30 avril, mais la direction a renié l’accord en raison de la ferme opposition du gouvernement, qui estimait qu’elle devait obtenir des concessions supplémentaires. En outre, le 11 mai 2010, la société a avisé le syndicat que, six mois s’étant écoulés depuis l’annulation de la convention collective précédente (le 11 novembre 2009), ses dispositions ne seraient plus valides (y compris les clauses concernant les dirigeants syndicaux détachés à plein temps et rémunérés par la société, la retenue des cotisations syndicales à la source, les activités syndicales rémunérées pendant les heures de travail, la mise à disposition de locaux, de véhicules et d’autres facilités). La direction a immédiatement pris des mesures répressives, ordonné aux dix dirigeants syndicaux de reprendre leur poste régulier, interdit les activités syndicales rémunérées pendant les heures de travail, mis fin au prélèvement des cotisations syndicales à la source, obligé le syndicat à quitter les locaux qu’il occupait et à restituer les fournitures et équipements dont il bénéficiait (y compris le matériel et les facilités de communication). Le syndicat a intenté des poursuites afin de faire reconnaître la validité de la nouvelle convention collective, et demandé l’émission d’une injonction «contre l’obstruction aux activités syndicales». Un tribunal a statué que la convention collective était valide, mais la société refuse de mettre fin à ses pratiques de travail déloyales dans l’attente de l’issue des poursuites judiciaires, et propose d’autres révisions à la baisse de la convention collective.
    • iii) Les négociations collectives entre le Service national des pensions et le Syndicat du service des pensions et de la solidarité sociale (affilié à la KPSU) ont débuté en avril 2009. La direction a proposé une révision des clauses de la convention, visant généralement à restreindre les activités syndicales. Un accord entre les parties semblait donc difficile. Les représentants des deux parties aux comités de travail, qui avaient plein mandat de négociation, sont parvenus à un accord de principe le 23 décembre 2009, mais la direction l’a rejeté et proposé d’y substituer des clauses encore plus défavorables aux travailleurs. Le syndicat ayant contesté la mise en œuvre d’un système d’annualisation des salaires, proposé par la direction sous prétexte d’efficacité, cette dernière a réagi en résiliant unilatéralement la convention, le 15 mars 2010. Les parties ont repris les négociations le 3 juin 2010, convenant toutefois qu’elles se limiteraient aux questions sur lesquelles elles n’avaient pu s’entendre en 2009. La direction a ignoré cet accord et exigé la révision de 90 dispositions de la convention collective et leur alignement sur les instructions gouvernementales. Le syndicat a déclenché une grève en juillet 2010 pour protester contre ces nouvelles propositions. La direction a pris des mesures disciplinaires abusives et intenté des poursuites contre les syndicalistes, six dirigeants syndicaux permanents étant accusés d’entrave à l’activité économique en vertu du Code pénal. La direction refuse de participer à toute nouvelle négociation et attend que le syndicat cède, car aucune convention collective n’est en vigueur.
    • iv) La direction de l’Institut coréen du travail a, dès le début, fait preuve de mauvaise foi dans les négociations avec la Fédération syndicale coréenne des travailleurs et des employés professionnels de la recherche publique (KUPRP), informant cette dernière en février 2009 de la résiliation unilatérale de la convention collective, avant même d’entamer un nouveau cycle de négociation. En avril 2009, le ministère du Travail a déclaré que la convention collective de l’institut était la pire de toutes les conventions collectives des institutions publiques qu’il avait analysées, citant parmi les principaux problèmes: l’absence de dispositions sur le droit à l’adhésion syndicale; la protection excessive des activités syndicales; l’obligation faite à l’employeur d’obtenir le consentement du syndicat avant d’imposer des réprimandes; etc. La direction persistant à refuser les propositions du syndicat, ce dernier a déclenché la grève, à quoi elle a répondu en fermant l’institut. Après une grève de 85 jours, le directeur de l’institut a démissionné et les employés ont repris le travail. La direction a porté des accusations d’entrave à l’activité économique contre tous les grévistes (l’enquête policière est en cours). Depuis lors, il n’y a pas eu de véritables négociations; au contraire, la direction a exercé des pressions sur le syndicat, exigeant que ses dirigeants démissionnent, qu’ils se désaffilient de la KCTU et acceptent une convention collective conforme aux normes gouvernementales. En outre, le gouvernement (principal client de l’institut) a totalement suspendu ses commandes de projets de recherche. En mai 2010, le salaire des employés a été réduit de 30 pour cent.
    • v) Un travailleur de l’Institut coréen des technologies du bâtiment, qui avait fait une déclaration d’objection de conscience contre les politiques gouvernementales en décembre 2008 s’est vu imposer une sanction disciplinaire un an plus tard (contrairement à l’engagement initial de la direction). Le syndicat en place (affilié à la KUPRP) ayant protesté contre ces mesures, la direction a réagi par des mesures de représailles; ces dernières étaient probablement également liées à une déclaration du syndicat en avril 2009, qui avait exprimé sa préoccupation face aux soupçons pesant sur le directeur de l’institut, à savoir qu’il aurait plagié sa thèse de doctorat. Au terme de cet épisode: le chercheur (syndiqué) a été suspendu pour trois mois; le président du syndicat a été congédié; le vice-président a été muté à un site de tests, éloigné de Séoul, puis licencié après qu’il eut déposé plainte contre sa mutation injuste; et le Secrétaire général du syndicat a été suspendu pour trois mois. Parallèlement, le syndicat a été informé le 2 décembre 2009 de la résiliation unilatérale de la convention collective, en application de la politique de renforcement des institutions publiques. La direction a alors intensifié ses efforts d’élimination du syndicat, exigeant que 21 employés des services administratifs quittent le syndicat ou abandonnent leur poste, et pénalisé les membres du syndicat en leur retirant tout projet de recherche et en faisant courir la rumeur que tous les syndiqués seraient privés de promotion. Après seulement six mois, le syndicat, qui comptait habituellement 400 membres (soit un taux de syndicalisation de 90 pour cent), n’en avait plus que 70 (17 pour cent) en raison des pressions exercées par la direction.
    • vi) Les négociations collectives entre les sociétés d’électricité de plusieurs régions (Sud-Est, Sud, Est-Ouest, Ouest) et le Syndicat coréen du secteur de l’énergie électrique (KPPIU) ont débuté en juillet 2008. Les parties se sont entendues sur 144 clauses, cinq dispositions seulement restant en suspens. Après la rupture des négociations et l’échec d’une tentative de médiation en octobre 2009, la direction a informé le syndicat de la résiliation unilatérale de la convention collective le 4 novembre 2009, soit le lendemain de la treizième séance de négociations. Le 1er avril 2010, la direction a fermé les locaux du syndicat lorsque le comité exécutif de ce dernier a voulu prendre ses fonctions. Le syndicat ayant demandé la reprise des négociations, la direction a renié l’entente préalablement conclue et proposé d’y substituer des dispositions moins favorables. Malgré des concessions du syndicat sur les cinq clauses en suspens, la direction a refusé de proroger la validité de la convention collective. Le 6 mai, soit le jour même où cette dernière cessait de produire ses effets (six mois après son terme), la direction a ordonné aux dirigeants syndicaux détachés à plein temps de reprendre leur poste régulier. De plus, la direction a continué de se désintéresser des négociations et refusé toute médiation. Le 24 mai, le syndicat a appelé certains représentants syndicaux à faire une grève illimitée. Dès le lendemain, la direction a bloqué le prélèvement des cotisations syndicales à la source, cessé de payer les frais de bureau du syndicat, annulé les facilités de communication offertes au syndicat et déposé des accusations contre les dirigeants syndicaux pour avoir appelé à la grève.
  6. 571. Le comité note que, selon le gouvernement:
    • a) les institutions publiques ont fait l’objet de critiques croissantes parce que leurs conventions collectives comportaient des clauses illégitimes, leur direction tolérait des pratiques professionnelles douteuses, avait des méthodes de gestion laxistes et ne se sentait pas véritablement impliquée; reconnaissant la nécessité de s’attaquer à ces problèmes, le gouvernement souhaite améliorer les relations professionnelles dans ces institutions;
    • b) s’agissant des allégations relatives à l’exclusion des syndicats du Comité de gestion, il est souhaitable que ce comité soit composé d’experts indépendants, qui représentent l’intérêt public; la loi sur la gestion des institutions publiques stipule que le comité doit se composer de «personnes ayant des connaissances et une expérience étendues de la gestion et de l’administration des institutions publiques, ainsi qu’une réputation d’impartialité bien établie»; le comité comprend actuellement sept membres nommés, émanant de divers secteurs: un du milieu juridique, un du gouvernement, un de la société civile, et quatre du milieu universitaire;
    • c) quant à la prétendue exclusion des syndicats de l’Equipe d’évaluation de la direction des institutions, étant donné que cette évaluation vise la direction et les travailleurs des institutions publiques, il convient d’en exclure tous leurs représentants; par conséquent, aucun membre de la direction ou des syndicats n’est admis dans cette équipe, qui se compose actuellement d’experts indépendants, tels des avocats et des professeurs, conformément à la législation applicable;
    • d) quant aux allégations concernant l’absence de consultations lors de l’élaboration des «Directives budgétaires globales (2011) pour les sociétés publiques et les institutions quasi gouvernementales», le gouvernement a recueilli l’opinion des syndicats lors d’échanges avec les organisations de travailleurs, y compris la FKTU, les 3 et 12 novembre 2010. Dans le cadre du processus de renforcement des institutions publiques, le gouvernement a consulté la FKPU le 17 septembre 2009 au sujet du «Système de rémunération au rendement» lorsqu’il a restructuré le régime de rémunération de ces institutions; il a assisté à la conférence de la KCTU sur les méthodes d’évaluation de la direction, tenue le 2 novembre 2010, afin de tenir compte de son opinion lors de la révision du Système d’évaluation de la direction, prévue pour 2011; il rencontre aussi souvent que nécessaire les présidents et les dirigeants de la KCTU et de la FKTU afin d’écouter leurs points de vue; enfin, le gouvernement garantit la participation des syndicats à de nombreux comités chargés d’examiner les grandes orientations politiques et de prendre les décisions qui s’imposent à cet égard (par exemple la Commission des relations de travail, le Conseil du salaire minimum et la Commission d’enquête sur l’indemnisation des accidents du travail, pour ne citer que quelques organes ayant un lien avec le ministère de l’Emploi et du Travail);
    • e) étant donné que les institutions publiques sont financées avec l’argent des contribuables et sont censées assurer des services publics, les directives du MOSF sur l’élaboration et l’exécution du budget fixent les normes et principes généraux concernant les dépenses afin de les gérer rationnellement et efficacement; le taux d’augmentation salariale prescrit dans les directives budgétaires vise à fournir des lignes directrices pour les négociations salariales, et non à intervenir dans la négociation collective des salaires et autres conditions d’emploi dans les institutions publiques, ou à exercer un contrôle rigoureux à cet égard;
    • f) le gouvernement est habilité à donner des orientations aux institutions publiques, conformément à la législation applicable; c’est dans ce cadre que le ministère de l’Emploi et du Travail, l’organisme gouvernemental compétent, a fourni des conseils et des avis aux institutions publiques relevant de son autorité alors qu’il était assailli de demandes des dirigeants de ces institutions sur la légalité de leurs conventions collectives avec les syndicats; il n’avait absolument pas l’intention de remettre en question le contenu des conventions collectives ou d’en forcer la révision pour les mettre en conformité avec les orientations politiques du gouvernement. Le Plan de renforcement des institutions publiques respecte fondamentalement l’autonomie des relations;
    • g) l’évaluation des institutions publiques est menée de manière raisonnable afin de s’assurer que la prestation des services publics est efficace; les audits et les inspections visent à les inciter à tenir compte de l’intérêt public et à se montrer efficaces, étant donné qu’elles sont peu motivées à réduire leurs coûts de fonctionnement car elles bénéficient du soutien financier du gouvernement; les institutions publiques doivent naturellement répondre devant le gouvernement de leur gestion laxiste; cela ne constitue aucunement une ingérence dans les activités syndicales ou une tentative de nier l’essence même des syndicats;
    • h) s’agissant des allégations concernant la révision des conventions collectives, le gouvernement a en fait recommandé que des correctifs soient apportés dans les cas où un syndicat d’institution publique comptait parmi ses membres des employés ayant le pouvoir de décider des conditions de travail, de donner des ordres ou d’exercer un rôle de supervision, ce qui les fait passer dans la catégorie des employeurs; compte tenu du caractère unique de ces institutions, qui assurent dans l’intérêt général des services publics financés avec les deniers des contribuables, et du fait que leur situation financière était fragile – les 286 institutions publiques totalisant en 2010 une dette de 386 milliards de won (environ 330 milliards de dollars E.-U.) –, le gouvernement a jugé nécessaire de leur apporter ses conseils afin qu’elles rationalisent leur gestion, notamment en réduisant les rémunérations et les avantages sociaux allant au-delà des minima prescrits par la LSA;
    • i) quant aux interventions alléguées du gouvernement afin d’obtenir la résiliation unilatérale des conventions collectives, le gouvernement précise que les règles concernant l’expiration des conventions collectives sont destinées à empêcher que les parties concernées soient injustement liées par une convention existante pendant une période indue, tout en facilitant la négociation d’une nouvelle convention, si les parties ne réussissent pas à conclure une nouvelle convention lorsque la précédente est arrivée à son terme; la législation applicable dispose que les deux parties à l’accord – le syndicat ou la direction – peuvent mettre fin à la convention collective, ce qui est équitable pour tous; le gouvernement n’a jamais contraint les institutions publiques à résilier les conventions collectives, pas plus qu’il ne les a classifiées sur la base de critères rationnels puisqu’il considère que les parties doivent conserver leur autonomie en ce qui concerne la conclusion ou la résiliation des conventions;
    • j) concernant l’intervention alléguée du gouvernement dans les négociations collectives au sein de certaines institutions publiques et les allégations de répression antisyndicale:
      • – à la société KOGAS, le gouvernement n’a pas exercé de pressions ni ne s’ingère dans le processus autonome de négociation collective entre les syndicats et la direction; le 3 mai 2010, la convention collective a fait l’objet d’un accord de principe, que le syndicat considérait comme une entente valide, alors que la direction n’en acceptait qu’une partie; le gouvernement estime que cette différence de perception a incité la direction à dénoncer l’entente de principe; entre-temps, une convention collective a été signée à l’amiable le 17 septembre 2010 grâce aux efforts du syndicat et de la direction, et il ne subsiste aucun différend entre les parties;
      • – à la société KORAIL, la société a intenté des poursuites pénales contre les dirigeants syndicaux pour entrave à l’activité économique; le Tribunal du district central de Séoul a maintenu les accusations et jugé illégales les grèves menées en novembre 2009; les prévenus se sont pourvus devant la Cour suprême, où l’affaire est actuellement en instance; les grèves légales bénéficient en principe d’une protection juridique. Durant la grève à la société KORAIL, le gouvernement a mis en place d’autres moyens de transport, indépendamment de la légitimité de la grève afin de réduire au minimum les inconvénients pour les citoyens; les allégations des organisations syndicales concernant une prétendue répression antisyndicale durant la grève ne sont donc pas fondées; et
      • – dans le cas de l’Institut coréen du travail, l’attribution des contrats de recherche sur les orientations politiques du ministère doit respecter certaines procédures, basées sur des critères objectifs: par conséquent, la grève à l’institut et le choix des chargés de recherche étaient complètement dissociés, et les allégations de pressions illégitimes du ministère sont dénuées de tout fondement.
  7. 572. En ce qui concerne les directives budgétaires émises par le gouvernement à l’intention des institutions publiques, afin d’assurer une prestation efficace des services publics et l’évaluation de la solidité de leur situation financière au moyen des rapports d’évaluation, des audits ou des inspections, le comité souhaite souligner d’emblée qu’il a toujours été conscient que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publics, que ces ressources dépendent du budget de l’Etat et que la période de validité des conventions collectives du secteur public ne coïncide pas toujours avec celle de la loi relative à ce budget, ce qui peut poser des difficultés. Le comité a même considéré que les autorités financières pouvaient également formuler à cet égard des recommandations en fonction de la politique économique du gouvernement. Notant cependant les versions contradictoires des parties quant à la tenue préalable de consultations adéquates avec les syndicats, le comité rappelle que, lorsque le gouvernement prend de telles mesures, il y aurait lieu de prévoir un mécanisme afin que les organisations syndicales, les employeurs et leurs organisations soient consultés lors des négociations collectives dans le secteur public et puissent faire connaître leur point de vue à l’autorité chargée du contrôle des incidences financières des projets de conventions collectives. Le comité a toujours souligné l’importance des consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des lois qui affectent leurs intérêts. Il a également souligné l’importance qu’il attache à la promotion effective des consultations et de la collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations de travailleurs en ce domaine, conformément aux principes énoncés dans la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, afin de permettre un examen concerté des questions d’intérêt commun et de trouver dans la mesure du possible des solutions mutuellement acceptables. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1037, 1072 et 1087.] Le comité demande donc au gouvernement d’assurer le respect des principes énoncés ci-dessus et d’indiquer les mesures qu’il entend prendre à cet égard.
  8. 573. En outre, le comité croit comprendre que, si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur une nouvelle convention collective à l’expiration de l’accord précédent, l’une ou l’autre partie peut y mettre fin unilatéralement afin de ne pas être liée par cette convention pendant une période trop longue et de faciliter la conclusion d’une nouvelle convention. Le comité note les versions contradictoires des organisations plaignantes et du gouvernement quant au degré d’intervention de ce dernier dans la résiliation unilatérale des conventions collectives par la direction des institutions publiques, puisque le gouvernement réfute l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle il aurait encouragé, incité – voire contraint – ces institutions à résilier unilatéralement leur convention collective. Le comité note cependant que les mesures gouvernementales mentionnées ci-dessus (directives, rapports d’évaluation de la direction, audits, etc.) ont, à tout le moins, entraîné une vague de résiliations unilatérales des conventions collectives par la direction des institutions publiques. Le comité rappelle à cet égard au gouvernement que, conformément à l’article 4 de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, des mesures doivent êtres prises pour encourager et promouvoir la négociation collective. Le comité prie donc le gouvernement de prendre activement des mesures, en cas de résiliation unilatérale de la convention collective par la direction d’une institution publique, pour ramener les parties à la table de négociation et promouvoir des négociations de bonne foi, fondées sur la confiance et le respect mutuels, en vue de conclure une nouvelle convention collective régissant les modalités et conditions d’emploi. Le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises à cet égard.
  9. 574. S’agissant de certaines dispositions de conventions collectives que le gouvernement considérait «irrationnelles» et dont il a recommandé la révision par divers moyens (directives, rapports d’évaluation de la gestion des institutions, audits, etc.), le comité rappelle qu’un compromis équitable et raisonnable doit être recherché entre, d’une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l’autonomie des parties à la négociation et, d’autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter leurs difficultés budgétaires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1035.] En outre, concernant l’interdiction d’augmentations salariales au-delà des instructions gouvernementales et la demande du gouvernement de réviser les avantages sociaux excédant indûment les prescriptions législatives, le comité souligne que, si le principe de l’autonomie des partenaires à la négociation collective reste valable en ce qui concerne les fonctionnaires couverts par la convention no 151, les particularités de la fonction publique appellent une certaine souplesse dans son application. Ainsi, de l’avis du comité, sont compatibles avec la convention les dispositions législatives qui permettent au Parlement ou à l’organe compétent en matière budgétaire de fixer une «fourchette» pour les négociations salariales ou d’établir une «enveloppe» budgétaire globale dans le cadre desquelles les parties peuvent négocier les clauses monétaires ou normatives (par exemple, réduction du temps de travail ou autres aménagements, modulation des augmentations salariales en fonction des niveaux de rémunération, modalités d’étalement des revalorisations), ou encore celles qui confèrent aux autorités financières un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct, dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1038]. Quant à la recommandation visant à restreindre le droit syndical des cadres, le comité rappelle qu’il n’est pas nécessairement incompatible avec les dispositions de l’article 2 de la convention de dénier au personnel de direction ou d’encadrement le droit d’appartenir aux mêmes syndicats que les autres travailleurs, mais seulement à deux conditions: premièrement, qu’ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts et, deuxièmement, que ces catégories de personnel ne soient pas définies en termes si larges que les organisations des autres travailleurs de l’entreprise ou de la branche d’activité risquent de s’en trouver affaiblies, en les privant d’une proportion substantielle de leurs membres effectifs ou potentiels. Il rappelle aussi que le fait de limiter le personnel d’encadrement et de direction aux seules personnes qui sont habilitées à embaucher ou licencier des employés est acceptable, à condition que cette catégorie de personnel ne soit pas définie en termes trop larges. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 247 et 249.] Le comité prie le gouvernement d’assurer que les restrictions à l’éligibilité soient conformes à ces principes et de le tenir informé à cet égard. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a jugé «irrationnelles» plusieurs autres dispositions des conventions collectives et en a recommandé la révision; le gouvernement n’a pas répondu à ces allégations, ni ne les a réfutées. A cet égard, le comité souhaite rappeler que, en examinant des allégations relatives à l’annulation et à la renégociation forcée de conventions collectives en raison d’une crise économique, le comité a considéré que l’obligation de renégocier des conventions collectives en vigueur en vertu d’une loi est contraire aux principes de la négociation collective libre et volontaire consacrés par la convention no 98, et insisté sur le fait que le gouvernement aurait dû s’efforcer de faire en sorte que la renégociation des conventions collectives en vigueur soit décidée en vertu d’un accord entre les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1021.]
  10. 575. S’agissant notamment de la recommandation visant à priver les travailleurs licenciés du droit syndical, le comité renvoie à ses précédents examens du cas no 1865, concernant la République de Corée [304e rapport, paragr. 251; 346e rapport, paragr. 761] et attire une fois de plus l’attention du gouvernement sur le principe général selon lequel le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l’exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes. Plus précisément, si les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants, le licenciement d’un dirigeant syndical ou le simple fait qu’il abandonne le travail qu’il occupait dans une entreprise déterminée ne devrait pas avoir d’incidence sur sa situation et ses fonctions syndicales, sauf si les statuts du syndicat concerné en disposent autrement. En outre, le comité rappelle de nouveau qu’une disposition privant les travailleurs licenciés du droit de se syndiquer est incompatible avec les principes de la liberté syndicale car elle empêche les intéressés de s’affilier à l’organisation de leur choix. Elle pourrait même inciter à l’accomplissement d’actes de discrimination antisyndicale dans la mesure où le licenciement des militants syndicaux les empêcherait de continuer à exercer des activités au sein de leur organisation. Le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour le respect de ces principes dans le cadre du cas no 1865.
  11. 576. Concernant la recommandation visant l’abolition du consentement du syndicat en cas de restructuration, le comité a souligné l’importance qu’il attache à ce que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d’examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l’emploi et les conditions de travail des salariés. Lorsqu’on applique de nouveaux programmes de réduction de personnel, le comité a toujours demandé qu’on procède à des négociations ou consultations entre l’entreprise concernée et les organisations syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1081-1082.] Le comité s’attend à ce que le gouvernement tienne dûment compte à l’avenir des principes énoncés ci-dessus avant d’exercer son autorité en prenant de telles décisions, et demande à ce que des mesures soient prises à cet égard.
  12. 577. En outre, le comité note avec une profonde préoccupation que, suite aux grèves survenues dans plusieurs institutions publiques, de nombreux dirigeants syndicaux et grévistes ont été inculpés en vertu de l’article 314 (1) du Code pénal («entrave à l’activité économique»), ont été licenciés ou ont subi des sanctions disciplinaires. Le comité rappelle qu’il a examiné à plusieurs reprises la question de l’application de ces dispositions lors de l’examen du cas no 1865 concernant la République de Corée. Observant qu’une action collective est illégale en vertu de l’article 314 (1) du Code pénal lorsque l’exercice de ce droit fondamental entrave l’activité économique, le comité rappelle à cet égard qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. En ce qui concerne les restrictions ou les interdictions du droit de grève, le comité a toujours considéré que le fait d’établir un lien entre les restrictions aux actions revendicatives et l’entrave aux échanges et au commerce permet de porter atteinte à une large gamme d’actions légitimes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 521 et 592.] En outre, le comité tient à souligner que les grèves, par leur nature même, sont coûteuses et entraînent des perturbations; elles supposent également des sacrifices importants de la part des travailleurs, qui choisissent d’y avoir recours comme ultime moyen de pression sur l’employeur afin de remédier à ce qu’ils estiment être une injustice. Le comité exprime donc sa profonde préoccupation face à la définition juridique indûment extensive du concept «d’entrave à l’activité économique», qui englobe pratiquement toutes les activités liées à la grève, et à l’interprétation extrêmement restrictive des notions de grève légitime et de sujets «négociables», qui peuvent faire l’objet de négociations collectives. Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures voulues pour mettre l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique») en conformité avec les principes de la liberté syndicale et de le tenir informé à cet égard. Le comité rappelle également que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d’infraction à des interdictions de la grève elles-mêmes conformes aux principes de la liberté syndicale. De plus, les autorités devraient exclure le recours à des mesures d’emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou y participent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 668.] Le comité demande donc l’abandon immédiat des accusations pénales (amendes et peines d’emprisonnement) portées en vertu de l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique») contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués qui ont participé aux grèves dans les sociétés KORAIL et KOGAS, au Service national des pensions, et dans les diverses sociétés d’électricité (Sud-Est, Sud, Est-Ouest, Ouest), s’ils sont reconnus coupables d’actes constituant des activités syndicales légitimes. Le comité observe en outre que les indications des organisations plaignantes et du gouvernement concordent en ce qui concerne le licenciement de 169 dirigeants syndicaux en raison de leur participation à la grève de novembre 2009 à la société KORAIL, jugée illégale en vertu de l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique»). Considérant que cette grève a été déclarée illégale sur la base de dispositions juridiques, elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, qu’il a commentées à plusieurs reprises dans le cadre de son examen du cas no 1865, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour réintégrer immédiatement les 169 responsables syndicaux concernés et de lever les mesures disciplinaires prises contre les travailleurs de la société KORAIL et du Service national des pensions. Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé de l’issue de toutes les procédures judiciaires en instance, y compris devant la Cour suprême.
  13. 578. S’agissant de l’Institut coréen du travail, renvoyant à ses commentaires ci-dessus concernant l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique»), le comité considère que la pénalisation des relations professionnelles est incompatible avec la mise en place de relations professionnelles harmonieuses et pacifiques et prie le gouvernement d’abandonner immédiatement les accusations pénales (amendes et peines d’emprisonnement) portées en vertu de cette disposition contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués qui ont participé à la grève à l’Institut coréen du travail, s’ils sont reconnus coupables d’actes constituant des activités syndicales légitimes. Quant aux allégations concernant les pressions que la direction de l’institut aurait exercées sur le syndicat à la suite de la grève afin de l’inciter à se désaffilier de la KCTU, le comité rappelle qu’une organisation de travailleurs doit avoir le droit de s’affilier à la fédération ou à la confédération de son choix, sous réserve des statuts de l’organisation intéressée et sans autorisation préalable. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 722.] Considérant que le comportement faisant l’objet de cette allégation équivaudrait à un acte d’ingérence grave de la part de l’employeur, le comité demande au gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante à cet égard et de l’informer de l’issue de cette enquête et des mesures prises en conséquence.
  14. 579. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, six mois après la résiliation unilatérale de la convention collective, l’employeur a retiré les facilités auparavant consenties aux syndicats de la société KOGAS et de plusieurs sociétés d’énergie électrique (Sud-Est, Sud, Est-Ouest et Ouest), le comité considère que cette attitude n’est guère propice au développement de relations professionnelles saines et normales, fondées sur la confiance et le respect mutuels. En outre, le comité souligne que, en examinant une allégation relative au refus de temps libre pour participer aux réunions syndicales, il avait rappelé que, s’il doit être tenu compte des caractéristiques du système de relations professionnelles prévalant dans un pays et si l’octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise, le paragraphe 10 (1) de la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, prévoit que, dans l’entreprise, ceux-ci devraient bénéficier, sans perte de salaire ni de prestations et avantages sociaux, du temps libre nécessaire pour pouvoir remplir leurs fonctions de représentant; l’alinéa (2) du paragraphe 10 précise que, si les représentants peuvent être tenus d’obtenir la permission de la direction avant de prendre ce temps libre, cette permission ne devrait pas être refusée de façon déraisonnable. Le comité rappelle également que la suppression de la retenue des cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 475 et 1110.] Le comité s’attend à ce que le gouvernement tienne dûment compte de ces principes à l’avenir, et qu’il envisage de prendre les mesures voulues pour rétablir les privilèges supprimés aux syndicats des institutions publiques lorsque les conventions collectives ne sont plus en vigueur.
  15. 580. En outre, le comité note avec regret les graves allégations de discrimination et d’ingérence antisyndicales contre les dirigeants et membres du syndicat de l’Institut coréen des technologies du bâtiment. Il note également que le gouvernement ne répond pas à ces allégations ni ne les réfute. Le comité rappelle qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, rétrogradation, mutation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. Eu égard aux allégations relatives aux tactiques antisyndicales consistant à essayer d’acheter des syndicalistes pour les encourager à se retirer du syndicat et à présenter aux travailleurs des déclarations de retrait du syndicat, ainsi qu’aux efforts qui auraient été faits pour créer des syndicats fantoches, le comité considère que ces actes sont contraires à l’article 2 de la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres réalisés soit directement, soit par le biais de leurs agents ou de leurs membres, dans leur formation, leur fonctionnement ou leur administration. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799 et 858.] Le comité prie donc le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur ces allégations de discrimination antisyndicale. S’il est établi que les dirigeants syndicaux concernés ont été licenciés ou ont subi d’autres formes de préjudice, en raison de l’exercice de leurs activités syndicales légitimes ou de leur affiliation syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour qu’ils soient pleinement réintégrés dans leur poste sans perte de salaire. Notant avec une profonde préoccupation les allégations d’actes d’ingérence antisyndicale de l’employeur, à la suite desquels le syndicat a perdu la majorité de ses membres, le comité demande également au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur ces allégations afin d’établir les faits et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein respect des principes de la liberté syndicale. Il prie le gouvernement de l’informer du résultat de cette enquête.
  16. 581. Enfin, tout en étant conscient du fait que, comme il a déjà été mentionné ci-dessus, la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles dans les divers organismes ou établissements publics, le comité exprime sa profonde préoccupation face à l’impact apparemment grave sur le mouvement syndical des mesures prises en l’occurrence par le gouvernement (c’est-à-dire les directives budgétaires pour les institutions publiques et l’évaluation de leur solidité financière au moyen de rapports d’évaluation de gestion, d’audits ou d’inspections). Le comité prie le gouvernement, eu égard à ces préoccupations, d’examiner l’impact négatif de ces mesures sur le mouvement syndical dans son ensemble et de prendre les mesures qu’il juge appropriées pour y remédier. Le comité demande également au gouvernement de prendre l’initiative de mesures visant à promouvoir la négociation collective libre, volontaire et de bonne foi dans les institutions et entreprises publiques, et des relations professionnelles harmonieuses dans le secteur public qui respectent les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 582. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en étant conscient du fait que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publics, le comité demande au gouvernement de s’assurer que les syndicats sont consultés avant d’adopter des mesures telles que l’émission de directives budgétaires pour les institutions publiques et l’évaluation de leur solidité financière au moyen de rapports d’évaluation de gestion, d’audits ou d’inspections. Le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures qu’il entend prendre à cet égard.
    • b) Rappelant que, conformément à l’article 4 de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, des mesures doivent être prises pour encourager et promouvoir la négociation collective, le comité prie le gouvernement de prendre activement des mesures, en cas de résiliation unilatérale de la convention collective par la direction d’une institution publique, pour ramener les parties à la table de négociation et promouvoir des négociations de bonne foi, fondées sur la confiance et le respect mutuels, en vue de conclure une nouvelle convention collective régissant les modalités et conditions d’emploi. Le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises à cet égard.
    • c) En ce qui concerne certaines dispositions de conventions collectives que le gouvernement considérait «irrationnelles», et dont il a recommandé la révision au moyen de directives, de rapports d’évaluation de gestion et d’audits, rappelant qu’un compromis équitable et raisonnable doit être recherché entre, d’une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l’autonomie des parties à la négociation et, d’autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter leurs difficultés budgétaires, le comité s’attend à ce que le gouvernement respecte à l’avenir les principes énoncés dans ses conclusions. Le comité prie notamment le gouvernement de faire en sorte que les restrictions au droit d’appartenance syndicale soient conformes à ces principes. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Notant avec une profonde préoccupation que, suite aux grèves survenues dans plusieurs institutions publiques, de nombreux dirigeants syndicaux et grévistes ont été inculpés en vertu de l’article 314 (1) du Code pénal pour entrave à l’activité économique, ont été licenciés ou ont subi des sanctions disciplinaires, et rappelant qu’il a commenté à plusieurs reprises la question de l’application des dispositions réprimant l’entrave à l’activité économique dans le cadre de l’examen du cas no 1865 concernant la République de Corée, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures voulues pour mettre l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique») en conformité avec les principes de la liberté syndicale, et de le tenir informé à cet égard. Le comité prie également le gouvernement d’abandonner immédiatement les accusations pénales (amendes et peines d’emprisonnement) portées en vertu de l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique») contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués qui ont participé aux grèves dans les sociétés KORAIL et KOGAS, au Service national des pensions et dans les sociétés d’électricité (Sud-Est, Sud, Est-Ouest, Ouest), s’ils sont reconnus coupables d’actes constituant des activités syndicales légitimes. En outre, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour réintégrer immédiatement les 169 responsables syndicaux de la société KORAIL licenciés en raison de leur participation à la grève de novembre 2009, jugée illégale en vertu de l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique») et de lever les mesures disciplinaires prises contre les travailleurs de la société KORAIL et du Service national des pensions. Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé de l’issue de toutes les procédures judiciaires en instance, y compris devant la Cour suprême.
    • e) S’agissant de l’Institut coréen du travail, le comité renvoie à ses conclusions concernant l’article 314 du Code pénal («entrave à l’activité économique») et prie le gouvernement d’abandonner immédiatement les accusations pénales (amendes et peines d’emprisonnement) portées en vertu de cette disposition contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués qui ont participé à la grève à l’Institut coréen du travail, s’ils sont reconnus coupables d’actes constituant des activités syndicales légitimes. Quant aux pressions que la direction de l’institut aurait exercées sur le syndicat après la grève afin de l’inciter à se désaffilier de la KCTU, le comité demande au gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante sur cette grave allégation d’ingérence syndicale de la part de l’employeur et de l’informer du résultat final de cette enquête et des mesures prises en conséquence.
    • f) En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, six mois après la résiliation unilatérale de la convention collective, les facilités auparavant consenties aux syndicats de la société KOGAS et de plusieurs sociétés d’électricité (Sud-Est, Sud, Est-Ouest et Ouest) leur ont été retirées, le comité s’attend à ce que le gouvernement tienne dûment compte à l’avenir des principes énoncés dans ses conclusions, et qu’il envisage de prendre les mesures voulues pour rétablir les privilèges retirés aux syndicats des institutions publiques lorsque les conventions collectives ne sont plus en vigueur.
    • g) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations d’actes de discrimination antisyndicale à l’encontre de dirigeants et de membres syndicaux de l’Institut coréen des technologies du bâtiment. S’il est établi que les dirigeants syndicaux concernés ont été licenciés, ou ont subi d’autres formes de préjudice, en raison de l’exercice de leurs activités syndicales légitimes ou de leur affiliation syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour qu’ils soient pleinement réintégrés dans leur poste sans perte de salaire. Notant avec une profonde préoccupation les allégations d’actes d’ingérence antisyndicale de l’employeur, à la suite desquels le syndicat a perdu la majorité de ses membres, le comité demande également au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur ces allégations afin d’établir les faits et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein respect des principes de la liberté syndicale. Il prie le gouvernement de l’informer du résultat des enquêtes menées.
    • h) Exprimant sa profonde préoccupation face à l’impact apparemment grave sur le mouvement syndical des mesures prises par le gouvernement à l’égard du secteur public (c’est-à-dire les directives budgétaires pour les institutions publiques et l’évaluation de leur solidité financière au moyen de rapports d’évaluation de gestion, d’audits ou d’inspections), le comité prie le gouvernement d’examiner l’impact négatif de ces mesures sur le mouvement syndical dans son ensemble et de prendre les mesures qu’il juge appropriées pour y remédier. Le comité demande également au gouvernement de prendre l’initiative de mesures visant à promouvoir la négociation collective libre, volontaire et de bonne foi dans les institutions et entreprises publiques, et des relations professionnelles harmonieuses dans le secteur public qui respectent les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
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