Allégations: Assassinats, menaces et actes de violence à l’encontre de syndicalistes et de membres de leur famille; licenciements antisyndicaux et refus d’entreprises privées ou d’institutions publiques d’exécuter les injonctions de réintégration prononcées par l’autorité judiciaire; harcèlement de syndicalistes
- 411. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de juin 2012 et a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 364e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 315e session (juin 2012), paragr. 519 à 537.]
- 412. Le gouvernement a fait parvenir des observations partielles dans des communications en date du 31 octobre 2012 et des 28 février et 5 mars 2013.
- 413. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 414. A sa réunion de juin 2012, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 364e rapport, paragr. 537]:
- a) Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis qu’il a examiné ce cas pour la dernière fois, le gouvernement n’ait pas envoyé d’observations sur l’ensemble des allégations restées en suspens lors de l’examen du cas à ses réunions de mars 2010 et mars 2011. Soulignant que certains des faits allégués sont extrêmement graves et qu’ils se seraient produits en 2004, le comité s’attend à ce que le gouvernement lui fasse parvenir toutes les informations demandées dans un futur très proche.
- b) En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les autorités n’auraient pas pris de mesures pour promouvoir la négociation collective entre l’exploitation agricole El Carmen et son syndicat, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué les informations qui lui ont été demandées lors de l’examen antérieur du cas. Prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle la procédure est actuellement en suspens, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour régler ce problème et de le tenir informé de toute mesure prise pour promouvoir la négociation collective dans l’exploitation agricole El Carmen.
- c) Enfin, pour ce qui est du reste des allégations, compte tenu de l’absence d’observations de la part du gouvernement, le comité réitère à nouveau ses recommandations reproduites ci-après:
- – en ce qui concerne l’allégation relative aux menaces de mort proférées à l’encontre de membres du Syndicat professionnel des vendeurs ambulants d’Antigua, du secrétaire général de l’organisation notamment, le comité note que le tribunal compétent n’a pas pu ouvrir d’information, les défendeurs n’ayant pas fourni les renseignements nécessaires. Le comité note avec regret que cette situation aboutit à l’impunité des auteurs des menaces de mort, et il demande au gouvernement de faire en sorte qu’une enquête indépendante soit ouverte sans délai sur ces allégations et de le tenir informé à cet égard;
- – en ce qui concerne les allégations relatives à la tentative d’assassinat ayant visé M. Marcos Álvarez Tzoc, le comité note que, selon le gouvernement, l’arrêt par lequel la Cour constitutionnelle a débouté M. Julio Enrique de Jesús Salazar Pivaral n’est pas encore exécutoire, et il demande au gouvernement de le tenir informé de l’exécution de la peine prononcée par le tribunal pénal;
- – en ce qui concerne l’assassinat de M. Julio Rolando Raquec, le comité regrette que l’enquête n’ait pas permis d’identifier les coupables, et il prie instamment le gouvernement de continuer d’agir à cette fin et de le tenir informé de tout nouvel élément dans cette enquête;
- – en ce qui concerne les mesures nécessaires pour protéger la sécurité et la vie de l’épouse et des enfants de M. Julio Rolando Raquec, dirigeant syndical assassiné, le comité demande au gouvernement de tout mettre en œuvre pour déterminer le lieu de résidence de Mme Lidia Mérida Coy, témoin principal de l’assassinat de M. Julio Rolando Raquec, son compagnon. Le comité souligne qu’il prie à nouveau le gouvernement de prendre des mesures pour assurer la sécurité de cette personne et celle de ses enfants;
- – le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de lui communiquer les résultats des enquêtes effectuées par la police nationale et le procureur aux droits de l’homme au sujet des allégations de surveillance sélective et du vol de l’ordinateur portable de M. José E. Pinzón, secrétaire général de la CGTG;
- – en ce qui concerne l’allégation de licenciement de travailleurs à la municipalité de Samayac, exploitation agricole El Tesoro, pour avoir présenté des cahiers de revendications en vue de négocier une convention collective malgré une ordonnance judiciaire de réintégration, le comité invite le syndicat auquel appartiennent lesdits syndicalistes à faire exécuter le jugement favorable à leur réintégration; et
- – en ce qui concerne les allégations de menaces qui auraient été proférées contre les travailleurs de l’aéronautique civile qui s’étaient rassemblés face au bâtiment pour protester contre les exactions constantes de l’administration (selon les allégations, le chef de la maintenance de l’aéronautique les a menacés en déclarant que, pour cinq minutes de retard dans leur travail, il leur serait dressé un procès-verbal et qu’ils seraient licenciés, des photos ayant même été prises ensuite) et en ce qui concerne l’intimidation par des éléments de la sécurité des membres du syndicat qui se dirigeaient vers le local où allait se tenir l’assemblée générale, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas envoyé ses observations et le prie instamment de le faire sans retard.
- d) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 415. Dans ses communications du 31 octobre 2012 et du 28 février 2013, le gouvernement fournit des informations confidentielles sur l’assassinat, le 28 novembre 2004, de M. Julio Rolando Raquec Ishen, secrétaire général de la Fédération syndicale des travailleurs de l’économie informelle. Sur la base des renseignements communiqués par le ministère public, le gouvernement indique que l’affaire a été classée parce que Mme Mérida Coy, épouse du défunt et témoin oculaire de l’assassinat de ce dernier, a refusé de collaborer à l’enquête. Le gouvernement signale que, dans un premier temps, Mme Coy avait reconnu sur des photos un suspect, déjà accusé de plusieurs délits et condamné pour le meurtre d’une autre personne. L’enquête a conduit à l’hypothèse que M. Julio Rolando Raquec Ishen a été assassiné en raison des actes d’extorsion dont était victime son épouse. Un autre témoin oculaire, qui pourrait collaborer à l’enquête, a également identifié le même suspect. Le gouvernement ajoute que, invoquant sa crainte d’être victime de représailles, l’épouse du dirigeant syndical avait demandé à être réinstallée aux Etats-Unis avec sa famille et à recevoir 3 000 dollars E.-U. par mois. Devant l’offre beaucoup moins généreuse qui lui avait été faite, elle s’est refusée une nouvelle fois, en mai 2012, à collaborer à l’enquête en indiquant que son refus était définitif étant donné que ses demandes n’avaient pas été satisfaites.
- 416. Dans sa communication du 28 février 2013, le gouvernement fait savoir qu’un groupe d’enquêteurs a été constitué pour travailler sous la direction des procureurs compétents afin d’accélérer les enquêtes menées sur les morts violentes de syndicalistes et de mettre en évidence d’éventuels éléments communs qui permettraient d’établir l’existence d’une politique de l’Etat, ou autre, motivant ces crimes.
- 417. Par sa communication du 5 mars 2013, le gouvernement fait savoir que le ministère public du Guatemala a décidé de créer avec les principales centrales syndicales du pays un groupe de travail de haut niveau, chargé d’examiner les cas de violence contre les syndicalistes, qui se réunirait une fois par mois à compter du 7 mars. Par ailleurs, le ministère public présente à nouveau au BIT une demande d’assistance technique pour l’aider à lutter de manière plus efficace contre la violence antisyndicale.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 418. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis qu’il a examiné ce cas pour la dernière fois, le gouvernement n’ait pas envoyé d’observations sur l’ensemble des allégations restées en suspens lors de l’examen du cas à ses réunions de mars 2010, mars 2011 et juin 2012. Soulignant que certains des faits allégués sont extrêmement graves et qu’ils se sont produits en 2004, le comité prie instamment le gouvernement de faire parvenir sans délai toutes les informations demandées.
- 419. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement concernant les investigations menées sur l’assassinat du dirigeant syndical, M. Julio Rolando Raquec, selon lesquelles le mobile du crime pourrait être l’extorsion de fonds dont aurait été victime l’épouse du défunt. Le comité regrette que, malgré l’identification d’un suspect, l’enquête n’ait pas permis de juger ni de condamner les meurtriers. Le comité rappelle que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 52.] Le comité souligne que, pour lutter contre cette impunité, il est essentiel que les auteurs et instigateurs de cet assassinat, ainsi que le mobile de ce dernier, soient identifiés et que les coupables soient jugés et condamnés par les tribunaux. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires à cet égard et de le tenir informé de tout fait nouveau sur la question.
- 420. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement concernant Mme Mérida Coy, épouse de M. Julio Raquec, selon lesquelles, en mai 2012, par crainte des représailles et parce qu’elle avait reçu une offre d’assistance beaucoup moins généreuse qu’elle ne le souhaitait pour s’exiler aux Etats-Unis, cette personne s’était refusée définitivement à collaborer à l’enquête sur l’assassinat de son mari. Le comité s’attend à ce que, sans préjudice de la participation de Mme Coy à ladite enquête, le gouvernement prenne les mesures appropriées pour assurer la sécurité de cette personne et celle de ses enfants.
- 421. Le comité regrette de ne pas avoir reçu de nouvelles observations du gouvernement concernant les menaces de mort proférées à l’encontre de membres du Syndicat professionnel des vendeurs ambulants d’Antigua, notamment du secrétaire général de l’organisation. Le comité avait noté que le tribunal n’avait pas pu entamer la procédure, les défendeurs n’ayant pas fourni les renseignements nécessaires. Le comité regrette à nouveau que la situation décrite aboutisse à l’impunité des auteurs des menaces de mort. En accord avec les engagements pris par le gouvernement du Guatemala dans le mémorandum d’accord, signé le 26 mars 2013, sur l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes, menées avec diligence, et la protection des membres et des dirigeants de syndicats contre la violence et les menaces, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour que soit établi un mécanisme de protection en faveur des personnes faisant l’objet de ces menaces et pour faire en sorte qu’une enquête indépendante soit ouverte sans délai sur les allégations en question. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces mesures.
- 422. Le comité regrette de n’avoir pas reçu de nouvelles observations du gouvernement concernant les allégations relatives à la tentative d’assassinat ayant visé M. Marcos Álvarez Tzoc. Le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé de l’exécution de la peine prononcée par le tribunal pénal et, rappelant les engagements pris par le gouvernement dans le mémorandum d’accord signé le 26 mars 2013, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour établir un mécanisme de protection en faveur de M. Marcos Álvarez Tzoc. En ce qui concerne les allégations restantes, compte tenu de l’absence d’observations de la part du gouvernement, le comité réitère les recommandations formulées dans son 364e rapport et rappelées plus haut dans la rubrique examen antérieur du cas.
- 423. Enfin, le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon laquelle le ministère public du Guatemala a décidé de créer avec les principales centrales syndicales du pays un groupe de travail de haut niveau chargé d’examiner les cas de violence contre les syndicalistes. Le comité prend également note avec intérêt de la signature, le 26 mars 2013, d’un protocole d’accord entre le gouvernement du Guatemala et le président du groupe des travailleurs du Conseil d’administration du BIT par lequel le gouvernement s’engage notamment à: instituer dans les plus brefs délais et à travers les organes compétents de l’Etat des enquêtes judiciaires indépendantes, menées avec diligence, afin d’établir les responsabilités et sanctionner les auteurs et les commanditaires des assassinats de syndicalistes; garantir la sécurité des travailleurs et des travailleuses, grâce à des mesures efficaces de protection des membres et des dirigeants de syndicats contre la violence et les menaces pour que ceux-ci puissent mener leurs activités syndicales. Le comité s’attend fermement à ce que ces engagements se traduisent par des mesures et des résultats concrets concernant les allégations de ce cas qui restent en suspens et prie instamment le gouvernement de l’informer sans délai des résultats de ces mesures.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 424. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis qu’il a examiné ce cas pour la dernière fois, le gouvernement n’ait pas envoyé d’observations sur l’ensemble des allégations restées en suspens lors de l’examen du cas à ses réunions de mars 2010, mars 2011 et juin 2012. Soulignant que certains des faits allégués sont extrêmement graves et qu’ils se sont produits en 2004, le comité prie instamment le gouvernement de faire parvenir sans délai toutes les informations demandées.
- b) En ce qui concerne l’assassinat du dirigeant syndical Julio Rolando Raquec, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les auteurs et instigateurs de ce crime, ainsi que le mobile de ce dernier, soient identifiés et que les coupables soient jugés et condamnés par les tribunaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau sur la question.
- c) En ce qui concerne la situation de l’épouse de M. Julio Raquec, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures appropriées pour assurer la sécurité de cette personne et celle de ses enfants.
- d) En ce qui concerne l’allégation relative aux menaces de mort proférées à l’encontre de membres du Syndicat professionnel des vendeurs ambulants d’Antigua, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour établir un mécanisme de protection en faveur des personnes victimes de ces menaces et pour instituer sans délai une enquête judiciaire indépendante, menée avec diligence, sur les allégations en question. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces mesures.
- e) En ce qui concerne les allégations relatives à la tentative d’assassinat ayant visé M. Marcos Álvarez Tzoc, le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé de l’exécution de la peine prononcée par le tribunal pénal et prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour établir un mécanisme de protection en faveur de M. Marcos Álvarez Tzoc.
- f) Enfin, pour ce qui est du reste des allégations, compte tenu de l’absence d’observations de la part du gouvernement, le comité réitère les recommandations suivantes:
- – le comité demande à nouveau au gouvernement de lui communiquer les résultats des enquêtes effectuées par la police nationale et le procureur aux droits de l’homme au sujet des allégations de surveillance sélective et du vol de l’ordinateur portable de M. José E. Pinzón, secrétaire général de la CGTG;
- – en ce qui concerne l’allégation de licenciement de travailleurs à la municipalité de Samayac, exploitation agricole El Tesoro, pour avoir présenté des cahiers de revendications en vue de négocier une convention collective malgré une ordonnance judiciaire de réintégration, le comité invite à nouveau le syndicat auquel appartiennent lesdits syndicalistes à demander à l’autorité judiciaire compétente de faire appliquer le jugement favorable à leur réintégration; et
- – en ce qui concerne les allégations de menaces qui auraient été proférées contre les travailleurs de l’aéronautique civile qui s’étaient rassemblés face au bâtiment pour protester contre les exactions constantes de l’administration (selon les allégations, le chef de la maintenance de l’aéronautique les a menacés en déclarant que, pour cinq minutes de retard dans leur travail, il leur serait dressé un procès-verbal et qu’ils seraient licenciés, des photos ayant même été prises ensuite) et en ce qui concerne l’intimidation par des éléments de la sécurité des membres du syndicat qui se dirigeaient vers le local où allait se tenir l’assemblée générale, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas envoyé ses observations et le prie instamment de le faire sans délai.
- g) Le comité s’attend fermement à ce que les engagements pris par le gouvernement dans le protocole d’accord signé le 26 mars 2013 entre le gouvernement du Guatemala et le groupe des travailleurs du Conseil d’administration du BIT se traduisent par des mesures et des résultats concrets concernant les allégations de ce cas qui restent en suspens. Le comité prie instamment le gouvernement de l’informer sans délai des résultats de ces mesures.
- h) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.