Allégations: L’organisation plaignante dénonce la violation au sein du groupe FIAT du droit de disposer de représentants syndicaux d’entreprise, des actes de discrimination antisyndicale incluant le refus d’embaucher des salariés syndiqués et le licenciement de dirigeants syndicaux, ainsi que l’absence d’action du gouvernement pour répondre à ces violations
- 580. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale italienne du travail (CGIL) en date du 31 mai 2012.
- 581. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 15 octobre 2012, du 5 août et du 18 septembre 2013.
- 582. L’Italie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 583. Dans une communication en date du 31 mai 2012, la Confédération générale italienne du travail (CGIL) allègue que le gouvernement a violé les conventions nos 87, 98 et 135 de l’OIT dans la mesure où il n’a pas sanctionné comme il se doit les infractions aux dispositions de ces instruments commises par le groupe FIAT (constitué depuis le 1er janvier 2011 de FIAT s.p.a et de FIAT Industrial, ci-après le groupe) au préjudice de son affiliée, la Fédération des employés et ouvriers métallurgistes (Federazione Impiegati Operai Metallurgici – FIOM-CGIL). La CGIL allègue notamment la violation des droits suivants: 1) le droit de tous les travailleurs d’adhérer aux organisations de leur choix sans en subir de conséquences (à ce jour, aucun travailleur affilié à la FIOM-CGIL n’a été embauché sur le site de production de Pomigliano d’Arco); 2) le droit des travailleurs de choisir librement le syndicat par lequel ils souhaitent être représentés; 3) le droit de la FIOM-CGIL d’établir une antenne syndicale et d’avoir des représentants au sein des entreprises du groupe, dénié en vertu d’une certaine interprétation de l’article 19 du Statut des travailleurs (Statuto dei Lavoratori) de 1970, ayant justement pour but d’éviter que la FIOM-CGIL puisse disposer d’une telle représentation.
- 584. La CGIL indique que la FIOM-CGIL est le syndicat le plus représentatif du secteur de la métallurgie au regard de la législation et de la jurisprudence italiennes puisqu’elle satisfait à tous les critères requis en termes d’effectifs, d’audience aux élections des délégués syndicaux d’entreprise (rappresentanza sindacale unitaria – RSU) ou de présence sur tout le territoire national, qu’elle est partie à des conventions collectives nationales de branche ainsi qu’à des accords conclus avec les principales entreprises italiennes du secteur de la métallurgie et qu’elle est affiliée à une centrale syndicale comptant parmi les plus représentatives au niveau national, de même qu’à des fédérations internationales de travailleurs de la métallurgie. L’organisation plaignante ajoute que la FIOM-CGIL est également considérée comme l’une des organisations syndicales les plus représentatives au regard des critères de participation au dialogue social européen.
- 585. L’organisation plaignante communique les informations suivantes concernant la représentativité de la FIOM-CGIL au sein du groupe: 1) la FIOM-CGIL a toujours été présente dans les différents organismes et mécanismes de représentation syndicale qui se sont développés au fil du temps dans le cadre du système italien de relations professionnelles, des commissions internes (commissioni interne) à la RSU, en passant par les sections syndicales d’entreprise (sezioni aziendali sindacali) et les comités d’établissement (consigli di fabbrica); 2) depuis l’entrée en vigueur du Statut des travailleurs en 1970, la FIOM-CGIL a toujours bénéficié d’une représentation syndicale d’entreprise et n’a jamais cessé d’exercer les prérogatives syndicales qui lui étaient accordées par la loi en sa qualité d’organisation de travailleurs la plus représentative; 3) la FIOM-CGIL est signataire de tous les accords collectifs d’entreprise conclus avec le groupe depuis quarante ans; 4) les effectifs et les activités syndicales de la FIOM-CGIL témoignent de son implantation sur tous les sites de production du groupe.
- 586. L’organisation plaignante décrit dans le détail le différend qui a débuté sur le site de Pomigliano d’Arco (province de Naples) avant de s’étendre au reste du groupe et qui peut être résumé comme suit:
- i) Le groupe ayant annoncé, fin 2009, un plan d’investissement (baptisé Fabbrica Italia) pour ses unités de production en Italie, une réunion s’est tenue le 9 avril 2010, à laquelle ont pris part des représentants du groupe, des secrétariats nationaux des trois syndicats de travailleurs les plus représentatifs du secteur de la métallurgie FIOM-CGIL, Federazione italiana metalmeccanici-Confederazione italiana sindacati dei lavoratori (FIM-CISL) et Unione italiana lavoratori metalmeccanici e industria-Unione italiana del lavoro (UILM-UIL) et du syndicat d’entreprise Federazione italiana sindacati metalmeccanici e industria collegate (FISMIC) ainsi que des membres de la représentation syndicale unitaire sur le site de Pomigliano d’Arco. D’après l’organisation plaignante, tous les syndicats se sont déclarés prêts à engager des négociations sur la base des conditions posées par le groupe, à l’exception de la FIOM-CGIL qui, quoique favorable au plan d’investissement, a demandé que l’ensemble des travailleurs restent associés aux négociations dans la mesure où les conditions prises par le groupe leur étaient extrêmement préjudiciables. Le 27 avril 2010, le groupe a dénoncé toutes les conventions collectives encore en vigueur à cette date, avec effet au 1er janvier 2011, au motif qu’elles étaient incompatibles avec le plan d’investissement Fabbrica Italia. La FIOM-CGIL a diffusé une déclaration dans laquelle elle critiquait les conditions posées par le groupe, notamment celles concernant les heures de travail dont elle dénonçait les conséquences pour la santé des travailleurs.
- ii) En mai 2010, plusieurs réunions ont eu lieu entre le groupe et l’ensemble des syndicats, à l’occasion desquelles la FIOM-CGIL a fait part de sa volonté de négocier, dans le cadre fixé par la loi et par la convention collective nationale du secteur de la métallurgie, tous les aspects de la nouvelle organisation du travail, par exemple l’augmentation des rotations d’équipes.
- iii) Le 11 juin 2010, la FIOM-CGIL a fait savoir qu’elle n’était pas en mesure de signer le projet d’accord présenté par le groupe car elle désapprouvait l’introduction de conditions de travail moins favorables en vertu d’une dérogation aux dispositions de la convention collective nationale du secteur de la métallurgie et de la loi, et notamment la possibilité offerte au groupe de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des travailleurs qui viendraient à faire grève pour demander une amélioration de leurs conditions de travail et qui endosseraient ainsi à titre individuel des responsabilités assumées normalement par les organisations syndicales.
- iv) Le 15 juin 2010, tous les syndicats à l’exception de la FIOM-CGIL ont été conviés à la table des négociations par le groupe et ont signé le projet d’accord qui leur était présenté. Ils ont ensuite demandé la tenue d’un référendum.
- v) Sur les 4 881 travailleurs que compte le site de production de Pomigliano d’Arco, 4 642 ont participé au référendum organisé le 22 juin 2010; 63,3 pour cent des votants ont approuvé le projet d’accord tandis que 1 673 salariés ont voté contre (ce qui représente environ 37 pour cent des voix).
- vi) La FIOM-CGIL a fait part de son intention de poursuivre les négociations avec le groupe en vue de parvenir à un accord qui, cette fois, ne remette pas en cause la convention collective nationale. L’organisation plaignante précise que, d’après la législation italienne, une convention collective ne peut être imposée à tous les travailleurs d’une entreprise si les intéressés ne l’ont pas expressément acceptée, que ce soit directement ou par l’intermédiaire des syndicats auxquels ils sont affiliés, de sorte que le groupe ne pouvait appliquer les dispositions dérogatoires prévues dans la nouvelle convention collective d’entreprise aux membres de la FIOM-CGIL.
- vii) En octobre 2010, le groupe a fait part de son intention de créer de nouvelles sociétés qui se substitueraient aux structures existantes, précisant que ces sociétés ne seraient pas affiliées à la Fédération italienne des industries de la métallurgie et de la mécanique (FEDERMECCANICA) – elle-même affiliée à la Confédération générale de l’industrie italienne (CONFINDUSTRIA) – afin de n’être liées par aucune convention collective à laquelle la FIOM-CGIL est partie et, sur la base de l’article 19 du Statut des travailleurs, de faire en sorte que cette dernière ne puisse avoir aucun délégué dans ses unités de production.
- viii) Le 23 décembre 2010, un accord portant sur un autre site de production du groupe (Mirafiori, à Turin) a été signé en vue de l’application d’une convention collective spécifique de premier niveau (accord de site) par la société FIAT-Chrysler Joint Venture, non affiliée à la CONFINDUSTRIA. Un référendum a là aussi été organisé auprès de tous les travailleurs, et ceux-ci ont été plus nombreux que leurs collègues de Pomigliano à se prononcer contre l’accord (43 pour cent). Si l’on avait tenu compte du vote des seuls ouvriers (cols bleus), qui allaient être les plus pénalisés par les nouvelles mesures, l’accord aurait été rejeté.
- ix) Le 29 décembre 2010, la convention collective d’entreprise de premier niveau a été signée, devenant la seule convention collective applicable aux travailleurs du groupe. Elle n’a pas été signée par la FIOM-CGIL.
- x) Le 16 juin 2011, le groupe a engagé la procédure de cessation d’activité de l’ancienne société et a commencé à embaucher des travailleurs dans la nouvelle.
- xi) Le 28 juin 2011, la CGIL, la CISL et l’UIL ont signé un accord national avec la CONFINDUSTRIA.
- xii) Le 30 juin 2011, FIAT s.p.a et FIAT Industrial ont fait part de leur décision de quitter la CONFINDUSTRIA au 1er janvier 2012. La raison première de cette décision était que le groupe n’entendait pas appliquer dans ses unités de production l’accord conclu par les syndicats et la CONFINDUSTRIA.
- xiii) Le 21 novembre 2011, le groupe a annoncé qu’il dénonçait toutes les conventions collectives passées avec les syndicats, avec effet au 1er janvier 2012, au motif qu’elles n’étaient pas compatibles avec son plan de relance de la production.
- xiv) Le 13 décembre 2011, FIAT s.p.a et FIAT Industrial ont conclu un accord avec la FIM-CISL, l’UILM-UIL, la FISMIC et l’UGL Metalmeccanici. Cet accord portant sur une convention collective d’entreprise ou convention collective de premier niveau s’applique à toutes les sociétés du groupe. Dans la partie de l’accord qui leur est consacrée, on peut lire que les droits syndicaux sont régis par les dispositions de la loi no 300/1970 et que, conformément à l’article 19 de cette loi, seules seront reconnues les représentations syndicales d’entreprise des organisations signataires de l’accord.
- xv) En janvier 2012, le conseil national de la CGIL s’est élevé contre l’attitude du groupe qui fait table rase de la convention collective nationale, tourne le dos à sa tradition de négociation collective et, en toute illégalité, bannit de ses entreprises le syndicat le plus représentatif.
- 587. D’après l’organisation plaignante, tant les dispositions de la loi no 300/1970 que les mesures prises par le groupe sont contraires au droit de négociation collective. L’article 19 de la loi en question reconnaît aux syndicats signataires des conventions collectives applicables sur un site de production donné le droit de constituer une représentation syndicale d’entreprise. Depuis 1995 et l’approbation par voie de référendum d’un amendement à l’article original, la constitution de représentations syndicales d’entreprise n’est plus subordonnée à l’affiliation à l’une des centrales syndicales les plus représentatives au niveau national. La finalité de cet amendement était de permettre à davantage de syndicats d’être représentés au niveau des entreprises, et non d’exclure des organisations bien implantées (comme la FIOM-CGIL). L’organisation plaignante allègue que le groupe a choisi de prendre cette disposition au pied de la lettre, en violation des principes de liberté syndicale inscrits dans la Constitution italienne, de manière à exclure de l’entreprise les délégués du syndicat le plus représentatif du secteur de la métallurgie pour la seule raison que ce syndicat a exercé son droit d’opposition, expression suprême de la liberté syndicale telle que celle-ci est garantie par les conventions de l’OIT.
- 588. L’organisation plaignante considère que le groupe a fait un usage indu de la liberté de négociation collective, d’une part, en choisissant les syndicats avec lesquels il signerait la convention collective et, d’autre part, en exerçant une discrimination à l’encontre de la FIOM-CGIL, à laquelle il a dénié le droit d’avoir des représentants en le subordonnant à la signature de la convention collective d’entreprise.
- 589. L’organisation plaignante dénonce également les conséquences qu’entraîne l’absence de représentation syndicale d’entreprise et déplore notamment que, sur tous les sites de production et dans toutes les unités du groupe, les représentants de la FIOM-CGIL ne jouissent plus d’une protection adéquate contre les licenciements, contrairement à ceux d’autres organisations syndicales dont la base est pourtant bien moindre. A la différence des délégués de ces organisations, les représentants de la FIOM-CGIL ne bénéficient plus de congés syndicaux, ne peuvent plus organiser ni réunions ni référendums et ne sont plus informés des éventuelles crises ou réorganisations, pas plus qu’ils ne seraient consultés si une délocalisation se profilait à l’horizon.
- 590. L’organisation plaignante ajoute que le groupe refuse de retenir à la source les cotisations syndicales des adhérents de la FIOM-CGIL, à laquelle il dénie en outre le droit de participer à la création des Comités d’entreprise européens (CEE) des deux sociétés que comprend le groupe (FIAT s.p.a et FIAT Industrial).
- 591. L’organisation plaignante accuse également le groupe d’exercer une discrimination indirecte à son encontre à travers des mesures d’intimidation visant des membres et des délégués de la FIOM-CGIL. Peu après la signature du premier accord concernant le site de Pomigliano d’Arco, plusieurs grèves sauvages ont été déclenchées sur différents sites de production, les conditions de travail étant à l’origine d’un mécontentement que le climat au sein du groupe n’a fait qu’exacerber. A Melfi, trois délégués de la FIOM-CGIL ont été licenciés dans le but d’intimider les travailleurs: ces délégués avaient en effet tous trois pris la défense des grévistes contre la direction. Le groupe refuse de les réintégrer alors même que la justice lui a ordonné de le faire.
- 592. Sur le site de Pomigliano d’Arco, les employés de l’ancienne entreprise sont progressivement réembauchés au sein de la nouvelle société qui l’a remplacée. Des 2 100 travailleurs réengagés (sur 4 367), pas un seul n’est affilié à la FIOM-CGIL. L’attitude du groupe a entraîné un recul brutal des effectifs de l’organisation, des dizaines de travailleurs ayant en effet quitté le syndicat de peur que leur appartenance à celui-ci ne leur porte préjudice. D’après l’organisation plaignante, en offrant au groupe la possibilité d’appliquer un traitement différencié aux organisations syndicales selon qu’elles sont ou non parties à une convention collective, le gouvernement italien a enfreint les dispositions de l’article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui consacre notamment le droit des travailleurs de s’affilier à l’organisation de leur choix, à la seule condition de se conformer aux statuts de celle-ci. Il contrevient également aux dispositions de l’article 2 de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, en ce sens qu’il n’a pris jusqu’à présent aucune mesure pour mettre fin aux agissements du groupe, lequel empêche la FIOM CGIL d’avoir des représentants syndicaux sur ses sites de production sur la base de la législation nationale (art. 19 de la loi no 300/1970), refusant par là même d’accorder au syndicat le plus représentatif, au sein du secteur de la métallurgie comme au sein de l’entreprise, l’exercice des droits et privilèges qu’il reconnaît à des organisations moins représentatives (notamment l’accès aux lieux de travail, à l’occasion de réunions, des responsables et dirigeants chargés de constituer des représentations syndicales d’entreprise). Puisqu’il nie au syndicat le droit d’avoir des représentations syndicales d’entreprise, le groupe refuse également que les responsables et dirigeants de la FIOM-CGIL accèdent à ses usines.
- 593. En conclusion, l’organisation plaignante considère que, dans la pratique, le gouvernement italien a laissé le groupe violer les droits syndicaux de la FIOM-CGIL et de ses membres, notamment le droit de constituer des représentations syndicales d’entreprise et les droits reconnus aux représentants syndicaux par la législation nationale. Par ailleurs, en dépit des demandes répétées que la CGIL lui a adressées, le gouvernement n’a toujours pas précisé les modalités d’application de la législation relative aux délégués syndicaux et aux conventions collectives, si bien que la justice en donne des interprétations très diverses, sinon contradictoires, lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur le sujet. Il en résulte une insupportable incertitude quant aux droits de la FIOM-CGIL et de ses membres.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 594. Dans sa communication en date du 15 octobre 2012, le gouvernement indique que l’article 39 de la Constitution italienne reconnaît la liberté (positive ou négative) de chaque travailleur et employeur de constituer des syndicats au sein d’une même catégorie professionnelle ou d’un même secteur productif; la liberté des individus de choisir le syndicat auquel ils souhaitent adhérer, voire la liberté de n’adhérer à aucun syndicat, liberté opposable aussi bien aux pouvoirs publics, qui ne peuvent nullement intervenir dans l’organisation du syndicat, qu’à l’employeur qui, conformément à l’article 15 du Statut des travailleurs, ne peut subordonner l’engagement, le licenciement ou la mutation d’un travailleur à son appartenance ou à sa non-appartenance à un syndicat déterminé, ou au fait que l’intéressé adhère ou cesse d’adhérer audit syndicat.
- 595. Le gouvernement ajoute qu’il est donné effet à la protection constitutionnelle, par le biais des titres II et III du Statut des travailleurs, protégeant ainsi la liberté et la dignité des travailleurs et garantissant aux syndicats visés à l’article 19 du statut le libre exercice de la liberté syndicale sur le lieu de travail. Plus précisément, l’article 19, tel que modifié par le décret du Président de la République no 312 du 28 juillet 1995, dispose ce qui suit:
- Des représentations syndicales d’entreprise peuvent être constituées à l’initiative des travailleurs dans chaque unité de production:
- a) [...];
- b) au sein des syndicats qui sont signataires de conventions collectives applicables à l’unité de production;
- Dans les entreprises qui comprennent plusieurs unités de production, les représentations syndicales peuvent instituer des organes de coordination.
- 596. A cet égard, le gouvernement souligne que la nouvelle version de l’article 19 a été adoptée à l’issue du référendum du 11 juin 1995 par lequel le peuple a manifesté sa volonté d’abroger certaines parties du texte original (abrogation de l’alinéa a) et modification de l’alinéa b)). Concrètement, ces modifications se sont traduites par l’abandon du principe de la «plus grande représentativité sur le plan national» et par la suppression de la disposition qui reconnaissait aux seules confédérations la représentativité nécessaire aux fins de la constitution de représentations syndicales d’entreprise; d’où l’extension de cette reconnaissance aux syndicats ne remplissant pas ce critère mais signataires de conventions collectives applicables à l’unité de production.
- 597. Le gouvernement indique que, dans le cas d’espèce, conformément à la formulation actuelle de l’article 19, le droit de constituer des représentations syndicales d’entreprise (et l’exercice des droits qui en découlent) est reconnu aux seuls syndicats qui ont souscrit ou adhéré à la convention d’entreprise de premier niveau du 13 décembre 2011, qui s’applique à l’ensemble du groupe FIAT (ci-après le groupe) depuis le 1er janvier 2012 en lieu et place de la convention collective nationale du secteur de la métallurgie et de la mécanique applicable aux entreprises affiliées à la CONFINDUSTRIA. Par ailleurs, le groupe n’est plus affilié à cette dernière depuis le 1er janvier 2012. L’interdiction faite à la FIOM-CGIL de constituer des représentations syndicales d’entreprise dans les unités de production du groupe découle par conséquent de l’application de l’alinéa b), ce syndicat n’ayant ni souscrit ni adhéré à la convention d’entreprise de premier niveau du 13 décembre 2011. Le gouvernement considère toutefois opportun de faire observer que, toujours en vertu de l’article 19, la FIOM-CGIL n’aurait pas eu le droit de participer aux élections puis à la constitution des représentations syndicales d’entreprise même dans l’hypothèse où le groupe serait encore affilié à la CONFINDUSTRIA, car elle n’a pas non plus souscrit ou adhéré à la convention collective nationale sectorielle signée par la CONFINDUSTRIA et par les autres syndicats.
- 598. En ce qui concerne l’allégation relative aux demandes répétées de clarification présentées au gouvernement aux fins de l’application correcte des règles applicables aux représentations syndicales d’entreprise, il faut en premier lieu rappeler que le principe de liberté syndicale visé au premier alinéa de l’article 39 de la Constitution empêche toute ingérence et/ou contrôle de l’Etat vis-à-vis de l’organisation syndicale, tout comme il exclut toute intervention autoritaire dans l’action syndicale. Le gouvernement signale par ailleurs qu’en juin 2012 le juge du travail de Modène a soulevé devant la Cour constitutionnelle la question de la constitutionnalité de l’alinéa b) de l’article 19.1.b) de la loi no 300 de 1970.
- 599. Le gouvernement précise que le système juridique italien (art. 28 de la loi no 300 de 1970) prévoit un dispositif particulier de protection de la liberté syndicale dénommé «Répression de la conduite antisyndicale». Cet article dispose que, face à des actes antisyndicaux de l’employeur visant à restreindre l’exercice de la liberté et de l’activité syndicales et le droit de grève, les antennes locales des syndicats nationaux intéressés peuvent proposer le recours au juge du travail du lieu où ont été commis les actes antisyndicaux. Si, à l’issue d’un examen sommaire et immédiat (mené dans les deux jours qui suivent le recours), le juge estime qu’il y a bien eu atteinte aux libertés et aux droits syndicaux des travailleurs, il peut, par décision motivée et immédiatement exécutoire, ordonner à l’employeur de mettre fin aux actes litigieux et aux conséquences de ces derniers. A cet égard, il est fait observer que, comme indiqué dans la plainte, la FIOM-CGIL a présenté contre le groupe de nombreux recours en vertu de l’article 28 pour comportement antisyndical mais que, à la date de la communication, ils ont tous été rejetés.
- 600. Le gouvernement fait observer que c’est dans le contexte des retombées sociales et professionnelles du conflit en cours au sein du groupe que le gouvernement, bien conscient de son rôle et de ses responsabilités, s’est dépensé sans compter et a multiplié les contacts, aussi bien avec le groupe qu’avec les syndicats.
- 601. En ce qui concerne les allégations de la FIOM-CGIL relatives aux actes discriminatoires dont le groupe se serait rendu coupable au détriment de délégués syndicaux et de travailleurs inscrits à ce syndicat, et en particulier au non-réengagement de ces derniers au sein de la nouvelle entreprise de Pomigliano d’Arco, il précise que le 6 juillet 2011, dans les locaux du ministère du Travail et des Politiques sociales, le groupe et les organisations syndicales FIM-CISL, UILM-UIL, FISMIC et UGL Metalmeccanici nazionali (à l’exclusion de la FIOM-CGIL), ainsi que les collectivités territoriales et la représentation syndicale unitaire, ont signé un mémorandum d’accord par lequel il a été convenu que le groupe demanderait le recours au régime de la Cassa Integrazione Guadagni Straordinaria (CIGS, un fonds de garantie des salaires en cas de chômage technique) pour situation de crise dans l’entreprise et cessation de l’activité sur le site de Pomigliano d’Arco, pour une durée de vingt-quatre mois à compter du 15 juillet 2011, en faveur des 4 367 personnes travaillant sur ce site qui seraient «suspendues à zéro heure» (suspension totale du travail). Pour ce qui est du plan de gestion des effectifs excédentaires, les parties ont prévu de réaffecter dans un délai de vingt-quatre mois à la société Fabbrica Italia Pomigliano S.A. l’ensemble du personnel de l’unité de production de Pomigliano d’Arco. Cette mesure devait permettre, au cours des douze premiers mois de Cassa Integrazione (du 15 juillet 2011 au 14 juillet 2012), de reclasser au moins 40 pour cent du personnel déclaré excédentaire. Les parties ont pris acte du fait que ce résultat était la condition sine qua non du passage à la deuxième année de CIGS. La société prévoyait également que le personnel encore excédentaire serait reclassé au cours de la seconde période de douze mois de la CIGS (du 15 juillet 2012 au 14 juillet 2013). A la lumière des engagements pris par le groupe en vertu de l’accord susmentionné, il est infondé de prétendre, comme le fait la FIOM-CGIL, que les travailleurs affiliés à celle-ci ont fait l’objet d’une discrimination puisque le groupe avait encore la possibilité d’engager, avant le 14 juillet 2013, la totalité des 4 367 salariés de l’ancienne société de Pomigliano d’Arco.
- 602. Dans une communication du 5 août 2013, le gouvernement fournit une copie de la décision no 231/2013 de la Cour constitutionnelle du 3 juillet 2013 relative à la constitutionnalité de l’article 19.1.b) du Statut des travailleurs. La décision déclare inconstitutionnel l’article 19.1.b) du Statut des travailleurs dans la mesure où cette disposition ne prévoit pas la possibilité de constituer une représentation syndicale d’entreprise pour les syndicats n’ayant pas signé de convention collective applicable à l’unité de production, mais ayant en revanche participé à leur négociation en tant que représentants des travailleurs de l’entreprise. Le gouvernement précise dans sa communication que, vu la sensibilité de la question et le caractère spécifique de la décision de la cour, il se réserve la possibilité d’évaluer l’opportunité d’une intervention législative en matière de représentation syndicale au niveau de l’entreprise.
- 603. Dans une communication du 18 septembre 2013, le gouvernement fait suivre la réponse du groupe aux allégations de l’organisation plaignante. Le groupe signale d’abord que la législation italienne (le Statut des travailleurs) prévoit deux niveaux de protection distincts en matière de liberté syndicale: en premier lieu, les articles 14, 15, 16, 26 et 28 du statut qui reconnaissent à tout travailleur le droit de créer et d’adhérer à des associations syndicales, de faire du prosélytisme syndical au sein de l’entreprise et qui prévoient une protection efficace contre la discrimination antisyndicale, dispositions dont le contenu permettrait à lui seul de respecter les obligations de la convention no 135 de l’OIT; en deuxième lieu, les articles 19 à 27 du statut qui, selon l’interprétation stricte de l’article 19, attribuent une série de droits supplémentaires uniquement aux organisations syndicales parties à une convention collective applicable dans l’entreprise. Le groupe considère que cette distinction est conforme au principe, reconnu par le Comité de la liberté syndicale, selon lequel les organisations les plus représentatives peuvent jouir de certains avantages limités.
- 604. Le groupe rappelle ensuite que la rédaction actuelle de l’article 19 du Statut des travailleurs découle d’un référendum populaire réalisé en 1995 qui a été approuvé par une large majorité de citoyens. Le groupe ajoute que le nouveau critère d’attribution des droits syndicaux de deuxième niveau est cohérent avec le contenu de ces droits (droit d’organiser des assemblées, de jouir de permis syndicaux, d’avoir un tableau syndical, etc.) qui facilitent la gestion du contenu de la convention collective. De fait, la disposition aurait été par le passé déclarée constitutionnelle à plusieurs reprises par les organes compétents.
- 605. Quant à la décision du 3 juillet 2013 de la Cour constitutionnelle, si elle a déclaré l’inconstitutionnalité de l’article 19.1.b) du statut en décidant qu’en vertu de la Constitution la représentation syndicale d’entreprise devait être ouverte à tous les syndicats ayant participé à la négociation de la convention, elle a également confirmé que la disposition législative en question n’avait pu donner lieu à une autre interprétation que celle suivie par le groupe jusqu’alors et consistant à ne reconnaître de droits de représentation syndicale dans l’entreprise qu’aux seules organisations ayant signé un accord collectif applicable à l’unité de production, ce qui n’était plus le cas de la FIOM-CGIL puisque celle-ci non seulement n’avait pas signé les conventions d’entreprise, mais pas non plus la dernière convention collective nationale applicable au secteur.
- 606. Par ailleurs, le groupe indique que, en se retirant de la confédération nationale d’employeurs CONFINDUSTRIA, il n’a pas cherché à évincer la FIOM-CGIL de l’entreprise mais a simplement exercé sa liberté de négocier. Quant au refus d’une représentation syndicale FIOM-CGIL dans l’entreprise, elle a purement et simplement découlé de l’application stricte de l’article 19 du Statut des travailleurs, tel qu’interprété par la jurisprudence. Le groupe précise enfin que, suite à la décision de la Cour constitutionnelle précitée, il a unilatéralement décidé de reconnaître à la FIOM-CGIL la possibilité de disposer d’une représentation syndicale d’entreprise.
- 607. Le groupe ajoute que sa politique conventionnelle respecte pleinement la législation en vigueur et qu’elle est entièrement légitime, tel que le démontrent les accords conclus avec toutes les organisations syndicales représentatives au sein du groupe à l’exception de la FIOM-CGIL, mais aussi le soutien de la nette majorité des travailleurs lorsque ceux-ci ont été consultés par référendum, tel que cela a été le cas dans les établissements de Pomigliano d’Arco et de Grugliasco. Le groupe précise enfin que la FIOM-CGIL ne constitue pas à ce jour l’organisation syndicale la plus représentative du groupe et que les grèves qu’elle a pu récemment mener n’ont été suivies que par une très faible minorité de travailleurs.
- 608. Quant aux allégations d’exclusion de la FIOM-CGIL du processus de constitution du Comité d’entreprise européen, le groupe signale que, par une décision du 20 février 2013, le Tribunal de Turin a considéré que ne pouvait être retenu aucun comportement antisyndical de la part du groupe et que, au moment des faits, la FIOM-CGIL n’avait aucun droit de faire partie du groupe spécial de négociation chargé de préparer la constitution du Comité d’entreprise européen.
- 609. Concernant l’interruption de la déduction des cotisations syndicales au profit de la FIOM CGIL, le groupe indique que, depuis 1995 et la réforme par référendum de l’article 26 du Statut des travailleurs, il n’y a plus d’obligation légale pesant sur l’employeur en matière de déduction des cotisations syndicales. Le groupe affirme que les conventions collectives peuvent avoir réintroduit cette obligation mais que, dans ce cas, en vertu de la nature de contrat privé des conventions, l’obligation de déduction ne s’applique qu’aux travailleurs membres des organisations syndicales signataires de la convention. Le groupe ajoute qu’il respecte les différentes décisions de justice lui ayant ordonné d’effectuer ces déductions au profit de la FIOM-CGIL dans certains de ses établissements.
- 610. A propos des allégations de discrimination à l’encontre des affiliés de la FIOM-CGIL dans le processus de réembauchage des travailleurs de l’établissement de Pomigliano d’Arco, le groupe indique que, si la Cour d’appel de Rome a, dans un arrêt du 12 octobre 2012, fait droit à la demande de la FIOM-CGIL, ledit arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation. De plus, les accusations de discrimination antisyndicale sont aujourd’hui dépassées puisque tous les travailleurs de l’établissement ont maintenant été intégrés à une nouvelle structure (FGA) et qu’ils se trouvent tous sujets à un régime de chômage technique (Cassa Integrazione) et de travail en rotation considéré non-discriminatoire par le Tribunal de Rome.
- 611. Finalement, le groupe nie les accusations de pratiques discriminatoires généralisées contre les représentants et affiliés de la FIOM-CGIL. Il nie également l’existence de sanctions disciplinaires en cas de participation à des grèves concernant les conditions de travail. Concernant le licenciement de dirigeants syndicaux de la FIOM-CGIL de l’établissement de Melfi pour obstruction à la production au cours d’une grève, le groupe signale que, si, par un arrêt du 2 août 2013, la Cour de cassation a ordonné la réintégration des trois délégués pour licenciement injustifié, elle a par contre confirmé l’existence des faits reprochés aux trois salariés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 612. Le comité rappelle que, s’inscrivant dans le contexte de la dénonciation par le groupe FIAT (ci-après le groupe) des conventions collectives auxquelles celui-ci était lié et de la conclusion de nouvelles conventions auxquelles la FIOM-CGIL n’a pas apposé sa signature, la présente plainte a pour objet, d’une part, l’exclusion de ladite organisation du bénéfice d’une série de droits syndicaux, en particulier de celui de disposer de représentants au niveau de l’entreprise, réservés aux seules organisations signataires des conventions en vigueur dans le groupe et, d’autre part, des allégations d’actes de discrimination antisyndicale dont auraient été victimes la FIOM-CGIL et ses membres au sein du groupe mentionné.
- 613. Le comité prend note que l’organisation plaignante allègue que: le groupe a violé les conventions nos 87, 98 et 135 en déniant à la FIOM-CGIL, syndicat particulièrement représentatif dans le secteur d’activité et dans le groupe, le bénéfice d’ une série de droits syndicaux incluant en particulier le droit de disposer de représentants syndicaux d’entreprise; ces droits ont été réservés, sur le fondement d’une interprétation stricte de la législation italienne, aux seules organisations signataires des conventions collectives en vigueur dans le groupe; le groupe a mené une politique de discrimination antisyndicale à l’encontre de la FIOM-CGIL et de ses membres, incluant la suspension de la déduction des cotisations syndicales au détriment des seuls affiliés à la FIOM-CGIL, l’exclusion d’un représentant de la FIOM-CGIL du Comité d’entreprise européen ainsi que des discriminations à l’embauche et des licenciements injustifiés de dirigeants syndicaux; le gouvernement n’a pris aucune mesure pour mettre fin aux violations dénoncées et, en particulier, il n’a pris aucune initiative pour clarifier l’interprétation de la législation italienne et éviter que le bénéfice des droits syndicaux, y compris celui de nommer des représentants syndicaux d’entreprise, ne soit réservé qu’aux seules organisations signataires d’accords collectifs applicables à l’entreprise.
- 614. Le comité prend note des premières observations du gouvernement dans lesquelles il indique que: en vertu de l’article 19 du Statut des travailleurs tel que modifié par le référendum de 1995, seuls les syndicats signataires de conventions collectives applicables à l’unité de production ont le droit de constituer des représentations syndicales d’entreprise et d’exercer les droits en découlant, ce qui, au moment de la plainte, n’était plus le cas de la FIOM-CGIL au sein du groupe; en vertu du principe de non-ingérence des pouvoirs publics en matière de liberté syndicale, il n’appartenait pas au gouvernement de clarifier les règles d’application de l’article 19 du statut; concernant la supposée politique antisyndicale du groupe, l’article 28 du Statut des travailleurs prévoit une procédure judiciaire particulièrement efficace de «répression de la conduite antisyndicale»; tous les recours présentés par la FIOM-CGIL contre le groupe sur la base de cet article ont jusqu’à cette date été rejetés; concernant les allégations de non-réembauchage discriminatoire de travailleurs affiliés à la FIOM-CGIL au sein de l’établissement de Pomigliano d’Arco, le groupe disposait d’un délai courant jusqu’au 14 juillet 2013 pour réengager la totalité des salariés de l’ancienne structure se trouvant jusqu’alors au chômage technique. Avant cette date, il était donc prématuré d’alléguer une quelconque discrimination à l’embauche.
- 615. Le comité prend également note des observations supplémentaires du gouvernement par le biais desquelles il l’informe de la décision no 231/2013 de la Cour constitutionnelle du 3 juillet 2013 qui déclare inconstitutionnel l’article 19.1.b) du Statut des travailleurs.
- 616. Le comité prend enfin note des observations du groupe transmises par le gouvernement indiquant que: les articles 19 à 27 du Statut des travailleurs qui, selon l’interprétation stricte de l’article 19, attribuent une série de droits uniquement aux organisations syndicales signataires des conventions collectives applicables dans l’entreprise sont conformes au principe, reconnu par le comité, selon lequel les organisations les plus représentatives peuvent jouir de certains avantages limités; la suppression de la représentation syndicale FIOM-CGIL dans l’entreprise ne traduit donc pas une politique antisyndicale mais découle uniquement de l’application stricte de l’article 19 du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence; depuis la réforme de 1995 de l’article 26 du Statut des travailleurs, il n’ y a plus d’obligation légale générale pesant sur l’employeur de déduire les cotisations syndicales des salaires; tel que reconnu par le Tribunal de Turin, la FIOM CGIL ne disposait d’aucun droit au moment des faits d’être représentée dans le processus de constitution du Comité d’entreprise européen; suite à la décision de la Cour constitutionnelle du 3 juillet 2013, le groupe reconnaît la représentation syndicale d’entreprise de la FIOM-CGIL; le groupe considère infondées les différentes allégations d’actes antisyndicaux et de discriminations contenues dans la plainte.
- 617. Le comité constate que l’organisation plaignante, le groupe et le gouvernement s’accordent sur le fait que la non-reconnaissance à la FIOM-CGIL du droit de disposer de représentants syndicaux au sein des établissements du groupe mentionné s’inscrit dans l’application stricte de l’article 19 du Statut des travailleurs, qui dispose que les syndicats signataires de conventions collectives applicables à l’unité de production peuvent établir une représentation syndicale d’entreprise. A cet égard, le comité prend note de la décision du 3 juillet 2013 de la Cour constitutionnelle qui déclare l’inconstitutionnalité de la disposition mentionnée dans la mesure où cette dernière ne prévoit pas la possibilité de constituer une représentation syndicale d’entreprise pour les syndicats n’ayant pas signé de convention collective applicable à l’unité de production, mais ayant en revanche participé à leur négociation en tant que représentants des travailleurs de l’entreprise.
- 618. Le comité prend particulièrement note des arguments de la Cour constitutionnelle selon lesquels: l’article 19.1.b) du Statut des travailleurs ne remplit pas sa fonction de sélection des syndicats sur la base de leur représentativité, mais pourrait au contraire se transformer en mécanisme d’exclusion d’organisations jouissant d’une représentativité significative au niveau de l’entreprise; faire dépendre exclusivement le bénéfice des droits syndicaux d’une position d’accord avec l’employeur porte atteinte, du point de vue de la négociation collective, au pluralisme et à la liberté d’action des organisations syndicales, consacrés par l’article 39 de la Constitution italienne; la disposition en cause introduit une sanction injustifiée du désaccord qui indéniablement conditionne la liberté du syndicat de choisir les formes les plus appropriées de défense des intérêts de ses membres.
- 619. A cet égard, s’il a toujours admis que le fait de reconnaître la possibilité d’un pluralisme syndical n’empêche pas la concession de certains droits et avantages aux organisations les plus représentatives, à condition que la détermination de l’organisation la plus représentative se fasse d’après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus, et que les avantages se limitent généralement à la reconnaissance de certains droits préférentiels, par exemple aux fins telles que la négociation collective, la consultation par les autorités ou la désignation de délégués auprès d’organismes internationaux [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 354], le comité tient à préciser que la disposition législative en cause dans ce cas ne s’inscrit pas dans le cadre du principe précité du fait que le critère de reconnaissance des droits qu’elle établit ne se fonde pas sur la plus ou moins grande représentativité des organisations syndicales, mais sur la position adoptée et les résultats obtenus par celles-ci à la table des négociations. Dans ce sens, le comité considère que la décision de la Cour constitutionnelle du 3 juillet 2013 contribue au respect des conventions et principes de l’OIT en matière de liberté syndicale et négociation collective, dans la mesure où subordonner la possibilité de disposer d’une représentation syndicale d’entreprise à l’obtention d’un accord avec l’employeur sur le contenu d’une convention collective pourrait être susceptible de restreindre la liberté d’action des organisations syndicales ainsi que la liberté de négociation collective, consacrées respectivement par l’article 3 de la convention no 87 et l’article 4 de la convention no 98. A ce sujet, le comité prend note avec satisfaction que, suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, le groupe reconnaît désormais la représentation syndicale d’entreprise de la FIOM-CGIL.
- 620. Le comité relève toutefois que, selon les termes mêmes de la Cour constitutionnelle, l’arrêt du 3 juillet 2013 n’a ni pour objet ni pour effet de déterminer de manière exhaustive les conditions d’attribution des droits syndicaux renforcés prévus par le Statut des travailleurs. A cet égard, le comité prend note que le gouvernement indique que, vu la sensibilité de la question et le caractère spécifique de la décision de la cour, il se réserve la possibilité d’évaluer l’opportunité d’une intervention législative en matière de représentation syndicale au niveau de l’entreprise. Le comité prie le gouvernement d’agir au plus vite en ce sens et de le tenir informé des initiatives prises en consultation avec les partenaires sociaux pour éventuellement tirer les conséquences législatives de la décision de la Cour constitutionnelle concernant la détermination des critères d’attribution des droits syndicaux renforcés reconnus par l’article 19 du Statut des travailleurs dans un sens conforme aux conventions et principes de l’OIT en matière de liberté syndicale.
- 621. Concernant la suspension de la déduction des cotisations syndicales au détriment des seuls affiliés à la FIOM-CGIL, le comité note les observations du groupe indiquant que la convention collective prévoyant la déduction des cotisations syndicales pour les salariés en faisant la demande n’est juridiquement applicable qu’aux syndicats signataires de la convention et à leurs affiliés, mais que le groupe respecte les différentes décisions de justice lui ayant ordonné d’effectuer ces déductions au profit de la FIOM-CGIL dans certains de ses établissements. A ce sujet, le comité constate que plusieurs tribunaux italiens ont effectivement ordonné le maintien de la déduction des cotisations syndicales au profit de la FIOM-CGIL après avoir considéré que leur suspension constituait une conduite antisyndicale susceptible, en particulier, de violer le droit des travailleurs de choisir librement à quel syndicat ils décident de verser leurs cotisations. A cet égard, le comité rappelle que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 475.] Constatant que la déduction des cotisations syndicales des travailleurs affiliés au profit des différents syndicats représentatifs a été interrompue vis-à-vis de la FIOM-CGIL après son refus de signer un accord collectif, le comité, au vu des circonstances de l’espèce et tenant en compte les décisions judiciaires déjà rendues ordonnant le rétablissement des déductions dans plusieurs établissements du groupe, prie le gouvernement de rapprocher les parties concernées afin de faire sorte que l’ensemble des salariés du groupe affiliés à la FIOM-CGIL puissent continuer à voir leurs cotisations syndicales déduites de leurs salaires et versées à ladite organisation syndicale.
- 622. Concernant les allégations d’exclusion injustifiée de la FIOM-GIL dans le processus d’établissement du Comité d’entreprise européen, le comité prend note des indications du groupe selon lesquelles le Tribunal de Turin n’avait pas retenu l’existence d’une conduite antisyndicale en la matière. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute autre éventuelle décision judiciaire en la matière.
- 623. A propos des allégations de discrimination à l’encontre des affiliés de la FIOM-CGIL dans le processus de réembauchage des travailleurs de l’établissement de Pomigliano d’Arco, le comité prend note de l’arrêt de la Cour d’appel de Rome du 9 octobre 2012 considérant qu’une discrimination à l’embauche s’est produite aux dépens des affiliés de la FIOM CGIL et ordonnant au groupe de réengager dans les six mois 126 travailleurs affiliés à la FIOM-CGIL. Le comité prend également note des observations du groupe indiquant que la décision de la Cour d’appel a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et que tous les travailleurs de l’établissement ont maintenant été intégrés à une nouvelle structure (FGA) et qu’ils se trouvent tous sujets à un régime de chômage technique (Cassa Integrazione) et de travail en rotation considéré non-discriminatoire par le Tribunal de Rome. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des différents développements judiciaires de ce cas.
- 624. Concernant les allégations relatives au licenciement de trois délégués de la FIOM-CGIL de l’établissement de Melfi, le comité prend note de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 août 2013 qui confirme le caractère injustifié des licenciements et ordonne de manière définitive la réintégration des trois délégués syndicaux. Le comité demande au gouvernement de confirmer que les trois délégués syndicaux ont été effectivement réintégrés.
- 625. Finalement, le comité note que le présent cas contient un nombre élevé de litiges relatifs à des allégations de discrimination antisyndicale dont seraient victimes la FIOM-CGIL et ses membres. Il constate également l’existence d’une série de décisions judiciaires de différentes instances reconnaissant l’existence, vis-à-vis de certains de ces litiges, de pratiques antisyndicales dans le groupe considéré. Tout en notant que, dans certains cas, les décisions judiciaires définitives ne sont pas encore rendues, le comité considère nécessaire de rappeler que la discrimination antisyndicale constitue une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 769.] Dans ce sens, le comité prie non seulement le gouvernement de le tenir informé des décisions judiciaires en instance, mais également de prendre les initiatives nécessaires, par exemple par la facilitation du dialogue entre le groupe et l’organisation plaignante, pour contribuer à la prévention d’éventuels nouveaux conflits d’une nature similaire au sein du groupe considéré. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 626. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement d’agir au plus vite et de le tenir informé des initiatives prises en consultation avec les partenaires sociaux pour tirer les éventuelles conséquences législatives de la décision de la Cour constitutionnelle du 3 juillet 2013 concernant la détermination des critères d’attribution des droits syndicaux renforcés reconnus par l’article 19 du Statut des travailleurs dans un sens conforme aux conventions et principes de l’OIT en matière de liberté syndicale.
- b) Constatant que la déduction des cotisations syndicales des travailleurs affiliés au profit des différents syndicats représentatifs a été interrompue vis-à-vis de la FIOM-CGIL après son refus de signer un accord collectif, le comité, au vu des circonstances de l’espèce et tenant en compte les décisions judiciaires déjà rendues ordonnant le rétablissement des déductions dans plusieurs établissements du groupe, prie le gouvernement de rapprocher les parties concernées afin de faire sorte que l’ensemble des salariés du groupe affiliés à la FIOM-CGIL puissent continuer à voir leurs cotisations syndicales déduites de leurs salaires et versées à ladite organisation syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
- c) Le comité demande au gouvernement de confirmer que les trois délégués syndicaux de la FIOM-CGIL de l’établissement de Melfi ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 août 2013 ont été effectivement réintégrés.
- d) Concernant les autres allégations de conduites et de discriminations antisyndicales contenues dans ce cas, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des décisions judiciaires en instance. Il le prie également de prendre les initiatives nécessaires, par exemple par la facilitation du dialogue entre le groupe et l’organisation plaignante, pour contribuer à la prévention de nouveaux conflits de nature similaire au sein du groupe considéré. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce sujet.