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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 371, March 2014

Case No 2979 (Argentina) - Complaint date: 21-AUG-12 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante allègue l’ingérence de l’autorité administrative dans le processus électoral destiné à renouveler ses instances dirigeantes, des actes de dénigrement de l’organisation et une ingérence dans ses affaires, illustrant clairement une politique antisyndicale menée à l’encontre de son secrétaire général, ainsi que l’imposition d’une amende très lourde à l’encontre de la Fédération nationale des camionneurs et des ouvriers du transport automobile de marchandises, de la logistique et des services (FNTCOTACLS) pour avoir organisé une grève générale

  1. 134. La plainte figure dans des communications de la Confédération générale du travail de la République argentine (CGTRA) en date du 21 août 2012. La CGTRA a envoyé de nouvelles allégations dans une communication en date du 27 décembre 2012.
  2. 135. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications d’octobre 2013 et du 11 mars 2014.
  3. 136. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 137. Dans sa communication en date du 21 août 2012, la Confédération générale du travail de la République argentine (CGTRA) indique qu’elle dépose une plainte contre le gouvernement pour violation de la convention no 87 au cours de la procédure de renouvellement de ses instances dirigeantes pour un mandat de quatre ans (du 14 juillet 2012 au 14 juillet 2016), conformément aux statuts de la confédération, le 12 juillet 2012. L’organisation plaignante affirme que cette procédure a, sans aucun doute, été la plus populaire, démocratique et transparente que la confédération ait connue au cours de ces dernières années. Les élections, organisées à la suite des réunions du conseil de direction tenues le 27 mars et le 24 avril 2012 et conformes à la procédure prévue par les statuts, ont de plus été approuvées par le Comité central de la confédération le 23 mai de la même année.
  2. 138. L’organisation plaignante explique que, dans le respect du quorum prévu par les statuts, il a d’abord été procédé à la constitution d’un congrès général extraordinaire et à l’enregistrement de 47 organisations syndicales de base. En tenant toujours compte des dispositions et des règles définies dans les statuts et afin d’éviter des situations de vacance du pouvoir ou de cessation des fonctions, le congrès ordinaire a ensuite eu lieu afin de renouveler les instances dirigeantes de la confédération. L’organisation plaignante affirme que plus de 1 000 participants à ce congrès ont élu, à l’issue d’un scrutin direct et secret, les dirigeants de la CGTRA pour un mandant de quatre ans. La CGTRA allègue que le gouvernement s’est immiscé dans le processus électoral, ce qui constitue une atteinte à la liberté et à l’autonomie syndicales, en particulier au droit de choisir librement ses représentants. Selon l’organisation plaignante, l’ingérence implique la plus haute sphère du pouvoir exécutif et n’a pas uniquement consisté à rendre publiques les préférences du pouvoir pour d’autres candidats que le secrétaire général de la Fédération nationale des camionneurs et des ouvriers du transport automobile de marchandises, de la logistique et des services (FNTCOTACLS), qui a été élu à la tête de la confédération, elle a également pris la forme de pressions concrètes incitant des dirigeants et des organisations affiliées à retirer leur soutien au secrétaire général de la FNTCOTACLS. Selon la CGTRA, cette situation a été dénoncée avant et après la réélection du secrétaire général. L’organisation plaignante ajoute que, malgré les multiples demandes d’audience adressées par le secrétaire général à la Présidente de la nation, celle-ci ne l’a pas reçu.
  3. 139. La CGTRA affirme que le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (MTEySS) ne disposait pas et ne dispose pas du pouvoir d’intervenir dans le conflit intersyndical que connaît la confédération, étant donné que la procédure prévue par la loi sur les associations syndicales n’avait pas été épuisée (l’organisation plaignante se réfère à l’article 60 de cette loi selon lequel «nonobstant les dispositions des statuts, les différends qui peuvent se présenter entre les affiliés d’une association syndicale de travailleurs et l’association en question, ou entre une association de niveau inférieur et une autre association de niveau supérieur, il conviendra d’appliquer les dispositions de l’article antérieur»; l’article 59 dispose que: «Pour soumettre à l’autorité administrative des questions liées à la représentation des travailleurs, les associations concernées devront d’abord épuiser la voie syndicale, en soumettant le cas à l’organisation syndicale de niveau supérieur à laquelle elles sont affiliées ou à celle à laquelle sont affiliées les fédérations dont elles font partie.»). Selon la CGTRA, l’autorité administrative a décelé des irrégularités dans les contestations du groupe de dirigeants, qui se dit lui-même proche du gouvernement, avec l’intention évidente d’intervenir dans le processus électoral de la CGTRA et de le faire échouer. Elle porte ainsi atteinte à l’autonomie de l’organisation et ne respecte ni les statuts de celle-ci ni la jurisprudence, étant donné qu’à de nombreuses reprises les tribunaux ont estimé que les questions relatives aux élections syndicales, surtout lorsqu’elles concernent la plus importante centrale syndicale du pays, devaient être portées devant la justice ou un médiateur indépendant sans l’intervention des autorités publiques.
  4. 140. L’organisation plaignante indique que la décision administrative du 6 juillet, selon laquelle «il a été constaté que la réunion du conseil de direction de la CGTRA du 24 avril 2012 ne disposait pas du quorum suffisant et compétent pour être tenue, et que l’acte attaqué et les décisions prises au cours de cette réunion faisaient l’objet d’un vice de nullité relative, et il a été établi qu’il convenait de procéder à la tenue d’une nouvelle réunion du même organe pour confirmer les décisions prises ou organiser de nouvelles élections destinées à renouveler les instances dirigeantes de la confédération», a été prononcée avant que la réunion du congrès extraordinaire de la confédération n’ait lieu le 12 juillet 2012. La CGTRA ajoute que, quelques minutes après que la décision administrative arbitraire et illégale susmentionnée a été rendue, le ministère a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a rendu publique la décision qu’il avait prise, avant que les recours en révision déposés auprès de la Direction nationale des associations syndicales et le recours hiérarchique présenté devant ledit ministère n’aient fait l’objet d’un jugement définitif. La décision administrative est liée à une volonté politique de la part des autorités d’intervenir dans les élections de renouvellement des instances dirigeantes de la CGTRA.
  5. 141. Dans sa communication du 27 décembre 2012, la CGTRA allègue que le gouvernement national continue, de manière illégitime et arbitraire, à discréditer l’organisation et à s’immiscer dans ses affaires, ce qui illustre clairement la politique antisyndicale menée à l’encontre du secrétaire général, M. Hugo Antonio Moyano, et d’autres organisations syndicales. L’organisation plaignante signale que des actes de vandalisme et de pillage ont eu lieu dans les provinces de Río Negro, Santa Fe et Buenos Aires les 20 et 21 décembre 2012, et que, peu après le début des pillages, des fonctionnaires du gouvernement national ont déposé une plainte au pénal contre les dirigeants syndicaux, MM. Hugo Moyano et Pablo Micheli, au motif d’une grève générale organisée à l’initiative de la FNTCOTACLS, illustrant ainsi la politique de persécution menée par le gouvernement. Cette plainte a été rejetée, mais l’autorité administrative du travail a toutefois imposé une amende très lourde à l’organisation, sans garantir le droit légitime de celle-ci à se défendre. Un recours a été déposé et est actuellement examiné par l’administration du travail, étant donné que la Xe chambre de la Cour d’appel de la juridiction du travail a estimé que le fonctionnaire du ministère qui a déposé la plainte n’avait pas respecté la procédure administrative en vigueur. Selon l’organisation plaignante, il est évident que les actes de diffamation et d’incrimination à l’encontre de dirigeants syndicaux sont des pratiques auxquelles le gouvernement a déjà eu recours par le passé et qui sont caractéristiques de son action. L’organisation plaignante allègue également que, le 21 décembre 2012, le ministère de la Sécurité de la nation a accusé MM. Hugo Moyano et Pablo Micheli d’être à l’origine de troubles qui ont entraîné la mort de deux personnes et que le chef de cabinet des ministères du gouvernement national a mis en cause plusieurs syndicats. A cet égard, le mouvement ouvrier a souhaité répondre fermement aux déclarations des autorités publiques en tenant une conférence de presse au cours de laquelle il a mis en évidence que ces actes de diffamation avaient pour objectif d’intimider des dirigeants syndicaux qui avaient entrepris un plan d’action et de lutte contre la politique économique et sociale du gouvernement.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 142. Dans sa communication d’octobre 2013, le gouvernement déclare qu’il nie tous et chacun des faits rapportés dans la plainte et que les affirmations de l’organisation plaignante sont infondées et téméraires. Il affirme que le MTEySS n’a pas fait preuve de partialité, mais qu’il a défendu des garanties internationales qui avaient été objectivement bafouées et qu’il est intervenu en raison du non-respect de certaines normes statutaires à l’origine de l’exclusion de groupes représentant d’importantes organisations qui participent au conseil de direction de la CGTRA. Par conséquent, il est faux d’affirmer que le MTEySS a violé certaines normes internationales, il a, au contraire, défendu la liberté syndicale et les principes consacrés dans les instruments internationaux, face à ceux qui enfreignaient véritablement ces normes.
  2. 143. Le gouvernement nie que les actes de l’Etat constituent une violation des articles 3 et 6 de la convention no 87. En effet, le ministère a pris des mesures à la demande d’une partie qui a constaté le non-respect de certaines garanties internationales et constitutionnelles, en particulier le droit d’expression, l’égalité devant la loi et le droit de vote. En d’autres termes, il s’agit d’une situation objective caractérisée par l’exclusion des représentants de certaines organisations syndicales, membres des instances dirigeantes de la CGTRA, dans un contexte de politisation du processus électoral au cours duquel un groupe a voulu s’approprier la direction de la CGTRA pour mener à bien un projet politique qui lui est propre, indépendamment des objectifs statutaires et de ceux de la confédération, et qui va à l’encontre de certaines dispositions internationales portant sur l’action des organisations syndicales. Le gouvernement reproduit la décision de la Direction nationale des associations syndicales (dossier no 1511236/12 du 6 juillet 2012) qui s’est prononcée sur la demande en nullité absolue et irrévocable de la réunion du conseil de direction de la CGTRA au cours de laquelle a été approuvée la convocation du Comité central de la confédération le 23 mai 2012 et des congrès nationaux ordinaire et extraordinaire le 12 juillet 2012. Cette demande a été présentée par plusieurs organisations syndicales, et il a été établi que cette réunion ne comptait pas le quorum nécessaire, au regard des dispositions de l’article 50 des statuts en vigueur. De plus, plusieurs participants à cette réunion ne répondaient pas, selon les statuts, aux critères leur permettant de représenter leur organisation respective. Par cette décision, la Direction nationale des associations syndicales a constaté que la réunion du conseil de direction de la CGTRA du 24 avril 2012 ne disposait pas du quorum suffisant et compétent pour être tenue, et que l’acte attaqué et les décisions prises au cours de cette réunion faisaient l’objet d’un vice de nullité relative, et a établi qu’il convenait de procéder à la tenue d’une nouvelle réunion du même organe pour confirmer les décisions prises ou organiser de nouvelles élections destinées à renouveler les instances dirigeantes de la confédération.
  3. 144. Le gouvernement signale que, dans le présent cas, l’organisation plaignante n’a pas agi comme une simple association, mais qu’elle a exercé, pendant la période électorale, des fonctions juridictionnelles telles que la gestion des différends survenus entre les syndicats au cours du processus électoral – article 60 de la loi no 23551 – ou au sein du conseil de direction, ou la supervision de l’ensemble du processus électoral, en veillant au respect des notions d’impartialité, de transparence et d’objectivité. Les termes utilisés dans la plainte illustrent à quel point l’organisation plaignante ignore le rôle que doit jouer la direction d’une organisation syndicale pendant des élections. Le fait d’assumer une responsabilité institutionnelle pendant des élections implique l’observation d’une certaine réserve vis à vis des positions défendues pendant la campagne. Ce «principe de réserve et de transparence» a été bafoué de deux manières: premièrement, par l’utilisation de l’appareil de l’organisation pour susciter de fait le soutien des votants et, deuxièmement, par un dénigrement de la partie adverse. Le gouvernement indique que les statuts de la CGTRA sont clairs: les organisations syndicales représentées au sein du conseil de direction sont celles qui élisent, par l’intermédiaire des organes de la confédération, les membres du conseil de direction. Or cette règle n’a pas été respectée. Il s’agit d’éléments objectifs; aucune des six personnes qui se sont présentées à la place des véritables membres du conseil de direction n’a présenté de document prouvant qu’elle représente l’organisation dont elle se revendique, contrairement à ce que prévoient les statuts de la confédération. En d’autres termes, les six personnes ne disposaient d’aucun document justifiant leur présence au sein du conseil de direction, alors qu’il s’agit d’une condition fixée par les statuts de la CGTRA. Le gouvernement affirme que, dans ce cas, le différend survenu au sein de la CGTRA devait d’abord être traité par la confédération, conformément aux dispositions des articles 59 et 60 de la loi no 23551, en constituant un tribunal ad hoc, c’est-à-dire en assumant des fonctions juridictionnelles, d’ordinaire exercées par l’Etat. Dans l’exercice de ses fonctions, l’organisation doit respecter les garanties constitutionnelles et les dispositions des instruments internationaux. Le gouvernement ajoute que la plainte révèle un «manque de respect» envers la partie adverse, qui se traduit par un dénigrement constant des groupes qui pourraient être considérés comme dissidents de celui qui entend convoquer des élections. La dissidence ne constitue pas un affront qui puisse justifier l’impossibilité de participer à des élections.
  4. 145. Le gouvernement indique que l’action du MTEySS a été menée à la demande d’un ensemble d’organisations syndicales qui ont sollicité l’intervention du ministère, en raison d’une violation flagrante des statuts de la confédération syndicale. Le gouvernement affirme que l’intervention du MTEySS est légitime au regard de deux fondements juridiques: les normes relatives au travail du droit international public et les normes internationales du travail. Le ministère du Travail était en droit d’intervenir, étant donné que les principes relatifs à la volonté de se constituer en association étaient bafoués, la partie adverse discréditée, les règles de la procédure en vigueur non respectées et les normes et autres garanties relatives à l’exercice de la liberté syndicale transgressées. Selon le gouvernement, cette intervention est pleinement conforme à la décision de la Direction nationale des associations syndicales, prononcée dans le cadre du dossier no 1511236/12 susmentionné. Le gouvernement précise quels ont été les manquements et les infractions dont s’est rendue coupable l’organisation plaignante: 1) violation des articles 11, 55, alinéa e), et 108 des statuts de la confédération, en enfreignant les règles relatives à la convocation officielle des congrès nationaux ordinaires et extraordinaires, y compris celle portant sur les élections destinées à renouveler les instances dirigeantes de la CGTRA; 2) non-respect de l’autonomie syndicale, les organisations protestataires qui participent au conseil de direction ayant été privées de leur droit de nommer leurs représentants pour la réunion du 24 avril 2012, ce qui constitue une atteinte aux articles 49 et 53 des statuts; 3) attitude discriminatoire, en répondant à la contestation des organisations protestataires par le biais d’une décision expresse qui a rejeté la prétention de ces dernières avant que la procédure syndicale ne soit engagée – articles 59 et 60 de la loi no 23551; et 4) nullité de la convocation du Comité central de la confédération, pour le 23 mai 2012, et des congrès ordinaire et extraordinaire, pour le 12 juillet 2012. Tous ces éléments constituent autant d’obstacles à la validation d’un processus électoral.
  5. 146. Le gouvernement ajoute que le MTEySS s’est toujours efforcé de faire prévaloir les dispositions des statuts, notamment au cours de la réunion tenue au ministère du Travail, mais sans résultat. L’impossibilité de parvenir à un accord au cours de la réunion en question met en évidence certaines manœuvres politiques qui dénaturent le processus électoral, en cherchant à imposer des procédés qui vont naturellement à l’encontre des garanties individuelles et syndicales. La politisation des organes de direction définis par les statuts, pendant le déroulement d’un processus électoral, fait qu’il est impossible de qualifier ce processus d’objectif et de transparent. Le gouvernement indique que le plaignant a voulu s’approprier le processus électoral pour satisfaire ses propres aspirations politiques.
  6. 147. Le gouvernement signale que le conflit intersyndical est actuellement examiné par la justice à laquelle ont été remises les pièces du dossier. L’affaire est traitée par la Ve chambre du Tribunal national du travail et est intitulée: ministère du Travail c. Cavalieri Armando et les secrétaires généraux d’organisations syndicales affiliées à la CGTRA et à d’autres confédérations, concernant la loi sur les associations syndicales, dossier no 55910/12. La procédure administrative fait ainsi l’objet d’un contrôle judiciaire, ce qui permet de veiller à la garantie des intérêts des parties, et c’est à l’instance susmentionnée qu’il reviendra de se prononcer sur l’opportunité, le bien-fondé et la pertinence de l’intervention du ministère.
  7. 148. Dans sa communication du 11 mars 2014, le gouvernement se réfère aux dernières allégations présentées par l’organisation plaignante en décembre 2012. Selon le gouvernement, bien que l’organisation plaignante se réfère à des faits survenus les 20 et 21 décembre 2012, ces derniers constituent en réalité l’aboutissement d’un processus débuté avant et, comme indiqué précédemment, caractérisé par des blocages, des piquets de grève et des intimidations de toutes sortes. Le gouvernement indique que, comme certains journaux l’ont rapporté le 20 juin 2012, le syndicat des camionneurs – qui fait partie d’un ensemble de syndicats que l’organisation plaignante prétend représenter – a ordonné un arrêt de travail de soixante-douze heures dans le secteur de la distribution de carburant et, compte tenu des circonstances, a été intimé de cesser immédiatement son action directe, comme l’ont indiqué les journaux. Le gouvernement ajoute que, en plus de méconnaître la conciliation obligatoire, le syndicat en question a ordonné le blocage de plusieurs sites de production et de distribution de carburant. Selon le gouvernement, dans ce contexte, l’Etat a fait face à des actes de violence continus, mettant en péril la vie et la sécurité des personnes et, comme conséquence de la situation, le gouvernement a intenté deux recours judiciaires en relation avec les incidents qui sont encore en instance. Le gouvernement indique par ailleurs, comme l’ont relevé les journaux, que le syndicat a reçu une amende pour avoir ignoré la conciliation obligatoire pendant le conflit, et les procédures judiciaires sont en cours. Le 21 novembre 2012, les actions revendicatives ont repris sous la forme de piquets de grève et du blocage des entrées de la ville de Buenos Aires. C’est dans ces conditions que les mesures mentionnées par l’organisation plaignante ont été adoptées en décembre. Les événements de décembre 2012 sont le résultat d’actes d’intimidation récurrents pendant six mois, et les déclarations des autorités publiques doivent être placées dans ce contexte.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 149. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que l’autorité administrative s’est immiscée dans le processus électoral de la Confédération générale du travail de la République argentine (CGTRA), conduit dans le respect de la procédure prévue par les statuts et à l’issue duquel de nouvelles instances dirigeantes ont été élues le 12 juillet 2012 pour une période de quatre ans (l’organisation plaignante s’oppose à l’intervention de l’autorité administrative qui a établi l’insuffisance de quorum au sein du conseil de direction de la CGTRA et a décidé que le même organe devait de nouveau être convoqué ou que de nouvelles élections devaient être organisées). De plus, le comité observe que la CGTRA allègue que: 1) les ingérences s’étendent à la plus haute sphère du pouvoir exécutif et ne se limitent pas à communiquer publiquement ses préférences sur les candidats mais à consister aussi en des pressions envers des dirigeants syndicaux et des organisations affiliées; 2) les autorités nationales se sont livrées à des actes de dénigrement de l’organisation plaignante et d’ingérence dans ses affaires, illustrant ainsi clairement la politique antisyndicale menée à l’encontre du secrétaire général de la CGTRA et d’autres dirigeants (la CGTRA signale qu’une plainte au pénal a été déposée contre MM. Hugo Moyano et Pablo Micheli, au motif de l’organisation d’une grève générale, en décembre 2012, à l’initiative de la Fédération nationale des camionneurs et des ouvriers du transport automobile de marchandises, de la logistique et des services (FNTCOTACLS), que, malgré le rejet de la plainte, une amende très lourde a été infligée à l’encontre de la FNTCOTACLS et qu’un recours contre cette décision est actuellement examiné par l’administration du travail).
  2. 150. En ce qui concerne l’allégation relative à l’ingérence de l’autorité administrative dans le processus électoral de la CGTRA (l’organisation plaignante s’oppose à l’intervention de l’autorité administrative qui a établi l’insuffisance de quorum au sein du conseil de direction de la CGTRA et a décidé que le même organe devait de nouveau être convoqué ou que de nouvelles élections devaient être organisées), le comité note que le gouvernement déclare que: 1) le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (MTEySS) a défendu des garanties internationales qui avaient été objectivement bafouées et est intervenu en raison du non-respect de certaines normes statutaires à l’origine de l’exclusion de groupes représentant d’importantes organisations qui participent au conseil de direction de la CGTRA; 2) le ministère a pris des mesures à la demande d’une partie qui a constaté le non-respect de certaines garanties internationales et constitutionnelles, en particulier le droit d’expression, l’égalité devant la loi et le droit de vote; 3) il s’agit d’une situation objective caractérisée par l’exclusion des représentants de certaines organisations syndicales, membres des instances dirigeantes de la CGTRA; 4) le MTEySS était en droit d’intervenir, étant donné que les principes relatifs à la volonté de se constituer en association étaient bafoués, la partie adverse discréditée, les règles de la procédure en vigueur non respectées et les normes et autres garanties relatives à l’exercice de la liberté syndicale transgressées; 5) le conflit intersyndical est actuellement examiné par la justice à laquelle ont été remises les pièces du dossier (l’affaire est traitée par la Ve chambre du Tribunal national du travail et le dossier est intitulé: ministère du Travail c. Cavalieri Armando et les secrétaires généraux d’organisations syndicales affiliées à la CGTRA et à d’autres confédérations, concernant la loi sur les associations syndicales) et c’est à l’instance susmentionnée qu’il reviendra de se prononcer sur l’opportunité, le bien-fondé et la pertinence de l’intervention du MTEySS. Le comité, tout en prenant note de toutes ces informations, rappelle que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l’exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes, et que les mesures prises par les autorités administratives en cas de contestation de résultats électoraux risquent de paraître arbitraires. Pour cette raison, et aussi pour garantir une procédure impartiale et objective, les affaires de ce type devraient être examinées par les autorités judiciaires. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 391 et 440.] Dans ces conditions, le comité s’attend à ce que les autorités judiciaires se prononcent sans délai sur toutes les questions en suspens liées au processus électoral de la CGTRA et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  3. 151. En ce qui concerne les nouvelles allégations de décembre 2012, selon lesquelles les autorités nationales se sont livrées à des actes de dénigrement de l’organisation plaignante et d’ingérence dans ses affaires, illustrant ainsi clairement la politique antisyndicale menée à l’encontre de M. Hugo Moyano et d’autres dirigeants (la CGTRA signale qu’une plainte au pénal a été déposée contre MM. Hugo Moyano et Pablo Micheli, au motif de l’organisation d’une grève générale, en décembre 2012, à l’initiative de la FNTCOTACLS, que, malgré le rejet de la plainte, une amende très lourde a été infligée à l’encontre de la FNTCOTACLS et qu’un recours contre cette décision est actuellement examiné par l’administration du travail), le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle: 1) les faits survenus les 20 et 21 décembre 2012 constituent en réalité l’aboutissement d’un processus débuté avant, caractérisé par des blocages, des piquets de grève et des intimidations de toutes sortes; 2) le syndicat des camionneurs a ordonné un arrêt de travail de soixante-douze heures dans le secteur de la distribution de carburant et, compte tenu des circonstances, a été intimé de cesser immédiatement son action directe; 3) en plus de méconnaître la conciliation obligatoire, le syndicat en question a ordonné le blocage de plusieurs sites de production et de distribution de carburant. Dans ce contexte, l’Etat a fait face à des actes de violence continus, mettant en péril la vie et la sécurité des personnes; 4) en conséquence de la situation, le gouvernement a intenté deux recours judiciaires en relation avec les incidents qui sont encore en instance; par ailleurs, le syndicat a reçu une amende pour avoir ignoré la conciliation obligatoire pendant le conflit, et des procédures judiciaires sont en cours à cet égard; 5) les événements de décembre 2012 sont le résultat d’actes d’intimidation récurrents pendant six mois, et les déclarations des autorités publiques doivent être placées dans ce contexte. Dans ces conditions, tout en soulignant le long délai des procédures judiciaires en cours relatives aux événements de 2012, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de ces procédures.
  4. 152. Finalement, quant aux allégations relatives à l’ingérence des autorités consistant à rendre publiques leurs préférences sur les candidats participant au processus électoral de la CGTRA et incluant également des pressions et menaces à des dirigeants et organisations affiliées: le comité prend note que le gouvernement affirme que le MTEySS n’a pas fait preuve de partialité et qu’il a agi en défense des garanties internationales qui avaient été bafouées et du fait du non-respect des normes statutaires. A ce sujet, le comité rappelle de manière générale que «le fait que les autorités interviennent au cours des élections d’un syndicat, en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections, porte gravement atteinte au droit que les organisations syndicales ont d’élire librement leurs représentants». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 434.]

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 153. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en soulignant l’importance de respecter les principes relatifs à la non-ingérence des autorités dans les élections des syndicats mentionnés dans les conclusions, le comité s’attend à ce que les autorités judiciaires se prononcent sans délai sur toutes les questions en suspens liées au processus électoral de la CGTRA. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats des procédures judiciaires en cours en relation avec les événements survenus lors de la grève générale ordonnée par la Fédération nationale des camionneurs et des ouvriers du transport automobile de marchandises, de la logistique et des services (FNTCOTACLS) en décembre 2012, ainsi que des résultats des procédures judiciaires concernant l’amende imposée à la FNTCOTACLS pour avoir ignoré la procédure de conciliation obligatoire durant le conflit.
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