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Interim Report - Report No 371, March 2014

Case No 2982 (Peru) - Complaint date: 20-AUG-12 - Follow-up

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Allégations: Assassinat et menaces contre des dirigeants et des membres syndicaux du secteur de la construction, insuffisance des mesures adoptées et inefficacité des investigations menées, tenue du registre de pseudo-organisations syndicales et entrée progressive de certaines d’entre elles à des organes d’institutions officielles au détriment de la fédération plaignante

  1. 670. La plainte figure dans une communication conjointe de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) en date du 20 août 2012. Dans une communication en date du 29 novembre 2013, la Confédération des travailleurs du Pérou (CTP) a présenté des allégations en rapport avec la plainte initiale.
  2. 671. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 23 octobre 2012, des 17 septembre, 15 novembre et 20 décembre 2013, et du 3 février 2014.
  3. 672. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 673. Dans sa communication en date du 20 août 2012, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) allèguent l’assassinat de dirigeants syndicaux et de travailleurs du secteur de la construction pour le seul fait d’appartenir à la FTCCP; les assassinats allégués ont eu lieu dans le cadre d’activités d’extorsion menées par des groupes mafieux et des délinquants qui se font passer pour des syndicats, offrent «protection» ou «sécurité» aux entrepreneurs et exigent des travailleurs des cotisations pour pouvoir travailler tout en les obligeant à quitter la FTCCP et à adhérer à leurs pseudo-syndicats. Cette situation de violence et de menaces, qui a déjà fait l’objet d’un examen par le Comité de la liberté syndicale, a commencé en 2006 et mêle également, depuis le dernier gouvernement, des fonctionnaires de police dont la complicité avec lesdits groupes de délinquants a donné lieu à une relation de délinquance-corruption. De sorte que le climat de peur et de violence engendré entrave gravement l’exercice des activités syndicales. La lutte pour le contrôle des chantiers de construction donne aussi souvent lieu à des affrontements entre bandes mafieuses organisées lors du gouvernement précédent.
  2. 674. Plus concrètement, les organisations plaignantes précitées allèguent qu’en 2012 ces groupes de délinquants ont assassiné les dirigeants syndicaux suivants:
    • – Carlos Armando Viera Rosales, qui occupait les fonctions de secrétaire de l’organisation du Syndicat de la construction civile du Callao; le vendredi 10 février 2012 à 7 h 30, alors qu’il quittait son domicile afin de poursuivre ses activités syndicales quotidiennes, il a été assassiné par trois sicaires qui lui ont tiré quatre balles dans le corps. Ce dirigeant syndical avait eu le courage de dénoncer les mafias existantes à Ventanilla qui, en s’appuyant sur des protections politiques et en utilisant d’une manière infâme le nom glorieux des travailleurs dans le domaine des échafaudages, extorquaient des ingénieurs et entrepreneurs de la construction.
    • Des effectifs policiers du Département d’investigations criminelles de Ventanilla, en coordination avec ceux de la Sous-unité d’action tactique (SUAT) et des services spéciaux de la police régionale du Callao, ont réussi à identifier et à capturer l’assassin présumé d’Armando Viera Rosales; l’intéressé a été placé dans la prison de Sarita Colonia del Callao et a été remis en liberté trois mois plus tard.
    • – Guillermo Alonso Yacila Ubillus, secrétaire général adjoint du Syndicat de la construction civile du Callao et secrétaire général de la CGTP-Callao qui a été assassiné par balles le 3 juillet 2012 aux environs de 7 h 45 alors qu’il quittait le local syndical pour se rendre chez lui; il a été assassiné par des sicaires. L’autorité policière de la province du Callao enquête actuellement sur ce cas, dont on ignore les résultats.
    • – Rubén Snell Soberón Estela, secrétaire général adjoint du Syndicat de Chiclayo et coordonnateur général de la section régionale de base de Lambayeque de la FTCCP, qui a été assassiné le 7 août 2012 à 7 h 30 alors qu’il quittait son domicile pour une réunion avec des travailleurs de la construction civile au chômage au stade Elías Aguirre de Chiclayo. Deux délinquants lui ont tiré directement à la tête et au thorax, provoquant sa mort immédiate. Ce crime a eu lieu alors que la FTCCP dénonçait publiquement des menaces de mort contre le secrétaire général Wilmar Zegarra Bonilla, auxquelles seraient mêlés des éléments de la Police nationale et l’organisation criminelle menée par un délinquant connu sous le surnom de «viejo paco».
    • – Les organisations plaignantes soulignent, au sujet de ces assassinats survenus en 2012, qu’à ce jour les responsables n’ont pas été identifiés malgré la preuve qu’il s’agit d’agissements illicites de la mafia de délinquants dont les membres sont même connus de la Police nationale.
  3. 675. En outre, les organisations plaignantes allèguent l’assassinat des membres suivants de la FTCCP: 1) Jorge Antonio Vargas Guillén, assassiné le 19 août 2011 dans la juridiction de Pacasmayo – région de La Libertad; les responsables présumés ont été identifiés comme étant Alberto Rojas Paucar et Ana Cecilia Guevara Biminchumo; 2) Luis Estaban Luyo Vicente, assassiné le 31 janvier 2012 dans le district d’Imperial de la province de Cañete; Adrián Rojas Ore et Artemio López Flores ont été identifiés comme responsables ayant agi avec d’autres complices non identifiés. Dans les deux cas, la Division d’investigation des homicides de la DIRINCRI PNP a placé les responsables à la disposition du ministère public pour qu’ils soient poursuivis par le pouvoir judiciaire; on n’a toutefois connaissance d’aucune action de ces autorités; 3) Rodolfo Alfredo Mestanza Poma, assassiné le 17 juin 2011 dans la juridiction d’Ancón (Lima) dans le cadre de la construction de la route reliant Ancón à la ville de Pativilca (Huacho), un crime pour lequel il existe de solides indices de l’action directe de pseudo-dirigeants syndicaux. Ce crime fait actuellement l’objet d’une enquête de la Division d’investigation des homicides de la DIRINCRI de la Police nationale du Pérou. Les organisations plaignantes signalent que les résultats des enquêtes et procédures menées sur ces faits graves contre l’intégrité de travailleurs révèlent le peu d’intérêt et l’inefficacité des autorités ainsi qu’un ministère public et un pouvoir judiciaire inopérants.
  4. 676. Les organisations plaignantes soulignent que l’actuel ministère du Travail et de la Protection sociale refuse de procéder à la révision des innombrables inscriptions au registre de pseudo-syndicats effectuées par le gouvernement précédent qui dissimulent des groupes de délinquants et qui ne respectent pas les critères légaux minimaux comme être composés de travailleurs de la construction.
  5. 677. Selon les organisations plaignantes, la violence sur les chantiers de construction s’est accentuée ces derniers temps et, bien que le gouvernement actuel ait montré sa volonté d’éradiquer ce problème en créant, à la demande des organisations plaignantes, une Commission multisectorielle chargée d’analyser la situation et en proposant des remèdes, les groupes de délinquants sont de plus en plus actifs, comme le montrent les assassinats allégués. La Commission multisectorielle peut enjoindre les établissements et entités publics et privés, si nécessaire, de fournir des rapports statistiques et autres informations utiles pour accomplir ses fonctions et analyser l’informalité du travail dans la construction et la violence dans les chantiers.
  6. 678. Bien que la FTCCP ait présenté des propositions pour l’élimination de la violence sur les chantiers: la révision des registres des organisations syndicales, afin que celles-ci soient uniquement constituées de travailleurs de la construction et non pas de délinquants; l’établissement d’un registre unique de travailleurs de la construction au niveau national; la décentralisation et l’octroi d’une infrastructure et d’un appui économique à ladite Division de la protection des chantiers de la protection civile (DIVPROC) afin qu’elle acquière une portée nationale; enfin, une coordination efficace entre le ministère public et le pouvoir judiciaire. Toutes ces propositions sont toutefois restées sans suite.
  7. 679. Ces mafias organisées sous le gouvernement précédent, en utilisant leur couverture d’«organisations syndicales enregistrées», se sont immiscées dans la vie institutionnelle et ont évincé le représentant de la Fédération plaignante du directoire de l’institution publique SENCICO. Ces pseudo-organisations syndicales cherchent également à déstabiliser la fédération plaignante en essayant de s’immiscer dans la CONAFOVICER avec la complaisance du ministère du Travail et de la Protection sociale où ladite prétention fait l’objet de démarches.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 680. Dans sa communication en date du 23 octobre 2012, le gouvernement déclare que l’Etat péruvien, en tant que sujet de droit international et entité juridique régie par les normes internationales et nationales en la matière, ne fait pas la promotion des «pseudo-syndicats», mais encourage, défend et promeut la liberté syndicale et le droit qu’a chaque citoyen de s’associer librement, comme le prévoit la Constitution du Pérou:
    • Article 28. L’Etat reconnaît les droits d’association syndicale, de négociation collective et de grève et garantit leur exercice démocratique:
      • 1. Il garantit la liberté syndicale.
      • 2. Favorise la négociation collective et les modes de règlement pacifique des conflits du travail.
      • La convention collective a force obligatoire dans le cadre de la concertation.
      • 3. Réglemente le droit de grève et veille à ce qu’il soit exercé en tenant compte de l’intérêt social, et en précise les exceptions et les limitations.
  2. 681. De même, la loi sur les relations collectives de travail (décret suprême no 010-2003-TR) dispose que:
    • Article 2. L’Etat reconnaît aux travailleurs le droit de s’organiser sans autorisation préalable en vue de l’étude, du développement, de la protection et de la défense de leurs droits et de leurs intérêts et en vue du progrès social, économique et moral des membres de l’organisation.
    • Article 3. L’affiliation à un syndicat est libre et volontaire. Il est interdit d’assujettir l’emploi d’un travailleur à son affiliation, sa non-affiliation ou à sa démission d’un syndicat, et de l’obliger à faire partie d’un syndicat ou de l’empêcher de le faire.
    • Article 4. Les employeurs et les représentants des uns et des autres doivent s’abstenir de toute action tendant à contraindre, à limiter ou à entraver, de quelque manière que ce soit, le droit d’organisation des travailleurs, d’intervenir de quelque manière que ce soit dans la création, l’administration ou le soutien aux organisations syndicales qu’ils constituent.
  3. 682. Le gouvernement fait état des mesures concrètes prises par l’Etat pour lutter contre la violence dans les chantiers de la construction civile et indique que l’Etat péruvien, conscient de cette problématique de la violence, a créé en 2010, par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur, une structure policière spéciale, la Division spécialisée de la protection des chantiers de construction civile de la Police nationale du Pérou (DIVPROC), chargée de mener les investigations et d’essayer de contrôler les faits délictueux. La mission de ce groupe spécial est de garantir l’exécution des chantiers civils et d’éviter que de faux ouvriers de la construction civile ne se livrent à l’extorsion dans les entreprises du secteur.
  4. 683. Cette division opérait initialement dans la ville de Lima-Metropolitana puis, à la demande des organisations syndicales, à ce jour, de nouvelles unités ont été créées dans les villes de la région de Lambayeque, de la région d’Ica et de la région d’Ancash.
  5. 684. Le gouvernement signale que, d’une manière générale, la violence dans la construction civile a pour origine la lutte entre organisations syndicales pour prendre le contrôle des chantiers par l’intermédiaire des postes de travail destinés à leurs membres. Ces situations ont conduit à des plaintes entre membres syndicaux, des accusations ont même été portées, entre autres, pour atteintes à la vie et à l’intégrité physiques et à la santé, qui font l’objet d’enquêtes par les autorités compétentes. Le gouvernement indique que l’Etat, par l’intermédiaire de la présidence du Conseil des ministres et de la résolution suprême no 173-2012-PCM, a créé une Commission multisectorielle, présidée par le ministère du Travail et de la Promotion de l’Emploi, à laquelle participent un délégué des ministères de l’Intérieur, du Logement, des Transports et de la Justice ainsi que des gouvernements régionaux et locaux. Ladite Commission multisectorielle a pour objet d’élaborer un rapport sur l’activité de la construction civile afin de promouvoir des mesures de formalisation de la main-d’œuvre et d’élimination de la violence dans le secteur. Le secrétariat technique de la Commission multisectorielle est assuré par la Direction générale du travail du ministère du Travail. Cette commission a commencé ses travaux le 4 juillet 2012. A cette occasion, plusieurs engagements ont été pris, notamment:
    • – inviter de manière permanente un représentant du ministère public, compte tenu de l’importance que revêt la dimension pénale au sein de la commission;
    • – inviter un représentant de la Chambre péruvienne de la construction (CAPECO) et des représentants des organisations syndicales les plus représentatives pour les sessions à venir;
    • – mener des actions préventives et répressives. Parmi les actions préventives: d’une part, élaborer un registre des chantiers pour déterminer leur localisation et le nombre de postes de travail; d’autre part, élaborer un registre des travailleurs de la construction civile sur la base d’un processus de certification visant à la professionnalisation de l’activité;
    • – adopter un mode de gestion tripartite, entre autres, dans le domaine de la normalisation des compétences de la formation professionnelle, etc.
  6. 685. Un plan de travail a été approuvé au cours de la séance du 18 juillet 2012 de la Commission multisectorielle. Il a été convenu de créer un groupe de travail comprenant des membres de la Direction de l’emploi, de la CAPECO et des organisations syndicales les plus représentatives pour évaluer le processus de normalisation et d’accréditation des compétences; il a en outre été convenu de créer un groupe de travail constitué de membres du ministère public, du ministère de l’Intérieur, de la DIVPROC et du Service national de renforcement des capacités pour l’industrie de la construction (SENCICO) pour mettre au point une stratégie punitive.
  7. 686. Des séances ont lieu pour proposer de mettre en œuvre des lignes d’action en partenariat avec des organisations syndicales, la priorité étant donnée à l’enregistrement syndical.
  8. 687. Comme peut le constater le Comité de la liberté syndicale, l’Etat promeut la liberté syndicale en prenant garde à ne pas intervenir dans la création des organisations syndicales, leur administration ou l’appui qui leur est fourni. Les affirmations des organisations plaignantes n’ont pas de fondement, puisque c’est l’Etat qui veille à empêcher tout acte portant atteinte au droit d’organisation et au bon déroulement de l’activité syndicale, comme le prévoit la norme.
  9. 688. Les faits allégués dans le présent cas relèvent de la justice pénale, et les organisations plaignantes peuvent donc saisir l’entité compétente, à savoir le ministère public qui, dans le cadre de ses compétences, initie les investigations et les poursuites à l’encontre des personnes responsables; ces faits ne relèvent donc pas de la compétence du comité.
  10. 689. En ce qui concerne les allégations relatives au registre des syndicats, le gouvernement explique la procédure dans le cadre de laquelle l’inscription initiale des syndicats dans le registre des syndicats (une procédure administrative) génère un numéro de dossier administratif qui a pour caractéristique d’être unique. Les actes suivants (modification des statuts et changements du conseil exécutif) sont des procédures administratives indépendantes, possédant chacune leurs propres exigences énoncées dans le Texte unique des procédures administratives (TUPA) du ministère du Travail et de la Promotion de l’Emploi (MTPE). Ces procédures subséquentes ont lieu à la demande du syndicat, qui se voit assigner un numéro de registre qui est intégré dans le dossier qui a donné lieu à l’inscription initiale du syndicat de sorte que l’on dispose de tous les antécédents des actes réalisés par l’organisation syndicale devant la même autorité administrative.
  11. 690. Le gouvernement souligne que ces procédures, conformément aux critères du TUPA du ministère du Travail et de la Promotion de l’Emploi, sont automatiquement approuvées, conformément aux dispositions de l’article 17 du décret suprême no 010-2003-TR – texte unique codifié de la loi sur les relations collectives de travail et de l’article 22 du règlement de ladite norme, approuvé par le décret suprême no 011-92-TR. La jurisprudence péruvienne a établi que ce type de procédure se fonde sur la présomption de vérité, ce qui veut dire que l’autorité administrative suppose au préalable que les documents et les déclarations présentés par le syndicat sont authentiques. C’est pourquoi, en conformité avec le paragraphe 31.1 de l’article 31 de la loi no 27444 – loi de procédure administrative générale (ci-après LPAG), les procédures mentionnées sont considérées comme approuvées sur la base de la simple présentation des documents pour autant qu’ils répondent aux critères établis par le TUPA.
  12. 691. Ainsi, les documents à présenter sont les suivants (conformément aux articles 18 et 19 du TUPA): demande sous forme de déclaration sous serment dans le format requis et indiquant le nom et l’adresse de l’entreprise dans laquelle les organisations opèrent, le cas échéant; en outre, original ou copie certifiée conforme par un notaire public ou à défaut par un juge de paix de la localité des documents suivants:
    • TUPA 18: SyndicatsTUPA 19: Fédérations et confédérations
      ■ Procès-verbal de l’assemblée générale constitutive du syndicat dans lequel devront figurer les noms, prénoms, documents d’identité et signatures des participants, dénomination de l’organisation syndicale, approbation des statuts, liste des membres du comité exécutif, et durée de leurs mandats.■ Procès-verbal de l’assemblée générale constitutive de la fédération ou la confédération dans laquelle devront figurer les noms, prénoms, documents d’identité et signatures des participants; de même, dénomination de l’organisation syndicale, approbation des statuts et liste du comité exécutif indiquant la durée de leurs mandats.
      ■ Statuts (dactylographiés).■ Statuts (dactylographiés).
      ■ Liste des membres avec indication de leurs noms et prénoms, professions, métier ou spécialisation, numéro du document national d’identité et livret militaire, le cas échéant, et date d’affiliation.■ Liste des affiliés (syndicats ou fédérations) selon le cas, dûment enregistrés par l’Autorité administrative du travail indiquant le numéro d’enregistrement ou la décision d’inscription et la dépendance où elles sont enregistrées.
      >
  13. 692. Comme on peut le constater, poursuit le gouvernement, le TUPA se borne à établir des conditions de forme en vertu desquelles l’autorité compétente contrôle les documents présentés. Une fois les conditions requises satisfaites, une attestation d’enregistrement est délivrée à l’organisation syndicale. Cette action se fonde sur les dispositions de l’article 17 du Texte unique ordonné (TUO) de la loi sur les relations collectives de travail qui dispose que: le syndicat sera inscrit dans le registre correspondant, tenu par l’autorité du travail. L’enregistrement est un acte formel, non constitutif, et ne peut être refusé si ce n’est lorsque les conditions posées par la présente norme ne sont pas remplies. De même, il convient de signaler que l’enregistrement d’un syndicat lui confère le statut syndical qui lui permet d’accomplir les actes prévus par le TUO de la loi sur les relations collectives de travail. Il convient par ailleurs de signaler que la procédure susmentionnée est conforme aux dispositions de l’article 2 de la convention no 87 de l’OIT sur la liberté syndicale dont la teneur est la suivante:
    • … les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
  14. 693. Au vu de ce qui précède, le gouvernement demande au comité d’ordonner le classement du cas.
  15. 694. Dans sa communication en date du 17 septembre 2013, le gouvernement fait parvenir les informations communiquées par le deuxième bureau des décisions rapides – du deuxième parquet provincial pénal corporatif de Cañete, en lien avec les investigations concernant M. Luis Esteban Luyo Vicente. Selon ces informations, ont été arrêtés Adrián Rojas Oré, Juan Artemio López Flores, Leopoldo Dante Escobar, Jorge Luis Gutiérrez Villalobos, Jorge Espilco Vilcapuma, Jorge Villa Huamán et Steven Gabriel Flores Ormeño pour leur participation active à l’affrontement armé conduit par les frères Manuel et Edwin Sánchez Villa, Francisco et Alfredo Vargas Cambillo au détriment de travailleurs de la construction d’Impérial, blessant mortellement par balle Luis Esteban Luyo Vicente le 31 janvier 2012. Par ailleurs, le gouvernement signale l’arrestation de Héctor Augusto Villaruvia Lázaro pour crimes contre l’administration publique, violences et résistance à l’autorité. A ce jour, le cas présent en est à la deuxième étape de la procédure pénale commune, à savoir à l’étape intermédiaire, dans l’attente que le deuxième tribunal d’enquête préparatoire détermine la date et l’heure de l’audience une fois que les charges pénales contre les présumés auteurs auront été annoncées.
  16. 695. Dans ses communications en date des 15 novembre et 20 décembre 2013 et du 3 février 2014, le gouvernement fournit des informations sur les investigations menées sur les décès des personnes suivantes: Carlos Armando Viera Rosales, Guillermo Alonso Yacila Ubillus, Rodolfo Alfredo Mestanza Poma, Rubén Snell Soberón Estela (ce cas implique un nombre important d’accusés) et Jorge Antonio Vargas Guillén, dont les dossiers ont été confiés aux procureurs correspondants; Carlos Armando Viera Rosales: treizième parquet provincial pénal du Callao; Guillermo Alonso Yacila Ubillus: sixième parquet provincial pénal du Callao; Rodolfo Alfredo Mestanza Poma: parquet pénal de Huara Huacho; Rubén Snell Soberón Estela: deuxième parquet provincial José Leonardo Ortiz – Chiclayo; enfin, Jorge Antonio Vargas Guillén: parquet provincial du deuxième bureau du parquet mixte corporatif de Pacasmayo.
  17. 696. Il s’ensuit des rapports joints par le gouvernement qu’il n’a pas été possible d’identifier et d’arrêter les auteurs présumés de l’assassinat de MM. Carlos Armando Viera Rosales, Luis Esteban Luyo Vicente et Rubén Snell Soberón Estela; qu’un coauteur a été condamné à vingt ans de prison pour le meurtre de Jorge Antonio Vargas Guillén; qu’il existe des indices plausibles selon lesquels les trois personnes identifiées avaient un intérêt à tuer M. Guillermo Alonso Yacila Ubillus; enfin, que les deux assassins de M. Rodolfo Alfredo Mestanza Poma n’ont pas été identifiés. Dans sa communication en date du 3 février 2014, le gouvernement transmet des informations très détaillées sur les enquêtes et les nombreuses poursuites judiciaires engagées en relation avec les assassinats de MM. Guillermo Alonso Yacila Ubillus et Rubén Snell Soberón Estela.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 697. Le comité prend note avec une profonde préoccupation des allégations de la CGTP et de la FTCCP relatives à l’assassinat en 2012 de trois dirigeants syndicaux du secteur de la construction civile (MM. Carlos Armando Viera Rosales, Guillermo Alonso Yacila Ubillus et Rubén Snell Soberón Estela) ainsi que de trois membres syndicaux (MM. Jorge Antonio Vargas Guillén, Luis Esteban Luyo Vicente et Rodolfo Alfredo Mestanza Poma); ainsi que du climat de violence, de menaces et d’extorsion créé par des groupes mafieux de délinquants et de pseudo-syndicats. Selon les allégations, des fonctionnaires de police auraient également participé à la situation depuis le gouvernement précédent, et la violence est parfois due à des confrontations entre des groupes mafieux organisés cherchant à contrôler des chantiers de construction. Les organisations plaignantes allèguent également le manque d’intérêt et d’efficacité des autorités et l’impunité des groupes qui commettent des actes délictueux. Les organisations plaignantes allèguent aussi que les autorités maintiennent l’inscription au registre effectuée par l’administration précédente, registre dans lequel continuent à figurer un certain nombre de pseudo-organisations syndicales et l’entrée progressive de certaines d’entre elles dans les organes des institutions officielles au détriment de la FTCCP.
  2. 698. En ce qui concerne les allégations d’assassinat de trois dirigeants syndicaux et de trois membres syndicaux, le comité, tout en déplorant profondément ces faits, prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles la violence dans la construction civile a généralement pour origine la lutte entre les organisations syndicales pour prendre le contrôle de chantiers par l’intermédiaire des postes de travail destinés à leurs membres. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, pour trouver des solutions à la problématique de la violence dans la construction civile: 1) en 2010, une Division spécialisée de la protection des chantiers de la construction civile a été créée au sein de la Police nationale du Pérou. Cette division est chargée de mener des investigations, d’essayer de contrôler les faits délictueux, de garantir l’exécution des chantiers et d’éviter que de faux ouvriers de la construction civile ne pratiquent l’extorsion dans les entreprises du secteur; cette division a commencé à opérer à Lima puis, à la demande des organisations syndicales, de nouvelles unités ont été constituées dans les villes de trois régions; 2) une Commission multisectorielle a été créée en 2012 composée de représentants de cinq ministères différents et des gouvernements régionaux et locaux qui invitent en permanence un représentant du ministère public et des représentants des organisations les plus représentatives de la Chambre péruvienne de la construction; il a également été convenu de créer en 2012 un groupe de travail tripartite chargé d’analyser le processus de normalisation et d’accréditation des compétences ainsi qu’un groupe de travail composé de diverses autorités pour mettre au point une stratégie punitive; la Commission multisectorielle adopte une approche préventive en établissant un registre des chantiers de construction précisant leur localisation et le nombre de postes de travail, ainsi qu’un registre des travailleurs de la construction sur la base d’un processus de certification en vue d’une professionnalisation du secteur; elle adopte aussi un système de gestion tripartite pour la normalisation des compétences, la formation professionnelle, etc. Toutefois, cette Commission multisectorielle adopte également une approche répressive en prenant des mesures pour l’éradication de la violence. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le bureau du ministère public est compétent pour ouvrir les enquêtes nécessaires, y compris lorsque les organisations plaignantes déposent des plaintes pénales, raison pour laquelle le gouvernement estime que les faits liés au présent cas ne seraient pas du ressort du comité. Le comité souhaite signaler à cet égard que les actes criminels violents allégués dans le présent cas, qui se sont produits dans le cadre d’une lutte intersyndicale, portent préjudice à des dirigeants syndicaux et à des employeurs dans l’exercice de leurs activités et s’inscrivent donc pleinement dans son rôle de défense de la liberté syndicale et du droit d’organisation; de plus, les assassinats allégués prolongent une situation de violence dans le secteur de la construction qui a donné lieu, par exemple, à un rapport antérieur du comité [voir 368e rapport, cas no 2883, paragr. 799-810]; enfin, il est manifeste que les droits des travailleurs et des employeurs et de leurs organisations ne peuvent être dûment exercés dans un climat de violence, de menaces et de terreur.
  3. 699. Le comité prend note des informations détaillées suivantes du ministère public transmises par le gouvernement sur la situation des enquêtes: 1) les auteurs des assassinats de MM. Carlos Armando Viera Rosales, Rubén Snell Soberón Estela (ce cas implique un nombre important d’accusés selon le gouvernement), Luis Esteban Luyo Vicente et Jorge Antonio Vargas Guillén ont été identifiés et arrêtés (dans le cas du dernier syndicaliste cité, un coauteur a été condamné à vingt ans de prison); 2) il existe des indices rationnels tendant à indiquer que les trois personnes identifiées avaient un intérêt à tuer le syndicaliste Guillermo Alonso Yacila Ubillus; 3) les assassins de Rodolfo Mestanza Poma n’ont pas encore été identifiés. Le comité espère fermement que, dans un avenir proche, les procédures pénales en cours permettront d’identifier tous les auteurs et commanditaires des assassinats, les responsabilités seront clairement déterminées et les personnes reconnues coupables seront sévèrement punies. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard, de même que de l’évolution des procédures pénales.
  4. 700. Le comité apprécie les mesures prises pour lutter contre la violence dans le secteur de la construction (la Commission multisectorielle dotée de ses différents groupes de travail; la Division spécialisée de la protection des chantiers de construction civile de la Police nationale péruvienne) qui visent à engager des actions préventives et punitives coordonnées par l’ensemble des autorités centrales et locales, avec la participation effective du ministère public et des organisations syndicales et d’employeurs les plus représentatives. Le comité invite le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans le cadre du dialogue tripartite existant. Le comité observe toutefois le caractère intolérable de la situation de violence dans ce secteur et la nécessité d’adopter de nouvelles mesures pour l’éradiquer. A cet égard, le comité exprime sa profonde préoccupation devant les raisons divergeantes avancées par les organisations plaignantes et par le gouvernement concernant les causes de la violence. Les organisations plaignantes imputent la violence à des bandes mafieuses de délinquants et à des pseudo-syndicats qui pratiquent l’extorsion, alors que le gouvernement estime que la violence a pour origine la lutte entre les organisations syndicales pour prendre le contrôle des chantiers par l’intermédiaire des postes de travail destinés à leurs membres. Le comité demande au gouvernement de lui transmettre des informations complémentaires sur ces déclarations et suggère au ministère public d’ordonner l’ouverture d’une enquête approfondie sur les motifs et les responsables de la violence dans le secteur de la construction, et que l’on tire toutes les conséquences sur le plan pénal des constatations qui seront faites. Le comité souhaite souligner à cet égard le principe selon lequel la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 43.] De même, le comité rappelle le principe selon lequel les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44.]
  5. 701. En ce qui concerne l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle les autorités du travail maintiendraient l’inscription au registre de pseudo-syndicats qui pratiquent l’extorsion, le comité croit comprendre des explications du gouvernement que, en application de la convention no 87, la législation prévoit la création automatique de syndicats sur la base de la satisfaction des critères formels requis, à savoir essentiellement la présentation de documents (procès-verbal de l’assemblée, liste du comité exécutif, etc.). Le comité rappelle toutefois que, en cas d’infractions pénales graves, comme dans le cas présent (extorsion, assassinat), l’autorité judiciaire serait habilitée à dissoudre une organisation syndicale si la responsabilité pénale des membres de ses organes officiels était prouvée.
  6. 702. En ce qui concerne l’allégation relative à l’accès de certaines pseudo-organisations syndicales qui pratiquent l’extorsion aux institutions officielles, le comité estime que les organisations plaignantes n’ont pas étayé leurs allégations par des informations et des détails suffisants, et les invite à le faire.
  7. 703. Enfin, le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir sans délai ses observations sur les récentes allégations de la Confédération des travailleurs du Pérou (CTP) contenues dans sa communication en date du 29 novembre 2013, relatives à diverses questions au nombre desquelles l’assassinat du dirigeant syndical Miguel Díaz Medina et dans laquelle la police est accusée de chercher à impliquer de façon fallacieuse le Syndicat des travailleurs de la construction civile dans des actes d’extorsion et de chantage avec la complicité de délinquants.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 704. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en déplorant et en exprimant sa préoccupation devant la gravité des faits allégués d’extorsion et d’assassinat de six syndicalistes (ainsi que d’un autre mentionné dans de récentes allégations) et notant que le présent cas est caractérisé par une lutte intersyndicale, le comité espère fermement que, dans un avenir proche, les procédures pénales en cours permettront d’identifier tous les auteurs et instigateurs de l’assassinat de trois dirigeants syndicaux et de trois membres syndicaux du secteur de la construction, de déterminer les responsabilités et de punir sévèrement les coupables. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard, ainsi que de l’évolution des procédures pénales. Cependant, le comité fait bon accueil des mesures prises par le gouvernement concernant, par exemple, le registre des travailleurs dans le secteur de la construction et invite le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans le cadre du dialogue tripartite existant.
    • b) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir des informations supplémentaires concernant ses déclarations et celles des organisations plaignantes au sujet des causes de la violence dans le secteur de la construction à l’encontre des dirigeants syndicaux; il suggère que le ministère public ouvre une enquête approfondie sur les raisons et les responsables de la violence dans le secteur de la construction et tire toutes les conséquences sur le plan pénal des constatations qui seront faites.
    • c) En ce qui concerne l’allégation relative à l’accès de certaines pseudo-organisations syndicales qui pratiquent l’extorsion, le comité estime que les organisations plaignantes n’ont pas étayé leurs allégations par des informations et des détails suffisants, et les invite à le faire.
    • d) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir sans délai ses observations sur les récentes allégations de la Confédération des travailleurs du Pérou (CTP) en date du 29 novembre 2013, relatives à différentes questions au nombre desquelles l’assassinat du dirigeant syndical Miguel Díaz Medina et dans lesquelles la police est accusée de chercher à impliquer de façon fallacieuse le Syndicat des travailleurs de la construction civile dans des actes d’extorsion et de chantage avec la complicité de délinquants.
    • e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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