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- 751. La plainte figure dans une communication en date du 16 juin 2014 de la Fédération des travailleurs unis (FTU).
- 752. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 8 juillet 2015.
- 753. Maurice a ratifié à la fois la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 754. L’organisation plaignante indique que l’hôtel Crystal Beach (ci-après «l’hôtel»), situé dans la région de la côte orientale de Maurice, possède un effectif de 193 travailleurs manuels. L’hôtel est administré par l’entité Maritim Mauritius Ltd. A titre d’information générale pour la plainte, la FTU indique que M. Pardip Pursun, responsable des ressources humaines de l’hôtel, a été licencié le 15 décembre 2013 pour violences verbales régulières envers les travailleurs, et plus particulièrement les travailleuses, puis a été réintégré le 28 janvier 2014 pour des raisons ignorées des employés. Ce même 28 janvier, le PDG et le directeur général de l’hôtel ont donné leur démission pour protester contre la décision de l’entreprise de réintégrer M. Pursun.
- 755. Selon l’organisation plaignante, dans ce contexte, tous les travailleurs ont décidé de s’organiser en adhérant au Syndicat des travailleurs de l’hôtellerie, des clubs privés et de la restauration (OHPCCWU), syndicat affilié à la FTU. Le responsable des ressources humaines a réagi à la décision des travailleurs de s’organiser en se livrant à des actes de harcèlement et des violences verbales. Le 9 février 2014, les travailleurs ont adressé une lettre au Premier ministre, au ministre du Travail, des Relations industrielles, de l’Emploi et de la Formation et au ministre de l’Egalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille pour se plaindre du fait que le responsable des ressources humaines harcelait et maltraitait le personnel occupant des emplois d’entretien. Il est indiqué dans la lettre que, au cours d’une réunion d’information le 5 février, le responsable des ressources humaines a traité les travailleurs de voleurs, d’illettrés, de paresseux et de bons à rien en leur disant qu’ils n’avaient pas d’autre choix, car il pouvait les licencier à tout moment comme il l’avait fait pour le PDG et le directeur général de l’établissement. Il est indiqué en outre que les travailleurs ont signalé l’incident au poste de police de Belle-Mare. La FTU a également adressé une lettre datée du 13 février 2013 au ministre du Travail dans laquelle elle signale que le 12 février un responsable d’étage a été congédié sans préavis et sans justification. Il est indiqué dans la lettre que, alors qu’il lui remettait sa lettre de licenciement, le responsable des ressources humaines a déclaré au travailleur congédié que d’autres pourraient le suivre. L’organisation plaignante allègue que le ministère a ignoré cette communication.
- 756. L’organisation plaignante indique que la situation a empiré lorsque l’OHPCCWU a fait parvenir une demande de reconnaissance à la direction (un exemplaire de la demande est joint à la plainte) conformément à l’article 36 de la loi sur les relations professionnelles (2008). Dans cette demande en date du 17 février 2014, l’organisation plaignante fait savoir à l’employeur que plus de 50 pour cent des employés sont membres du syndicat et demande une reconnaissance à cet égard. Le 6 mars 2014, un groupe de travailleurs a adressé une lettre collective au secrétaire de l’OHPCCWU déclarant qu’en tant que membres syndicaux ils lui faisaient savoir que le responsable des ressources humaines les intimidait pour les inciter à se désaffilier de l’OHPCCWU et que, en particulier, le 6 mars 2014, l’assistant du responsable des ressources humaines et le chef exécutif ont distribué des lettres de désaffiliation du syndicat pour faire pression sur les membres syndicaux. Les signataires de la lettre ont demandé au syndicat de prendre des mesures d’urgence tout en signifiant leur détermination à rester affiliés.
- 757. La FTU indique que l’OHPCCWU s’étant vu rejeter sa demande de reconnaissance par l’employeur, elle a présenté une demande d’ordonnance de reconnaissance en vertu de l’article 38(1) de la loi sur les relations professionnelles (2008) au Tribunal des relations professionnelles (ERT) en affirmant que la demande était soutenue par plus de 50 pour cent des travailleurs dans l’unité de négociation. Une copie de la demande en date du 18 avril 2014 est jointe à la plainte. La première audience sur le cas était prévue le 6 mai 2014. L’organisation plaignante indique que, au cours d’une réunion le matin du 6 mai, le responsable des ressources humaines a déclaré «le taux d’occupation n’est pas bon, je vais donc licencier 50 travailleurs». Le 13 mai, date de la deuxième audition devant l’ERT, le même responsable des ressources humaines a déclaré «dans l’après-midi qui suivra la séance au tribunal, je prendrai des mesures draconiennes, notamment contre les membres syndicaux». Le même jour du 13 mai, l’OHPCCWU a adressé une lettre au ministère du Travail en exprimant sa préoccupation en lien avec les déclarations susmentionnées du responsable des ressources humaines et en affirmant que cette attaque contre l’emploi est liée directement à la décision des travailleurs de s’organiser et d’adhérer à un syndicat. Il est déclaré plus loin dans la lettre que plusieurs plaintes contre le responsable des ressources humaines avaient été précédemment enregistrées au poste de police de Belle-Mare. L’OHPCCWU termine sa communication en demandant d’urgence une intervention du ministère pour mettre fin aux pratiques répressives de l’employeur.
- 758. L’organisation plaignante indique par ailleurs que le responsable des ressources humaines a mis à exécution sa menace de licenciement de membres syndicaux la veille d’une autre audition devant l’ERT qui s’est tenue le 21 mai 2014. Environ 45 travailleurs, y compris l’ensemble des représentants syndicaux du lieu de travail, ont été licenciés. Au cours de l’audition du 21 mai, le responsable des ressources humaines a été vu en compagnie de deux hommes de main.
- 759. La FTU indique que l’ERT a décidé d’organiser un vote à bulletin secret en vertu de l’article 38 de la loi sur les relations professionnelles (2008) afin de déterminer la représentativité de l’OHPCCWU. Ce vote était prévu le 12 juin 2014 à 14 h 30 dans les locaux de l’entreprise. Le 4 juin, l’OHPCCWU a demandé par l’intermédiaire du tribunal l’organisation d’une réunion avec ses membres dans les locaux de l’hôtel, qui a été rejetée par la défense de l’entreprise. Le 9 juin, vers 14 h 30, le négociateur et deux représentants du syndicat se sont approchés de l’hôtel pour distribuer un tract destiné aux travailleurs en équipe du soir et du matin, en dehors des heures de travail. En quelques minutes, les deux hommes de main ont fait irruption hors de l’hôtel et déclaré «c’est une voie privée, vous ne pouvez pas rester là, partez avec tous vos effets». Ils ont ajouté «M. Pursun a dit que vous n’aviez pas le droit de revenir demain sinon il annulerait l’élection». L’employeur a demandé l’intervention de la police mais cette dernière n’a pas pu arrêter les représentants syndicaux, leurs actions étant légales. Simultanément et d’une manière inhabituelle, tous les véhicules transportant quotidiennement les travailleurs ont eu pour instruction de prendre les travailleurs dans les locaux de l’hôtel après les heures de travail. Les véhicules ont été libérés un par un pour empêcher les représentants syndicaux de rencontrer les travailleurs. L’OHPCCWU a signalé cet incident au président de l’ERT dans une lettre en date du 10 juin 2014. La lettre indique en outre que, dans une déclaration officielle, M. Pursun a fait savoir au poste de police de Belle-Mare que les travailleurs des services de sécurité de l’hôtel assureraient la sécurité durant la tenue de l’élection et qu’ils n’avaient pas besoin d’assistance de la police alors que le tribunal avait initialement rejeté ce principe.
- 760. L’organisation plaignante indique que le 12 juin, jour du scrutin, le président, le vice président, l’ensemble des assesseurs et le personnel de l’ERT étaient tous présents. Quelque 148 travailleurs figuraient sur la liste officielle des personnes autorisées à voter. Les représentants syndicaux ont constaté les allers et venues permanents du responsable des ressources humaines entre le lieu du scrutin et différents départements. A 13 h 15, le tribunal a décidé de mettre un terme à l’élection avant l’horaire prévu, à savoir 14 h 30. Cette décision était due au fait qu’aucun travailleur ne s’est présenté dans la salle de conférence pour exprimer son vote. L’organisation plaignante allègue que, le jour de l’audience du tribunal qui a eu lieu le lendemain, le président de l’ERT s’est déclaré vivement préoccupé par le rôle de l’entreprise Crystal Beach Resort Ltd dans ces événements. La FTU affirme que ce résultat est sans précédent dans l’histoire de Maurice et estime que les actes de l’employeur constituent des violations manifestes des conventions nos 87 et 98 de l’OIT.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 761. Dans sa communication en date du 8 juillet 2015, le gouvernement fait parvenir la version de l’employeur sur les faits en plus de ses propres observations. Selon l’employeur, l’établissement Crystal Beach Resort & Spa opère depuis octobre 2012 avec un effectif total de 250 employés. En décembre 2013, la direction a décidé de réduire son personnel de 20 pour cent car l’exploitation souffrait d’une diminution constante des revenus liée à la baisse substantielle du taux d’occupation de l’hôtel. En 2014, la direction de l’établissement a dû revoir son fonctionnement et mettre en œuvre des politiques radicales de réduction des coûts et d’optimisation des ressources qui se sont traduites par des réductions dans les frais de personnel et les frais généraux. Les 3 mars, 7 avril et 15 mai 2014, la direction de l’établissement a officiellement informé le ministère du Travail de son intention de diminuer les effectifs à la suite de la crise économique et financière et de la baisse substantielle des recettes de l’hôtel. La réduction des effectifs n’est donc pas liée à l’intention des travailleurs de devenir membres syndicaux.
- 762. L’employeur indique en outre qu’en février 2014 il a effectivement reçu une demande de reconnaissance de l’OHPCCWU. Il a toutefois jugé opportun de rejeter cette demande car, après enquête, il est apparu que plus de 80 pour cent des travailleurs n’avaient pas l’intention d’adhérer à l’OHPCCWU ou à tout autre syndicat. L’hôtel a transmis cette décision au syndicat le 16 avril 2014. L’employeur ajoute que, après ce refus, l’OHPCCWU a adressé une demande de reconnaissance à l’ERT et que ce dernier a organisé et supervisé un vote au scrutin secret dans les locaux de l’hôtel. L’employeur déclare que, avant le vote, des avis ont été affichés sur les tableaux et que des banderoles ont été installées à proximité de l’hôtel et dans les villages environnants pour informer les travailleurs. L’OHPCCWU a également distribué des tracts aux travailleurs. Des dispositions spéciales ont été prises par l’hôtel à la demande du président de l’ERT concernant notamment la mise à disposition d’une salle pour la tenue du scrutin, et le transport a été organisé pour le personnel qui n’était pas de service ce jour-là. L’employeur indique que, malgré toutes ces mesures, aucun employé n’a voté. Le 13 juin 2014, la direction de l’établissement a fait savoir à l’ERT qu’elle n’avait pas d’objection à organiser un deuxième scrutin mais que l’OHPCCWU a retiré sa demande, selon l’employeur, par peur d’un deuxième échec massif.
- 763. L’employeur indique par ailleurs qu’en septembre 2014 l’OHPCCWU a présenté une nouvelle demande de reconnaissance auprès de l’ERT, demande qu’il a retirée le 7 octobre pour quelques problèmes techniques. La direction de l’établissement ne s’est pas opposée à ce retrait. Le 5 novembre, l’OHPCCWU a présenté une nouvelle demande de reconnaissance à la direction en faisant valoir que plus de 30 pour cent des travailleurs y étaient affiliés. Cette correspondance a été transmise en même temps au ministère du Travail, des Relations industrielles, de l’Emploi et de la Formation (MLIRET), qui a mené une enquête. Le 1er décembre, la direction de l’entreprise a fait savoir au syndicat qu’elle rejetait sa demande de reconnaissance. L’employeur a insisté sur le fait qu’à plusieurs reprises les fonctionnaires du ministère du Travail ont mené des enquêtes sur les plaintes déposées par le négociateur du syndicat et qu’au cours de ces enquêtes ils ont également rencontré les travailleurs dans les locaux de l’hôtel.
- 764. Le gouvernement fournit des informations générales selon lesquelles les fonctionnaires chargés de l’application de la loi du ministère du Travail ont réalisé des inspections de routine dans l’hôtel en mai 2013 au cours desquelles ils ont également rencontré les travailleurs. Ces inspections ont montré l’existence de bonnes relations professionnelles. S’agissant du conflit avec la direction qui aurait conduit le PDG et le directeur général à démissionner, le gouvernement déclare qu’il ne possède pas d’information du fait que l’intervention du ministère du Travail n’a pas été demandée à ce sujet et ajoute qu’il n’y a pas d’éléments tendant à conforter la réclamation selon laquelle ces démissions pourraient être attribuées à l’attitude du responsable des ressources humaines.
- 765. Le gouvernement indique qu’une enquête menée par des fonctionnaires du ministère du Travail a montré que depuis la fin de 2013 l’entreprise connaissait de grosses difficultés liées au faible taux d’occupation et que, en raison des problèmes financiers qui ont suivi, elle ne pouvait plus respecter les délais statutaires pour le paiement des salaires des travailleurs. En même temps, la direction de l’établissement a commencé à adopter des mesures strictes pour la gestion de ses employés et à appliquer ses règles internes en vertu desquelles les travailleurs soupçonnés d’avoir commis une faute étaient passibles de sanctions disciplinaires. La direction de l’établissement a toutefois respecté la législation du travail pour ce qui est du paiement des arriérés aux travailleurs.
- 766. Le gouvernement indique par ailleurs que le 13 février 2014 une enquête a été ouverte à la suite d’un arrêt de travail lancé pour protester contre le licenciement d’un travailleur. Ce dernier a été réintégré sur intervention du ministère.
- 767. Pour ce qui est de la question de la reconnaissance, le gouvernement indique que le 17 février 2014 le syndicat a présenté une première demande au tribunal tendant à ordonner à l’employeur de reconnaître le syndicat. Ce dernier a refusé d’accorder cette reconnaissance en faisant valoir que le syndicat n’avait pas l’appui «d’au moins 30 pour cent des travailleurs de l’unité de négociation» comme le prévoit l’article 37 de la loi sur les relations professionnelles.
- 768. Le gouvernement déclare que le 20 mai une nouvelle opération d’inspection de routine a été menée pour enquêter sur les revendications d’une lettre anonyme datée du 9 février 2014 dénonçant des cas de harcèlement de la part du responsable des ressources humaines et pour enquêter sur le licenciement de 53 travailleurs pour des raisons économiques les 16, 19 et 20 mai. Les travailleurs ont été rencontrés individuellement. Ils n’ont formulé aucun grief et ont nié avoir jamais été maltraités ou harcelés par le responsable des ressources humaines, mais ont affirmé que la direction était très stricte en ce qui concerne la discipline. Le responsable des ressources humaines a été averti que le harcèlement constituait un délit au sens de l’article 54 de la loi sur les relations professionnelles. Les 53 travailleurs licenciés en mai 2014 ont fait savoir au ministère du Travail qu’ils optaient pour un programme de réinsertion au titre de la partie IX de la loi sur les droits au travail. Ils n’ont pas contesté les motifs avancés pour la cessation de leur emploi et ne se sont pas plaints d’avoir été licenciés pour leur appartenance à un syndicat.
- 769. Par ailleurs, sur la question de la reconnaissance, le gouvernement indique que le 12 juin 2014 l’ERT a organisé et supervisé un vote au scrutin secret dans les locaux de l’hôtel en vertu de l’article 38(2)(b) de la loi sur les relations professionnelles. Cependant, aucun employé n’étant venu voter et le syndicat n’ayant pas produit la preuve qu’il pouvait prétendre à une reconnaissance, le tribunal a mis sa demande de côté.
- 770. Le gouvernement indique que le 8 août 2014 le ministère a diligenté une nouvelle enquête après avoir reçu de nouvelles plaintes formulées par des travailleurs mentionnant des actes de harcèlement de la part du responsable des ressources humaines. Les travailleurs rencontrés ont admis avoir signé la lettre du 9 février, mais ils ont déclaré l’avoir fait contre leur volonté et sont revenus sur les allégations selon lesquelles le responsable des ressources humaines aurait commis des actes de harcèlement. Les fonctionnaires du ministère ont enregistré leur déclaration collective à cet effet. Aucune autre plainte concernant l’attitude du responsable des ressources humaines ou un autre employé de l’hôtel n’a été enregistrée au ministère du Travail. Du reste, une enquête ministérielle sur les allégations de la lettre susmentionnée du 9 février a montré qu’aucune plainte n’a été enregistrée au poste de police de Belle-Mare. En réalité, les travailleurs de l’hôtel occupant des emplois d’entretien avaient juste fait une déclaration à titre préventif contre le responsable des ressources humaines.
- 771. Le gouvernement indique qu’en septembre 2014 le syndicat a présenté une deuxième demande de reconnaissance à l’ERT, demande qu’il a retirée le 7 octobre pour des raisons techniques. Par la suite, le 5 novembre, le syndicat a présenté une nouvelle demande de reconnaissance à la direction de l’hôtel. Le 1er décembre, l’employeur a rejeté cette demande en faisant valoir que le syndicat ne disposait pas de l’appui «d’au moins 30 pour cent des travailleurs de l’unité de négociation» comme le prévoit la loi.
- 772. Le gouvernement indique au comité que le 27 janvier 2015 les fonctionnaires de la section de conciliation et médiation du ministère du Travail ont mené une inspection sur l’état des relations professionnelles dans l’hôtel au cours de laquelle les travailleurs rencontrés n’ont formulé aucun grief. Enfin, le gouvernement indique que le 8 mai 2015 le négociateur du syndicat a fait savoir par téléphone à un fonctionnaire du ministère du Travail qu’il ne souhaitait plus aller plus loin sur la question car il n’avait pas le soutien des travailleurs concernés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 773. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations d’actes d’intimidation et de discrimination antisyndicales visant à forcer des travailleurs affiliés à se désaffilier du syndicat de leur choix ainsi que sur des allégations d’obstruction, de mesures visant à empêcher les représentants syndicaux de rencontrer des affiliés dans l’entreprise pour leur distribuer du matériel électoral avant la tenue d’un vote visant à déterminer la représentativité du syndicat.
- 774. Le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle des travailleurs manuels de l’hôtel auraient décidé de s’organiser en adhérant à l’OHPCCWU après qu’un responsable des ressources humaines, licencié le 15 décembre 2013 pour agressions verbales envers des travailleurs, en particulier envers des travailleuses, a été réintégré le 28 du même mois provoquant la démission immédiate du PDG et du directeur général de l’hôtel. Le comité prend aussi note de la déclaration du gouvernement à cet égard selon laquelle il ne dispose d’aucune information sur ces événements, l’intervention du ministère du Travail n’ayant pas été demandée. Le gouvernement signale en outre l’absence de tout élément tendant à soutenir l’affirmation selon laquelle les démissions susmentionnées étaient dues à l’attitude du responsable des ressources humaines.
- 775. Le comité note que l’organisation plaignante, l’employeur et le gouvernement s’accordent sur le fait que le 17 février 2014 l’OHPCCWU a fait parvenir une demande de reconnaissance à l’employeur en affirmant qu’il représentait plus de 50 pour cent des effectifs. Le comité note en outre que l’employeur a rejeté cette demande le 16 avril 2014, car une enquête aurait montré que plus de 80 pour cent des travailleurs n’avaient pas l’intention d’adhérer à l’OHPCCWU ou à tout autre syndicat. Le 18 avril, le syndicat a saisi l’ERT en vue d’obtenir une ordonnance de reconnaissance conformément à l’article 38(1) de la loi sur les relations professionnelles (2008), une fois encore en affirmant dans sa demande qu’il représentait plus de 50 pour cent des travailleurs dans l’unité de négociation. Les audiences devant le tribunal ont eu lieu les 6, 13 et 21 mai. L’ERT a décidé d’organiser un vote au scrutin secret dans les locaux de l’hôtel pour déterminer la représentativité du syndicat, conformément à l’article 38 de la loi sur les relations professionnelles. Le scrutin était prévu pour le 12 juin 2014.
- 776. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que des actes de harcèlement et des agressions verbales avaient déjà eu lieu en réaction à l’intention des travailleurs de s’organiser avant le 17 février 2014, date de la demande de reconnaissance adressée à l’employeur, mais que, selon l’organisation plaignante, ces actes se sont considérablement intensifiés après cette date, avec des recours à la menace et à des actes d’intimidation, y compris le licenciement des représentants de l’OHPCCWU sur le lieu de travail, tandis que la procédure devant l’ERT était en cours.
- 777. Le comité note que les premiers actes de harcèlement mentionnés dans la plainte remontent au 5 février 2014 lorsqu’il a été allégué que le responsable des ressources humaines avait verbalement agressé des travailleurs lors d’une réunion d’information et déclaré qu’il pourrait tous les licencier. Cet incident a été signalé dans des lettres en date du 9 février adressées aux autorités, y compris le MLIRET. Le gouvernement confirme qu’une lettre anonyme en date du 9 février 2014 contenant des allégations selon lesquelles le responsable des ressources humaines s’était livré à des actes de harcèlement a été envoyée aux autorités, et indique qu’une enquête sur ces allégations a eu lieu à l’occasion d’une inspection de routine menée le 20 mai 2014. Les travailleurs rencontrés individuellement ont nié avoir jamais été maltraités ou victimes de harcèlement de la part du responsable des ressources humaines. Le gouvernement indique qu’à cette occasion ce dernier a été averti que les actes de harcèlement constituaient un délit au sens de la loi sur les droits au travail. Le comité note aussi l’indication du gouvernement selon laquelle, au cours d’une autre enquête menée le 8 août 2014, les travailleurs rencontrés ont déclaré qu’ils avaient signé la lettre du 9 février contre leur volonté et démenti les allégations de harcèlement formulées à l’encontre du responsable des ressources humaines, et qu’une enquête ministérielle sur les allégations de la lettre a montré qu’aucune plainte n’a été enregistrée au poste de police de Belle-Mare.
- 778. Le comité note par ailleurs l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle, lors d’un autre incident, un travailleur a été congédié sans préavis le 12 février sans aucune justification et que le responsable des ressources humaines aurait déclaré au travailleur congédié que d’autres pourraient le suivre. L’incident a été signalé au MLIRET dans une lettre en date du 13 février qui, selon l’organisation plaignante, a été ignorée par les autorités. Le comité note toutefois l’indication contraire du gouvernement selon laquelle le 13 février une enquête a été menée à l’occasion d’un arrêt de travail lancé pour protester contre le licenciement d’un travailleur, et que ce travailleur a été réintégré sur intervention du MLIRET.
- 779. S’agissant des actes d’intimidation et des menaces survenus après le 17 février 2014, le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle, le 6 mars 2014, des travailleurs affiliés ont adressé une lettre au secrétaire de l’OHPCCWU signalant des actes d’intimidation visant à les forcer à se désaffilier et mentionnant notamment que des imprimés de désaffiliation du syndicat ont été distribués aux travailleurs. Le comité note toutefois que, bien que les travailleurs signataires aient demandé au syndicat de prendre les mesures d’urgence qui s’imposaient, aucune information n’a été fournie par l’organisation plaignante sur des mesures quelconques prises pour se plaindre aux autorités.
- 780. Le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle, le 6 mai 2014, jour de la première audience devant l’ERT, le responsable des ressources humaines aurait déclaré que le taux d’occupation n’étant pas bon, il licencierait 50 travailleurs; et que le 13 mai, date de la deuxième audition devant le tribunal, il aurait déclaré que, dans l’après-midi faisant suite à l’audience du tribunal, il prendrait des mesures draconiennes, «notamment contre les membres syndicaux». L’organisation plaignante indique que le 13 mai l’OHPCCWU a immédiatement informé le MLIRET par lettre de la menace de licenciement contre les membres syndicaux et a demandé l’intervention d’urgence du ministère à cet égard. Selon l’organisation plaignante, les menaces de licenciement ont été mises à exécution le 20 mai, lorsque 45 travailleurs environ, y compris tous les représentants syndicaux du lieu de travail, ont été licenciés. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le 20 mai, dans le cadre d’une inspection de routine, une enquête a été menée sur le licenciement les 16, 19 et 20 mai de 53 travailleurs pour des motifs économiques. Le gouvernement déclare que les travailleurs, qui ont été rencontrés individuellement, n’ont formulé aucun grief. Les travailleurs licenciés n’ont ni contesté les motifs de leur licenciement ni déclaré qu’ils avaient été licenciés en raison de leur appartenance à un syndicat et ont opté pour un programme de réinsertion au titre de la partie IX de la loi sur les droits au travail.
- 781. S’agissant des licenciements, le comité prend également note de l’indication de l’employeur, transmise par le gouvernement, selon laquelle, déjà en décembre 2013, la direction avait décidé de réduire le personnel de 20 pour cent pour des raisons économiques et que, en 2014, elle s’est trouvée dans l’obligation de mettre en œuvre des mesures draconiennes de réduction des coûts et d’optimisation des ressources impliquant des réductions dans les frais de personnel et qu’une notification formelle en la matière avait été transmise au ministère du Travail les 3 mars, 7 avril et 15 mai 2014. L’employeur souligne à cet égard le fait que la réduction des effectifs qui en a suivi n’était donc pas liée à l’intention des travailleurs d’adhérer à un syndicat. Le comité prend note par ailleurs de la déclaration du gouvernement selon laquelle une enquête menée par des fonctionnaires du MLIRET a révélé que, depuis la fin de 2013, l’entreprise connaissait de grandes difficultés économiques et ne pouvait pas respecter les délais statutaires pour le paiement des salaires des travailleurs mais qu’elle a respecté les lois pour ce qui est du paiement des arriérés aux travailleurs. Le gouvernement indique par ailleurs que, simultanément, la direction a commencé à appliquer les règles internes de manière stricte, ce qui fait que les travailleurs soupçonnés d’avoir commis une faute étaient passibles de sanctions disciplinaires.
- 782. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le responsable des ressources humaines a dans un premier temps clairement exprimé son intention de cibler particulièrement les membres syndicaux lors des licenciements à venir, qui étaient essentiellement imputables à des raisons économiques, puis a traduit ses paroles en actes en licenciant tous les représentants syndicaux du lieu de travail à la veille d’une audience devant l’ERT, le tout survenant dans le contexte d’un différend lié à la reconnaissance du syndicat par l’employeur. Néanmoins, le comité croit comprendre des indications du gouvernement que les travailleurs licenciés n’ont pas contesté les motifs – économiques – déclarés pour leur licenciement et ont opté à la place pour un programme de réinsertion au titre de la loi sur les droits au travail qui leur permet d’obtenir une indemnité de chômage temporaire et une aide à la réinsertion, au recyclage ou au démarrage d’une petite entreprise.
- 783. Le comité rappelle qu’il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprises de services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes d’ingérence ou de discrimination antisyndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1079.] Le comité note que, en particulier lors des premières étapes de la syndicalisation d’un lieu de travail, le licenciement de représentants syndicaux peut mettre en péril les premières tentatives d’exercice du droit d’organisation car cela a non seulement pour conséquence de priver les travailleurs de leurs représentants, mais aussi d’avoir un effet intimidant sur les autres travailleurs qui auraient pu envisager d’assumer des fonctions syndicales ou simplement d’adhérer à un syndicat. Le comité rappelle que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et qu’il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 771.] En l’espèce toutefois, le comité note que le gouvernement a mené rapidement une enquête sur le licenciement des travailleurs, que ces derniers ont été rencontrés individuellement et n’ont pas contesté les motifs déclarés de leur licenciement et, en conséquence, n’ont pas demandé leur réintégration ou réparation. Dans ces conditions, le comité ne dispose pas d’éléments suffisants pour dire si ces licenciements avaient un caractère antisyndical.
- 784. S’agissant de la question de la reconnaissance, le comité note que, selon des indications concordantes de l’organisation plaignante, de l’employeur et du gouvernement, l’ERT a organisé un vote au scrutin secret pour déterminer la représentativité de l’OHPCCWU. Le vote a été organisé et supervisé par l’ERT dans les locaux de l’hôtel le 12 juin 2014. Le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les représentants syndicaux n’ont pas été en mesure d’informer les travailleurs de leurs droits relatifs aux élections, car l’employeur a refusé de leur accorder l’accès au lieu de travail et a pris des mesures visant à les empêcher d’approcher les travailleurs la veille des élections. Le comité note également l’affirmation de l’employeur selon laquelle des affiches et des banderoles ont été fixées dans l’hôtel et dans les villages environnants et que le syndicat a distribué des tracts aux travailleurs. L’employeur indique aussi qu’à la demande du président de l’ERT il a mis à disposition une salle pour l’organisation du scrutin et des moyens de transport pour le personnel qui n’était pas en service le jour du vote. Néanmoins, les parties s’accordent sur le fait qu’aucun travailleur n’est venu voter. Le comité note que, selon le procès-verbal de la session de l’ERT organisée le 13 juin et joint à la plainte, le tribunal s’est dit préoccupé par le fait que personne n’est venu voter et a invité l’employeur à revoir certaines questions et son attitude à l’égard des travailleurs, y compris l’accès d’un dirigeant syndical au lieu de travail. Le comité note aussi que, selon le même procès-verbal, le syndicat a retiré sa demande auprès de l’ERT, que l’employeur ne s’est pas opposé à ce retrait, et que le tribunal a mis de côté la demande tout en affirmant que le syndicat peut renouveler sa demande lorsqu’il le souhaitera, conformément à la loi.
- 785. S’agissant de la question de l’accès à l’entreprise, le comité rappelle que le gouvernement doit garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux du travail en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la direction afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs dans le but de les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter pour eux [voir Recueil, op. cit., paragr. 1103] et s’attend à ce que le gouvernement veille au respect de ce principe. Par ailleurs, sur la question de la reconnaissance, le comité prend note des indications concordantes du gouvernement et de l’employeur selon lesquelles, en septembre 2014, le syndicat a présenté une nouvelle demande d’ordonnance de reconnaissance devant l’ERT, demande qu’il a retirée le 7 octobre pour des raisons techniques. Le gouvernement et l’employeur indiquent que, le 5 novembre, le syndicat a adressé sa deuxième demande de reconnaissance à l’employeur, qui l’a rejetée le 1er décembre au motif que le syndicat n’avait pas le soutien d’au moins 30 pour cent des travailleurs comme l’exige la loi. Enfin, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, le 8 mai 2015, le négociateur de l’OHPCCWU a fait savoir au MLIRET qu’il ne souhaitait pas aller plus loin, car il n’avait pas le soutien des travailleurs concernés. Si certains actes de l’employeur ont donné lieu à des préoccupations du tribunal concernant le climat dans lequel le syndicat a pu mener ses activités, au vu des enquêtes menées par le gouvernement et des efforts déployés pour organiser un vote à scrutin secret, et au vu de la décision de l’organisation plaignante de retirer sa demande devant l’ERT ainsi que de la décision finale de ne plus prétendre à la représentation des travailleurs à l’hôtel, le comité estime qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour dire si le gouvernement a manqué à son devoir de veiller au respect de la liberté syndicale des travailleurs dans le présent cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 786. Au vu des conclusions qui précèdent et dans la mesure où il ne dispose pas d’éléments suffisants pour déterminer que le gouvernement a manqué à son obligation d’assurer le respect de la liberté syndicale dans ce cas, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.