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Allégations: Ingérence du gouvernement dans les élections syndicales pour contrôler la Centrale générale autonome des travailleurs du Panama (CGTP)
- 589. La plainte figure dans une communication en date du 1er juillet 2015 de l’Union nationale des travailleurs de l’industrie de la construction et des secteurs apparentés (UNTRAICS).
- 590. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations par des communications en date des 17 février, 17 mai et 1er juin 2016.
- 591. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 592. Dans sa communication du 1er juillet 2015, l’organisation plaignante allègue que les élections du nouveau comité directeur de la Centrale générale autonome des travailleurs du Panama (CGTP), à laquelle l’organisation plaignante est affiliée, qui ont eu lieu le 15 mai 2015 au cours du IXe congrès ordinaire de la CGTP, ne se sont pas déroulées de manière démocratique à cause de l’ingérence des autorités publiques, notamment des hauts fonctionnaires du gouvernement. L’organisation plaignante allègue que: i) M. Samuel Rivera, secrétaire général du ministère du Travail et du Développement social, qui au moment des élections de la CGTP avait été nommé à titre temporaire vice-ministre du Travail par le décret no 78 du 12 mai 2015, a participé à ce scrutin en tant que membre de la liste qui a gagné les élections et a été élu secrétaire exécutif du comité directeur national de la CGTP; et ii) un autre fonctionnaire du ministère, M. Rolando Gálvez, inspecteur de la sécurité du ministère du Travail et du Développement social, a été imposé en tant que secrétaire à l’organisation et aux statistiques de la CGTP. L’organisation plaignante estime que ces actes d’ingérence, ainsi que la désignation d’autres hauts fonctionnaires qui étaient naguère dirigeants syndicaux, mais qui sont désormais au service du gouvernement, démontrent que le gouvernement s’est immiscé dans le contrôle de la CGTP, mettant ainsi en péril l’indépendance et l’autonomie de la centrale. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que le statut de la CGTP, en son article 25, prévoit que tout dirigeant de la centrale exerçant des responsabilités politiques ou occupant un poste de haut niveau au sein du gouvernement en place, dans quelque ministère ou institution que ce soit, devra demander au comité directeur de l’autoriser à occuper ce poste public, tandis que son suppléant le remplacera dans ses fonctions syndicales.
- 593. L’organisation plaignante fait savoir que les documents du IXe congrès ordinaire de la CGTP ont été enregistrés le 3 juin 2015 à 12 h 30 par le président du congrès ordinaire qui, selon l’organisation plaignante, n’aurait pas autorité pour ce faire en vertu des statuts de la CGTP, et moins encore s’agissant de transmettre ce dossier au Département des organisations sociales du ministère du Travail, qui dépend hiérarchiquement du secrétariat général de ce ministère, au sein duquel M. Rivera exerce ses fonctions. L’organisation plaignante précise par ailleurs que la personne en tête de la liste qui a gagné les élections, Mme Nelva Reyes, est dirigeante et secrétaire générale de l’Association des éducateurs démocratiques du Panama, mais que, curieusement, elle apparaissait dans le dossier comme étant accréditée dans une Fédération de travailleurs agricoles ruraux (FITA). L’organisation plaignante indique que, en dépit de ces vices de forme et de ces irrégularités, le ministère du travail a traité le dossier et a certifié le nouveau comité directeur dans des délais étonnamment courts, soit huit heures et demie, ce qui demeure incompréhensible pour l’organisation plaignante, compte tenu de l’énorme volume du dossier et de la quantité de documents à traiter que reçoit tous les jours le département concerné. L’organisation plaignante indique qu’elle a lancé une procédure judiciaire contre les élections qui ont eu lieu – mettant en cause l’ingérence directe du gouvernement par le truchement de ses hauts fonctionnaires en vue d’assujettir la CGTP à ses propres intérêts – et que, à la suite de ce recours en justice, les fonctionnaires du gouvernement ont publié des communiqués agressifs attaquant l’image de l’organisation plaignante (qui transmet un article de presse critiquant sa gestion du scrutin, signé par un ancien secrétaire général de la CGTP qui se trouve être actuellement, selon l’organisation plaignante, un conseiller du gouvernement). Enfin, l’organisation plaignante dit qu’elle a informé par lettre le Président de la République de ses allégations relatives à des violations de la liberté syndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 594. Dans ses communications en date des 17 février et 17 mai 2016, le gouvernement répond aux allégations de l’organisation plaignante.
- 595. Le gouvernement fait savoir qu’il n’y a pas eu la moindre ingérence de la part des autorités gouvernementales pendant les élections du nouveau comité directeur de la CGTP. Le gouvernement explique que, même s’il est vrai que M. Rivera est secrétaire général du ministère du Travail et du Développement social, il est tout aussi vrai que, depuis 1987, il appartient au mouvement des travailleurs de la CGTP et que, en 1990, il a été élu secrétaire des finances de la centrale, poste qu’il assume encore à ce jour. Le gouvernement précise qu’en juillet 2014 M. Rivera a été nommé secrétaire général du ministère du Travail et du Développement social et que, depuis cette date, son activité au sein de la CGTP a progressivement cessé; par ailleurs, les 14 et 15 mai 2015, dates des élections du IXe congrès de la CGTP, M. Rivera avait demandé la permission d’être déchargé de ses fonctions publiques du ministère pour présenter le rapport des finances au congrès de la CGTP. Le gouvernement indique également, conformément à ce que prévoit l’article 25 des statuts de la CGTP, par une requête du 8 juin 2015, M. Rivera a demandé à la direction de la CGTP de le relever de sa charge de secrétaire exécutif de la centrale pour pouvoir occuper une charge publique. Le gouvernement fournit le document en vertu duquel le 2 juillet 2015 la secrétaire générale de la CGTP a relevé M. Rivera de ses fonctions comme demandé. Quant à l’allégation selon laquelle M. Gálvez aurait été imposé, le gouvernement indique qu’il est membre depuis le 2 juillet 1992 du Syndicat des travailleurs des industries du plastique du Panama (SITIPP), affilié à la CGTP et qu’il a demandé et obtenu, comme M. Rivera, d’être relevé de sa charge pour pouvoir occuper une charge publique.
- 596. Concernant l’enregistrement de la documentation du IXe congrès ordinaire de la CGTP par le président du congrès ordinaire, le gouvernement explique que: i) lorsque le congrès est constitué, un comité directeur le dirige et, une fois que les discussions relatives aux documents sont terminées, un tribunal électoral est constitué et chargé de mener à bien le processus électoral, comme le prévoient les statuts; ii) la responsabilité de la direction du congrès a été assumée par MM. Efrén Delgado (personne indépendante), Víctor Concepción (dirigeant non membre) et Ángel López (dirigeant non membre); iii) au cours des élections du IXe congrès, deux listes ont été présentées, et celle de Mme Nelva Reyes a remporté le scrutin et a été enregistrée auprès du ministère du Travail et du Développement social dès que le procès-verbal a été signé; iv) il est inexact de dire que le Département des organisations est encadré par la hiérarchie du secrétariat général du ministère, puisque ce département est encadré par la Direction générale du travail; et v) quant au délai qui a été nécessaire pour certifier le nouveau comité directeur, le dossier a été dûment présenté, et le ministère se devait de l’enregistrer pour éviter tout conflit syndical.
- 597. Le gouvernement fait savoir que la liste qui a perdu les élections a contesté le résultat auprès du premier tribunal du travail de la première section, qui a émis la décision no 248 du 26 juin 2015 rejetant la plainte présentée, au motif qu’elle était dénuée de tout fondement. Le gouvernement ajoute que le tribunal supérieur du travail du premier district judiciaire a été saisi d’un recours en appel et qu’il a confirmé le jugement en nullité du premier tribunal du travail par une décision du 30 juillet 2015. Il découle des décisions judiciaires transmises par le gouvernement que les deux organes judiciaires ont estimé que les plaignants n’ont pas su réunir les conditions exigées par la loi pour contester les actes d’une centrale syndicale, de telle sorte que leur demande a été rejetée sans que l’on ne se soit prononcé sur le fond.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 598. Le comité note que la plainte porte sur des allégations d’ingérence du gouvernement dans des élections syndicales afin de prendre le contrôle de la Centrale générale autonome des travailleurs du Panama (CGTP). Le comité observe que, selon ce que dit l’organisation plaignante et que ne conteste pas le gouvernement, deux hauts fonctionnaires du gouvernement au moins ont participé au IXe congrès ainsi qu’aux élections de la CGTP et que le secrétaire général du ministère du Travail et du Développement social a été nommé secrétaire exécutif du comité directeur national de la CGTP. Le comité note que, d’une part, le gouvernement: i) explique que les autorités gouvernementales concernées étaient depuis longtemps des syndicalistes actifs et que, pour ce qui est du secrétaire général du ministère du Travail et du Développement social, ses fonctions à la CGTP auraient cessé depuis sa nomination au ministère en 2012; et ii) indique que, conformément aux statut de la CGTP, le secrétaire général du ministère a sollicité d’être relevé de sa fonction syndicale de secrétaire exécutif pour pouvoir exercer sa charge publique et que le syndicat a accéder à sa demande, de sorte que le comité comprend qu’actuellement il n’occupe aucune fonction de direction dans la centrale. Le comité note, d’autre part, qu’il ressort des informations fournies par le gouvernement que: i) dans le passé, le secrétaire général du ministère a continué d’assumer le poste de secrétaire des finances à la CGTP après sa nomination au ministère; et ii) pendant une période de temps au cours de laquelle ce haut fonctionnaire avait été nommé vice-ministre intérimaire, après avoir demandé la permission d’être déchargé de ses fonctions du ministère, il a participé au IXe congrès de la CGTP au cours duquel il a été élu secrétaire exécutif de par son appartenance à la liste qui a remporté les élections.
- 599. Le comité souhaite rappeler, d’une part, le principe général selon lequel il n’appartient pas au comité de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d’une organisation. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1114.] D’autre part, le comité souhaite faire référence à la résolution sur l’indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1952, dont le texte rappelle combien il est important de préserver, dans chaque pays, la liberté et l’indépendance du mouvement syndical afin de mettre ce dernier en mesure de remplir sa mission économique et sociale indépendamment des changements politiques qui peuvent survenir. Quant aux allégations relatives à une éventuelle ingérence qui fait l’objet de la plainte, le comité estime que la participation de hauts fonctionnaires de l’administration publique à des élections syndicales, ou leur installation à des postes de dirigeants syndicaux, peut mettre en péril l’indépendance des organisations syndicales concernées.
- 600. S’agissant du cas d’espèce, le comité observe que, conformément aux statuts de la CGTP, le secrétaire général du ministère du Travail et du Développement Social et l’inspecteur de la sécurité ont demandé d’être déchargés de leurs fonctions de direction syndicale pour exercer une charge publique et qu’il a été accédé à leur demande, réglant ainsi le risque éventuel de conflit d’intérêts.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 601. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à considérer que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.