Allégations: Licenciement antisyndical par l’entreprise Chimica SA de M. Martin
Nicolae, président du Syndicat libre «Plastor» Orastie, suivi du refus de l’autoriser à
accéder aux locaux de l’entreprise et d’autres actes antisyndicaux; suspension de deux
dirigeants syndicaux et refus de les laisser entrer dans l’entreprise Chimica Automotive SA
avant une grève; actes antisyndicaux commis à l’encontre du Syndicat libre «Oltchim» Rimnicu
Vilcea par l’entreprise Oltchim SA Rimnicu Vilcea accompagnés de la promotion de nouveaux
syndicats d’entreprise
- 859. La plainte figure dans des communications de la Fédération des
syndicats libres de la chimie et de la pétrochimie (FSLCP) en date des 31 juillet,
15 septembre et 16 décembre 2015 et du 4 avril 2016.
- 860. Le gouvernement a transmis sa réponse aux allégations dans des
communications en date du 15 octobre 2015 et du 4 juillet 2016.
- 861. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135)
concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 862. Dans ses communications des 31 juillet, 15 septembre et 16 décembre
2015 et du 4 avril 2016, l’organisation plaignante, la FSLCP, fédération de syndicats de
travailleurs industriels légalement constituée, dont l’effectif dépasse les
11 000 membres et représentative au niveau de la branche en Roumanie, soumet la présente
plainte dans le cadre de son mandat général de représentation syndicale, mais aussi des
mandats explicites reçus du Syndicat libre «Plastor» Orastie (département de Hunedoara,
Roumanie) et du Syndicat libre «Oltchim» Rimnicu Vilcea.
- 863. L’organisation plaignante dénonce la violation flagrante des
articles 3, alinéa 1; 4 et 8, alinéa 1, de la convention no 87 ratifiée par la Roumanie
en 1958 et de l’article 1 de la convention no 135 ratifiée par la Roumanie en 1975, deux
traités internationaux qui, en vertu de l’article 11(2) de la Constitution roumaine,
sont devenus, de par leur ratification, partie intégrante de la législation roumaine et
devraient être appliqués en tant que tels. En vertu de l’article 20(2) de la
Constitution roumaine, ces normes prévalent sur le droit interne. L’organisation
plaignante critique également la violation des droits syndicaux protégés par la
législation roumaine (art. 7, 9, 10(1) et 40 de la loi no 62 de 2011 sur le dialogue
social).
- 864. L’organisation plaignante allègue en particulier que M. Martin
Nicolae, dirigeant du Syndicat libre «Plastor» Orastie au sein de la société Chimica SA
(ci-après «la société mère» ou «la plate-forme industrielle»), a été licencié en raison
fondamentalement de son activité syndicale, en violation de l’article 10(1) de la loi
sur le dialogue social ainsi que d’autres dispositions susmentionnées. Le tribunal a
décidé en première instance que M. Martin Nicolae devait être réintégré. Toutefois, le
24 novembre 2015, par un arrêt ayant force obligatoire, la Cour constitutionnelle a
décrété l’inconstitutionnalité de l’article 60(1)(g) du Code du travail, sur lequel
était fondé le recours en réintégration. Ce jugement a conduit à l’impossibilité de
rétablir la justice.
- 865. Dans ce contexte, l’organisation plaignante appelle l’attention sur
le fait que le gouvernement considère les entreprises de la plate-forme industrielle
comme des unités distinctes, alors qu’elles ont le même actionnaire principal et
qu’elles ont été détachées de la société mère par divers processus de réorganisation. De
fait, l’organisation plaignante fait valoir que, si M. Martin Nicolae a été licencié
dans les mêmes conditions que 12 autres salariés, ces derniers ont tous reçu des offres
d’emploi dans les autres entreprises de la plate forme industrielle.
- 866. En outre, l’organisation plaignante affirme que, bien que M. Martin
Nicolae exerce encore légalement son mandat de président du syndicat, il n’est pas
autorisé à entrer dans l’entreprise où le syndicat a légalement des locaux et entrepose
ses archives et ses registres, et où, conformément à ses statuts et à son règlement, il
est tenu d’exercer ses activités quotidiennes. Par conséquent, le dirigeant du syndicat
ne peut exercer ses fonctions sur le lieu où le syndicat reconnu représentatif
fonctionne légalement et doit faire respecter les conventions collectives en vigueur.
Soulignant que la liberté syndicale et la propriété privée sont des droits
constitutionnels à placer sur un pied d’égalité, l’organisation plaignante se demande
pourquoi les autorités compétentes ne sont pas intervenues pour protéger le droit du
dirigeant syndical à accéder aux locaux de l’organisation de travailleurs. Ainsi qu’il
ressort de sa communication no 6564/155 l/SCRM/21.07.2015, l’inspection du travail du
département de Hunedoara a sanctionné la société mère en lui adressant un
«avertissement» pour avoir restreint les droits syndicaux en refusant l’accès aux locaux
du syndicat à son président. Toutefois, de nombreux mois se sont écoulés depuis et, bien
que la situation demeure inchangée, aucune mesure plus sévère n’a été prise.
- 867. L’organisation plaignante dénonce le fait que le dirigeant d’un
syndicat représentatif au sens de l’article 51(C) de la loi sur le dialogue social,
syndicat qui fonctionne légalement et bénéficie d’une indépendance patrimoniale et
organisationnelle au sein d’une entreprise, a été licencié illégalement et interdit
d’accès aux locaux du syndicat représentatif. Quant aux pouvoirs publics, tout en
admettant qu’il s’agit d’une situation illégale, ils affirment ne rien pouvoir y
changer.
- 868. De plus, l’organisation plaignante allègue que, par la suite, la
société mère a poursuivi ses agissements à l’encontre du Syndicat libre «Plastor»
Orastie en affichant de manière ostentatoire des communiqués le discréditant et que, le
25 août 2015, l’employeur a déposé une requête auprès du tribunal pour demander la
dissolution du syndicat et l’évacuation de son siège, en violation de la convention et
de la législation nationale.
- 869. En ce qui concerne les activités syndicales exercées par les autres
dirigeants syndicaux des entreprises de la plate-forme industrielle, l’organisation
plaignante allègue que, à l’entreprise Chimica Automotive SA (ci-après une des
entreprises de la plate-forme industrielle), le jour précédant une grève annoncée
légalement le 23 septembre 2015, les contrats de travail de deux dirigeants syndicaux
ont été suspendus, et ces derniers n’ont plus été autorisés à accéder aux locaux.
Conformément aux articles 193 et 197 de la loi sur le dialogue social, les organisateurs
d’une grève doivent poursuivre les négociations avec la direction et ont l’obligation de
protéger les biens de l’entreprise, par le fait qu’ils sont responsables de tous
dommages causés par les participants pendant la durée de la grève. Ces obligations ont
toutefois été impossibles à remplir étant donné les circonstances. L’organisation
plaignante ajoute que, suite à sa demande d’intervention, l’inspection du travail de
Hunedoara a estimé que les actions précitées ne constituaient pas un abus et n’a donc
pas sanctionné l’entreprise. La grève a dû être annulée.
- 870. Enfin, dans l’entreprise Oltchim SA Rimnicu Vilcea (ci-après
dénommée «l’entreprise»), qui fait l’objet d’une procédure de faillite depuis 2012, les
administrateurs judiciaires – qui assurent de fait la gestion de l’entreprise – n’ont
cessé d’afficher des communiqués discréditant le Syndicat libre «Oltchim», alors
syndicat représentatif signataire de la convention collective au niveau de l’entreprise
et d’encourager la création de nouveaux syndicats d’entreprise dans le but de fragmenter
le mouvement syndical, en violation de la législation roumaine et des normes et
pratiques internationales. C’est ainsi qu’on est passé d’un syndicat représentatif
unique dans l’entreprise à quatre syndicats non représentatifs, et la direction a pris
l’habitude d’afficher tous les mois, de manière bien visible, un tableau indiquant
l’effectif de chacun. Durant l’été 2015, elle a contraint le Syndicat libre «Oltchim» à
organiser des élections, qui ont abouti à un changement de dirigeants, les nouveaux
étant manifestement très proches de la direction. Depuis ces élections et le
licenciement de quelque 900 travailleurs syndiqués, le Syndicat libre «Oltchim» compte
de moins en moins de membres. La fragmentation du mouvement syndical au sein de
l’entreprise ne bénéficie pas aux travailleurs, l’entreprise se trouvant en situation
d’insolvabilité et pouvant à tout moment être mise en faillite.
- 871. En conclusion, l’organisation plaignante déclare que, sur la
plate-forme industrielle et dans l’entreprise précitée, la règle est que l’employeur
cherche systématiquement à détruire les syndicats qui fonctionnent légalement au niveau
de l’entreprise; par ailleurs, bien que les problèmes susmentionnés aient été notifiés
au Département du dialogue social du ministère du Travail, au lieu d’entamer un dialogue
en vue de désamorcer des conflits potentiels, le gouvernement n’a rien fait pour
remédier à une situation de plus en plus explosive et éviter que de tels problèmes ne se
reproduisent. L’organisation plaignante regrette que le gouvernement n’ait, au
contraire, répondu à aucune de ses tentatives de dialogue avec les autorités compétentes
par mesure de rétorsion pour avoir fait appel à l’OIT.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 872. Dans ses communications datées du 15 octobre 2015 et du 4 juillet
2016, le gouvernement formule l’avis que la procédure de plainte de l’OIT relative à la
liberté syndicale est fondée sur les principes de la liberté de communication, ce qui
suppose la responsabilité d’agir et un minimum de preuves, la plainte concernant
l’application pratique des libertés et droits syndicaux garantis par les conventions,
dans le champ de la compétence du Comité de la liberté syndicale. Or la plainte ne se
réfère pas à la mise en œuvre d’approches cohérentes pour traiter les questions dans le
contexte national, par exemple le recours aux tribunaux pour régler les conflits
individuels du travail et les conflits de droits, y compris celui de contester les
décisions de l’inspection du travail. Les violations alléguées de la convention no 87 ne
sont pas sérieusement fondées et certaines déclarations sont tendancieuses ou
politiques.
- 873. En outre, le gouvernement déclare que l’institution chargée du
dialogue social n’a pas compétence pour se prononcer sur le contrôle de la conformité à
la législation, sur la légalité des décisions prises dans ce contexte ou sur le
règlement des conflits individuels du travail. Par ailleurs, le présent cas outrepasse
les compétences de l’autorité exécutive et relève plutôt des tribunaux, conformément à
la législation nationale. La liberté syndicale et la propriété privée sont des droits
constitutionnels fondamentaux et la séparation des pouvoirs limite toutes actions ou
interventions de l’Etat dans le présent cas.
- 874. A la lumière de la réglementation du dialogue social, le
gouvernement précise que les actions et recours en justice possibles en cas de violation
de dispositions légales ainsi que les modalités de règlement des conflits individuels du
travail figurent dans le droit du travail et la législation sur le dialogue social.
Ainsi, en vertu des articles 210 et 211 de la loi sur le dialogue social, ce sont les
tribunaux qui ont compétence pour régler les conflits individuels du travail concernant
la conclusion, l’exécution, la modification, la suspension et la résiliation des
contrats individuels d’emploi. Les tribunaux du travail prévoient des mesures de
protection pour le règlement des conflits: délais statutaires, exonérations fiscales,
procédures simplifiées (art. 266 à 275 du Code du travail, conjointement avec les
articles 208 à 216 de la loi sur le dialogue social et le Code de procédure civile). De
même, les conflits individuels du travail concernant la résiliation du contrat
individuel de travail peuvent faire l’objet d’une médiation indépendante, en vertu de la
loi no 192 de 2006 sur la médiation (art. 60(1)(e)), à quelque stade que ce soit du
conflit.
- 875. Qui plus est, les garanties de la convention no 87 sont transposées
dans la législation nationale relative aux relations professionnelles et au dialogue
social, qui se réfère, d’une part, aux droits individuels des salariés de constituer des
syndicats de leur choix et de s’y affilier et au principe de non-discrimination (Code du
travail et art. 3 de la loi sur le dialogue social) et, d’autre part, aux droits des
organisations librement constituées – association et affiliation, organisation
indépendante, élection libre de représentants, établissement de programmes d’action dans
le cadre de leurs statuts (art. 5 à 12, 32 à 35 et 41 à 50 de la loi sur le dialogue
social). Le gouvernement ajoute que la liberté syndicale et le droit de propriété sont
des droits constitutionnels et qu’il n’a pas compétence pour interpréter des
dispositions constitutionnelles.
- 876. Par ailleurs, la loi garantit le droit des syndicats d’exercer des
activités syndicales et de défendre les droits individuels et collectifs de leurs
membres devant les autorités publiques, y compris le droit de les représenter devant les
tribunaux (art. 6 et 32). La législation sur le travail et le dialogue social octroie
une protection dans l’exercice des activités syndicales eu égard à la relation de
travail, notamment en interdisant toute modification ou résiliation du contrat de
travail des membres d’un syndicat au motif de leur affiliation ou de leur activité
syndicale (art. 9 et 10 de la loi sur le dialogue social, conjointement avec
l’article 220 du Code du travail). Cependant, le gouvernement estime que les facilités
prévues par la loi en appui aux organisations syndicales et à l’exercice d’activités
syndicales (art. 21 et 35), ainsi que les avantages négociés dans les conventions
collectives (espaces de travail, moyens techniques, locaux gratuits pour le siège
syndical, heures rémunérées octroyées aux représentants syndicaux pendant les heures de
travail) sont des garanties indépendantes de la reconnaissance de la liberté syndicale
et ne sauraient constituer des conditions préalables à son application, ni être
invoquées comme des violations du droit à la liberté syndicale. Lorsque s’appliquent les
droits syndicaux et les garanties juridiques, il incombe au syndicat d’organiser ses
activités de façon autonome et indépendante, d’adopter ses statuts légalement, d’élire
ses représentants et d’établir des programmes d’action en vue de remplir sa mission et
d’assumer le rôle pour lequel il a été constitué.
- 877. Prenant également en compte les principes constitutionnels de la
séparation des pouvoirs et du libre accès à la justice, ainsi que la compétence de se
prononcer sur l’application des dispositions constitutionnelles, le gouvernement
rappelle que, dans le présent cas, son intervention se limite à un rôle de surveillance
et de contrôle visant à établir les faits notifiés tandis que, parallèlement, l’autorité
judiciaire a la compétence exclusive de se prononcer sur leur légalité et de résoudre le
conflit, conformément aux dispositions de la Constitution et aux décisions de la Cour
constitutionnelle.
- 878. En ce qui concerne le licenciement de M. Martin Nicolae, le
gouvernement déclare que des inspecteurs de l’Inspection territoriale du travail de
Hunedoara ont réalisé un audit de la société mère le 25 mai 2015. D’après le rapport
d’inspection no 66014/25.05.2015, à la date du contrôle, 15 personnes étaient employées,
six à plein temps et neuf à temps partiel (une heure par mois); suite à la décision
no 02/18.05.2015 du conseil, le 19 mai 2015, il a été mis fin à titre individuel aux
contrats de travail de 13 personnes, conformément à l’article 65(1) (cessation d’emploi)
du Code du travail, lu conjointement avec l’article 75(1) (préavis de vingt jours
ouvrables). Deux personnes n’ont pas été concernées par cette décision: Mihaela Todea,
en congé de maladie, et Herban Alexandru, au bénéfice d’un contrat de durée déterminée
jusqu’au 3 juin 2015. Le dirigeant syndical Martin Nicolae faisait partie des
13 personnes susmentionnées, et son contrat de travail a pris fin à la suite d’une
décision prise dans les mêmes conditions que pour les autres travailleurs. Ainsi, par la
décision no 324/19.05.2015 du 19 juin 2015, «M. Martin Nicolae, en sa qualité de juriste
de Chimica SA, est licencié en raison de la résiliation de son contrat individuel de
travail enregistré sous le no 3018 le 6 janvier 1999». En vertu de l’article 6 de la
décision le concernant, M. Martin Nicolae a la possibilité de contester la décision de
l’employeur de mettre un terme à son contrat individuel de travail en s’adressant au
tribunal de Hunedoara, seul organe compétent pour juger de la légalité et du fondement
de cette mesure (comme indiqué à l’article 80 du Code du travail).
- 879. A cet égard, le gouvernement précise que, en vertu des articles 210
et 211 de la loi sur le dialogue social, les conflits individuels du travail relatifs à
la conclusion, la modification et la résiliation des contrats individuels de travail
relèvent de la compétence des tribunaux. Il fait ensuite référence à la décision no 3703
du 21 octobre 2015 prise par le tribunal du département de Hunedoara concernant la
réintégration du président du syndicat et à la décision no 814/2015 prise ultérieurement
par la Cour constitutionnelle sur l’exception d’inconstitutionnalité des dispositions de
l’article 60(1)(g) du Code du travail, découlant de l’article 16 de la Constitution
portant sur l’égalité devant la loi. Le gouvernement explique que la protection des
membres de syndicats contre le licenciement pour des motifs d’affiliation ou d’activités
syndicales est garantie par l’article 220(2) du Code du travail et l’article 10 de la
loi sur le dialogue social et que les tribunaux et les autorités nationales doivent
tenir compte des décisions de la Cour constitutionnelle. Il relève que la société mère a
fait appel de la décision prise en première instance, laquelle a été récemment infirmée
par la cour d’appel d’Alba lulia qui a totalement rejeté la plainte formée par M. Martin
Nicolae à l’encontre de la société mère (décision no 282/01.03.2016).
- 880. En ce qui concerne l’accès de M. Martin Nicolae aux locaux, le
gouvernement précise que, à la suite des plaintes déposées auprès de l’Inspection
territoriale du travail (nos 9560/12.06.2015 et 9561/12.06.2015), une réponse (no 9560,
9561/SCCMMRM/13.07.2015) a été communiquée à la FSLCP et au Syndicat libre «Plastor»
Orastie. Il indique que, en conséquence, à la suite des vérifications effectuées par les
inspecteurs de l’Inspection territoriale du travail auprès de la société mère et compte
tenu des documents transmis par la FSLCP et le Syndicat libre «Plastor» Orastie ainsi
que par l’Inspection territoriale du travail de Hunedoara, il a été constaté ce qui
suit. La maison mère est une société à capitaux privés. La plate-forme industrielle
d’Orastie compte six entreprises commerciales dont cinq déploient leurs activités dans
les locaux de la société mère, ces derniers en étant la propriété privée. L’une des
entreprises du groupe opère dans le cadre d’un contrat de gestion pour assurer la
gestion de bâtiments administratifs de certaines entreprises (contrat no 201/20.12.2013)
ainsi que d’un contrat de prestation de services pour assurer les services de sécurité
et de protection (contrat no 198/19.12.2013). Le Syndicat libre «Plastor» Orastie a un
statut représentatif au sein des cinq entreprises menant des activités dans les locaux
de la maison mère. Monsieur Martin Nicolae occupe la fonction de président de ce
syndicat, qui exerce ses activités dans un bâtiment de la plate-forme industrielle.
- 881. En outre, d’après le gouvernement, il a été établi que le Syndicat
libre «Plastor» Orastie n’a pas fourni de documents certifiant qu’il a le droit
d’utiliser les espaces de bureaux désignés pour y établir son siège. Il existe cependant
des documents indiquant que le siège du syndicat se trouve dans les locaux de la
plate-forme industrielle (statuts du Syndicat libre «Plastor» Orastie, certificat
d’enregistrement fiscal émis par l’Administration fiscale nationale, conventions
collectives conclues avec les entreprises de la plate-forme industrielle et signées par
les parties et décisions judiciaires relatives à la représentativité des syndicats
(décision no 285/2013 notamment)). Par sa communication no 354/27.05.2015, la société
mère a demandé à l’administrateur de veiller à ce que «l’accès à la plate-forme
industrielle soit interdit à M. Martin Nicolae, en sa qualité de président du Syndicat
libre “Plastor” Orastie, tant qu’un programme d’accès n’aura pas été établi avec les
entreprises travaillant à l’adresse susmentionnée, programme qui sera communiqué».
- 882. Le gouvernement indique qu’il a aussi été établi que, le 28 mai
2015, les entreprises dans lesquelles le Syndicat libre «Plastor» Orastie est
représentatif ont fait parvenir des communications au syndicat à l’attention de son
président, invitant ce dernier à participer le 8 juin 2015, à l’intérieur de la
plate-forme industrielle, à des négociations concernant son accès aux locaux
(communication no 310/28.05.2015). A la suite de ces négociations, un rapport a été
élaboré et signé par les parties. D’après ce rapport, M. Martin Nicolae ayant réclamé un
accès sans restriction aux locaux, les représentants des employeurs ont déclaré qu’ils
lui répondraient le lendemain. Le 9 juin 2015, les entreprises dans lesquelles le
Syndicat libre «Plastor» Orastie est représentatif ont fait parvenir des communications
écrites (nos 172/09.06.2015, 381/09.06.2015, 129/09.06.2015, 244/09.06.2015,
182/11.06.2015) indiquant ce qui suit: «L’entreprise ne saurait accepter l’accès
inconditionnel du président du syndicat aux locaux étant donné que M. Martin Nicolae
n’est pas salarié de l’entreprise et que les activités syndicales au niveau de
l’entreprise sont réalisées également par les autres dirigeants syndicaux qui ont été,
comme cela a été dit plus haut, retirés de la production sans qu’il ait été porté
atteinte à leurs droits en matière de salaire. Par ailleurs, le syndicat est une entité
légale qui ne peut être confondue avec la personne de son président quel qu’il soit. En
outre, le retrait d’autres dirigeants syndicaux de la production a été accepté, de sorte
qu’ils puissent exercer leurs droits syndicaux. Dans ce contexte, nous vous informons
que nous sommes toujours prêts à établir conjointement un programme d’accès à
l’entreprise et que, de plus, au cas où des situations particulières surviendraient,
nous sommes disposés à autoriser tout accès à la direction de l’entreprise qui aurait
été annoncé au préalable.»
- 883. Enfin, le gouvernement signale qu’il a été établi que, le 9 juin
2015, les conventions collectives conclues au niveau de quatre des cinq entreprises
menant des activités dans les locaux de la maison mère étaient en vigueur. En vertu des
dispositions de ces conventions, «pour les besoins de l’exercice de l’activité
syndicale, l’entreprise fournira à titre gratuit l’espace et le mobilier nécessaires,
des moyens de transport et, si possible, un ordinateur ainsi qu’une imprimante, un
télécopieur et un téléphone, et en assurera l’entretien dans les limites de ses
capacités financières». Par conséquent, s’agissant de la demande formulée par le
Syndicat libre «Plastor» Orastie de bénéficier d’un accès illimité aux entreprises
fonctionnant sur la plate forme industrielle, le gouvernement indique que, dans sa
réponse mentionnée ci dessus, il a souligné que, conformément à l’article 131(2) de la
loi sur le dialogue social, toute ingérence de la part des autorités publiques, sous
quelque forme ou modalité que ce soit, est interdite dans la négociation, conclusion,
exécution, modification et résiliation des conventions collectives; et que les conflits
relatifs à l’exécution, la modification ou la résiliation des conventions collectives
sont régis par les tribunaux compétents.
- 884. Ainsi, le gouvernement conclut que les droits syndicaux garantis par
la législation aux organisations de travailleurs et d’employeurs sont mis en évidence
dans le présent cas par la reconnaissance du syndicat au niveau de l’entreprise,
l’existence de ses statuts et de son programme d’action, la participation de ses
dirigeants élus aux activités syndicales, la conclusion d’une convention collective et
l’octroi de facilités pour l’exercice des activités syndicales. Les décisions de
l’inspection du travail peuvent être contestées devant les tribunaux. Le gouvernement
rappelle que l’Inspection territoriale du travail avait signalé l’absence de documents
justificatifs concernant le siège des activités syndicales et que la direction avait
affirmé être disposée à conclure un accord mutuel en vue d’établir un horaire d’accès
qui permettrait au dirigeant syndical d’exercer ses activités. D’après le gouvernement,
la direction a garanti l’accès de M. Martin Nicolae au siège du syndicat chaque fois
qu’il a été convié aux réunions du syndicat dans le cadre d’un programme d’action
librement établi. Dans ce cas, le problème concerne le droit pour une personne
extérieure à une entreprise, qui n’en est plus salariée, mais a été librement élue en
qualité de représentant syndical, d’accéder de manière inconditionnelle à la propriété
privée de ladite entreprise où se trouve le siège du syndicat, ce droit devant être
conforme à la législation nationale et aux décisions de justice. Tout en reconnaissant
que M. Martin Nicolae est un dirigeant syndical librement élu et que les garanties
établies dans les conventions de l’OIT doivent être respectées, le gouvernement estime
que l’accès de personnes aux locaux de l’entreprise peut être limité dans la mesure où
les locaux du siège syndical se situent au siège de la société mère et en sont donc la
propriété privée.
- 885. En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 4 de la
convention no 87, le gouvernement indique que la garantie accordée aux organisations de
ne pas être dissoutes par la voie administrative est prévue aux articles 7 et 40 de la
loi sur le dialogue social. Cette garantie ne s’applique pas aux décisions du pouvoir
judiciaire. Les décisions de l’autorité judiciaire ne constituent pas des actes
administratifs des autorités publiques et/ou des employeurs conformément à
l’article 40(1) de la loi sur le dialogue social, et l’article 40(2) prévoit que les
parties intéressées ont la liberté d’adresser au tribunal, exclusivement habilité à se
prononcer en la matière, une demande motivée de dissolution d’une organisation au motif
que les conditions minimales requises pour sa création ne sont plus remplies. Le
gouvernement déclare qu’il ne possède pas de documents concernant les actions en justice
ou les décisions des tribunaux relatives à la demande de dissolution de l’organisation
syndicale, ces documents n’étant communiqués qu’aux parties au procès. Les problèmes
liés aux prétendues tentatives de dissolution du syndicat (qui a pourtant négocié et
conclu la convention collective) peuvent être clarifiés et résolus par les tribunaux
compétents («essai de preuve») après notification des parties.
- 886. S’agissant des violations alléguées des droits syndicaux dans l’une
des entreprises de la plate-forme industrielle, le gouvernement déclare que le droit de
grève est un droit constitutionnel des syndicats prévu par la législation du travail. En
vertu de l’article 195(1) de la loi sur le dialogue social, le contrat individuel de
travail du salarié est suspendu pendant toute la durée de sa participation à la grève,
et seuls les droits à l’assurance-maladie sont maintenus. L’article 195(2) prévoit que,
à tout moment au cours d’une grève, chacune des parties peut demander qu’un représentant
de l’Inspection territoriale du travail intervienne pour constater d’éventuelles
violations de la législation. Cet organisme n’a relevé aucune irrégularité dans le cas
de la grève qui s’est déroulée dans l’entreprise et n’a imposé aucune sanction, comme
l’a confirmé le plaignant. Les décisions et mesures prises par l’inspection du travail
peuvent être contestées devant les tribunaux. Il incombe à l’organisation syndicale de
défendre les droits de ses membres et des grévistes, y compris devant les tribunaux
(art. 28 et 187 de la loi sur le dialogue social).
- 887. A propos des violations alléguées dans l’entreprise de Rimnicu
Vilcea, le gouvernement indique que la loi no 85 de 2014 sur la procédure
d’insolvabilité, qui transpose la directive 2001/24/CE de l’Union européenne, précise à
son article 40(1) que les organes chargés de la mise en œuvre de cette procédure sont
les tribunaux, le syndic judiciaire, l’administrateur judiciaire et le liquidateur
judiciaire, et que toutes les revendications et tous les conflits relatifs aux actes des
participants à la procédure seront jugés conformément aux dispositions du Code de
procédure civile.
- 888. En conclusion, le gouvernement déclare que le rôle des commissions
de dialogue social est précisé à l’article 121 de la loi sur le dialogue social. Les
structures de consultation tripartite en vigueur ne sont pas des tribunaux du travail
chargés de prendre des décisions ou de résoudre des conflits. Quoiqu’il en soit, bien
que le portefeuille du ministre délégué au dialogue social au sein du ministère du
Travail, de la Famille, de la Protection sociale et des Personnes âgées ait été supprimé
à la suite du remaniement ministériel de novembre 2015, le gouvernement souligne que, à
l’initiative de l’ancien ministre délégué au dialogue social, un protocole de
collaboration avec la FSLCP a été conclu en 2014. Cela a donné lieu à une série de
réunions et consultations visant à déterminer les problèmes qui se posent dans
l’industrie chimique et pétrochimique et les mesures à prendre en la matière. Le
gouvernement ajoute que le dialogue social et la gouvernance participative continuent
d’être encouragés, la priorité étant accordée à la coopération constructive et à la
culture du partenariat plutôt qu’à la pression politique, mais que la résolution des
problèmes susmentionnés par la voie légale relève de la compétence des tribunaux. A
cette fin, il est important que le syndicat assume son rôle de défenseur des droits
légaux de ses adhérents en justice, ainsi que le garantit la législation.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 889. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante
dénonce le licenciement antisyndical, par la société mère Chimica SA, de M. Martin
Nicolae, président du Syndicat libre «Plastor» Orastie opérant au niveau de
l’entreprise; le refus ultérieur de l’autoriser à accéder aux locaux de l’entreprise;
d’autres actes antisyndicaux commis par la société mère; la suspension de deux
dirigeants syndicaux et le refus de les laisser entrer dans l’entreprise Chimica
Automotive SA, l’une des entreprises de la plate-forme industrielle, avant une grève;
des actes antisyndicaux commis à l’encontre du Syndicat libre «Oltchim» Rimnicu Vilcea
par l’entreprise Oltchim SA Rimnicu Vilcea, ainsi que la promotion de la création de
nouveaux syndicats d’entreprise en vue de provoquer une fragmentation syndicale.
- 890. Le comité note que l’organisation plaignante dénonce l’inaction du
gouvernement (inspection du travail, ministère du Travail, etc.) et allègue que:
i) M. Martin Nicolae, dirigeant du Syndicat libre «Plastor» Orastie, a été licencié en
raison fondamentalement de son activité syndicale; ii) toutefois, vu le jugement de la
Cour constitutionnelle du 24 novembre 2015 selon lequel l’article 60(1)(g) du Code du
travail est inconstitutionnel, il a été impossible d’appliquer la décision rendue en
première instance par le tribunal ordonnant que le président du syndicat soit réintégré;
iii) toutes les entreprises de la plate-forme industrielle ont pour actionnaire
principal la société mère et en ont été détachées par divers processus de
réorganisation; iv) si M. Martin Nicolae a été licencié dans les mêmes conditions que
12 autres salariés, ces derniers ont tous reçu des offres d’emploi dans les autres
entreprises de la plate-forme industrielle; v) alors que M. Martin Nicolae exerce encore
légalement la fonction de président du syndicat, il n’est pas autorisé à entrer dans les
locaux de l’entreprise où le syndicat a son siège; vi) l’Inspection territoriale du
travail a sanctionné la société mère en lui adressant un «avertissement» le 21 juillet
2015, mais, bien que la situation soit restée inchangée pendant de nombreux mois, aucune
mesure plus sévère n’a été prise à son encontre; vii) d’autres actes antisyndicaux ont
été commis par la société mère qui a, notamment, affiché de manière ostentatoire des
communiqués discréditant le syndicat et a déposé une requête auprès du tribunal pour en
demander la dissolution; viii) dans l’une des entreprises de la plate-forme
industrielle, le jour précédant une grève annoncée légalement le 23 septembre 2015, deux
dirigeants syndicaux ont fait l’objet d’une suspension de leur contrat de travail et
n’ont plus été autorisés à accéder aux locaux, et l’Inspection territoriale du travail
n’a imposé aucune sanction à l’entreprise, de sorte que la grève a dû être annulée;
ix) dans l’entreprise située à Rimnicu Vilcea, les administrateurs judiciaires n’ont
cessé d’afficher des communiqués discréditant le Syndicat libre «Oltchim» Rimnicu Vilcea
et de promouvoir et encourager la création de nouveaux syndicats d’entreprise dans le
but de fragmenter le mouvement syndical dans l’entreprise insolvable (affichage mensuel,
de manière bien visible, d’un tableau indiquant l’effectif de chaque syndicat; élections
forcées en 2015 ayant conduit à la mise en place d’un nouveau conseil syndical proche de
la direction; diminution du nombre d’adhérents due aux élections et licenciement de
900 travailleurs syndiqués).
- 891. Le comité prend note des indications du gouvernement selon
lesquelles, en particulier: i) concernant le licenciement de M. Martin Nicolae,
l’inspection du travail a constaté que, sur les 15 personnes employées dans l’unité, 13
ont fait l’objet d’une décision de résiliation de leur contrat individuel de travail, à
l’exception de deux personnes (l’une en congé de maladie et l’autre en fin de contrat de
durée déterminée), que le dirigeant syndical Martin Nicolae figurait parmi les
13 personnes susmentionnées et que son contrat de travail avait pris fin dans les mêmes
conditions que pour les autres salariés; ii) le tribunal du département de Hunedoara a
ordonné la réintégration du président du syndicat le 21 octobre 2015, la Cour
constitutionnelle a décrété l’inconstitutionnalité de l’article 60(1)(g) du Code du
travail le 24 novembre 2015, découlant de l’article 16 de la Constitution portant sur
l’égalité devant la loi, et la décision en première instance contestée par la société
mère a été annulée par la cour d’appel le 1er mars 2016; iii) en ce qui concerne l’accès
de M. Martin Nicolae aux locaux, l’inspection du travail a constaté les faits ci-après:
la maison mère est une société à capitaux privés, la plate-forme industrielle compte six
entreprises commerciales et le Syndicat libre «Plastor» Orastie est représentatif dans
cinq d’entre elles et exerce ses activités dans un bâtiment de la plate-forme
industrielle; ce syndicat n’a pas fourni de documents certifiant qu’il a le droit
d’utiliser les espaces de bureaux désignés pour y établir son siège, mais il existe des
documents indiquant que le siège du syndicat est situé dans les locaux de la plate-forme
industrielle; le 27 mai 2015, la société mère a demandé à l’administrateur des bâtiments
de veiller à ce que «l’accès à la plate-forme industrielle soit interdit à M. Martin
Nicolae, en sa qualité de président du Syndicat libre «Plastor» Orastie, tant qu’un
programme d’accès n’aura pas été établi avec les entreprises travaillant à l’adresse
susmentionnée, programme qui sera communiqué»; le 28 mai 2015, les entreprises
concernées ont invité le président du syndicat à participer le 8 juin 2015 à des
négociations concernant son accès aux locaux, accès que l’intéressé a demandé sans
restriction. Cela lui a été refusé pour les raisons suivantes: «L’entreprise ne saurait
accepter l’accès inconditionnel du président du syndicat aux locaux étant donné que
M. Martin Nicolae n’est pas salarié de l’entreprise et que les activités syndicales au
niveau de l’entreprise sont réalisées également par les autres dirigeants syndicaux qui
ont été, comme cela a été dit plus haut, retirés de la production sans qu’il ait été
porté atteinte à leurs droits en matière de salaire. Par ailleurs, le syndicat est une
entité légale qui ne peut être confondue avec la personne de son président quel qu’il
soit. En outre, le retrait d’autres dirigeants syndicaux de la production a été accepté,
de sorte qu’ils puissent exercer leurs droits syndicaux. Dans ce contexte, nous vous
informons que nous sommes toujours prêts à établir conjointement un programme d’accès à
l’entreprise et que, de plus, au cas où des situations particulières surviendraient,
nous sommes disposés à autoriser tout accès à la direction de l’entreprise qui aurait
été annoncé au préalable.»; iv) de l’avis du gouvernement, l’accès à la propriété privée
d’une entreprise dans laquelle se trouve le siège d’un syndicat, octroyé à une personne
extérieure à l’entreprise qui n’en est plus salariée, mais en est encore un représentant
syndical, peut être limité; v) en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 4
de la convention no 87, la garantie accordée aux organisations de ne pas être dissoutes
par la voie administrative est prévue aux articles 7 et 40 de la loi sur le dialogue
social, mais elle ne s’applique pas aux décisions du pouvoir judiciaire; vi) s’agissant
des violations alléguées des droits syndicaux dans l’une des entreprise de la
plate-forme industrielle, le droit de grève est un droit constitutionnel prévu par la
législation du travail, le contrat individuel de travail du salarié est suspendu pendant
toute la durée de sa participation à la grève en vertu de l’article 195(1) de la loi sur
le dialogue social, l’Inspection territoriale du travail n’a constaté aucune
irrégularité et n’a imposé aucune sanction, et les décisions et mesures prises par
l’inspection du travail peuvent être contestées devant les tribunaux; vii) à propos des
violations alléguées dans l’entreprise de Rimnicu Vilcea, la loi no 85 de 2014 sur la
procédure d’insolvabilité prévoit que les organes chargés de la mise en œuvre de cette
procédure sont les tribunaux, le syndic judiciaire, l’administrateur judiciaire et le
liquidateur judiciaire, et que toutes les revendications et tous les conflits relatifs
aux actes des participants à la procédure seront jugés conformément aux dispositions du
Code de procédure civile.
- 892. S’agissant du licenciement antisyndical allégué du président du
Syndicat libre «Plastor» Orastie par la société mère, le comité note que
l’article 60(1)(g) du Code du travail accordait une protection absolue contre le
licenciement de salariés exerçant une fonction syndicale et que la Cour
constitutionnelle a jugé en novembre 2015 que cette disposition était
inconstitutionnelle pour des motifs, entre autres, d’égalité devant la loi. Le comité
considère que cette décision n’est pas contraire à la liberté syndicale et que
l’article 220(2) du Code du travail continue à assurer une protection adéquate aux
responsables syndicaux en prévoyant que, pendant la durée de leur mandat, les
représentants élus au sein des organes directeurs de syndicats ne devraient pas être
licenciés pour des motifs liés à l’exécution d’un mandat reçu des membres de
l’organisation. Compte tenu des informations limitées fournies par l’organisation
plaignante à propos des motifs antisyndicaux allégués pour le licenciement de M. Martin
Nicolae, le comité considère qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour conclure
que l’intéressé a été licencié en raison de sa fonction de président du syndicat ou de
ses activités syndicales légitimes. Il observe en revanche que les 12 autres salariés
licenciés par l’entreprise ont été réengagés dans les autres entreprises de la plate
forme industrielle. Le comité rappelle qu’il a souligné auparavant l’importance qu’il
attache à la priorité à accorder au maintien dans l’emploi des représentants des
travailleurs en cas de réduction du personnel afin de garantir la protection effective
de ses dirigeants. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté
syndicale, paragr. 833.] Pour ces mêmes raisons, il semblerait souhaitable également
d’accorder la priorité aux représentants des travailleurs en cas d’éventuelle
réintégration ultérieure de personnes licenciées. A la lumière de ce qui précède et des
circonstances extraordinaires que constitue l’annulation d’une décision de réintégration
due à une décision ultérieure d’inconstitutionnalité, le comité prie le gouvernement
d’intercéder auprès des parties en vue de trouver une solution satisfaisante en ce qui
concerne l’emploi de M. Martin Nicolae. Le comité prie également le gouvernement de
veiller au respect de ce principe à l’avenir.
- 893. En ce qui concerne l’interdiction faite par la suite au président du
syndicat de pénétrer dans les locaux de l’entreprise, le comité constate ce qui suit: le
syndicat est représentatif dans cinq des six entreprises de la plate-forme industrielle;
si ce syndicat n’a pas été en mesure de fournir des documents certifiant qu’il a le
droit d’utiliser les espaces de bureaux désignés pour y établir son siège, il existe
néanmoins des documents indiquant que le siège du syndicat était situé, et se situe,
dans un bâtiment de la plate-forme industrielle; peu après le licenciement de M. Martin
Nicolae, la société mère a ordonné que l’accès des locaux lui soit interdit en sa
qualité de président d’un syndicat, tant qu’un programme d’accès n’aura pas été établi;
le 8 juin 2015, lors de négociations concernant son accès aux locaux, le président avait
demandé que cet accès lui soit accordé sans restriction, mais les entreprises de la
plate-forme industrielle ont rejeté cette demande en signalant qu’elles étaient
disposées à établir conjointement un programme d’accès; l’Inspection territoriale du
travail a émis un avertissement le 21 juillet 2015 indiquant que le refus opposé au
président du syndicat de pénétrer dans les locaux syndicaux constituait une restriction
des droits syndicaux, mais aucune autre mesure n’a été imposée bien que la situation
soit demeurée inchangée. Le comité rappelle qu’il a toujours considéré que les
représentants syndicaux qui ne sont pas employés eux-mêmes dans une entreprise, mais
dont le syndicat compte des membres dans le personnel de celle-ci, devraient avoir accès
à celle-ci. L’octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement
efficace de l’entreprise intéressée. Il rappelle en outre que le gouvernement doit
garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux du travail en respectant
pleinement les droits de propriété et les droits de la direction, afin que les syndicats
puissent communiquer avec les travailleurs dans le but de les informer des avantages que
la syndicalisation peut présenter pour eux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1103 et
1105.] Compte tenu de ce qui précède, le comité considère que, indépendamment du
licenciement du président du syndicat et du fait que d’autres dirigeants syndicaux
étaient détachés à plein temps, comme l’ont souligné les entreprises de la plate forme
industrielle, l’intéressé devrait avoir le droit d’accéder aux locaux de l’entreprise
dans lesquels opère le syndicat pour pouvoir y exercer sa fonction de représentation;
toutefois, ce droit d’accès n’est pas un droit absolu, il est limité par les droits de
propriété et les droits de la direction. Dans un cas similaire, le comité a souligné que
l’accès aux lieux de travail des dirigeants syndicaux ne doit bien entendu pas être
utilisé au détriment du fonctionnement efficace de l’administration ou des institutions
publiques concernées. C’est pourquoi les organisations de travailleurs concernés et
l’employeur doivent chercher à conclure des accords de manière à ce que l’accès aux
lieux de travail durant les heures de travail et en dehors de celles-ci soit reconnu aux
organisations de travailleurs sans porter préjudice au fonctionnement de
l’administration ou de l’institution publique concernée. [Voir Recueil, op. cit.,
paragr. 1109.] Le comité prie donc le gouvernement et l’organisation plaignante
d’intercéder auprès des parties pour que soit établi rapidement un programme d’accès
pour M. Martin Nicolae lorsque cela est nécessaire pour le bon exercice de ses fonctions
de président, en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la
direction et sans porter préjudice au fonctionnement efficace de l’entreprise
concernée.
- 894. S’agissant de l’allégation relative à la demande de dissolution du
syndicat faite par l’employeur, le comité observe que la société mère a déposé une
requête en dissolution auprès du tribunal. Le comité souligne que la dissolution d’un
syndicat ordonnée par le tribunal au motif que son effectif est insuffisant ne constitue
pas en soi une violation de la liberté syndicale. Le comité note que, en vertu de
l’article 40(2) de la loi sur le dialogue social, un tiers peut déposer une requête en
dissolution d’un syndicat auprès du tribunal au motif que ce syndicat ne remplit plus
les conditions minimales requises pour sa constitution. Faute d’éléments suffisants à sa
disposition pour conclure que la mesure prise par la société mère constitue un
harcèlement antisyndical, le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir une copie
de la décision judiciaire sur cette question dès qu’elle aura été rendue.
- 895. En ce qui concerne la suspension de deux dirigeants syndicaux avant
une grève dans l’une des entreprises de la plate-forme industrielle, le comité observe
que le gouvernement ne conteste pas les allégations et argumente que, en vertu de
l’article 195(1) de la loi sur le dialogue social, le contrat individuel de travail du
salarié est suspendu pendant toute la durée de sa participation à la grève. Il note
toutefois que la relation de travail des dirigeants syndicaux avait été suspendue déjà
la veille de la grève. Observant que l’inspection du travail n’a relevé aucune
irrégularité, le comité doit rappeler que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour
avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime et qu’il avait souligné
auparavant que le respect des principes de la liberté syndicale exige que l’on ne puisse
ni licencier des travailleurs ni refuser de les réengager en raison de leur
participation à une grève ou à toute autre action de revendication. Que le congédiement
soit prononcé pendant ou après la grève n’est pas pertinent dans ce contexte.
Logiquement, le fait que le licenciement précède une grève ne devrait pas non plus
entrer en ligne de compte si celui-ci a pour objet d’entraver ou de pénaliser l’exercice
du droit de grève. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 660 et 663.] Notant que, en outre,
la suspension préalable à la grève était accompagnée d’un refus d’accès à l’entreprise,
ce qui a empêché les dirigeants syndicaux de poursuivre leurs activités syndicales
légitimes, le comité considère que cette mesure constitue une sanction de l’activité
syndicale et un acte de discrimination antisyndicale, et il prie le gouvernement de
prendre des mesures pour que les travailleurs concernés soient correctement indemnisés
et d’assurer le plein respect des principes susmentionnés à l’avenir.
- 896. A propos de l’affichage allégué de communiqués par la société mère
pour discréditer le Syndicat libre «Plastor» Orastie et par l’entreprise de Rimnicu
Vilcea pour discréditer le syndicat d’entreprise, accompagnés dans le second cas de
mesures qui viseraient à promouvoir la création de nouveaux syndicats d’entreprise et à
fragmenter le mouvement syndical dans l’entreprise, le comité observe que ces
allégations n’ont pas été contestées par le gouvernement. Le comité souhaite rappeler
que, dans des cas précédents, il avait considéré que le respect des principes de la
liberté syndicale suppose que les employeurs devraient se comporter avec circonspection
en ce qui concerne l’ingérence dans les affaires internes des syndicats; ils ne
devraient rien faire, par exemple, qui puisse être interprété comme favorisant un groupe
au détriment d’un autre au sein d’un syndicat. S’agissant de la référence du
gouvernement à la loi relative à l’insolvabilité en vertu de laquelle les organes
responsables dans le présent cas sont notamment les tribunaux et les administrateurs
judiciaires, et concernant le fait que toutes les revendications et tous les conflits
relatifs aux actes des participants à la procédure sont jugés conformément aux
dispositions du Code de procédure civile, le comité considère que la liberté syndicale
est un droit transcendant et «habilitant» qui devrait être garanti dans toutes les
entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, y compris les entreprises insolvables
gérées par des administrateurs judiciaires dans le cadre d’une procédure de faillite.
Considérant que les actes allégués, s’ils sont avérés, constituent des actes d’ingérence
contraires aux principes de la liberté syndicale, le comité veut croire que le
gouvernement assurera pleinement le respect de ces principes.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 897. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) S’agissant du
licenciement par Chimica SA (ci-après: société mère) du président du Syndicat libre
«Plastor» Orastie, le comité prie le gouvernement d’intercéder auprès des parties
afin de trouver une solution satisfaisante concernant l’emploi de M. Martin Nicolae.
Il prie également le gouvernement de veiller à l’avenir au respect du principe
énoncé dans ses conclusions.
- b) En ce qui concerne l’interdiction faite par
la suite au président du syndicat de pénétrer dans les locaux de la société mère, le
comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante d’intercéder auprès des
parties pour que soit établi rapidement un programme d’accès pour M. Martin Nicolae
lorsque cela est nécessaire pour le bon exercice de ses fonctions de représentation,
en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la direction et
sans porter préjudice au fonctionnement efficace de l’entreprise.
- c) Le
comité prie le gouvernement de lui faire parvenir une copie de la décision
judiciaire concernant la demande de dissolution du Syndicat libre «Plastor» Orastie
faite par la société mère.
- d) En ce qui concerne la suspension de deux
dirigeants syndicaux la veille d’une grève dans l’entreprise Chimica Automotive SA
accompagnée d’un refus d’accès aux locaux de l’entreprise, le comité prie le
gouvernement de prendre des mesures pour que les travailleurs concernés soient
correctement indemnisés et d’assurer à l’avenir le plein respect des principes
énoncés dans ses conclusions.