Allégations: Les organisations plaignantes allèguent les exécutions extrajudiciaires de trois dirigeants syndicaux et dénoncent le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête convenable sur ces affaires ni traduit les auteurs en justice. Elles allèguent également des menaces et des tentatives d’assassinat visant un autre dirigeant syndical et sa famille, lesquels ont été contraints de se cacher, et dénoncent le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête convenable sur cette affaire ni protégé les victimes. Dans ces affaires, l’absence d’enquêtes et de poursuites est susceptible de renforcer le climat d’impunité, de violence et d’insécurité, nuisant à l’exercice des droits syndicaux
- 538. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2016, lorsqu’il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 380e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 328e session (novembre 2016), paragr. 811 à 858.]
- 539. Le gouvernement a soumis des observations supplémentaires dans des communications datées des 3 avril et 2 octobre 2017.
- 540. Les Philippines ont ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 541. A sa session de novembre 2016, à la lumière des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d’administration a approuvé les recommandations suivantes:
- a) En prenant note des multiples efforts accomplis par le gouvernement au cours des dernières années pour lutter contre l’impunité, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des actions menées ou envisagées dans le but d’instaurer un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes aux Philippines et, plus spécifiquement, de fournir des informations sur la mise en place de l’équipe tripartite de vérification chargée d’examiner le présent cas, sur son fonctionnement et sur les résultats de son action.
- b) Le comité se félicite du fait que l’organe régional tripartite de surveillance de la région XI (RTMB XI), basé à Davao, a été chargé de recueillir des informations complémentaires en vue du réexamen par le Comité interinstitutions sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la torture et autres violations graves du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes (IAC), institué en vertu de l’ordonnance administrative no 35 (AO 35), des affaires d’assassinats des trois dirigeants syndicaux, MM. Antonio «Dodong» Petalcorin, Emilio Rivera et Kagi Alimudin Lucman et espère que les conclusions concernant ces affaires seront portées à la connaissance du groupe de travail technique du comité interinstitutions, et prie le gouvernement de le tenir informé: i) de l’issue du réexamen par le comité interinstitutions et, dans le cas où celui-ci considérerait de façon définitive que les affaires ne sont pas visées par l’AO 35, des raisons précises de cette décision; ii) des résolutions édictées par le Conseil national tripartite pour la paix au travail (NTIPC) concernant ces trois affaires; et iii) de l’issue de la vérification tripartite de l’affaire Lucman.
- c) Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures voulues pour faire en sorte que, avec ou sans la coopération des proches des victimes, l’instruction et l’examen judiciaire des affaires susmentionnées d’exécutions extrajudiciaires soient menés à terme sans délai afin que les coupables puissent être identifiés, traduits en justice, punis et condamnés en vue de prévenir la répétition de tels actes. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) S’agissant des tentatives d’assassinat et des menaces dont a été victime Carlos Cirilo, un dirigeant syndical, le comité invite le gouvernement et les plaignants à fournir toute information complémentaire à leur disposition. Le comité demande au gouvernement de garantir à l’avenir le respect du principe énoncé dans ses conclusions et espère qu’il prendra les mesures nécessaires pour accélérer l’instruction et l’examen judiciaire de cette affaire et qu’il le tiendra informé à ce sujet.
- e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 542. Dans ses communications datées des 3 avril et 2 octobre 2017, le gouvernement donne des informations d’ordre général sur les mesures prises et des informations réactualisées sur les cas examinés.
- 543. En ce qui concerne Antonio Petalcorin, le gouvernement indique dans sa communication du 3 avril 2017 que l’auteur présumé de son assassinat a d’ores et déjà été identifié comme étant Jay-Jay Gascon Vallesteros (déclaration sous serment validée par M. Capistrano III le 28 août 2013). La Police nationale des Philippines (PNP) a pris contact avec la famille de la victime, notamment sa femme et sa fille, en vue d’engager une action contre le suspect. Malgré les efforts déployés pour tenter de les convaincre, ces dernières refusent toujours de coopérer, sans que l’on sache pourquoi. En outre, la famille d’Antonio Petalcorin se trouve toujours à l’étranger. La PNP continue de faire le nécessaire pour élucider cette affaire et poursuit ses investigations et enquêtes de suivi. Cela étant, ces enquêtes pâtissent de la non-coopération de la famille de la victime, ce qui rend difficile la constitution du dossier. Le RTMB XI de Davao a recommandé une solution innovante, à savoir que certains de ses membres s’entretiennent personnellement avec la famille d’Antonio Petalcorin dès qu’elle sera de retour au pays et disponible. Le RTMB XI recommande en outre de poursuivre l’enquête de suivi et prie la PNP de le tenir régulièrement informé des éléments nouveaux apportés à ce dossier. Dans sa communication datée du 2 octobre 2017, le gouvernement indique qu’une procédure d’instruction pour meurtre a été ouverte le 8 mars 2017 contre les suspects identifiés comme étant Jay-Jay Gascon et Armie Zerudo Escandor sous le numéro de rôle No. XI-02-INV-17-b-0258.
- 544. D’après les informations récentes sur le meurtre d’Antonio Petalcorin communiquées par le gouvernement en février 2017, le bureau du procureur de Mindanao a indiqué le 16 janvier 2017 que la plainte pour faute grave déposée par Antonio Petalcorin contre Benjamin Go, le directeur du Comité de franchisage et de réglementation des transports terrestres de Davao (LTFRB), et contre M. Carlos Cirilo et Mme Annie Cirilo avait été classée sans suite le 19 novembre 2013 faute de motifs raisonnables et, par voie de conséquence, d’éléments de preuve.
- 545. Pour ce qui est d’Emilio Rivera, le gouvernement indique qu’une procédure a déjà été engagée à l’encontre du prévenu, Baltazar «Bobby» Namoc Mantica, contre qui un mandat d’arrestation a été délivré. A ce jour, cependant, celui-ci est toujours en fuite. La police recueille actuellement de nouveaux renseignements pour parvenir à le localiser. Le RTMB XI de Davao recommande de poursuivre la collecte d’éléments nouveaux à cette fin et demande à la PNP de le tenir régulièrement informé sur cette affaire.
- 546. D’après les informations communiquées par le gouvernement en février 2017, la PNP a mis des moyens en œuvre pour enquêter sur le meurtre d’Emilio Rivera. En fait, le suspect est déjà identifié et a été mis en accusation pour assassinat (affaire pénale no 74 993-13-13, archivée auprès du tribunal régional, 11e circonscription judiciaire, branche 6, Davao).
- 547. Concernant l’affaire Kagi Lucman, le gouvernement renvoie à un précédent rapport établi par la PNP, qui indique qu’elle a pris contact avec la famille de la victime et un témoin potentiel afin d’obtenir de nouveaux éléments pouvant être utiles à l’enquête, mais qu’elle n’est pas parvenue à établir un dialogue. La famille de la victime aurait quitté son domicile pour un lieu tenu secret. Selon l’enquête de suivi, l’épouse de la victime se trouve à Riyad, en Arabie saoudite, et un témoin potentiel, Mohmaden Ayunan Aloy, qui est également une autre victime, n’a pas pu être localisé.
- 548. En ce qui concerne Carlos Cirilo, le gouvernement déclare qu’une enquête de suivi a été menée pour trouver des témoins potentiels susceptibles d’apporter des informations dans l’affaire des grenades lancées dans la propriété de la victime. Or, à ce jour, aucun témoin n’a pu fournir de renseignements. En outre, M. Cirilo a déménagé après les faits. La PNP continue de faire le nécessaire pour élucider cette affaire et poursuit ses investigations et enquêtes de suivi. Cela étant, ces enquêtes pâtissent de l’absence de témoin susceptible de donner des informations sur les faits, ce qui rend difficile la constitution du dossier. Le RTMB XI de Davao recommande la poursuite des enquêtes de suivi et prie la PNP de l’informer régulièrement sur cette affaire.
- 549. Le gouvernement ajoute que, selon la PNP, il n’est pas vrai qu’une escorte policière a été refusée à M. Cirilo. La police s’est engagée à vérifier dans ses dossiers si M. Cirilo avait demandé à être placé sous escorte. Si tel est le cas, elle vérifiera les raisons pourquoi cette demande n’a pas été satisfaite conformément aux instructions relatives à la mise à disposition d’une protection policière; s’il n’y a pas eu de demande, cela explique peut-être pourquoi M. Cirilo n’a pas été placé sous escorte policière.
- 550. Le gouvernement réaffirme que toutes les affaires susmentionnées sont actuellement traitées et instruites selon la procédure ordinaire de l’enquête et des poursuites pénales. L’existence de rapports est donc nettement fonction des enquêtes policières et des procédures judiciaires régulières, dont le progrès peut être entravé par l’absence de témoins directs. Selon les éléments fournis par le gouvernement en février 2017, la PNP déclare que les enquêtes sur les affaires précédemment citées sont entravées par la non-coopération des familles des victimes. Malgré la difficulté de constituer un dossier, la PNP mène scrupuleusement des enquêtes de suivi sur ces cas.
- 551. Enfin, le gouvernement indique, dans sa communication datée du 2 octobre 2017, que le Département du travail et de l’emploi s’est engagé, en concertation avec le bureau de l’OIT pour les Philippines et avec le soutien du Système de préférences généralisé de l’Union européenne, dans un projet de coopération technique de deux ans qui tend à améliorer encore les conditions dans lesquelles s’exercent la liberté syndicale et la négociation collective aux Philippines, sous les auspices d’objectifs stratégiques précis. Le lancement de ce projet tripartite a été marqué par une journée spéciale, le 13 septembre 2017, qui a vu se réunir à Manille près d’une centaine d’organismes représentatifs des trois partenaires sociaux, notamment des organes compétents du gouvernement, pour examiner et convenir de stratégies d’amélioration de l’application des principes de la liberté syndicale et du droit de négociation collective s’appuyant sur les conventions clés ratifiées par les Philippines (c’est-à-dire les conventions de l’OIT nos 87 et 98). Une partie des activités a été consacrée à la signature solennelle, par les trois catégories de partenaires, d’une déclaration tripartite d’engagement et d’effort concerté visant à: soutenir l’adhésion aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et la poursuite de l’amélioration de leur application grâce, entre autres choses, à l’alignement de la législation et de la pratique nationales sur ces principes; concevoir et adopter un plan d’action national prévoyant des résultats attendus dans des domaines prioritaires et des stratégies d’amélioration de l’application de ces principes aux Philippines; collaborer et œuvrer résolument pour la réalisation du plan d’action national; et s’efforcer d’atteindre effectivement et de manière efficace les objectifs définis dans ce plan.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 552. Le comité note que, dans le cas présent, les organisations plaignantes allèguent les exécutions extrajudiciaires de trois dirigeants syndicaux et dénoncent le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête convenable sur ces affaires ni traduit les auteurs en justice. Les organisations plaignantes allèguent également des menaces et des tentatives d’assassinat visant un autre dirigeant syndical et sa famille, lesquels ont été contraints de se cacher, et dénoncent le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête convenable sur cette affaire ni protégé les victimes. Elles estiment que, dans ces affaires, l’absence d’enquêtes et de poursuites est susceptible de renforcer le climat d’impunité, de violence et d’insécurité, nuisant à l’exercice des droits syndicaux.
- 553. Le comité prend note des informations récentes transmises par le gouvernement concernant ces affaires.
- 554. Le comité constate en particulier qu’un ensemble détaillé et complexe de mécanismes de surveillance et d’enquête, aux niveaux tant national que régional, continue de s’employer activement à résoudre les affaires d’assassinats de syndicalistes et autres faits de violence soumis aux organes de contrôle de l’OIT. Il prend note avec intérêt du lancement, récemment, d’un projet de coopération technique de deux ans portant sur la liberté syndicale et la négociation collective et, à cette occasion, de la signature par les partenaires sociaux d’une déclaration tripartite d’engagement et d’effort concerté visant à soutenir l’adhésion aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et la poursuite de l’amélioration de leur application. Il prie le gouvernement de continuer de le tenir informé des autres efforts faits ou envisagés dans le but d’instaurer un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes aux Philippines. Plus spécifiquement, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l’équipe tripartite de vérification précédemment citée mise en place pour examiner le présent cas, sur son fonctionnement et sur les résultats de son action.
- 555. Le comité rappelle qu’il a été établi que les trois affaires d’assassinats à l’examen, comme la grande majorité des exécutions extrajudiciaires examinées par le comité interinstitutions, ne satisfont pas aux critères définis par l’AO 35, en particulier à celui prévoyant que la victime doit avoir été prise pour cible et assassinée en raison de son adhésion à une cause, de sa défense d’une cause ou de sa profession, réelles ou supposées. Le comité rappelle les vues qu’il a exprimées précédemment, à savoir qu’en fin de compte seul un tribunal est en mesure de déterminer les motifs de cet assassinat et que le seuil permettant d’établir un motif potentiel lié au militantisme de la victime ne devrait nécessiter qu’un lien prima facie. Il précise en outre que, en l’absence de preuves excluant tout lien entre le crime et l’exercice d’activités syndicales, une affiliation ou une fonction syndicale, et que, au contraire, dans le contexte spécifique de l’exercice d’activités syndicales légitimes telles que le dépôt d’une plainte, les moyens et les pouvoirs à la disposition du comité interinstitutions devraient être mis en œuvre dans les affaires d’assassinat de ces dirigeants syndicaux. [Voir 380e rapport, paragr. 854.]
- 556. Au vu de ce qui précède, le comité considère que le gouvernement devrait veiller à ce que, en ce qui concerne le fonctionnement des organismes de contrôle non judiciaires tels que le comité interinstitutions ou les RTMB, les critères utilisés pour sélectionner les cas soumis à son examen devraient être plus larges que les critères judiciaires utilisés par les tribunaux de façon à ne pas exclure indûment d’éventuels cas de liberté syndicale et à garantir que les activités ou fonctions syndicales – même si d’autres facteurs peuvent aussi être pris en considération – donnent lieu à un examen approfondi de la motivation éventuelle. Le comité veut croire que les considérations qu’il a exprimées précédemment seront portées à la connaissance du groupe de travail technique du comité interinstitutions et prie le gouvernement de le tenir informé: i) de l’issue du réexamen par le comité interinstitutions des assassinats des trois dirigeants syndicaux, MM. Antonio «Dodong» Petalcorin, Emilio Rivera et Kagi Alimudin Lucman, et, dans le cas où celui-ci considérerait de façon définitive que les affaires ne relèvent pas de l’AO 35, des raisons précises de cette décision; et ii) des résolutions édictées par l’organe de surveillance du NTIPC (NTIPC-MB) concernant ces trois exécutions extrajudiciaires.
- 557. Le comité note que le gouvernement répète que les affaires susmentionnées d’assassinat de trois dirigeants syndicaux et de tentative d’assassinat d’un autre dirigeant syndical sont actuellement traitées et instruites selon la procédure ordinaire de l’enquête et des poursuites pénales, dont le progrès est entravé par la non-coopération des familles des victimes ou l’absence de témoins directs. Le comité réaffirme une nouvelle fois que, en raison de leur gravité, de telles affaires devraient faire l’objet d’enquêtes et que, lorsque des preuves existent (pas nécessairement sous la forme de témoignages), les auteurs des faits devraient être poursuivis d’office et sans délai, même si les parties se désistent ou abandonnent l’affaire, autrement dit, même si la victime ou la partie lésée n’a pas formellement déposé de plainte pénale. [Voir cas no 2528, 359e rapport, paragr. 1112; 364e rapport, paragr. 949; et 370e rapport, paragr. 81.] Dans ce contexte, le comité se félicite des plus récents éléments d’information, qui attestent de progrès en ce qui concerne le meurtre d’Antonio Petalcorin, avec l’identification des auteurs présumés, qui sont visés par une procédure d’instruction pour meurtre ouverte le 8 mars 2017. Le comité veut croire que les intéressés seront traduits en justice et condamnés sans délai, et il prie le gouvernement de le tenir informé des progrès à cet égard et de communiquer les jugements dès que ceux-ci auront été rendus.
- 558. Compte tenu des obstacles invoqués par le gouvernement par rapport à l’investigation et la poursuite des autres homicides de syndicalistes, le comité prie le gouvernement de prendre, d’une manière générale, des dispositions, au besoin sur le plan législatif, pour que des crimes aussi graves donnent systématiquement lieu à des enquêtes et (lorsque celles-ci débouchent sur des indices graves, précis et concordants) à des poursuites pénales d’office, c’est-à-dire des poursuites qui sont exercées même si les familles des victimes ou d’autres parties se désistent, se désintéressent de l’affaire ou refusent de coopérer, et que la partie lésée n’a pas formellement déposé de plainte pénale. En outre, le comité veut croire que l’appareil pénal national bénéficiera d’un soutien pour renforcer ses capacités en matière de collecte de preuves médico-légales et pour abandonner cette excessive dépendance de fait à l’égard des preuves testimoniales, afin que l’absence ou la rétraction de témoins cesse d’être un obstacle aux enquêtes et aux poursuites. Plus spécifiquement, le comité rappelle qu’il incombe aux pouvoirs publics de préserver un climat social où le droit prévaut, puisque c’est la seule garantie du respect et de la protection de l’individu, que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 34 et 44.] Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’instruction et l’examen judiciaire des trois affaires d’exécutions extrajudiciaires présumées, même si ces exécutions ne sont pas le fait d’acteurs étatiques, soient menés à terme sans délai afin que les auteurs puissent être identifiés, traduits en justice et condamnés, de manière à prévenir la répétition de tels actes. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 559. En ce qui concerne la tentative d’assassinat et les menaces dont a été victime le dirigeant syndical Carlos Cirilo, qui a été contraint de se cacher avec sa famille, et le fait que le gouvernement ne leur aurait pas offert de protection appropriée, le comité constate que la PNP est encore en train de vérifier si M. Cirilo avait demandé à être placé sous escorte policière. Rappelant que les faits imputables à des particuliers engagent la responsabilité des Etats en raison de leur obligation de diligence et d’intervention pour prévenir les violations des droits de l’homme, et qu’en conséquence les gouvernements doivent s’efforcer de ne pas violer à leurs devoirs de respect des droits et des libertés individuelles, ainsi que leur devoir de garantir le droit à la vie des syndicalistes [voir Recueil, op. cit., paragr. 47], le comité prie le gouvernement, à titre de mesure générale, de prendre des dispositions supplémentaires pour s’assurer de la pleine application de ce principe en protégeant véritablement les victimes potentielles, que ce soit par des voies officielles ou non.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 560. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Prenant note avec intérêt du lancement, récemment, d’un projet de coopération technique de deux ans portant sur la liberté syndicale et la négociation collective et, à cette occasion, de la signature par les partenaires sociaux d’une déclaration tripartite d’engagement et d’effort concerté visant à soutenir l’adhésion aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et la poursuite de l’amélioration de leur application, le comité prie le gouvernement de continuer de le tenir informé des autres efforts faits ou envisagés dans le but d’instaurer un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes aux Philippines et de lutter plus efficacement contre l’impunité. Plus spécifiquement, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l’équipe tripartite de vérification précédemment citée mise en place pour examiner le présent cas, sur son fonctionnement et sur les résultats de son action.
- b) Rappelant qu’il a été établi que les trois affaires d’assassinats à l’examen, comme la grande majorité des exécutions extrajudiciaires examinées par le comité interinstitutions, ne satisfont pas aux critères définis par l’AO 35, le comité considère que le gouvernement devrait veiller à ce que, en ce qui concerne le fonctionnement des organismes de contrôle non judiciaires tels que le comité interinstitutions ou les RTMB, les critères utilisés pour sélectionner les cas soumis à son examen devraient être plus larges que les critères judiciaires utilisés par les tribunaux de façon à ne pas exclure indûment d’éventuels cas de liberté syndicale et à garantir que les activités ou fonctions syndicales – même si d’autres facteurs peuvent aussi être pris en considération – donnent lieu à un examen approfondi de la motivation éventuelle. Le comité veut croire que ses considérations seront portées à la connaissance du groupe de travail technique du comité interinstitutions et prie le gouvernement de le tenir informé: i) de l’issue du réexamen par le comité interinstitutions des assassinats des trois dirigeants syndicaux, MM. Antonio «Dodong» Petalcorin, Emilio Rivera et Kagi Alimudin Lucman, et, dans le cas celui-ci considérerait de façon définitive que ces affaires ne relèvent pas de l’AO 35, des raisons précises de cette décision; et ii) des résolutions édictées par l’organe de surveillance du NTIPC (NTIPC-MB) au sujet de ces trois exécutions extrajudiciaires.
- c) Observant que, dans l’affaire du meurtre d’Antonio Petalcorin, une procédure d’instruction pour meurtre a été ouverte le 8 mars 2017 contre deux suspects, le comité veut croire que les auteurs présumés seront traduits en justice et condamnés sans délai, et il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de communiquer les jugements dès que ceux-ci auront été rendus.
- d) Compte tenu des obstacles invoqués par le gouvernement par rapport à l’investigation et la poursuite des autres homicides de syndicalistes, le comité prie le gouvernement de prendre, d’une manière générale, des mesures, au besoin sur le plan législatif, pour que des crimes aussi graves donnent systématiquement lieu à des enquêtes et (lorsque celles-ci débouchent sur des indices graves, précis et concordants) à des poursuites pénales d’office, c’est-à-dire des poursuites qui sont exercées même si les familles des victimes ou d’autres parties se désistent, se désintéressent de l’affaire ou refusent de coopérer, et que la partie lésée n’a pas formellement déposé de plainte pénale.
- e) En outre, le comité veut croire que le système pénal national bénéficiera d’un soutien pour renforcer ses capacités en matière de collecte de preuves médico-légales et pour abandonner cette excessive dépendance de fait à l’égard des preuves testimoniales, afin que l’absence ou la rétraction de témoins cesse d’être un obstacle aux enquêtes et aux poursuites. Plus spécifiquement, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour que l’instruction et l’examen judiciaire des trois affaires d’exécutions extrajudiciaires présumées, même si ces exécutions ne sont pas le fait d’acteurs étatiques, soient menés à terme sans délai afin que les auteurs puissent être identifiés, traduits en justice et condamnés, de manière à prévenir la répétition de tels actes. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- f) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour s’assurer de la protection véritable des victimes potentielles, que ce soit par des voies officielles ou non, conformément aux principes énoncés dans ses conclusions.
- g) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent des questions traitées dans le présent cas.