Allégations: L’organisation plaignante dénonce la mise en disponibilité d’office de responsables syndicaux œuvrant dans le secteur de la poste, la non-réintégration de ces derniers dans leurs fonctions, ainsi que la dissolution de leur syndicat
- 341. La plainte qui fait l’objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération des travailleurs-euses des secteurs public et privé (CTSP) datée du 31 août 2016.
- 342. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû différer l’examen de ce cas à plusieurs reprises. A sa réunion d’octobre-novembre 2017, le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en appelant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de cette affaire à sa prochaine réunion si les informations et observations du gouvernement n’étaient pas envoyées à temps. [Voir 383e rapport, paragr. 6.] A sa réunion de mars 2018, le comité a regretté l’absence persistante de coopération et s’est adressé au gouvernement indiquant qu’il présenterait un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a pas envoyé ses observations.
- 343. Haïti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 344. Dans sa communication du 31 août 2016, l’organisation plaignante allègue que, le 8 octobre 2012, huit responsables syndicaux membres du comité exécutif du Syndicat des postiers d’Haïti (SPH), syndicat affilié à la CTSP, ont été mis en disponibilité après une réunion avec la direction générale de l’Office des postes d’Haïti au motif que cette institution publique ne reconnaît pas la légitimité du syndicat. Il s’agit de MM. Daniel Dantes, Fely Desire, Jean Estima Fils, Petit-Maitre Jean-Jacques, Ronald Joseph, Harold Colson Lazarre, Amos Musac et Guito Phadael. La direction générale de l’Office des postes reproche à ces personnes de n’avoir présenté aucun document officiel «formalisant» le syndicat en question. L’organisation plaignante estime que cette décision est illégale et qu’une mise en disponibilité ne devrait pas dépasser quatre-vingt-dix jours selon le décret du 17 mai 2005 portant révision du statut général de la fonction publique, alors que les syndicalistes concernés n’ont toujours pas été réintégrés dans leurs fonctions. Selon l’organisation, il s’agit de représailles exercées à leur encontre pour le seul fait d’appartenir à un syndicat et qui ont abouti à la dissolution de ce dernier après plus de vingt-cinq ans d’existence, dans un objectif généralisé de démantèlement des syndicats, cela en violation des conventions de l’OIT ratifiées par Haïti.
- 345. L’organisation plaignante indique que l’Office de la protection du citoyen, organisme constitutionnel de l’Etat chargé de la protection du citoyen, a formellement recommandé à la direction générale de l’Office des postes de réintégrer les représentants syndicaux, mais que cette recommandation n’a pas été suivie d’effets. Toutes les voies de recours en termes de médiation et de négociation se seraient soldées par un échec.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 346. Le comité regrette profondément que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas fourni en temps voulu les observations et informations demandées, alors qu’il a été invité à les communiquer à plusieurs reprises, y compris sous la forme d’un appel pressant (novembre 2017). Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable, le comité est tenu de présenter un rapport sur le fond de l’affaire, sans pouvoir tenir compte des observations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 347. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport, paragr. 31.] Le comité prie le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
- 348. Le comité observe que les allégations du présent cas portent sur la mise en disponibilité d’office de responsables syndicaux œuvrant dans le secteur de la poste, sur la non réintégration de ces derniers dans leurs fonctions, ainsi que sur la dissolution de leur syndicat.
- 349. Le comité observe, d’après les pièces fournies par la CTSP à l’appui de la plainte (notifications individuelles de mise en disponibilité datées du 8 octobre 2012), que la direction générale de l’Office des postes a reproché aux représentants du SPH, affilié à la CTSP, de ne pas avoir présenté à la direction générale de document officiel «formalisant» ce syndicat à l’occasion d’une réunion du bureau de la direction en date du 13 septembre 2012 et qu’en conséquence elle n’en reconnaissait pas la légitimité. En revanche, le comité note que, d’après la CTSP, le syndicat en question aurait mené des activités syndicales pendant plus de vingt-cinq ans. Sur cette question, le comité souhaite rappeler que, s’il est vrai que les fondateurs d’un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 424.]. Le comité note enfin les allégations de la CTSP selon lesquelles le syndicat aurait été dissous après ces longues années d’existence, sans toutefois que les conditions d’une telle dissolution ne soit clairement exposées. Au vu des informations peu détaillées et contradictoires portées à sa connaissance, le comité prie le gouvernement comme l’organisation plaignante de fournir des informations précises concernant la création du SPH (date de création, procédure d’enregistrement, statuts…), ainsi que sur les conditions de la dissolution alléguée du syndicat.
- 350. S’agissant des allégations relatives à la mise en disponibilité d’office des représentants syndicaux concernés et la non-réintégration de ces derniers, le comité note que, d’après les notifications individuelles précitées, la direction générale reproche à ces derniers d’avoir «semé la discorde dans l’enceinte de l’Office des postes d’Haïti, encouragé les employés à la rébellion contre la direction générale et […] perturbé le bon fonctionnement de l’institution jusqu’à mobiliser les gens à un arrêt de travail basé sur de fausses allégations». Sans autres indications de la part du gouvernement, le comité considère que ce type de sanctions pourrait gravement porter atteinte à l’exercice des droits syndicaux. Il attire l’attention du gouvernement sur les dispositions de la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, où il est expressément déclaré que ceux-ci doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Le comité note également la communication de l’Office de la protection des citoyens, adressée à la direction générale de l’Office des postes en décembre 2015, qui fait référence aux promesses de «régularisation» des travailleurs concernés et qui recommande à la direction générale de respecter ses engagements vis-à-vis de ces derniers. Le comité note enfin que, aux termes de l’article 140 du décret du 17 mai 2005 portant révision du statut général de la fonction publique, la mise en disponibilité peut être prononcée d’office par mesure disciplinaire pour une période qui ne peut jamais excéder trois mois. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations qui concernent la mise en disponibilité d’office des représentants syndicaux concernés, à savoir MM. Daniel Dantes, Fely Desire, Jean Estima Fils, Petit-Maitre Jean-Jacques, Ronald Joseph, Harold Colson Lazarre, Amos Musac et Guito Phadael, et de fournir des informations sur leur situation actuelle. S’il est établi que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis par la direction générale de l’Office des postes, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures de réparation nécessaires, y compris en assurant la réintégration des travailleurs concernés sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de l’informer sur toutes mesures prises en ce sens et leurs résultats et d’indiquer si des décisions de justice ont été rendues sur ces affaires.
- 351. A la lumière des questions soulevées dans cette plainte, le comité invite le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 352. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette profondément que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations, bien qu’il ait été invité à le faire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel pressant, et le prie d’y répondre dans les plus brefs délais.
- b) Au vu des informations peu détaillées et contradictoires portées à sa connaissance, le comité prie le gouvernement comme l’organisation plaignante de fournir des informations précises concernant la création du SPH (date de création, procédure d’enregistrement, statuts…), ainsi que sur les conditions de la dissolution alléguée du syndicat.
- c) Le comité prie le gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations qui concernent la mise en disponibilité d’office des représentants syndicaux concernés, à savoir MM. Daniel Dantes, Fely Desire, Jean Estima Fils, Petit-Maitre Jean-Jacques, Ronald Joseph, Harold Colson Lazarre, Amos Musac et Guito Phadael, et de fournir des informations sur leur situation actuelle. S’il est établi que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis par la direction générale de l’Office des postes, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures de réparation nécessaires, y compris en assurant la réintégration des travailleurs concernés sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de l’informer sur toutes mesures prises en ce sens et leurs résultats et d’indiquer si des décisions de justice ont été rendues sur ces affaires.
- d) A la lumière des questions soulevées dans cette plainte, le comité invite le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT.