Allégations: Arrestation et détention de huit conseillers et assistants juridiques qui ont fourni des services de soutien à des travailleurs et à leurs organisations en vue du règlement de conflits collectifs et/ou individuels du travail, et ingérence de la police dans des conflits collectifs du travail
- 133. Le comité a examiné le présent cas (présenté en février 2016) pour la dernière fois à sa réunion de juin 2019, lors de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 389e rapport, paragr. 216-261, approuvé par le Conseil d’administration à sa 336e session (juin 2010).]
- 134. A cette occasion, le comité a décidé d’examiner à nouveau ce cas à sa session d’octobre- novembre 2019. [Voir 389e rapport, paragr. 261.]
- 135. Le gouvernement a transmis des observations partielles dans une communication en date du 24 septembre 2019.
- 136. La Chine n’a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 137. A sa réunion de juin 2019, le comité a formulé les recommandations suivantes sur les questions en suspens [voir 389e rapport, paragr. 261]:
- a) S’agissant des allégations concernant M. Meng, le comité:
- ■ prie urgemment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les documents d’identité de M. Meng lui soient remis sans délai;
- ■ prie instamment le gouvernement de répondre sans délai à l’allégation de détention de M. Meng à la suite de la publication d’articles concernant ses activités et son emprisonnement;
- ■ prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des conclusions de l’enquête en cours au sujet de la destruction de la porte de la maison louée par M. Meng.
- b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de diligenter sans délai supplémentaire une enquête approfondie au sujet des mauvais traitements et des blessures dont auraient été victimes des travailleurs et leurs représentants à l’usine de chaussures, ainsi que M. Chen et Mme Zhu Xinhua (conflit du travail à l’usine de confection de sacs) et de le tenir informé des résultats de cette enquête.
- c) Le comité prie urgemment le gouvernement de lui transmettre une copie du rapport d’enquête concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés aux militants syndicaux pendant leur détention et les nombreux interrogatoires auxquels les accusés auraient été soumis.
- d) Le comité prie à nouveau le gouvernement de confirmer que M. Deng et M. Peng ne font plus l’objet d’une enquête et qu’ils ne seront pas poursuivis.
- e) Le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour garantir le droit de tous les travailleurs de constituer des organisations de leur choix.
- f) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toute mesure nécessaire pour assurer la libération de tout travailleur détenu en raison de ses activités syndicales et de présenter une réponse détaillée sur les arrestations, détentions, mauvais traitements et disparitions de militants syndicaux et de partisans des travailleurs de la société technologique, ainsi que sur les accusations pénales portées contre certains d’entre eux.
- g) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale en droit et dans la pratique et de fournir une copie du rapport sur les résultats de l’enquête mentionnée par le gouvernement (concernant MM. Yu et Li) et des informations détaillées concernant les licenciements présumés de MM. Mi, Li, Song, Kuang, Zhang et Chang.
- h) Le comité prie à nouveau le gouvernement de répondre sans délai aux allégations spécifiques concernant le droit de grève et de manifester dans la pratique, y compris le recours fréquent aux lois relatives à l’ordre public pour restreindre son exercice, en précisant les conditions de l’exercice effectif de ce droit en droit et dans la pratique.
- i) Le comité examinera à nouveau ce cas à sa prochaine session en novembre 2019.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 138. Dans une communication en date du 24 septembre 2019, le gouvernement indique qu’il a ouvert une enquête spéciale sur la situation dans ce cas et transmet à cet égard les informations suivantes.
- 139. En ce qui concerne les résultats des enquêtes sur les cas de MM. Meng et Chen, Mme Zhu et autres, le gouvernement réitère que l’enquête a révélé que la police locale de la province de Guangdong n’a reçu aucun rapport des travailleurs de l’usine de chaussures de Lide (usine de chaussures) ni de leurs conseillers susmentionnés. Dans le cas de la destruction de la porte de la résidence locative de M. Meng, dès réception de son rapport, la police locale a travaillé rapidement sur son cas, conformément à la loi. Un grand nombre d’entrevues et d’enquêtes ont été menées, mais aucun indice solide n’a permis d’identifier le suspect. Comme le prévoit la loi chinoise, ce cas fait toujours l’objet d’une enquête policière.
- 140. Le gouvernement indique en outre que, le 3 janvier 2017, la caution imposée à MM. Deng et Peng en attendant le procès a été levée. Actuellement, M. Deng exerce des activités commerciales légales et M. Peng est employé en dehors de sa ville natale; leur liberté personnelle n’est pas limitée.
- 141. En ce qui concerne les violations alléguées à la JASIC Technology Co. (l’entreprise technologique), le gouvernement indique que, depuis sa création le 20 août 2018, le syndicat d’entreprise a pleinement joué son rôle dans la promotion du développement harmonieux des entreprises, la protection des droits et intérêts légitimes des travailleurs et le service inconditionnel à la masse des travailleurs, notamment en dirigeant ses efforts dans les domaines suivants:
- i) Le renforcement des syndicats est plus institutionnalisé. (Le syndicat a créé 6 comités spéciaux, élaboré 32 règles et règlements, y compris son règlement intérieur, et mis en place des structures sociales telles que la bibliothèque des travailleurs, la maison de la musique, la salle multifonctionnelle, la salle de sports, la salle de conseil psychologique, la salle de médiation des différends et la salle d’allaitement.) Avant la fin mai dernier, le syndicat comptait 781 membres, soit 84 pour cent de l’effectif total.
- ii) Les canaux de communication et de consultation entre les travailleurs et la direction ont été améliorés. (Le syndicat a fait des «relations entre les travailleurs, les normes du travail et la négociation collective» ses principaux domaines prioritaires, a mené activement des négociations salariales avec la direction et a communiqué à celle-ci un large éventail d’opinions et de suggestions qu’il avait sollicitées des travailleurs par de nombreux canaux, notamment par sa boîte aux lettres, le formulaire de demande d’indemnisation et des visites régulières/entretiens.)
- iii) Des progrès ont été réalisés dans l’éducation et la formation des travailleurs. (Sous l’impulsion du syndicat, l’entreprise a élaboré un plan d’action triennal pour l’éducation et la formation des travailleurs. Depuis le début de 2019, plus de 1 000 travailleurs ont été formés.)
- iv) Le rôle du syndicat a encore été renforcé. (Le syndicat a mené la campagne de promotion de la «Journée syndicale» et diverses activités culturelles et sportives, organisé des concours de compétences entre les travailleurs et s’est coordonné avec la direction afin d’améliorer ses services de restauration et la gestion du dortoir des travailleurs, obtenant ainsi une reconnaissance universelle des travailleurs et du personnel.)
- 142. Le gouvernement réaffirme une fois de plus que la Constitution de la République populaire de Chine et les lois pertinentes garantissent pleinement à ses citoyens la liberté d’association et ne contiennent aucune disposition restrictive concernant le droit de grève. En même temps, dans l’exercice de ces droits, les travailleurs chinois et leurs organisations doivent se conformer aux dispositions pertinentes de la législation nationale. Les personnes impliquées dans ce cas ont fait l’objet d’une enquête et de sanctions non pas pour avoir participé à l’organisation des travailleurs ou à des activités syndicales, mais pour avoir enfreint les dispositions pertinentes du Code pénal en recourant à des moyens illégaux dans le processus de règlement des conflits du travail. La loi sur les syndicats dispose que «si une entreprise ou une institution publique fait l’objet de mesures d’arrêt ou de ralentissement du travail, le syndicat devrait représenter les employés pour négocier avec l’entreprise, l’institution publique ou autres autorités compétentes, faire connaître leurs vues, leurs besoins et proposer des résolutions. L’entreprise ou l’institution publique doit satisfaire aux exigences raisonnables soulevées par les employés.»
- 143. Le gouvernement conclut en rappelant une fois de plus que les tribunaux et la police ont respecté les procédures prescrites par la loi dans le traitement des affaires en question et que les droits légitimes des personnes concernées ont été dûment garantis.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 144. Le comité rappelle que ce cas concerne des allégations d’arrestations et de détentions pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public» de conseillers et d’assistants juridiques qui ont fourni des services de soutien à des travailleurs et à leurs organisations en vue du règlement de conflits collectifs et/ou individuels du travail.
- 145. Le comité rappelle en particulier que M. Meng, l’un des assistants juridiques, avait été condamné à vingt et un mois de prison pour les faits susmentionnés. Il rappelle en outre que la Confédération syndicale internationale (CSI) a allégué que, à la suite de sa sortie de prison, les documents d’identité de M. Meng ont été confisqués par les autorités; que, privé de ces documents, il ne peut ni avoir accès à des services médicaux pour soigner son hépatite C, contractée en prison, ni postuler à des emplois; que la liberté de circulation de M. Meng est restreinte et qu’il a de nouveau été détenu (pendant quelques jours) après la publication d’articles dans lesquels il évoquait ses activités militantes, son procès et son emprisonnement. Le comité regrette profondément encore une fois l’absence de réponse du gouvernement à ce sujet et souligne que la confiscation de documents d’identité d’une personne en raison de sa participation à des activités ou à une assistance syndicales légitimes viole les libertés publiques fondamentales de M. Meng, étant donné que ces documents sont nécessaires pour garantir sa liberté de circulation ainsi que pour obtenir un emploi et avoir accès à des services de santé. Par conséquent, le comité prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les documents d’identité de M. Meng lui soient remis sans délai. En outre, rappelant à nouveau que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales, en particulier [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 123], le comité prie instamment le gouvernement de répondre sans délai à l’allégation de détention de M. Meng à la suite de la publication d’articles concernant ses activités et son emprisonnement. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le cas de la destruction de la porte de la maison de location de M. Meng fait toujours l’objet d’une enquête, mais qu’à ce jour aucune preuve n’a permis d’identifier le suspect. Le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des conclusions de l’enquête en cours au sujet de la destruction de la porte de la maison louée par M. Meng.
- 146. Le comité rappelle également que, lors de son examen antérieur du cas, il a constaté avec regret que le gouvernement n’avait communiqué aucune information au sujet des actes de violence et des blessures dont auraient été victimes des travailleurs et leurs représentants à l’usine de chaussures, ainsi que M. Chen et Mme Zhu Xinhua (conflit du travail à l’usine de confection de sacs), et a prié le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur les résultats des enquêtes. A cet égard, le comité a pris bonne note de l’indication du gouvernement selon laquelle les autorités locales en charge de la sécurité publique dans la province du Guangdong n’avaient été saisies d’aucune plainte dénonçant des actes de violence à l’encontre des travailleurs de l’usine de chaussures (ni à l’encontre de M. Chen, de Mme Zhu Xinhua et d’autres personnes à l’usine de confection de sacs). Le comité a également noté que la CSI a réfuté l’affirmation du gouvernement selon laquelle les autorités locales chargées de la sécurité publique n’avaient été saisies d’aucune plainte dénonçant des actes de violence à l’usine de chaussures. Le comité note que, dans sa communication du 24 septembre 2019, le gouvernement réitère sa précédente déclaration. Le comité rappelle donc à nouveau que toutes les allégations de violence contre des travailleurs qui sont organisés ou qui veulent défendre, de toute autre manière, les intérêts des travailleurs devraient faire l’objet d’une enquête approfondie et qu’il devrait être pleinement tenu compte de toute relation, directe ou indirecte, que l’acte violent est susceptible d’avoir avec une activité syndicale. Lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 101 et 105.] Le comité rappelle que, même si aucune charge n’a été formellement retenue, chaque plainte devrait faire l’objet d’une enquête approfondie et, lorsque des témoins se sont manifestés, une protection appropriée et adéquate devrait être fournie. Le comité prie donc à nouveau instamment le gouvernement de diligenter cette enquête sans délai supplémentaire et de le tenir informé des résultats.
- 147. Le comité rappelle en outre qu’il a prié le gouvernement de lui communiquer des informations précises sur les mauvais traitements que les militants syndicaux auraient subis pendant leur détention, et notamment sur les multiples interrogatoires auxquels les accusés auraient été soumis. Le comité a pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle une enquête spéciale a été diligentée, dont il est ressorti que M. Zeng et les autres personnes n’ont pas subi de mauvais traitements au cours de leur détention. Le gouvernement a rappelé que les autorités en charge de la sécurité publique traitent les cas en respectant strictement les dispositions légales pertinentes et que les droits des personnes concernées ont été correctement défendus au cours de l’audience. En l’absence de nouvelles informations, le comité prie instamment le gouvernement de lui transmettre une copie du rapport d’enquête.
- 148. En ce qui concerne ses précédentes demandes de confirmation que M. Deng et M. Peng ne font plus l’objet d’une enquête et ne seront pas poursuivis, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les deux ont été libérés de la caution, que M. Deng exerce des activités commerciales légales et que M. Peng est employé loin de sa ville natale, et que leur liberté n’est pas restreinte. Le comité comprend que l’indication du gouvernement signifie que MM. Deng et Peng ne font plus l’objet d’une enquête et qu’ils ne seront pas poursuivis. Le comité prie le gouvernement de confirmer sa compréhension de la situation.
- 149. Le comité rappelle les allégations de violation des droits des travailleurs de constituer un syndicat en toute liberté, sans autorisation préalable au sein de l’entreprise technologique de Shenzhen, d’arrestations, de détentions, de mauvais traitements et de disparitions de militants syndicaux et de sympathisants des travailleurs de l’entreprise et le compte rendu détaillé des événements qui ont abouti à ces faits. Le comité a noté en particulier que la création d’un syndicat au sein de l’entreprise de technologie n’était possible qu’avec la participation et l’approbation de la Fédération des syndicats (FTU). A cet égard, le comité a constaté en outre que, selon la CSI, le cadre législatif général ne permet pas aux travailleurs de s’affilier à des syndicats ou de former des syndicats à moins que les syndicats locaux ne soient affiliés à la Fédération des syndicats de Chine (ACFTU), et que, dans ce cas particulier, le comité syndical de neuf membres finalement élus était effectivement dominé par la direction, le directeur des investissements de la société étant le président du syndicat. Tout en prenant note du fait que le gouvernement a réaffirmé que la législation et la pratique nationales garantissent aux travailleurs la liberté syndicale et l’information sur les accomplissements du syndicat d’entreprise et sa représentativité, comme souligné par le gouvernement, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux nombreuses allégations d’ingérence de l’entreprise dans la création du syndicat, y compris la représentation de la gestion dans sa direction. Le comité rappelle qu’il convient d’adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que, quelle que soit la tendance syndicale, les droits syndicaux peuvent s’exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tous ordres. En outre, le comité rappelle une fois de plus que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà et de tout parti politique [voir Compilation, op. cit., paragr. 73 et 475] et demande à nouveau au gouvernement de garantir ce droit pour tous les travailleurs.
- 150. Par ailleurs, le comité a déjà pris note avec une profonde préoccupation de la liste de 32 personnes, ayant participé à l’action des travailleurs ou l’ayant soutenue (voir annexe), qui auraient été en détention (5) ou qui auraient disparu (27) en relation avec cette affaire, ainsi que des accusations pénales portées contre certaines d’entre elles. Regrettant qu’aucune information n’ait été fournie par le gouvernement à ce sujet, le comité rappelle une fois de plus que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation aux libertés publiques, en général, et aux libertés syndicales, en particulier. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 123.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre toute mesure nécessaire pour assurer la libération de tout travailleur détenu en raison de ses activités syndicales et de présenter une réponse détaillée sur chacune des allégations d’arrestation, de détention, de mauvais traitement et de disparition de militants syndicaux et de leurs soutiens, ainsi que des charges pénales retenues contre certains d’entre eux et des peines prononcées. Le comité prie également l’organisation plaignante de fournir toute information additionnelle dont elle disposerait à cet égard.
- 151. Le comité a pris note en outre que, parmi ces 32 personnes, quatre (MM. Mi, Yu, Liu et Li) étaient des travailleurs de l’entreprise de technologie qui auraient également été licenciés en raison de leur participation à la création du syndicat et accusés par la suite d’avoir «réuni une foule pour troubler l’ordre public». La CSI a fait également référence au licenciement d’autres travailleurs dans ce contexte et nomme notamment MM. Song, Kuang, Zhang et Chang. Le comité a pris note que, selon le gouvernement, à l’issue d’enquêtes, il a été établi que MM. Liu et Yu ont été licenciés, respectivement, pour s’être battus avec leurs collègues et pour absentéisme, et que l’affaire civile du licenciement de M. Yu a été suspendue parce que celui-ci était impliqué dans une affaire pénale en instance. Le comité a constaté le caractère contradictoire des informations fournies par le gouvernement et celles du plaignant en ce qui concerne les circonstances entourant ces licenciements. Le comité a rappelé qu’une protection adéquate contre tous les actes de discrimination antisyndicale en matière d’emploi, tels que les licenciements, les rétrogradations, les transferts et autres actes préjudiciables, est fondamentale pour le principe de la liberté syndicale. Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale dans la loi et dans la pratique et de fournir une copie du rapport sur les résultats de l’enquête mentionnée par le gouvernement et des informations détaillées concernant les licenciements présumés de MM. Mi, Li, Song, Kuang, Zhang et Chang.
- 152. S’agissant des affaires pénales en instance contre les quatre travailleurs (MM. Mi, Yu, Liu et Li) en lien avec l’exercice de leur droit de réunion, le comité a pris note que la CSI a réitéré qu’il n’était pas possible pour les travailleurs et les militants syndicaux de participer à une grève ou à une manifestation légitime sans violer la loi qui interdit la perturbation de l’ordre public et qu’il était courant que le procureur et le tribunal considèrent les actions collectives entreprises par les travailleurs comme des violations de l’ordre public plutôt que l’exercice légitime de droits fondamentaux. Le comité note que le gouvernement réaffirme que la législation nationale ne contient pas de dispositions interdisant les grèves et que les personnes impliquées dans ce cas faisaient l’objet d’enquêtes et de sanctions non pas pour avoir participé à l’organisation des travailleurs ou à des activités syndicales, mais pour avoir enfreint les dispositions pertinentes du Code pénal en recourant à des moyens illicites dans le processus de règlement des différends du travail. Compte tenu des informations divergentes, le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Il rappelle en outre que le droit d’organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. A cet égard, le comité a toujours opéré une distinction entre les manifestations ayant un objet purement syndical, qu’il considère comme rentrant dans l’exercice d’un droit syndical, et celles qui tendent à d’autres fins. [Voir Compilation op. cit., paragr. 208 et 209.] A la lumière des circonstances du présent cas, le comité souhaite souligner que le Code pénal ne devrait pas être appliqué de telle manière que les travailleurs seraient sanctionnés en violation de leur droit de manifester pacifiquement. En conséquence, le comité prie à nouveau le gouvernement de répondre sans délai aux allégations spécifiques relatives à l’exercice du droit de grève et de manifester dans la pratique, et en particulier de fournir des informations sur l’état d’avancement des poursuites pénales engagées contre ces quatre travailleurs, ainsi que des informations détaillées sur les actes précis pour lesquels ceux-ci sont poursuivis et toute décision de justice rendue dans leur cas.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 153. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) S’agissant des allégations concernant M. Meng, le comité:
- i) prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les documents d’identité de M. Meng lui soient remis sans délai;
- ii) prie instamment le gouvernement de répondre sans délai à l’allégation de détention de M. Meng à la suite de la publication d’articles concernant ses activités et son emprisonnement;
- iii) prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des conclusions de l’enquête en cours au sujet de la destruction de la porte de la maison louée par M. Meng.
- b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de diligenter sans délai supplémentaire une enquête approfondie au sujet des mauvais traitements et des blessures dont auraient été victimes des travailleurs et leurs représentants à l’usine de chaussures, ainsi que M. Chen et Mme Zhu Xinhua (conflit du travail à l’usine de confection de sacs), et de le tenir informé des résultats de cette enquête.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de lui transmettre une copie du rapport d’enquête concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés aux militants syndicaux pendant leur détention et les nombreux interrogatoires auxquels les accusés auraient été soumis
- d) Le comité prie le gouvernement de confirmer que MM. Deng et Peng ne seront pas poursuivis en justice.
- e) Le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour garantir le droit de tous les travailleurs de constituer des organisations de leur choix.
- f) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toute mesure nécessaire pour assurer la libération de tout travailleur détenu en raison de ses activités syndicales et de présenter une réponse détaillée sur chacune des allégations d’arrestations, de détentions, de mauvais traitements et de disparitions de militants syndicaux et de leurs soutiens, ainsi que sur les accusations pénales portées contre certains d’entre eux et les peines prononcées. Le comité prie l’organisation plaignante de fournir toute information additionnelle dont elle disposerait à cet égard.
- g) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale en droit et dans la pratique et de fournir une copie du rapport sur les résultats de l’enquête mentionnée par le gouvernement (concernant MM. Yu et Li) et des informations détaillées concernant les licenciements présumés de MM. Mi, Li, Song, Kuang, Zhang et Chang.
- h) Le comité prie à nouveau le gouvernement de répondre sans délai aux allégations spécifiques concernant le droit de grève et de manifester dans la pratique, y compris le recours fréquent aux lois relatives à l’ordre public pour restreindre son exercice, en précisant les conditions de l’exercice effectif de ce droit en droit et dans la pratique.
- i) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l’état d’avancement des poursuites pénales en cours contre MM. Mi, Yu, Liu et Li, ainsi que des informations détaillées sur les actes précis pour lesquels ceux ci sont poursuivis et toute décision de justice rendue dans leur cas.
- j) Le comité examinera à nouveau le présent cas à sa prochaine réunion de mars 2020.
Annexe
AnnexeListe des 32 personnes détenues ou portées disparues en lien avec la campagne menée par les travailleurs
de l’entreprise Jasic
- 1. M. Mi Jiuping: travailleur de l’entreprise technologique, détenu depuis juillet 2018 pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public». Il est détenu au centre de détention municipal no 2 de Shenzhen. Les deux premiers avocats de M. Mi ont été contraints de se désister du cas. Le 1er octobre 2018, la demande d’entretien avec M. Mi présentée par un nouvel avocat a été rejetée au motif que l’affaire portait sur des secrets d’Etat.
- 2. M. Yu Juncong: travailleur de l’entreprise technologique, détenu depuis juillet 2018 pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public». Il est détenu au centre de détention municipal no 2 de Shenzhen. Après s’être entretenu avec M. Yu le 30 août 2018, l’avocat de ce dernier a subi des pressions pour qu’il se désiste du cas. Les demandes d’entretien avec son nouvel avocat présentées par M. Yu après le 30 août 2018 n’ont pas été acceptées.
- 3. M. Liu Penghua: travailleur de l’entreprise technologique, détenu depuis juillet 2018 pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public». Il est détenu au centre de détention municipal no 2 de Shenzhen. M. Liu a déclaré à un avocat qui s’est entretenu avec lui au mois de septembre qu’il avait été battu. Les demandes ultérieures d’entretien avec son avocat ont été rejetées.
- 4. M. Li Zhan: ancien travailleur de l’entreprise technologique et défenseur des travailleurs, détenu depuis juillet 2018 pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public». Il est détenu au centre de détention municipal no 2 de Shenzhen. Après s’être entretenu avec M. Li le 18 septembre 2018, l’avocat de M. Li a subi des pressions pour qu’il se désiste du cas.
- 5. Mme Shen Mengyu: diplômée de l’Université Sun Yat-sen, victime de disparition forcée en août 2018. Toujours portée disparue.
- 6. Mme Yue Xin: diplômée de l’Université de Beijing, victime de disparition forcée le 24 août 2018. Toujours portée disparue.
- 7. Mme Gu Jiayue: diplômée de l’Université de Beijing, arrêtée à son domicile le 24 août 2018, accusée de «causer des altercations et de provoquer des troubles» et placée en «résidence surveillée dans un lieu désigné». On ignore où elle se trouve.
- 8. M. Xu Zhongliang: diplômé de l’Université des sciences et technologies de Beijing, détenu depuis le 24 août 2018, accusé de «causer des altercations et de provoquer des troubles» et placé en «résidence surveillée dans un lieu désigné». On ignore où il se trouve.
- 9. M. Zheng Yongming: diplômé de l’Université d’agriculture de Nanjing, détenu depuis le 24 août 2018, accusé de «causer des altercations et de provoquer des troubles» et placé en «résidence surveillée dans un lieu désigné». On ignore où il se trouve.
- 10. M. Shang Kai: responsable du site Web de gauche Hongse Cankao, arrêté par la police du Guangdong le 24 août 2018 au bureau de Hongse Cankao. Toujours porté disparu.
- 11. M. Fu Changguo: membre du personnel du Centre pour les travailleurs Dagongzhe, détenu au centre de détention municipal no 2 de Shenzhen depuis août 2018 pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public».
- 12. M. Yang Shaoqiang: diplômé de l’Université des sciences et technologies de Beijing, arrêté à son domicile en août 2018, accusé de «causer des altercations et de provoquer des troubles» et placé en «résidence surveillée dans un lieu désigné». On ignore où il se trouve.
- 13. M. Tang Jialiang: étudiant poursuivant des études universitaires supérieures à l’Institut de technologie de Beijing, victime de disparition forcée depuis le début du mois de septembre 2018. Toujours porté disparu.
- 14. M. Wu Lijie: responsable du site Web de gauche Hongqi, arrêté à son domicile et victime de disparition forcée le 24 octobre 2018. Toujours porté disparu.
- 15. M. Zhang Shengye: diplômé de l’Université de Beijing, arrêté sur le campus et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours porté disparu.
- 16. Mme Sun Min: diplômée de l’Université de Beijing, arrêtée à Guangzhou et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 17. M. Zong Yang: diplômé de l’Université de Beijing, arrêté à Beijing et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours porté disparu.
- 18. M. Liang Xiaogang: défenseur des travailleurs, arrêté à Shanghai et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours porté disparu
- 19. M. Tang Xiangwei: défenseur des travailleurs, arrêté à Wuhan et victime de disparition forcée le 11 novembre 2018. Toujours porté disparu.
- 20. M. Zheng Shiyou: défenseur des travailleurs, arrêté à Wuhan et victime de disparition forcée le 11 novembre 2018. Toujours porté disparu.
- 21. Mme Zheng Yiran: diplômée de l’Université des langues et cultures de Beijing, arrêtée à Beijing et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 22. M. Lu Daxing: diplômé de l’Université des sciences et technologies de Nanjing, arrêté à Beijing et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours porté disparu.
- 23. Mme Li Xiaoxian: diplômée de l’Université de médecine chinoise de Nanjing, arrêtée à Beijing et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 24. M. He Pengchao: diplômé de l’Université de Beijing, fondateur du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêté à Beijing et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours porté disparu.
- 25. Mme Wang Xiangyi: diplômée de l’Université de Beijing, fondatrice du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêtée à Shenzhen et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 26. Mme Jian Xiaowei: diplômée de l’Université Renmin, membre du personnel du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêtée à Shenzhen et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 27. Mme Kang Yanyan: diplômée de l’Université des sciences et technologies de Beijing, membre du personnel du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêtée à Shenzhen et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 28. Mme Hou Changshan: diplômée de l’Université des langues étrangères de Beijing, membre du personnel du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêtée à Shenzhen et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 29. Mme Wang Xiaomei: diplômée de l’Université des sciences et technologies de l’information de Nanjing, membre du personnel du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêtée à Shenzhen et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 30. Mme He Xiumei: sympathisante du Centre d’action sociale Qingying Dreamworks, arrêtée à Shenzhen et victime de disparition forcée le 9 novembre 2018. Toujours portée disparue.
- 31. Mme Zou Liping: membre du personnel d’un syndicat local, détenue à Shenzhen le 9 novembre 2018, accusée de «causer des altercations et de provoquer des troubles». On ignore où elle se trouve.
- 32. M. Li Ao: membre du personnel d’un syndicat local, détenu à Shenzhen le 9 novembre 2018, accusé de «causer des altercations et de provoquer des troubles». On ignore où il se trouve.