Allégations: L’organisation plaignante allègue que plusieurs dispositions du Code pénal et du Code du travail portent atteinte au libre exercice de la liberté syndicale; qu’elle n’a pas été autorisée à faire partie de la délégation guatémaltèque à la Conférence internationale du Travail; et enfin que des dirigeants et affiliés d’un syndicat de travailleurs municipaux ont été l’objet de licenciements antisyndicaux
- 455. Le comité a examiné le cas no 2967 à sa réunion de juin 2014 lors de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 372e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 321e session (juin 2014), paragr. 297 à 307.] La plainte qui fait l’objet du cas no 3089 est contenue dans une communication du Mouvement syndical, indigène et paysan guatémaltèque (MSICG) en date du 24 mai 2014. Compte tenu du fait qu’il n’y a qu’une seule et même organisation plaignante et que les deux plaintes portent essentiellement sur des questions de nature législative, le comité a décidé d’examiner conjointement les cas nos 2967 et 3089.
- 456. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 13 août, de septembre et du 25 novembre 2014, du 2 mai, du 22 juillet, du 13 août et du 16 décembre 2019, du 31 janvier, des 2 et 10 septembre 2020 et du 25 janvier 2021.
- 457. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas no 2967
A. Examen antérieur du cas no 2967- 458. À sa réunion de juin 2014, le comité a formulé les recommandations suivantes concernant le cas no 2967 [voir 372e rapport, paragr. 307]:
B. Allégations de l’organisation plaignante (cas no 3089)
B. Allégations de l’organisation plaignante (cas no 3089)- 459. Dans sa communication du 24 mai 2014, l’organisation plaignante dénonce l’inefficacité de la protection législative et judiciaire offerte aux dirigeants syndicaux en matière de discrimination antisyndicale. Elle indique que, malgré le fait que la Constitution politique et le Code du travail protègent contre le licenciement antisyndical au moyen de la réintégration, les travailleurs qui: i) participent à un conflit collectif de nature économique et sociale (art. 380 du Code du travail); ii) ont participé ou participent à la formation d’un syndicat (art. 209 du Code du travail); ou iii) sont membres du comité exécutif (art. 223 d) du Code du travail) sont privés, en raison de carences législatives et judiciaires, d’un moyen de protection rapide et efficace.
- 460. L’organisation plaignante allègue notamment que: i) si le Code du travail prévoit que la réintégration des travailleurs victimes d’un licenciement antisyndical doit être ordonnée et rendue effective dans les 24 heures suivant le dépôt de la plainte auprès du tribunal, ce même code omet de réglementer expressément la procédure à suivre aux fins de la réintégration; et ii) compte tenu de cette omission, les tribunaux du travail, sur la base de l’article 96 du Code de procédure et de commerce, procèdent à la réintégration dans le cadre d’un procès ordinaire. L’organisation plaignante dénonce en outre le fait que les tribunaux du travail exigent que tous les moyens de recours, exceptions et incidents de procédure, aient été épuisés avant de rendre un jugement ordonnant la réintégration, ce qui entraînerait des retards excessifs. L’organisation plaignante affirme qu’une procédure de réintégration d’un dirigeant syndical peut comporter jusqu’à trois audiences et que la réintégration ne peut être ordonnée qu’après décision définitive, c’est-à-dire après qu’elle a été confirmée par la cour d’appel, ce qui, en pratique, pourrait prendre plus de dix ans. Dans ces conditions, l’organisation plaignante affirme que l’État guatémaltèque, en ne protégeant pas efficacement les membres dirigeants des organisations syndicales, qui sont chargés de représenter les syndicats et en sont les interlocuteurs, ne garantit pas une protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernementCas no 2967: aspects législatifs
- 461. Dans une communication du 2 mai 2019, le gouvernement présente ses observations sur les dispositions législatives qui, selon l’organisation plaignante, poseraient des problèmes de compatibilité avec la liberté syndicale (art. 256, 292, 294, 390 et 414 du Code pénal, et art. 220 c), 223 d) et 226 du Code du travail). Le gouvernement indique que, conformément à l’accord tripartite signé avec l’OIT en novembre 2017 et en vue de mettre en œuvre la feuille de route de 2013 adoptée dans le cadre de la plainte pour inexécution par le Guatemala de la convention no 87 présentée en 2012 en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, des réunions et des ateliers ont été organisés dans le cadre de la Commission nationale tripartite des relations professionnelles et de la liberté syndicale. Le gouvernement souligne que la commission a examiné l’initiative no 5199 du Congrès de la République, qui vise à approuver les réformes à apporter au décret no 1441 du Congrès de la République (Code du travail), au décret no 71 86 du Congrès de la République (loi sur la syndicalisation et le droit de grève des travailleurs de l’État) et au décret no 17 73 du Congrès de la République (Code pénal). Le gouvernement rapporte également que, dans le cadre de cet organe tripartite, un consensus a été atteint sur certaines questions fondamentales, telles que la définition des services essentiels et les réformes des articles 390 et 430 du Code pénal. Le gouvernement se réfère notamment à l’article 390 du Code pénal relatif à la rébellion ou à la sédition, dont la révision a été convenue de manière tripartite afin d’exclure de son champ d’application les grèves légales menées conformément à la législation en vigueur. Il indique en outre que la commission nationale tripartite a adressé au Congrès de la République, le 7 mai 2018, une lettre l’informant des questions législatives sur lesquelles un consensus tripartite s’est dégagé et de celles qui sont encore en suspens, demandant à l’organe législatif de ne pas poursuivre l’examen de l’initiative no 5199 jusqu’à ce qu’un consensus tripartite soit atteint sur les questions en suspens au sein de la commission.
- 462. Dans une communication en date du 10 septembre 2020, le gouvernement se réfère à la suite donnée à la décision GB.334/INS/9 du Conseil d’administration du BIT de novembre 2018, qui a déclaré close la procédure de plainte susmentionnée, fondée sur l’article 26 de la Constitution de l’OIT. Le gouvernement souligne que, ayant reconnu les progrès réalisés par le pays, le Conseil d’administration: i) a noté l’importance de l’élaboration et de l’adoption des réformes législatives qui sont pleinement conformes au point 5 de la feuille de route (selon lequel le gouvernement doit prendre des mesures urgentes, en concertation avec les mandants tripartites, pour proposer des modifications au Code du travail et aux autres lois pertinentes, notamment les amendements préconisés de longue date par les organes de contrôle de l’OIT); et ii) a prié le Bureau de mettre en œuvre sans délai un programme d’assistance technique solide et complet pour assurer la pérennité du processus de dialogue social en cours et réaliser de nouvelles avancées dans la mise en œuvre de la feuille de route.
- 463. Le gouvernement indique que, conformément à la décision susmentionnée du Conseil d’administration, les mandants tripartites ont approuvé en juin 2020 le projet de coopération technique intitulé «Renforcement de la Commission nationale tripartite des relations professionnelles et de la liberté syndicale au Guatemala pour l’application effective des normes internationales du travail» élaboré par le Bureau. Le gouvernement souligne que l’un des aspects essentiels de ce projet est le soutien à la mise en conformité de la législation avec les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale grâce au travail effectué par la commission nationale tripartite. Enfin, le gouvernement indique que la commission nationale tripartite a approuvé le 6 août 2020 son plan de travail pour la période de mai 2020 à mai 2021, dont l’objectif est de parvenir à un consensus sur les réformes législatives visant à proposer des modifications au Code du travail et à d’autres lois pertinentes, notamment les amendements préconisés de longue date par les organes de contrôle de l’OIT.
Cas no 2967: autres allégations
- 464. Dans une communication du 12 août 2019, le gouvernement fait parvenir ses observations relatives à l’allégation de licenciement antisyndical de 17 dirigeants et affiliés du Syndicat des travailleurs de la municipalité de San Carlos (département de Retalhuleu), intervenu le 14 mai 2012. Le gouvernement indique à cet égard que:
- a) la travailleuse Vilma Lucrecia Flores Rodas, ayant conclu un accord à l’amiable avec la défenderesse, a retiré son recours contre la municipalité;
- b) les travailleurs Marina Emérita Escobar Estacuy, Sofía Floridalma Lorenzo Martínez de Agustín, Alejandra Castillo Luis, Ingrid Nineth Valiente Navas de Torres, Norma Leticia Tem Alvarado, Pilar Cayax López, Orlando Abigail Cifuentes Sánchez et Carlos Roberto Barrios Chávez, ayant également conclu un accord à l’amiable avec la défenderesse, ont renoncé à leurs procédures respectives;
- c) le travailleur Ranferi Fuentes Escobar, par décision du 5 mai 2015, a dû abandonner son recours, parce qu’il n’en avait pas régularisé certains éléments;
- d) en ce qui concerne le recours présenté par les travailleurs Olga Marina de León et Bernabé Rodas Benedicto, si la municipalité a été exonérée dans un premier temps, le 19 janvier 2017 le tribunal de deuxième instance a ordonné leur réintégration immédiate, qui est devenue effective le 15 août 2017. Par la suite, à la demande de la municipalité, une conciliation a eu lieu entre les parties et, le 29 septembre 2017, un accord de paiement a été conclu entre les syndicalistes susmentionnés et la municipalité.
- 465. En ce qui concerne l’allégation de nomination illégale de représentants des employeurs et des travailleurs à la Conférence internationale du Travail, le gouvernement indique dans sa communication du 13 août 2014 que l’arrêté ministériel no 126 2012 n’a fait l’objet d’aucun recours administratif, judiciaire ou constitutionnel et qu’il a d’ailleurs été abrogé dans son intégralité par l’arrêté ministériel no 181 2013. En ce qui concerne le refus d’accréditer les délégués du MSICG, le gouvernement indique que le ministère du Travail et de la Protection sociale reconnaît les mouvements syndicaux, mais qu’il est impossible de déterminer la représentativité de ceux qui ne disposent pas d’un registre permettant de quantifier leurs membres, une exigence établie dans la Constitution de l’OIT, et que si cette exigence objective et vérifiable n’était pas appliquée il agirait de manière discriminatoire à l’encontre des entités qui ont été accréditées conformément à la législation nationale en vigueur.
Cas no 3089
- 466. Dans une communication en date du 24 mai 2014, le gouvernement déclare que le cadre juridique guatémaltèque protège et garantit le droit d’organisation et de négociation collective. Il indique également en ce qui concerne les retards prétendument injustifiés du système de justice du travail que, en créant le Centre de justice du travail en 2011 et en mettant en œuvre la réduction de la durée de la procédure judiciaire ordinaire en matière de travail, une diminution notable des retards dans l’administration de la justice s’est fait sentir en moins d’un an, la durée moyenne du traitement des procédures étant passée de trois ans à huit mois. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les tribunaux n’ordonneraient pas les réintégrations dans les 24 heures où elles ont été demandées, le gouvernement indique que l’employeur peut, en vertu de son droit de défense prévu à l’article 12 de la Constitution politique, contester la décision de réintégration par les voies de recours appropriées, ce qui implique que ladite décision n’est pas définitive. En outre, le gouvernement regrette que les allégations de l’organisation plaignante soient de nature générale, sans qu’aucun cas spécifique ne soit identifié. Il ajoute que les questions soulevées étaient connues du Comité de la liberté syndicale dans le cadre d’autres cas et qu’elles sont également examinées par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR).
- 467. Dans ses communications de janvier et septembre 2020, le gouvernement fait référence au projet de code de procédure du travail et de la sécurité sociale élaboré par la Cour suprême de justice en vue de rationaliser le fonctionnement de la justice du travail et de fournir un service efficace aux citoyens. Il déclare à cet égard que: i) l’avant projet de loi préparé par la cour a été soumis en décembre 2018 aux partenaires sociaux dans le cadre d’une table de dialogue destinée à recueillir leurs avis; ii) bien que les travailleurs n’aient pas participé à la table de dialogue susmentionnée, la possibilité leur a été offerte de soumettre leurs commentaires sur le texte; iii) au cours des quatre premiers mois de 2019, un consultant du Bureau s’est rendu dans le pays et il a, avec des représentants du gouvernement et des employeurs, participé à une réunion avec des magistrats et des consultants de l’organe judiciaire responsable de l’avant projet susmentionné; iv) après avoir été approuvé par la session plénière de la Cour suprême, le projet est devant le Congrès de la République depuis le 17 juillet 2020 en tant que projet de loi no 5809; v) le projet de loi vise à éviter l’application de normes procédurales d’autres branches du droit qui pourraient être inadaptées aux spécificités des relations de travail; vi) le projet de loi établit des règles et des délais spécifiques pour les cas de réintégration de dirigeants syndicaux et de travailleurs qui constituent un syndicat. Dans une communication en date du 25 janvier 2021, le gouvernement rappelle de nouveau que le plan de travail 2020-2021 de la Commission nationale tripartite sur les relations de travail et la liberté syndicale au Guatemala comprend la proposition de réformes législatives intégrant les recommandations des organes du contrôle de l’OIT. Le gouvernement se réfère à cet égard aux activités de la sous-commission de la législation et de la politique du travail.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comitéRecommandations du comité
Recommandations du comitéCas no 2967: aspects législatifs
Cas no 3089
Cas no 2967: autres allégations
- 477. Au vu des conclusions qui précèdent, lesquelles ne requièrent pas d’examen plus approfondi, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité espère que, avec l’assistance technique du Bureau, des réformes du Code du travail et du Code pénal qui permettront la pleine application des principes de la liberté syndicale seront adoptées dans les meilleurs délais. De même, le comité espère qu’une législation procédurale pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale mentionnés dans les conclusions du présent cas sera adoptée dans les meilleurs délais. Le comité renvoie le suivi de ces aspects législatifs à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
- b) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les droits de tous les travailleurs qui auraient pu faire l’objet de licenciements antisyndicaux par la municipalité de San Carlos (département de Retalhuleu) soient respectés. Notant en outre la nature récurrente des cas de licenciements antisyndicaux au sein des municipalités, le comité prie instamment une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre ce phénomène.