Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que, sur la base de la loi
fondamentale de la Hongrie et de l’ordonnance spéciale applicable pendant la pandémie de
COVID-19, le gouvernement de la Hongrie a introduit plusieurs mesures qui ont porté atteinte
au droit de négociation collective
- 204. La plainte figure dans deux communications datées du 7 mai et du
29 juin 2020 présentées par la Ligue démocratique des syndicats indépendants (LIGA), la
Confédération hongroise des syndicats (MASZSZ) et la Fédération nationale des conseils
de travailleurs (MOSZ).
- 205. Le gouvernement de la Hongrie a communiqué ses observations
concernant les allégations dans une communication datée du 15 juillet 2020.
- 206. La Hongrie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 207. Dans leur première communication datée du 7 mai 2020, la LIGA, la
MASZSZ et la MOSZ allèguent qu’en raison de la pandémie de COVID-19 le gouvernement a
introduit plusieurs mesures affectant les employés dans le cadre de la situation
d’urgence introduite en Hongrie aux termes de l’article 53 de la loi fondamentale de la
Hongrie (ci après «la loi fondamentale») et de l’ordonnance spéciale applicable pendant
cette période, en soulignant que le but de ces mesures était la conservation
d’emplois.
- 208. Les organisations plaignantes indiquent que les textes de loi
introduits en vertu de l’ordonnance spéciale ont gravement porté atteinte au droit de
négociation collective et aux conventions collectives déjà conclues. Selon les
organisations plaignantes, les décrets du gouvernement prévoient qu’en cas de situation
d’urgence les conventions collectives contraires aux dispositions des décrets concernant
les relations de travail ne peuvent être appliquées.
- 209. Les organisations plaignantes déclarent que, tout en sachant qu’en
cas d’urgence la possibilité de négocier collectivement ou l’application de conventions
collectives déjà conclues peuvent être restreintes dans la mesure où cela est justifié
et raisonnable pour surmonter la situation d’urgence et pour faire face à ses
conséquences néfastes, elles croient que, dans la pratique, certaines des dispositions
d’urgence rendent impossible, pendant une période nettement plus longue que nécessaire,
la négociation collective volontaire concernant la quasi-totalité des questions
d’emploi, bien qu’elle ne soit pas interdite expressément par les décrets.
- 210. Les organisations plaignantes soulignent que, aux termes de
l’article 6(4) du décret gouvernemental no 47/2020 concernant les mesures immédiates
nécessaires pour atténuer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’économie nationale,
l’employé et l’employeur peuvent déroger aux dispositions du Code du travail par la voie
d’un accord séparé. Cette disposition autorise donc les dérogations aux dispositions
garantissant aux employés un niveau minimal de protection (par exemple salaire minimum,
règles de protection en cas de licenciement initié par l’employeur, règles de protection
pour les employés en situation particulière comme les parents célibataires et les mères
ayant des enfants en bas âge, etc.) dans une mesure illimitée. Selon les organisations
plaignantes, cette règle implique indirectement que les employeurs peuvent éviter la
négociation collective et les conventions collectives qui sont déjà conclues afin de
prendre les mesures qu’ils jugent nécessaires en situation d’urgence, par le biais
d’accords individuels. Les organisations plaignantes suggèrent que, dans une telle
situation précaire, les employés sont plus aisément persuadés de signer des accords qui
leur offrent moins de protection en échange de l’espoir de conserver leur emploi.
- 211. Les organisations plaignantes indiquent également que, en vertu de
l’article 54(2) de la loi fondamentale, la Hongrie accepte les règles du droit
international généralement reconnues, auxquelles il n’est pas possible de déroger même
en situation d’urgence, à moins que le droit international lui-même ne le permette. Les
organisations plaignantes rappellent que l’article 4 de la convention no 98 impose aux
États Membres l’obligation de promouvoir la négociation collective volontaire entre
employeurs et employés, et font valoir que l’article 6(4) du décret gouvernemental
no 47/2020 viole cette obligation.
- 212. Les organisations plaignantes affirment que, tel qu’interprété par
le Comité de la liberté syndicale, la portée du droit de négocier collectivement et des
conventions collectives peut être limitée, mais seulement à titre exceptionnel, pour
autant que cela soit nécessaire et raisonnable, et assorti des garanties adéquates
requises pour protéger le niveau de vie des employés. Selon les organisations
plaignantes, veiller à ce que les employés et les employeurs acceptent de déroger
complètement au Code du travail revient non seulement à restreindre dans la pratique la
négociation collective et l’application des conventions collectives déjà conclues, mais
également à les rendre totalement impossibles, ce qui va au-delà de la mesure
nécessaire. Par ailleurs, les organisations plaignantes s’interrogent sur le caractère
temporaire d’une telle restriction, qui dépend essentiellement de la durée, encore
imprévisible, de la situation d’urgence.
- 213. Les organisations plaignantes dénoncent également une restriction du
droit de négociation collective lorsqu’un cadre relatif au temps de travail
(c’est-à-dire le nombre d’heures de travail que doivent effectuer tous les employés) est
imposé pour une durée maximale de vingt-quatre mois. Elles soulignent qu’aux termes de
l’article 4 du décret gouvernemental no 104/2020 l’imposition unilatérale par
l’employeur d’un cadre relatif au temps de travail pour une durée maximale de
vingt-quatre mois, ou l’emploi selon le cadre relatif au temps de travail convenu
conformément à l’article 6(4) du décret gouvernemental no 47/2020, n’est pas affectée
par la fin de l’état d’urgence. Les organisations plaignantes insistent sur le fait que
cette disposition signifie que le cadre relatif au temps de travail ordonné pendant
l’état d’urgence, mais qui est toujours en vigueur à la fin de l’état d’urgence, le
restera jusqu’à la fin de la période de travail, malgré la fin de la situation
d’urgence.
- 214. Les organisations plaignantes indiquent qu’aux termes des
articles 94(3) et 99(7) du Code du travail un cadre relatif au temps de travail peut
être imposé unilatéralement par l’employeur pour une durée de quatre mois ou, dans
certains cas, de six mois, et qu’un cadre relatif au temps de travail pour une durée
maximale de trente-six mois ne peut être fixé que par voie de convention collective, en
accord avec le syndicat. Ces dispositions stipulent également que les périodes de
référence légales susmentionnées de quatre ou six mois ne peuvent être augmentées que
par voie de convention collective pour une durée maximale de douze mois.
- 215. Les organisations plaignantes indiquent également que, dans
l’éventualité d’une situation d’urgence, l’imposition unilatérale par l’employeur d’un
cadre relatif au temps de travail pour une durée maximale de vingt-quatre mois ou
l’extension unilatérale d’un cadre relatif au temps de travail existant pour une durée
maximale de vingt-quatre mois limitent également le droit exclusif préexistant de
négociation collective. Elles considèrent que cette restriction ne doit pas aller
au-delà de ce qui est nécessaire et proportionné, et que l’imposition en situation
d’urgence d’un cadre relatif au temps de travail pour une durée maximale de vingt-quatre
mois, voire même au-delà, ne peut plus être considérée comme une restriction temporaire.
Elles estiment en conséquence qu’une telle restriction viole l’obligation en droit
international énoncée à l’article 4 de la convention no 98 qui consiste à promouvoir la
négociation collective libre et volontaire.
- 216. Dans leur communication datée du 29 juin 2020, les organisations
plaignantes avancent des arguments supplémentaires contre l’imposition unilatérale par
l’employeur d’un cadre relatif au temps de travail pour une durée maximale de
vingt-quatre mois. Elles allèguent que le décret gouvernemental no 104/2020 a été adopté
de manière non transparente, en l’absence totale de dialogue social tripartite et sans
consultations préalables, et qu’il est critiqué tant par les confédérations syndicales
nationales que par les associations nationales d’employeurs.
- 217. Les organisations plaignantes indiquent également que le décret
gouvernemental no 104/2020 soulève des problèmes de conformité et des ambiguïtés au
regard du droit du travail de l’Union européenne. Elles affirment que, aux termes de
l’article 19 de la directive 2003/88/EC du Parlement européen et du Conseil du
4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, «les
États membres ont la faculté, tout en respectant les principes généraux de la protection
de la sécurité et de la santé des travailleurs, de permettre que, pour des raisons
objectives ou techniques ou pour des raisons ayant trait à l’organisation du travail,
les conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux fixent des
périodes de référence ne dépassant en aucun cas douze mois». Les organisations
plaignantes font valoir en conséquence que, dans l’esprit de cette directive, le maximum
absolu de la «période de référence» est de douze mois et que cette durée n’est possible
que sous certaines conditions préalables.
- 218. Selon les organisations plaignantes, le décret gouvernemental
no 104/2020 soulève également des préoccupations relativement au droit public. Elles
indiquent que les mesures juridiques prises pour faire face à la situation d’urgence et
à la pandémie de COVID-19 sont de nature temporaire et que l’article 6(2) du décret
gouvernemental no 47/2020 autorise l’application du Code du travail avec certaines
dérogations, jusqu’à l’expiration d’une période de trente jours suivant la fin de l’état
d’urgence. Elles soulignent également que le décret gouvernemental no 104/2020 vise à
modifier et à compléter le décret gouvernemental no 47/2020. Selon les organisations
plaignantes, le cadre relatif au temps de travail pour une durée maximale de
vingt-quatre mois peut être imposé et appliqué seulement lorsque le décret
gouvernemental no 104/2020 est en vigueur, c’est-à-dire pendant l’état d’urgence.
- 219. En outre, les organisations plaignantes font valoir que les
syndicats ont été pour ainsi dire privés de leurs positions de négociation, leur
consentement n’étant plus requis pour l’introduction d’un cadre relatif au temps de
travail d’une plus longue durée. Ils soutiennent que le décret gouvernemental
no 104/2020 va donc à l’encontre de ses propres objectifs juridiques stratégiques, soit
la protection des emplois et de l’économie, et de l’obligation en droit international
incombant à l’État hongrois de promouvoir la négociation collective, qui est
primordiale, particulièrement en situation de crise. Elles indiquent que l’article 1(3)
du décret no 104/2020 donne force d’obligation à des dispositions du Code du travail
concernant, entre autres, le temps de travail quotidien minimal et maximal, les périodes
de repos journalières et hebdomadaires et les journées de congé, rendant illégales des
dispositions plus favorables prévues dans les conventions collectives et, de ce fait,
restreignant indûment le champ de la négociation collective. Elles ajoutent que, aux
termes de l’article 1(4) du décret no 104/2020, les conventions collectives qui dérogent
aux règles énoncées dans ce décret ne doivent pas s’appliquer pendant la période de
validité de ce décret. Les organisations plaignantes en déduisent que le décret annule
et remplace les conventions collectives régissant cette même question.
- 220. Les organisations plaignantes font valoir que, selon elles, le
décret no 104/2020 n’est pas adéquatement ciblé, sa portée universelle s’appliquant à
l’ensemble de l’économie et à tous les employeurs. Elles estiment que cela peut être
injustifié en pratique et donner lieu à de graves abus, la nécessité d’une telle règle
n’étant ni pressante ni légitime en cas de pandémie dans un certain nombre de secteurs
économiques (par exemple le commerce de détail, certains services publics, etc.).
- 221. Par ailleurs, les organisations plaignantes indiquent que, le
16 juin 2020, le Parlement hongrois a adopté la loi LVII de 2020 sur l’élimination des
situations d’urgence et que, sur cette base, le décret gouvernemental no 282/2020 a été
émis et est entré en vigueur le 18 juin 2020, abolissant ainsi les décrets qui avaient
été émis antérieurement du fait de la situation d’urgence. En conséquence, les
dispositions enfreintes des décrets mentionnés dans la plainte initiale sont également
devenues caduques car la période de travail maximale de vingt-quatre mois prescrite par
l’article 4 du décret gouvernemental no 104/2020 s’appliquait jusqu’à son
expiration.
- 222. Les organisations plaignantes signalent toutefois que, depuis la
présentation de la plainte initiale, le Parlement a adopté la loi LVIII de 2020 sur les
règles de transition liées à la fin de la situation d’urgence et la préparation
épidémiologique, ce qui a une incidence sur les éléments soulevés dans la plainte
initiale.
- 223. Selon les organisations plaignantes, en vertu de l’article 56(3) de
la loi LVIII de 2020, il était possible de déroger aux dispositions du Code du travail
par accord entre l’employeur et l’employé jusqu’au 1er juillet 2020, ce qui signifie que
cette situation prendrait fin le 1er juillet 2020 mais que son impact négatif
perdurerait (par exemple réduction des heures de travail, baisse des salaires ou
imposition d’un congé annuel en situation d’urgence sans obligation de préavis de quinze
jours, comme convenu par les parties, et octroi d’un congé non rémunéré par accord entre
les parties, auquel cas les chômeurs devaient puiser dans leurs propres économies pour
cotiser à l’assurance maladie afin de bénéficier de soins médicaux gratuits en cas de
maladie). Les organisations plaignantes expliquent que les exemples cités se rapportent
aux situations les plus courantes de maintien de l’emploi en situation d’urgence et que,
dans ces situations, les conventions collectives auraient pu jouer un rôle primordial
pour la conclusion d’accords assurant un avenir non discriminatoire et plus avantageux
pour les employés. Elles signalent qu’il n’existe actuellement aucune donnée statistique
exacte sur les accords conclus entre employeurs et employés en vertu des dispositions
relatives à l’état d’urgence ni sur les employés concernés par ces dispositions, mais
que, d’après les informations communiquées par le gouvernement aux partenaires sociaux
le 22 juin 2020, 14 000 entreprises ont déposé des demandes d’activité partielle pour
leurs employés, ce qui en soi donne une idée du grand nombre de personnes
concernées.
- 224. Les organisations plaignantes indiquent également que
l’article 56(4) et (5) de la loi LVIII de 2020 a introduit une autre disposition
préjudiciable aux employés. Elles expliquent que cette disposition permet à un organisme
gouvernemental d’autoriser un temps de travail d’une durée maximale de vingt-quatre mois
ou une période de règlement pour un investissement créateur d’emplois à la demande de
l’employeur après la fin de la situation d’urgence (pendant la nouvelle période de
préparation épidémiologique) si cet investissement est dans l’intérêt national. En
conséquence, elles font valoir que cette nouvelle disposition revient essentiellement à
maintenir indéfiniment la situation dénoncée, voire même à l’exacerber, puisque pendant
la nouvelle période de préparation épidémiologique (dont la durée est incertaine) seul
un organisme gouvernemental peut décider, et seulement à la demande unilatérale de
l’employeur, d’une extension significative de la période maximale de temps de travail
prévue dans le Code du travail, excluant ainsi complètement la possibilité de
négociation collective. Les organisations plaignantes soulignent que les conditions
d’octroi d’une telle autorisation (investissement créateur d’emplois, intérêt économique
national) ne sont pas spécifiées, ce qui signifie qu’une telle décision peut être
laissée à l’entière discrétion de l’organisme gouvernemental. Elles font valoir que le
fait que ce cadre relatif au temps de travail ne soit pas basé sur le Code du travail,
mais sur un texte législatif distinct qui n’est pas soumis aux règles de garantie du
Code du travail, rend également la négociation collective impossible en la matière.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 225. Dans une communication datée du 15 juillet 2020, le gouvernement
déclare qu’une ordonnance spéciale est en vigueur en Hongrie conformément à son décret
no 40/2020 du 11 mars sur la déclaration de l’état d’urgence, en vertu duquel l’objet et
les limites des dispositions législatives ont été déterminés par la loi XII de 2020 sur
la lutte contre le coronavirus qui a été en vigueur du 31 mars 2020 au 17 juin
2020.
- 226. Le gouvernement indique que l’article 2(1) de la loi XII de 2020
prévoit que, pendant la période de l’état d’urgence, outre les mesures extraordinaires
et les règles énoncées dans la loi CXXVIII de 2011 sur la gestion des catastrophes et
modifiant certaines lois connexes, le gouvernement peut, en vue de garantir la
protection de la vie, de la santé, des personnes, de la propriété et des droits des
citoyens, ainsi que la stabilité de l’économie nationale, par décret, suspendre
l’application de certaines lois, déroger aux dispositions des lois et prendre d’autres
mesures extraordinaires. Il ajoute que l’article 2(2) de la loi XII de 2020 stipule que
le gouvernement peut exercer les pouvoirs que lui confère le paragraphe 1 de cette loi
en vue de prévenir, de contrôler et d’éliminer l’épidémie humaine mentionnée dans le
décret no 40/2020, d’en prévenir et d’en empêcher les effets préjudiciables, dans la
mesure nécessaire et proportionnée au but recherché.
- 227. Le gouvernement déclare également que l’article 3(1) de la loi XII
de 2020 stipule que, sur la base de l’article 53(3) de la loi fondamentale, l’Assemblée
nationale autorise le gouvernement à étendre jusqu’à la fin de la période d’urgence
l’applicabilité des décrets gouvernementaux adoptés pendant l’état d’urgence en vertu de
l’article 53(1) et (2) de la loi fondamentale. En outre, conformément à l’article 3(2)
de la loi XII de 2020, cette autorisation peut être retirée avant la fin de la période
de l’état d’urgence.
- 228. Le gouvernement indique que la loi LVII de 2020 sur la fin de l’état
d’urgence est entrée en vigueur le 18 juin 2020. Cette loi stipule que la loi XII de
2020 est abrogée, l’état d’urgence ayant été déclaré terminé. Le gouvernement déclare
que l’état d’urgence a été levé conformément à son décret no 282/2020, qui a abrogé le
décret no 40/2020.
- 229. Le gouvernement explique que le décret no 47/2020 du 18 mars 2020
concernant les mesures immédiates pour atténuer les effets de la pandémie de coronavirus
sur l’économie nationale ainsi que le décret no 104/2020 du 10 avril 2020 complétant les
règles du droit du travail du décret no 47/2020 dans le cadre du plan d’action pour la
protection de l’économie visaient à assurer le mieux possible la santé et la sécurité au
travail compte tenu de l’évolution des conditions professionnelles, tout en protégeant
les emplois et en évitant des licenciements massifs. Il déclare que ces décrets visaient
à minimiser les effets de la pandémie de COVID-19 et à limiter ses retombées sur
l’emploi, atténuant ainsi ses effets négatifs sur les travailleurs et leurs familles. Le
gouvernement souligne que ni l’ampleur du risque (soit la durée de la pandémie) ni ses
effets économiques n’étaient prévisibles au moment de la promulgation des décrets, mais
que la conservation des emplois était une priorité dans la perspective de la reprise
économique pour que les usines puissent reprendre leurs activités une fois la pandémie
surmontée.
- 230. S’agissant des allégations des organisations plaignantes concernant
les dérogations possibles au Code du travail, le gouvernement indique que l’article 6(2)
du décret no 47/2020 prévoit qu’à compter de l’expiration d’une période de trente jours
après la fin de l’état d’urgence le Code du travail doit être appliqué sous réserve des
dérogations suivantes: a) l’employeur peut modifier un horaire de travail même si
celui-ci a été communiqué autrement que par les règles d’établissement des horaires de
travail énoncées à l’article 97(5) du Code du travail; b) l’employeur peut ordonner
unilatéralement à des employés de travailler à la maison ou de faire du télétravail;
c) l’employeur peut prendre les mesures nécessaires pour vérifier la santé des employés.
L’article 6(3) du décret no 47/2020 stipule également que, tant que ce décret reste en
vigueur, les dispositions des conventions collectives dérogeant à ces règles ne doivent
pas s’appliquer. En outre, en vertu de l’article 6(4) du décret no 47/2020, l’employé et
l’employeur peuvent déroger aux dispositions du Code du travail dans un accord
séparé.
- 231. Le gouvernement souligne que la fin de l’état d’urgence a marqué
l’expiration du décret no 47/2020, qui a été abrogé le 18 juin 2020. Il insiste sur le
fait que l’interdiction d’appliquer les dispositions des conventions collectives n’était
qu’une mesure temporaire en vigueur du 19 mars 2020 au 17 juin 2020, et seulement en
relation avec les questions législatives susmentionnées, pour veiller au respect des
interdictions et des restrictions imposées pendant l’état d’urgence.
- 232. Le gouvernement indique qu’aux termes de l’article 2 de la loi LVIII
de 2020, qui est entrée en vigueur le 18 juin 2020, cette loi énonce les règles
transitoires relatives aux mesures extraordinaires qui ont été adoptées pendant l’état
d’urgence et sont temporairement applicables après la fin de l’état d’urgence pour
garantir la sécurité personnelle et la protection de la vie, de la santé, de la
propriété et des droits des citoyens, ainsi que la stabilité de l’économie nationale. Il
souligne que l’article 56(2) de la loi LVIII de 2020 stipule expressément que la
dérogation aux dispositions du Code du travail en relation avec les trois questions
législatives susmentionnées et, de manière générale, aux règles du Code du travail dans
un accord spécial conclu entre l’employé et l’employeur a été autorisée seulement
jusqu’au 1er juillet 2020 pour assurer la transition réglementaire liée aux mesures
extraordinaires prises pendant l’état d’urgence et pour garantir la sécurité
juridique.
- 233. Le gouvernement souligne que la dérogation aux règles du Code du
travail autorisée en vertu de l’article 6(4) du décret gouvernemental no 47/2020 était
une mesure temporaire pour gérer les problèmes survenant pendant l’état d’urgence, et
souligne qu’un accord conclu entre les parties ne peut conduire au contournement des
garanties juridiques introduites dans la législation hongroise.
- 234. Le gouvernement indique que l’application de la convention no 98 est
assurée principalement par les dispositions du Code du travail et que, conformément à
l’article Q) (2) de la loi fondamentale et à la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle, toute règle juridique applicable doit être interprétée à la lumière
et dans le respect du droit international. Les tribunaux sont donc tenus d’assurer la
concordance entre l’article 4 de la convention no 98 et les dispositions de la
législation hongroise contribuant à son application.
- 235. Selon le gouvernement, cette exigence d’interprétation en conformité
avec le droit international était applicable à l’article 6(4) du décret no 47/2020 et
aux dispositions du Code du travail concernant la négociation collective, les
conventions collectives et la réglementation des conventions collectives qui contribuent
à l’application des dispositions juridiques internationales. Il fait valoir qu’en
conséquence les accords spéciaux dérogeant aux règles du Code du travail n’auraient pas
pu avoir pour effet de contourner les garanties introduites dans la législation
hongroise en vertu de l’article 4 de la convention.
- 236. S’agissant de la restriction alléguée du droit de négociation
collective lorsqu’un cadre relatif au temps de travail d’une durée maximale de
vingt-quatre mois est imposé, le gouvernement déclare que le décret no 104/2020 a été en
vigueur du 11 avril 2020 au 17 juin 2020. Il indique qu’aux termes de l’article 1(1)
et (2) du décret, afin de garantir le respect des interdictions et des restrictions
prescrites pendant l’état d’urgence, outre les dispositions énoncées à l’article 6(2) du
décret no 47/2020, le Code du travail doit être appliqué, sous réserve de la dérogation
par laquelle l’employeur peut imposer un cadre relatif au temps de travail pour une
durée maximale de vingt-quatre mois, et l’employeur peut prolonger pour une durée
maximale de vingt-quatre mois la période de référence ordonnée avant l’entrée en vigueur
de ce décret. L’article 1(4) du décret no 104/2020 stipule également que les
dispositions d’une convention collective dérogeant aux règles énoncées dans ce décret ne
doivent pas s’appliquer pendant la période de validité du décret. En outre, aux termes
de l’article 4 du décret no 104/2020, la fin de l’état d’urgence s’entend sans préjudice
de l’emploi selon le cadre relatif au temps de travail qui a été fixé par voie d’accord
et conclu conformément à l’article 1(1) et (2) de ce décret et à l’article 6(4) du
décret no 47/2020.
- 237. Le gouvernement indique que le décret no 104/2020 a été abrogé le
18 juin 2020, mais que la loi LVIII de 2020 énonce des dispositions supplémentaires
concernant le cadre relatif au temps de travail. Il déclare que, en vertu de
l’article 56(3) de la loi LVIII, la fin de l’état d’urgence est sans préjudice de
l’emploi selon le cadre relatif au temps de travail fixé unilatéralement ou par voie
d’accord conclu entre les parties pendant l’état d’urgence, et ce jusqu’à la fin de la
période de référence.
- 238. Le gouvernement explique que l’objectif de la loi LVIII de 2020 est
de permettre à l’Assemblée nationale hongroise de réglementer les relations juridiques
établies pendant l’état d’urgence concernant les questions relevant du champ
d’application de la législation d’urgence après l’état d’urgence en assurant une
transition réglementaire claire et prévisible, également en considération du principe de
protection des attentes légitimes, et de fournir la garantie juridique d’un
environnement réglementaire inchangé par l’adoption d’une loi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 239. Le comité note que, dans le cas d’espèce, les organisations
plaignantes allèguent que, dans le cadre de la situation d’urgence déclarée en Hongrie
en raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement a introduit plusieurs textes de
loi qui ont gravement porté atteinte au droit de négociation collective et aux
conventions collectives déjà conclues.
- 240. Le comité prend note de la chronologie des événements selon les
informations fournies par le gouvernement et les organisations plaignantes, à savoir: à
compter du 11 mars 2020, sur la base de l’article 53 de la loi fondamentale, une
ordonnance spéciale a pris effet en Hongrie en raison de la pandémie de COVID-19.
Conformément au décret gouvernemental no 40/2020 sur la déclaration de l’état d’urgence,
l’objet et les limites de la législation ont été déterminés par la loi XII de 2020 sur
la lutte contre le coronavirus, qui autorisait le gouvernement à suspendre l’application
de certaines lois, à déroger aux dispositions de lois et à prendre d’autres mesures
extraordinaires en vue de prévenir, de contrôler et d’éliminer la pandémie, et d’en
prévenir et d’en empêcher les effets préjudiciables, dans la mesure nécessaire et
proportionnée au but recherché. Le 18 mars 2020, le gouvernement a promulgué le décret
no 47/2020 concernant les mesures immédiates nécessaires pour atténuer les effets de la
pandémie de COVID-19 sur l’économie nationale. Le 10 avril 2020, il a promulgué le
décret no 104/2020 complétant les règles du droit du travail du décret no 47/2020 dans
le cadre du plan d’action pour la protection de l’économie. Le 18 juin 2020, l’état
d’urgence a été levé en vertu du décret gouvernemental no 282/2020, qui a abrogé le
décret no 40/2020, et la loi LVII de 2020 sur la fin de l’état d’urgence est entrée en
vigueur, abrogeant la loi XII de 2020, ainsi que les décrets nos 47/2020 et 104/2020. À
cette même date, la loi LVIII de 2020 sur les règles de transition liées à la fin de la
situation d’urgence et la préparation épidémiologique est entrée en vigueur.
- 241. S’agissant des allégations des organisations plaignantes concernant
la possibilité de dérogation aux dispositions du Code du travail par le biais d’accords
individuels, le comité note que les parties invoquent les dispositions du décret
no 47/2020, aux termes duquel: i) jusqu’à l’expiration d’une période de trente jours
après la fin de l’état d’urgence, l’employeur peut modifier un horaire de travail même
si celui-ci a été communiqué autrement que par les règles d’établissement des horaires
de travail énoncées dans le Code du travail, ordonner unilatéralement à des employés de
travailler à la maison ou de faire du télétravail, et prendre les mesures nécessaires
pour vérifier la santé des employés (art. 6(2)); ii) tant que ce décret reste en
vigueur, les dispositions des conventions collectives dérogeant à ces règles ne doivent
pas s’appliquer (art. 6(3)); iii) l’employé et l’employeur peuvent déroger aux
dispositions du Code du travail dans un accord séparé (art. 6(4)).
- 242. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, les accords
individuels autorisés en vertu de l’article 6(4) du décret no 47/2020 pouvaient
permettre de déroger aux dispositions du Code du travail garantissant aux employés un
niveau minimal de protection (par exemple salaire minimum, règles de protection en cas
de licenciement initié par l’employeur, règles de protection pour les employés en
situation particulière, etc.), d’éviter la négociation collective et de ne pas appliquer
les conventions collectives qui ont déjà été conclues. Il note en outre que, selon les
organisations plaignantes, cette restriction rend impossible, pendant une période
nettement plus longue que justifié, toute négociation collective volontaire concernant
la quasi-totalité des questions d’emploi, et qu’en situation d’urgence les employés sont
plus aisément persuadés de signer des accords qui leur garantissent moins de protection
en échange de l’espoir de conserver leur emploi. Le comité note que les organisations
plaignantes déclarent que l’article 6(4) du décret no 47/2020 viole l’article 4 de la
convention no 98 bien que, en vertu de l’article 54(2) de la loi fondamentale, la
Hongrie accepte les règles du droit international généralement reconnues, auxquelles il
n’est pas possible de déroger même en situation d’urgence, à moins que le droit
international lui-même ne le permette. Le comité note également que, selon les
organisations plaignantes, la loi LVIII de 2020 a rendu possible les accords individuels
susmentionnés jusqu’au 1er juillet 2020, mais leurs conséquences négatives perdureront,
et le fait que 14 000 entreprises aient demandé des salaires pour des travailleurs à
temps partiel indique en soi un grand nombre de personnes concernées.
- 243. Le comité note que, selon le gouvernement, les décrets nos 47/2020
et 104/2020 visaient à assurer le mieux possible la santé et la sécurité au travail,
tout en protégeant les emplois et en évitant des licenciements massifs, et donc à
limiter les conséquences négatives de la pandémie de COVID-19 sur les travailleurs et
leurs familles. Il prend note également de son indication selon laquelle ni l’ampleur du
risque ni ses effets économiques n’étaient prévisibles au moment de la promulgation des
décrets. Le comité note que le gouvernement déclare que le décret no 47/2020 n’a été en
vigueur que du 19 mars 2020 au 17 juin 2020, et que l’article 56(2) de la loi LVIII de
2020 stipule expressément que la dérogation aux dispositions du Code du travail a été
autorisée seulement jusqu’au 1er juillet 2020 pour assurer la transition réglementaire
liée aux mesures extraordinaires prises pendant l’état d’urgence et pour garantir la
sécurité juridique. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle
l’article Q) (2) de la loi fondamentale et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle
prévoient que toute règle juridique applicable doit être interprétée à la lumière et
dans le respect du droit international et que, en conséquence, les accords spéciaux
dérogeant aux règles du Code du travail n’auraient pas pu avoir pour effet de contourner
les garanties introduites dans la législation hongroise en vertu de l’article 4 de la
convention no 98.
- 244. S’agissant des allégations des organisations plaignantes concernant
une restriction du droit de négociation collective lorsqu’un cadre relatif au temps de
travail d’une durée maximale de vingt-quatre mois est imposé, le comité note que les
parties se réfèrent aux dispositions du décret no 104/2020, qui stipule que: i) afin de
garantir le respect des interdictions et des restrictions prescrites pendant l’état
d’urgence, le Code du travail doit être appliqué, sous réserve de la dérogation par
laquelle l’employeur peut imposer un cadre relatif au temps de travail pour une durée
maximale de vingt-quatre mois, et l’employeur peut prolonger pour une durée maximale de
vingt-quatre mois la période de référence ordonnée avant l’entrée en vigueur de ce
décret (art. 1(1) et (2)); ii) les dispositions d’une convention collective dérogeant
aux règles énoncées dans ce décret ne doivent pas s’appliquer pendant la période de
validité du décret (art. 1(4)); iii) la fin de l’état d’urgence s’entend sans préjudice
de l’emploi selon le cadre relatif au temps de travail qui a été fixé par voie d’accord
et conclu conformément à l’article 1(1) et (2) de ce décret et à l’article 6(4) du
décret no 47/2020 (art. 4).
- 245. Le comité note l’indication des organisations plaignantes selon
laquelle, en vertu du Code du travail, un cadre relatif au temps de travail peut être
imposé unilatéralement par l’employeur pour une durée de quatre mois ou, dans certains
cas, de six mois, mais qu’un cadre relatif au temps de travail ne peut être augmenté
jusqu’à douze mois ou fixé pour une durée maximale de trente-six mois que sur la base
d’une convention collective. Il note également que, selon les organisations plaignantes,
la restriction susmentionnée ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire et
proportionné et que l’imposition en situation d’urgence d’un cadre relatif au temps de
travail pour une durée maximale de vingt-quatre mois, voire même au-delà, ne peut plus
être considérée comme une restriction temporaire. Le comité note également que les
organisations plaignantes font valoir que: i) le décret gouvernemental no 104/2020 a été
adopté de manière non transparente, en l’absence totale de dialogue social tripartite et
sans consultations préalables, et est critiqué tant par les confédérations syndicales
nationales que par les associations nationales d’employeurs; ii) le décret
gouvernemental no 104/2020 soulève des problèmes de conformité et des ambiguïtés par
rapport à la directive 2003/88/EC du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003
concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui prévoit que les
périodes de référence ne doivent pas dépasser douze mois; iii) puisque les mesures
juridiques prises pour faire face à la situation d’urgence et à la pandémie de COVID-19
sont de nature temporaire, le cadre relatif au temps de travail pour une durée maximale
de vingt-quatre mois ne devrait être imposé et appliqué que pendant l’état d’urgence;
iv) puisque les syndicats ont été pour ainsi dire privés de leurs positions de
négociation, leur consentement n’étant plus requis pour l’introduction d’un cadre
relatif au temps de travail d’une plus longue durée, le décret gouvernemental
no 104/2020 va à l’encontre de ses propres objectifs juridiques stratégiques, soit la
protection de l’emploi et de l’économie, et de l’obligation juridique internationale du
gouvernement de promouvoir la négociation collective; et v) le décret no 104/2020 n’est
pas adéquatement ciblé, sa portée universelle s’appliquant à l’ensemble de l’économie et
à tous les employeurs. En outre, le comité prend note de l’indication des organisations
plaignantes selon laquelle l’article 56(4) et (5) de la loi LVIII de 2020, qui permet à
un organisme gouvernemental d’autoriser un temps de travail d’une durée maximale de
vingt-quatre mois ou une période de règlement pour un investissement créateur d’emplois
à la demande de l’employeur après la fin de la situation d’urgence, a introduit une
autre disposition préjudiciable qui exclut totalement la possibilité de négociation
collective.
- 246. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle
le décret no 104/2020 a été en vigueur du 11 avril 2020 au 17 juin 2020, mais que
l’article 56(3) de la loi LVIII prévoit que la fin de l’état d’urgence est sans
préjudice de l’emploi selon le cadre relatif au temps de travail fixé unilatéralement ou
par voie d’accord conclu entre les parties pendant l’état d’urgence, et ce jusqu’à la
fin de la période de référence. Il note également que le gouvernement indique que la
loi LVIII de 2020 a pour objet de réglementer les relations juridiques établies pendant
l’état d’urgence en considération du principe de protection des attentes légitimes et de
fournir la garantie légale d’un environnement réglementaire inchangé.
- 247. Le comité prend bonne note des informations fournies par les
organisations plaignantes et le gouvernement. Concernant la question de la conformité
des décrets gouvernementaux aux articles 54(2) et Q) (2) de la loi fondamentale et à la
directive 2003/88/EC du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant
certains aspects de l’aménagement du temps de travail, le comité rappelle que son mandat
consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est
conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés
dans les conventions portant sur ces sujets. [Voir Compilation des décisions du Comité
de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 9.] C’est dans cet esprit que le
comité poursuivra l’examen du présent cas.
- 248. Le comité reconnaît pleinement les circonstances exceptionnelles que
connaît le pays du fait de la pandémie de COVID-19 et la nécessité absolue pour le
gouvernement d’adopter des mesures urgentes pour atténuer les effets économiques et
sociaux de la crise qui en résulte. Le comité rappelle que, lors de l’examen d’autres
situations dans lesquelles la négociation collective était temporairement restreinte, il
a rappelé que de telles mesures doivent être de nature provisoire, compte tenu des
graves conséquences négatives sur les conditions d’emploi des travailleurs et en
particulier des effets sur les travailleurs les plus vulnérables. [Voir, par exemple,
Compilation, paragr. 1434.] De même, en l’espèce, le comité considère que les mesures
adoptées en cas de crise aiguë qui écartent l’application des conventions collectives en
vigueur et excluent la négociation collective doivent avoir un caractère exceptionnel,
être limitées dans le temps et comporter des garanties pour les travailleurs les plus
touchés.
- 249. Le comité observe que l’article 6 du décret gouvernemental
no 47/2020 habilitait l’employeur à prendre un certain nombre de décisions unilatérales
malgré les conventions collectives qui étaient en vigueur et établissait que les accords
individuels avaient préséance, à titre temporaire, sur les dispositions du Code du
travail en vue d’assurer la santé et la sécurité au travail et de préserver l’emploi. Le
comité comprend de la réponse du gouvernement que, en introduisant ces mesures dans le
cadre de la situation d’urgence qui a résulté de la pandémie, il n’avait pas l’intention
de mettre de côté les conventions collectives ou les dispositions du Code du travail
garantissant aux travailleurs un niveau minimal de protection, mais d’établir un régime
temporaire d’activité réduite pouvant être déclenché par des accords individuels. Tout
en notant que le décret no 47/2020 n’est plus en vigueur et que les accords individuels
n’étaient possibles que jusqu’au 1er juillet 2020, le comité prend note également de
l’indication des organisations plaignantes selon laquelle un grand nombre de personnes
ont été touchées par ces mesures et leur impact a continué à se faire sentir par la
suite. Préoccupé par les allégations selon lesquelles les mesures faisant l’objet du
présent cas ont été prises sans consultation préalable, le comité veut croire que la
promotion par le gouvernement du plein développement et de l’utilisation des mécanismes
de négociation collective garantira une transition mutuellement convenue des mesures
extraordinaires mises en œuvre pendant l’état d’urgence, y compris la dérogation aux
dispositions du Code du travail par l’article 6 du décret gouvernemental
no 47/2020.
- 250. Le comité observe en outre que, en vertu du décret no 104/2020, un
cadre relatif au temps de travail pouvait être ordonné ou étendu par l’employeur pour
une durée maximale de vingt quatre mois, qui est nettement plus longue que les périodes
de quatre ou six mois pour lesquelles un tel cadre peut être décidé unilatéralement en
vertu du Code du travail. Il note que la fin de l’état d’urgence n’a pas affecté
l’emploi selon un tel cadre relatif au temps de travail et que l’article 56 de la
loi LVIII de 2020 permet également à un organisme gouvernemental d’autoriser la fixation
d’un temps de travail ou d’une période de règlement d’une durée maximale de vingt-quatre
mois à la demande de l’employeur, ce qui signifie que cette restriction du droit de
négociation collective et ses effets persistent au-delà de la durée de l’état d’urgence.
Tout en comprenant la nécessité pour le gouvernement d’assurer la stabilité et la
prévisibilité de l’environnement réglementaire, le comité prend note de l’indication des
organisations plaignantes selon lesquelles le décret no 104/2020 a été adopté en
l’absence totale de dialogue social tripartite et sans consultations préalables et que,
selon les organisations plaignantes, il fait l’objet de critiques de la part des
confédérations syndicales nationales et des associations nationales d’employeurs. Le
comité rappelle que les limitations à la négociation collective de la part des autorités
publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de
travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties. [Voir
Compilation, paragr. 1421.] En outre, le comité souligne que la recommandation (no 205)
sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017, met l’accent sur
l’importance du dialogue social en général et de la négociation collective en
particulier pour faire face aux situations de crise en encourageant la participation
active des organisations d’employeurs et de travailleurs à la planification, à la mise
en œuvre et au suivi des mesures en faveur du redressement et de la résilience. En
conséquence, le comité encourage le gouvernement à engager un dialogue avec les
organisations d’employeurs et de travailleurs afin de limiter la durée et l’impact des
mesures susmentionnées et de garantir la pleine utilisation de la négociation collective
en tant que moyen de parvenir à des solutions équilibrées et durables en temps de
crise.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 251. Au vu des conclusions qui précèdent, qui n’appellent pas un examen
plus approfondi, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les
recommandations suivantes:
- a) Préoccupé par les allégations selon lesquelles les mesures faisant l’objet du
présent cas ont été prises sans consultation préalable, le comité veut croire que la
promotion par le gouvernement du plein développement et de l’utilisation des
mécanismes de négociation collective garantira une transition mutuellement convenue
des mesures extraordinaires mises en œuvre pendant l’état d’urgence, y compris la
dérogation aux dispositions du Code du travail par l’article 6 du décret
gouvernemental no 47/2020.
- b) Le comité encourage le gouvernement à engager un dialogue avec les
organisations d’employeurs et de travailleurs afin de limiter la durée et l’impact
des mesures introduites par les articles 1 et 4 du décret gouvernemental no 104/2020
et de l’article 56 de la loi LVIII de 2020, et de garantir la pleine utilisation de
la négociation collective en tant que moyen de parvenir à des solutions équilibrées
et durables en temps de crise.