Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que la loi C sur la relation juridique dans les services de santé adoptée en octobre 2020 et les décrets d’application qui l’accompagnent publiés en novembre 2020 sont contraires, en l’absence de dialogue social effectif, aux droits de négociation collective et de grève des professionnels de la santé
- 384. La plainte figure dans une communication en date du 13 janvier 2021 soumise par la Ligue démocratique des syndicats indépendants (LIGA), la Fédération nationale des conseils de travailleurs (MOSZ), la Confédération des syndicats professionnels (ÉSZT), le Forum pour la coopération des syndicats (SZEF) et la Confédération hongroise des syndicats (MASZSZ).
- 385. Le gouvernement de la Hongrie a fait part de ses observations concernant les allégations dans des communications en date du 15 février, du 23 mars et du 23 août 2021.
- 386. La Hongrie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 387. Dans leur communication en date du 13 janvier 2021, la LIGA, la MOSZ, la ÉSZT, le SZEF et la MASZSZ allèguent que la loi C sur la relation juridique dans les services de santé (ciaprès «la loi C de 2020»), adoptée par le parlement hongrois le 6 octobre 2020 et entrée en vigueur le 18 novembre 2020, restreint les droits des syndicats en interdisant la négociation collective et le droit de grève, sapant ainsi considérablement les droits des travailleurs et des syndicats du secteur de la santé.
- 388. Les organisations plaignantes relèvent que la loi a été adoptée pendant la pandémie de COVID-19, alors que les professionnels de la santé menaient chaque jour une lutte sans merci.
- 389. Les organisations plaignantes indiquent que la loi C de 2020 a aboli le statut de fonctionnaire des travailleurs de la santé et exigé la signature par tous ces travailleurs d’un nouveau contrat de travail avant le 1er mars 2021, instituant une nouvelle relation d’emploi et un «statut de personnel de santé». Les organisations plaignantes indiquent que, par la suite, le personnel soignant s’est vu privé des droits et des avantages associés au statut juridique des fonctionnaires. Elles indiquent en outre qu’après le 1er mars 2021 seuls les professionnels de la santé qui avaient signé un nouveau contrat de travail leur conférant le nouveau statut pouvaient prétendre à un emploi au sein du système public de soins de santé (certaines exceptions étant prévues).
- 390. Selon les organisations plaignantes, la loi C de 2020 restreint de façon significative les droits collectifs du personnel soignant employé par des prestataires publics de soins de santé:
- selon l’article 15(10) de la loi C de 2020, le personnel soignant employé par des prestataires de soins de santé financés par l’État ne peut pas conclure de conventions collectives;
- selon l’article 6 du décret d’application de la loi C de 2020 (décret gouvernemental 530/2020), toutes les conventions collectives conclues avec le personnel soignant du secteur public ont expiré le 1er janvier 2021;
- selon l’article 15(11) de la loi C de 2020, le personnel soignant du secteur public ne peut exercer sa liberté syndicale et son droit de grève que conformément à des règles spécifiques inscrites dans un accord signé entre le gouvernement et les «syndicats concernés». Les organisations plaignantes font observer que, en l’absence d’un tel accord, le droit de grève ne peut être exercé.
- 391. Les organisations plaignantes soutiennent que le fait d’exclure de la législation la possibilité de conclure des conventions collectives constitue une violation grave de l’article 4 de la convention no 98 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui a été ratifiée par la Hongrie le 6 juin 1957. Elles notent que dans le cas des salariés qui relèvent du nouveau «statut de personnel de santé», les conventions pertinentes de l’OIT ne permettent pas d’interdire la négociation collective ni la conclusion de conventions collectives, car les fournisseurs de soins de santé (les employeurs) qui emploient les salariés au titre du nouveau statut ne peuvent être considérés comme des organes ou des autorités de l’administration publique pour lesquels ce droit pourrait être restreint (convention de l’OIT (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, également ratifiée par la Hongrie). Les organisations plaignantes soulignent aussi que le fait que les prestataires publics de soins de santé soient principalement financés par l’État ne justifie pas le retrait complet du droit à la négociation collective.
- 392. En ce qui concerne le droit de grève, les organisations plaignantes indiquent que sa restriction constitue une violation grave de la première et de la seconde partie de l’article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui a été ratifiée par la Hongrie le 6 juin 1957. Elles ajoutent que le fait d’assujettir l’exercice du droit de grève à un accord avec le gouvernement et aux dispositions d’un tel accord restreint abusivement le droit des syndicats de définir librement leurs activités, conformément aux dispositions de la convention. Elles notent en outre que le fait d’exiger qu’un accord concernant l’exercice du droit de grève soit conclu avec le gouvernement, qui exerce déjà un rôle législatif et des fonctions d’autorité et de gestion, soulève aussi la question de l’intervention des pouvoirs publics. Les organisations plaignantes ajoutent que la loi VII de 1989 sur le droit de grève prévoit déjà des restrictions juridiques de ce droit pour le personnel soignant. La disposition restrictive de la nouvelle loi est donc injustifiée et disproportionnée.
- 393. En outre, les organisations plaignantes indiquent que la loi C de 2020 et le décret gouvernemental d’application (530/2020) qui l’accompagne ont été initiés par le gouvernement hongrois de façon unilatérale, donnant quelques heures seulement aux parties concernées pour réagir et faisant fi d’un dialogue social effectif.
- 394. Les organisations plaignantes, à la lumière de la plainte soumise par trois confédérations hongroises en mai 2020 au titre du cas no 3381, se disent en outre gravement préoccupées par la tendance générale de démantèlement du dialogue social à différents niveaux en Hongrie.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 395. Dans ses communications, le gouvernement indique que, ayant reconnu les besoins qui découlent de la situation particulière du groupe spécifique des salariés du secteur des soins de santé, le Parlement hongrois a décidé d’établir une réglementation spéciale régissant la relation juridique dans les services de santé et a adopté à cet égard la loi C de 2020, le 6 octobre 2020. Le gouvernement met en avant le fait que la suppression du statut de fonctionnaire s’est accompagnée de la mise en place d’un nouveau statut, défini spécifiquement pour le secteur de la santé; il s’agit de la «relation juridique dans les services de santé», suffisamment détaillée dans la loi C de 2020.
- 396. Le gouvernement indique qu’une partie distincte de la nouvelle législation en vigueur est consacrée aux relations de travail. Il déclare que la loi C de 2020 exclut la possibilité de conclure des conventions collectives avec des prestataires de soins de santé, mais établit un forum de conciliation pour les services de santé (ESZÉF), qui vise à concilier les intérêts du personnel de santé concerné par la loi, à négocier le règlement des différends et à établir les accords appropriés. Le forum de conciliation fonctionne avec la participation du gouvernement de Hongrie, des organisations représentatives du secteur au niveau national, ainsi que des groupes de négociation d’organisations nationales représentant des salariés au bénéfice d’une relation d’emploi dans les services de santé. Le forum est chargé de questions liées aux conditions de vie et de travail, ainsi qu’aux conditions d’emploi des personnes travaillant dans les services de santé.
- 397. Le gouvernement fait observer que, en Hongrie, les conventions collectives applicables au secteur de la santé étaient extrêmement hétérogènes. Il soutient que la loi C de 2020 visait à créer un système homogène et transparent pour le personnel soignant des établissements de santé relevant des pouvoirs publics, y compris locaux, par le biais de la mise en place d’une relation juridique dans les services de santé.
- 398. Le gouvernement fait observer que la réglementation d’application de la loi C de 2020 intègre les éléments de la convention collective sectorielle qui concerne la plupart des hôpitaux. La sixième partie du décret gouvernemental 528/2020. (XI. 28.) concernant l’application de la loi C de 2020 reflète comme il se doit les dispositions de la convention collective multi-employeurs conclue par le centre national chargé des services de santé avec le syndicat démocratique des travailleurs sociaux et du personnel soignant de Hongrie en ce qui concerne les règles spécifiques liées au temps de travail des personnes concernées par une relation juridique dans les services de santé. Le gouvernement affirme que cela assure aux professionnels de la santé de bénéficier de dispositions garanties et uniformisées, plutôt que de subir des règles variant d’une institution à l’autre.
- 399. Le gouvernement explique que la loi C de 2020 fait partie intégrante des mesures prises pour atténuer la gravité de la situation causée par l’épidémie de COVID-19. Il souligne aussi que les résultats obtenus jusqu’à présent quant au statut d’emploi des professionnels de la santé en Hongrie indiquent une amélioration significative à cet égard au cours des dix dernières années.
- 400. Le gouvernement indique également que, au vu des difficultés relatives à l’encadrement approprié du statut des personnes intéressées, il a déjà étudié certaines recommandations formulées par le secteur, qui se sont avérées valables et bénéfiques dans ce cas. Le gouvernement affirme que cela illustre bien le fait que les professionnels peuvent faire entendre leur voix et seront toujours les bienvenus dans les processus de consultation gouvernementaux.
- 401. Le gouvernement précise que la loi C de 2020 n’établit pas de dispositions produisant un effet général, celles-ci concernant seulement les personnes qui relèvent de son champ d’application, à savoir les professionnels de la santé bénéficiant du «statut de personnel de santé», les professionnels de la santé et les internes. La loi C de 2020 n’est donc pas applicable à l’ensemble du secteur de la santé, mais seulement aux institutions dirigées par les pouvoirs publics et les autorités locales, et donc aux salariés du secteur public.
- 402. Le gouvernement fait observer que, aux paragraphes 2 et 5 de son article VIII, la loi fondamentale hongroise accorde la liberté syndicale, tandis que son article XVII reconnaît le droit de négociation collective et le droit de grève. Le gouvernement ajoute également que l’application des conventions nos 87 et 98 a été considérée comme une priorité lors de la rédaction de la réglementation hongroise.
- 403. En ce qui concerne le droit de grève dans le secteur des soins de santé, le gouvernement ajoute qu’il peut être exercé au sein d’établissements publics de soins de santé, conformément aux règles spéciales fixées dans l’accord conclu entre le gouvernement et les syndicats concernés. En 1994, un tel accord avait été signé entre le gouvernement et les syndicats concernés au sujet du droit de grève des fonctionnaires. Le gouvernement souligne aussi que la Cour constitutionnelle de la Hongrie a étudié les réglementations nationales à plusieurs reprises au cours des trente dernières années, et qu’elle n’a pas établi que la forme de l’accord restreindrait de façon abusive un droit fondamental quelconque. Le gouvernement explique que cette disposition n’exclut pas le droit de grève au sein d’établissements de soins de santé, mais le soumet à certaines conditions. Il affirme que cette modalité en elle-même ne peut être considérée comme une restriction disproportionnée. L’explication réside dans le fait que, pour les salariés d’établissements publics de soins de santé, l’intérêt public de la conduite des soins de santé, du maintien continu des soins apportés aux patients et du respect par l’État de ses obligations en ce qui concerne la vie et la santé est supérieur à celui de l’exercice inconditionnel du droit de grève.
- 404. Le gouvernement observe aussi que, au titre de la loi VII de 1989 sur le droit de grève, les grèves sont interdites au sein d’autorités publiques délivrant certains services publics. Conformément à ce qui précède, la loi C de 2020 réglemente la question de la même manière, ce qui, aux yeux du gouvernement, est autorisé par les conventions de l’OIT.
- 405. Le gouvernement explique que dans son article 3(3), la loi VII de 1989 sur le droit de grève exclut la possibilité d’exercer le droit de grève s’il menace de façon directe et grave la vie, la santé, l’intégrité physique des personnes ou l’environnement, ou s’il empêche de prévenir des dommages dus aux éléments naturels. En outre, aux termes de l’article 4(2) de la loi VII de 1989, pour les employeurs dont les activités ont des répercussions directes sur la population, en particulier dans le domaine du transport public et des télécommunications, ainsi que des services publics de distribution d’électricité, d’eau, de gaz et d’autres services liés à l’énergie, et notamment le secteur de la santé, le droit de grève ne peut être exercé que s’il n’entrave pas la fourniture suffisante des services concernés. Le gouvernement note que, à cet égard, la nouvelle réglementation présentée au titre de la loi C de 2020 vise à déterminer les conditions d’exercice du droit de grève avec la participation des parties prenantes, en tenant compte des impératifs en matière d’intérêt public imposés par les dispositions susmentionnées.
- 406. Dans sa communication du 24 mars 2021, le gouvernement insiste aussi sur le fait que, conformément à l’article 1 de la loi C de 2020 relatif au champ d’application, les conventions collectives existantes ne sont pas interrompues pour les catégories du personnel de santé non visées par la loi C de 2020. Les règles établies au titre de l’article 15 de la loi C de 2020 relatives aux relations de travail ne s’appliquent pas aux personnes non couvertes par le statut de personnel de santé.
- 407. Le gouvernement développe en expliquant que, conformément à l’article 6 de la convention no 98, la convention ne s’applique pas au statut des salariés de la fonction publique et ne peut en aucun cas être interprétée comme portant préjudice à leurs droits et à leur statut juridique. Il fait aussi référence au paragraphe 576 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT (2006), selon lequel «le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne». Le gouvernement ajoute qu’avec l’introduction de la nouvelle réglementation il avait pour objectif d’accorder les droits pertinents aux salariés concernés – plusieurs dispositions de la loi C de 2020 garantissant la représentation des intérêts du personnel soignant et des travailleurs de la santé – tout en fournissant des mesures adaptées à la protection de la santé publique, des vies des personnes et de la sécurité. Le gouvernement insiste à cet égard sur le fait qu’il estime cela conforme aux normes pertinentes du BIT.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 408. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent que la loi C de 2020 sur la relation juridique dans les services de santé adoptée en octobre 2020 et les décrets d’application qui l’accompagnent, publiés en novembre 2020, sont contraires aux droits de négociation collective et de grève des professionnels du système de santé publique. Les organisations plaignantes allèguent aussi que la loi et ses décrets d’application ont été adoptés en l’absence de dialogue social effectif et de consultation avec les organisations de travailleurs concernées.
- 409. Le comité note que, selon les allégations, la loi C de 2020 a mis un terme, à compter du 1er mars 2021, au statut antérieur de fonctionnaire des professionnels de la santé et a par la suite exigé de ces travailleurs qu’ils signent un nouveau contrat de travail établissant un nouveau statut juridique dit «statut de personnel de santé». Depuis le 1er mars 2021, la signature d’un nouveau contrat de travail établissant le nouveau statut juridique est une condition pour travailler au sein du système de santé publique.
- 410. Le comité prend aussi note des allégations des organisations plaignantes indiquant que: a) selon l’article 15(10) de la loi C de 2020, le personnel soignant employé par des prestataires de soins de santé financés par l’État ne peut pas conclure de conventions collectives; b) selon l’article 6 du décret gouvernemental 530/2020 d’application de la loi C de 2020, les conventions collectives conclues avec le personnel soignant du secteur public ont expiré le 1er janvier 2021; et c) selon l’article 15(11) de la loi C de 2020, le personnel soignant employé par des prestataires de soins de santé financés par l’État ne peut exercer sa liberté syndicale et son droit de grève que conformément à des règles spécifiques inscrites dans un accord signé entre le gouvernement et les organisations de travailleurs concernées.
- 411. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle aux paragraphes 2 et 5 de son article VIII, la loi fondamentale hongroise accorde la liberté syndicale, tandis que son article XVII reconnaît le droit de négociation collective et le droit de grève. Le comité note en outre la déclaration du gouvernement selon laquelle l’application des conventions nos 87 et 98 avait été considérée comme une priorité lors de la rédaction de la loi C de 2020. Le comité note également que, selon le gouvernement, la loi visait à créer un système homogène et transparent pour le personnel soignant des établissements de santé relevant des pouvoirs publics, y compris locaux, par le biais de la mise en place d’une relation juridique dans les services de santé. Il note en outre que, selon le gouvernement, la loi C de 2020 fait partie intégrante des mesures prises pour atténuer la gravité de la situation causée par la pandémie de COVID-19.
- 412. En ce qui concerne l’allégation relative au droit de négociation collective des travailleurs concernés par le statut de personnel de santé, le comité prend note de la réponse du gouvernement qui indique que: i) selon l’article 1(1) de la loi C de 2020, le champ d’application de la loi couvre les établissements de services de santé publics y compris locaux, les personnes chargées d’en assurer la gestion, et porte sur le statut du personnel de santé employé dans lesdits établissements; et ii) selon l’article 15(1) de la loi C de 2020, afin de concilier les intérêts du personnel de santé visé par la loi, de négocier le règlement des différends et d’établir les accords appropriés, un forum de conciliation pour les services de santé a été créé. Le comité note également que le forum fonctionne avec la participation du gouvernement, des organisations représentatives du secteur au niveau national, ainsi que des groupes de négociation d’organisations nationales représentant des salariés au bénéfice d’une relation d’emploi dans les services de santé. S’agissant des personnes non concernées par une relation juridique de ce type, le gouvernement indique que différentes réglementions s’appliquent, qui ne sont ni prohibitives ni restrictives.
- 413. Le comité a conscience des circonstances exceptionnelles occasionnées par la pandémie de COVID-19, en particulier en lien avec le personnel soignant, ainsi que de la nécessité d’adopter des mesures visant à limiter les conséquences de la crise qui en découle. Il comprend cependant, d’après l’indication du gouvernement comme des organisations plaignantes, que la loi C de 2020 a été adoptée dans le cadre d’une réforme globale visant à créer un système homogène et transparent pour le personnel soignant des établissements de santé relevant des pouvoirs publics, y compris locaux, et que les mesures adoptées au titre de cette loi n’ont pas vocation à être temporaires, mais bien à constituer une réglementation permanente concernant les droits et les obligations des personnes dans la relation juridique dans les services de santé employées au sein d’établissements relevant des pouvoirs publics, y compris locaux.
- 414. Le comité rappelle que tous les agents de la fonction publique, à l’exception de ceux qui sont commis à l’administration de l’État, devraient bénéficier du droit de négociation collective, et une priorité devrait être accordée à la négociation collective comme moyen de règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions et modalités d’emploi dans le secteur public. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1241.] À cet égard, le comité rappelle que l’encouragement et la promotion de la négociation collective s’appliquent tant au secteur privé qu’aux entreprises nationalisées et aux organismes publics. Il rappelle en outre qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les fonctionnaires qui, par leurs fonctions, participent directement à l’administration de l’État (c’est-à-dire les fonctionnaires employés dans les ministères et autres organismes comparables), ainsi que les fonctionnaires agissant en tant qu’éléments de soutien dans ces activités qui peuvent être exclus de la négociation collective et, d’autre part, les personnes employées par le gouvernement, par des entreprises publiques ou par des établissements publics autonomes qui ne peuvent pas en être exclus. À cet égard, le comité a estimé que les personnels des services de santé ne peuvent pas être considérés comme des fonctionnaires commis à l’administration de l’État dont les droits de négociation collective peuvent faire l’objet de restrictions et que les personnes employées dans les hôpitaux publics devraient jouir du droit de négociation collective. [Voir Compilation, paragr. 1270 et 1269.]
- 415. En ce qui concerne la création du forum de conciliation pour les services de santé, le comité note que, conformément aux articles 15(2) et 15(6) de la loi C de 2020, le gouvernement doit consulter, par le biais du forum de conciliation, les représentants des fédérations syndicales nationales et des organismes nationaux représentatifs d’autorités locales au sujet des questions relevant de sa compétence, à savoir des questions relatives aux conditions de vie et de travail, ainsi qu’aux conditions d’emploi des personnes dans une relation juridique dans les services de santé. L’article 15(7) de la loi C de 2020 indique en outre que le forum de conciliation doit être consulté sur les questions qui relèvent de sa compétence, comme précisé au paragraphe 2, c’est-à-dire les questions se rapportant à la gestion des ressources humaines et à la gestion de la rémunération et des prestations du personnel. En même temps, l’article 15(10) de la loi C de 2020 dispose explicitement qu’«une convention collective ne peut être conclue avec un fournisseur de soins de santé relevant du champ d’application de la présente loi». Le comité rappelle à cet égard que ne peuvent être exclus de la négociation collective que les membres des forces armées et de la police ainsi que les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’État. [Voir Compilation, paragr. 1239.]
- 416. Concernant la note du gouvernement indiquant que la loi C de 2020 a été adoptée dans le but de créer un système homogène et transparent pour le personnel soignant des établissements de santé relevant des pouvoirs publics, y compris locaux, et que la loi intègre les éléments de la convention collective sectorielle concernant la plupart des hôpitaux en vue d’assurer aux professionnels de la santé de bénéficier de dispositions garanties et uniformisées, plutôt que de subir des règles variant d’une institution à l’autre, le comité rappelle que, en vertu du principe de négociation libre et volontaire énoncé à l’article 4 de la convention no 98, la détermination du niveau de négociation collective devrait dépendre essentiellement de la volonté des parties et, par conséquent, ce niveau ne devrait pas être imposé en vertu de la législation, d’une décision de l’autorité administrative ou de la jurisprudence de l’autorité administrative du travail. [Voir Compilation, paragr. 1404.]
- 417. Au vu de ce qui précède et de l’indication du gouvernement selon laquelle il a déjà examiné certaines recommandations émanant des organisations représentatives du secteur, le comité prie le gouvernement de réviser la loi C de 2020, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées, afin que les personnes concernées par une relation juridique dans les services de santé aient le droit de participer à des négociations collectives de leurs conditions d’emploi.
- 418. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, en application de l’article 6 du décret gouvernemental 530/2020 d’application de la loi C de 2020, les conventions collectives conclues avec le personnel soignant du secteur public ont expiré le 1er janvier 2021, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les conventions collectives existantes restent en vigueur pour les personnes qui ne relèvent pas du champ d’application de la loi, mais ne conteste pas par ailleurs l’allégation selon laquelle ces conventions ont été résiliées, s’agissant de personnes que la loi couvre. Par conséquent, le comité est contraint de rappeler que la suspension par la loi de dispositions de conventions collectives déjà conclues est incompatible avec le principe de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective de la négociation collective et qu’une disposition législative qui modifie unilatéralement la teneur d’une convention collective conclue antérieurement, ou qui contraint les parties à renégocier, est contraire au principe de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective de la négociation collective ainsi qu’au principe de droits acquis des parties. Au vu du nouveau statut des personnes concernées par une relation juridique dans les services de santé, le comité prie le gouvernement d’instaurer un dialogue avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées afin que les conditions d’emploi de ces personnes fassent l’objet d’un accord commun et, si cela s’avère impossible, de veiller à ce que toute question en suspens puisse être examinée par une instance d’arbitrage ayant la confiance des parties concernées.
- 419. Concernant l’allégation selon laquelle, au titre de l’article 15(11) de la loi C de 2020, le personnel soignant du secteur public ne peut exercer sa liberté syndicale et son droit de grève que conformément à des règles spécifiques inscrites dans un accord signé entre le gouvernement et les organisations de travailleurs concernées, le comité prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle la réglementation n’interdit pas le droit de grève, mais le restreint seulement, et qu’il ne s’agit pas d’une restriction disproportionnée des droits fondamentaux. Dans ce sens, le comité prend note de l’information fournie par le gouvernement selon laquelle: i) conformément au paragraphe 3(3) de la loi VII de 1989 sur le droit de grève, il n’y a pas de possibilité juridique de recourir au droit de grève si son exercice menace de façon directe et grave la vie, la santé, l’intégrité physique des personnes ou l’environnement, ou s’il empêche de prévenir des dommages dus aux éléments naturels; et ii) conformément au paragraphe 4(2) de la loi VII de 1989 sur le droit de grève, dans le cas d’employeurs dont les activités présentent un intérêt public fondamental – en particulier, notamment, dans les domaines des transports en commun sur routes publiques et des télécommunications, ainsi que les fournisseurs d’électricité, d’eau, de gaz et d’autres services liés à l’énergie –, le droit de grève peut être exercé de façon à ne pas entraver les performances des services maintenus à un niveau jugé suffisant. Le gouvernement ajoute que les soins de santé peuvent être inclus dans la liste fournie, et que celle qui figure dans la loi n’est pas exclusive. Par ailleurs, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la réglementation formulée au titre de la loi C de 2020, qui exige qu’un accord soit signé entre les parties, n’est pas sans précédent dans la loi hongroise et qu’un accord entre le gouvernement et des syndicats est en vigueur depuis 1994.
- 420. Le comité note que, d’après les organisations plaignantes, des restrictions juridiques du droit de grève pour le personnel soignant sont déjà définies dans la loi VII de 1989 sur le droit de grève, et que la présence d’une disposition restrictive supplémentaire dans la nouvelle loi est injustifiée et disproportionnée. Le comité note également l’indication des organisations plaignantes selon laquelle: i) le fait d’exiger la conclusion d’un accord concernant l’exercice du droit de grève avec le gouvernement, qui joue déjà un rôle législatif et des fonctions d’autorité et de gestion, soulève la question de l’intervention des pouvoirs publics; et ii) en l’absence d’un tel accord, le droit de grève ne peut être exercé.
- 421. Le comité rappelle que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique, uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Compilation, paragr. 830.]
- 422. Le comité accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 15(11) de la loi C de 2020 n’interdit pas le droit de grève pour les fournisseurs de soins de santé, et prend note de son indication selon laquelle les soins de santé peuvent faire partie des cas où un service minimum pourrait s’appliquer, faisant référence à cet égard à l’article 4(2) de la loi VII de 1989 sur le droit de grève. Le comité fait observer que cette loi, dans sa teneur modifiée, dispose que le degré et les conditions relatifs au niveau minimum de service peuvent être établis par la loi et que, en l’absence de réglementation à ce sujet, ils seront fixés sur la base d’un accord entre les parties au cours des négociations préalables à la grève ou, en l’absence d’un tel accord, ils seront déterminés par une décision définitive du tribunal.
- 423. Cependant, le comité observe que l’obligation d’avoir un accord sur les conditions dans lesquelles le droit de grève peut être exercé signifie que certains travailleurs de la santé ayant le statut de personnel de santé qui ne sont pas considérés comme essentiels ne pourront pas exercer ce droit tant qu’un tel accord n’est pas conclu. Dans ces circonstances, le comité rappelle que les organisations de travailleurs et d’employeurs intéressées doivent pouvoir participer à la détermination des services minimums qui doivent être garantis et, en cas de divergences sur ce point, la législation doit prévoir un arbitrage par un organisme indépendant et non par l’autorité administrative. [Voir Compilation, paragr. 882]. En outre, en ce qui concerne la nature des «garanties appropriées» en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Compilation, paragr. 856.]
- 424. Compte tenu des considérations qui précèdent, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la conclusion de tout accord concernant le droit de grève des personnes dans une relation juridique dans les services de santé et, après consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées, de réviser l’article 15(1) de la loi C de 2020 de façon à garantir que, pour les personnes dont l’activité est susceptible de ne pas être considérée comme relevant des services essentiels au sens strict du terme, une instance indépendante peut déterminer les services minimums à fournir en cas de grève, si les parties ne parvenaient à aucun accord. Pour les personnes dont l’activité est susceptible d’être considérée comme relevant des services essentiels au sens strict du terme, le comité prie le gouvernement de veiller à ce qu’elles aient accès à des procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives au cas où elles ne seraient pas en mesure d’avoir recours aux actions collectives.
- 425. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la loi C de 2020 et le décret gouvernemental d’application (530/2020) qui l’accompagne ont été initiés de façon unilatérale par le gouvernement hongrois, et adoptés sans consultation suffisante des organisations intéressées, le comité note que le gouvernement n’a apporté aucune réponse. Le comité a tenu à souligner l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts. [Voir Compilation, paragr. 1536.] Le comité rappelle que, en tout état de cause, les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties. [Voir Compilation, paragr. 1421.] En outre, conformément à la recommandation (no 205) sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017, le comité insiste sur l’importance du dialogue social en général et de la négociation collective en particulier pour répondre aux situations de crise, en encourageant la participation active des organisations d’employeurs et de travailleurs à la planification, à la mise en œuvre et au suivi des mesures de relance et de résilience. Le comité veut croire que le gouvernement examinera les mesures adoptées qui affectent les travailleurs du secteur de la santé, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs concernées, et assurera pleinement le respect de ce principe lors de l’examen de toute autre mesure.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 426. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de réviser la loi C de 2020, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées, afin que les personnes concernées par une relation juridique dans les services de santé aient le droit de participer à des négociations collectives de leurs conditions d’emploi.
- b) Au vu du nouveau statut des personnes concernées par une relation juridique dans les services de santé et de la résiliation des dispositions collectives conclues antérieurement, le comité prie le gouvernement d’instaurer un dialogue avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées afin que les conditions d’emploi fassent l’objet d’un accord commun et, si cela s’avère impossible, de veiller à ce que toute question en suspens puisse être examinée par une instance d’arbitrage ayant la confiance des parties concernées.
- c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la conclusion de tout accord concernant le droit de grève des personnes dans une relation juridique dans les services de santé et, après consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées, de réviser l’article 15(1) de la loi C de 2020 afin de faire en sorte qu’un organisme indépendant puisse déterminer les services minimums à fournir en cas de grève, si les parties ne parvenaient à aucun accord. En ce qui concerne les services essentiels au sens strict du terme, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les personnes concernées aient accès à des procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, au cas où elles ne seraient pas en mesure d’avoir recours aux actions collectives.
- d) Enfin, le comité veut croire que le gouvernement examinera les mesures qui concernent les professionnels de la santé, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs concernées, et prendra les mesures nécessaires pour assurer pleinement le respect du principe de consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs intéressées lors de l’examen de toute autre mesure.