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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d'administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d'administration- 26. Le comité a examiné ce cas (présenté en octobre 2011) qui concerne des allégations selon lesquelles la direction d’une entreprise d’électricité à Karachi a refusé d’appliquer un accord tripartite auquel elle était partie, ainsi que des allégations de recours à la violence contre des travailleurs protestataires, de licenciements et de dépôt de plaintes au pénal contre des responsables syndicaux, pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2020. [Voir 392e rapport, paragr. 114-120.] À cette occasion, le comité a prié le gouvernement de continuer à s’engager activement auprès du syndicat de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi (le syndicat de la KESC) et de l’entreprise et de faciliter le dialogue entre eux afin de faire en sorte que les travailleurs licenciés qui n’ont pas été réaffectés reçoivent sans délai une indemnisation adéquate et d’indiquer si des poursuites sont toujours en cours contre les travailleurs licenciés. Le comité a également dit s’attendre fermement à ce que la Commission nationale des relations professionnelles (NIRC) examine sans délai les plaintes pour discrimination antisyndicale déposées par le syndicat de la KESC.
- 27. L’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans des communications en date des 21 mars 2020, 8 janvier et 1er avril 2021 et 6 janvier 2022. Dans des communications en date des 2 et 9 septembre 2021, la Fédération des travailleurs du Pakistan, à laquelle le syndicat de la KESC est affilié, s’est associée au présent cas et a fourni des informations complémentaires. En particulier, les organisations plaignantes dénoncent que, bien que le syndicat de la KESC ait fait des efforts pour résoudre les questions en suspens après sa détermination en tant qu’agent négociateur en décembre 2019, l’entreprise a ignoré ses efforts, a refusé de reconnaître son statut de négociateur (aucune négociation bilatérale n’a été initiée ou acceptée par la direction), n’a pas répondu au cahier de revendications de janvier 2020, a émis des lettres de licenciement et a porté de fausses accusations à l’encontre du syndicat par l’intermédiaire de ses agents, de faux syndicats et de groupes de pression. À cet égard, les organisations plaignantes signalent quatre cas en instance devant la Haute Cour du Sind, sept cas devant la Haute Cour d’Islamabad, dix cas devant le responsable du registre des syndicats de la NIRC d’Islamabad, un cas devant la NIRC de Karachi et deux cas devant la Cour suprême, tous dirigés contre le syndicat de la KESC. Selon les organisations plaignantes, l’objectif de ces recours et pétitions était de retarder la résolution des questions en suspens, de suspendre les négociations sur le cahier de revendications et d’impliquer le syndicat dans un litige, montrant ainsi la réticence de la direction à la formation de syndicats et à la négociation collective dans l’entreprise. En conséquence, les travailleurs ont été privés de leur droit fondamental à la négociation collective, avec une proposition de convention collective comprenant une révision de l’échelle des salaires en attente depuis 2011 et le nouveau cahier de revendications en attente depuis février 2020.
- 28. Les organisations plaignantes allèguent que, outre le refus de négocier, la direction, par l’intermédiaire de son faux syndicat, a contesté l’élection interne pour la détermination de l’agent négociateur. Elles dénoncent également l’ordre donné par le président de la NIRC d’organiser une nouvelle élection interne en février 2020, suspendant ainsi le fonctionnement du syndicat et ses efforts de négocier en attendant le processus, ainsi que les tentatives de la direction de forcer 600 membres actifs du syndicat de la KESC à retirer leur adhésion et à s’affilier au faux syndicat de la direction. En outre, bien que ce cas ait été présenté lors de la réunion du Comité consultatif tripartite fédéral à Islamabad en août 2021, ni l’entreprise ni le gouvernement provincial du Baloutchistan n’ont tenu compte des recommandations du comité. Les organisations plaignantes estiment donc que la direction devrait entamer un dialogue social avec le syndicat de la KESC afin de trouver une solution à l’amiable aux questions en suspens.
- 29. Concernant la question de longue date du versement d’une indemnisation adéquate à environ 460 travailleurs licenciés qui n’ont pas été réaffectés, les organisations plaignantes allèguent que la direction n’a pas entamé de dialogue avec le syndicat, a interdit l’accès au lieu de travail au président du syndicat et a embauché plus de 10 000 travailleurs par le biais de sous traitants tiers pour remplacer les travailleurs permanents licenciés, tout en affirmant qu’il n’y a pas de poste vacant dans l’entreprise. Les organisations plaignantes allèguent que, bien que la NIRC ait tranché en faveur de plus de 422 travailleurs licenciés, la direction n’a pas respecté l’ordonnance et l’a contestée devant la Haute Cour du Sind, où les cas sont actuellement en instance.
- 30. En ce qui concerne les plaintes pour discrimination antisyndicale déposées par le syndicat auprès de la NIRC, les organisations plaignantes indiquent qu’après un long procès la NIRC a ordonné la réintégration d’une centaine de travailleurs, une décision confirmée par la chambre plénière, mais que la direction a fait appel de cette décision auprès de la Haute Cour du Sind. Elles indiquent que 313 autres cas ont également été réglés par la NIRC mais contestées par la direction et sont actuellement en attente, en raison de la nomination en cours de cinq membres de la NIRC. Les organisations plaignantes indiquent que, en raison des procédures prolongées, la plupart des travailleurs ont atteint l’âge de la retraite et que, même dans ce cas, la direction a refusé de leur fournir des lettres de retraite et de payer leurs cotisations, ce qui les empêche de percevoir leur pension.
- 31. En ce qui concerne les poursuites engagées par l’entreprise contre un certain nombre de travailleurs licenciés, les organisations plaignantes affirment que le ministère des Pakistanais de l’étranger et du Développement des ressources humaines (OPHRD) a tenté de convaincre l’entreprise de retirer les plaintes en instance, mais que celle-ci ne l’a pas fait.
- 32. Le gouvernement présente ses observations dans des communications en date des 11 et 18 octobre 2021 et du 10 février 2022. Il réitère son plein engagement à l’égard des obligations internationales et affirme que le pays dispose de l’infrastructure et du cadre législatif requis pour soutenir la mise en œuvre de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Le gouvernement soumet une mise à jour concernant le cas, fournie par la NIRC, qui indique que le secrétaire fédéral du ministère des OPHRD a rencontré le président de la NIRC afin de trouver une solution fructueuse au différend en cours. Le président de la NIRC a visité l’entreprise et a convoqué les deux parties à la section de Karachi en octobre 2021. Deux représentants de chaque partie ont assisté à la réunion, ont exposé leurs points de vue et ont été invités à soumettre leurs positions par écrit, accompagnées de preuves documentaires. Si les deux parties ont fourni les déclarations écrites, elles n’ont pas fourni les documents demandés et ont donc été à nouveau invitées à le faire. Dès que les documents seront reçus du syndicat et de la direction, la NIRC préparera un rapport qui sera transmis aux autorités concernées.
- 33. En ce qui concerne le différend relatif à l’élection d’un agent négociateur au sein de l’entreprise, le gouvernement indique qu’un appel sur cette question était en instance devant la chambre plénière de la NIRC à Islamabad et qu’une audience était prévue en octobre 2021. Il ajoute que le mandat d’agent négociateur du syndicat de la KESC a pris fin en janvier 2022 et que, comme cette période ne peut pas être prolongée, un nouveau référendum pour déterminer l’agent négociateur a été lancé à la demande d’un autre syndicat de l’entreprise, le Workers’ Power Union, et la NIRC a nommé un agent pour mener la procédure. En février 2022, les syndicats enregistrés dans l’entreprise et la direction ont été invités à fournir tous les documents pertinents pour cette procédure.
- 34. Le comité prend bonne note des informations fournies par les organisations plaignantes et le gouvernement et regrette de constater que, plus de dix ans après le dépôt de la plainte, les parties n’ont toujours pas été en mesure de trouver une solution aux questions en suspens, malgré le fait que le syndicat a été désigné comme agent négociateur pour les travailleurs de l’entreprise en décembre 2019 et qu’il était donc en mesure de négocier avec la direction, une évolution que le comité avait accueilli favorablement lors de son précédent examen du cas, espérant que cela faciliterait la résolution de toute question en suspens.
- 35. Le comité observe toutefois, d’après les informations fournies, que des tensions persistent entre le syndicat de la KESC et l’entreprise autour des questions non résolues (versement d’une indemnisation aux travailleurs licenciés, plaintes pour discrimination antisyndicale contre l’entreprise et poursuites pénales contre les syndicalistes), ainsi qu’autour du refus présumé de la direction de reconnaître le syndicat comme agent négociateur et de l’absence de négociation collective qui en résulte, aucune négociation n’ayant été engagée ou acceptée par l’entreprise. À cet égard, le comité observe également les préoccupations des organisations plaignantes selon lesquelles l’attitude antisyndicale de l’entreprise, y compris les nombreuses pétitions déposées contre le syndicat de la KESC et les tentatives de mettre en cause son statut de négociateur et de forcer ses membres à retirer leur affiliation, montre la réticence de la direction à l’égard des syndicats et de la négociation collective et entrave la résolution des questions en suspens. Alors que les organisations plaignantes allèguent en outre que ni l’entreprise ni le gouvernement du Baloutchistan n’ont pris en considération les recommandations du comité lorsque ce cas a été présenté au Comité consultatif tripartite fédéral (une institution tripartite nationale), le gouvernement n’apporte pas de réponse sur ce point, mais affirme que plusieurs procédures ont été engagées pour traiter les questions en suspens, notamment une réunion entre le président de la NIRC et le ministère des OPHRD, ainsi qu’une réunion entre les parties pour qu’elles puissent exprimer leurs points de vue et fournir les documents pertinents, à propos de laquelle le président de la NIRC devrait soumettre un rapport aux autorités concernées. Le comité note que le gouvernement informe également qu’un appel sur le différend concernant l’élection de l’agent négociateur était en instance devant la chambre plénière de la NIRC à Islamabad, sans fournir de détails quant à son issue, et indique en outre qu’en janvier 2022, après l’expiration de la période de deux ans pendant laquelle le syndicat de la KESC avait le statut d’agent négociateur, un nouveau référendum pour déterminer l’agent négociateur a été lancé à la demande d’un autre syndicat de l’entreprise.
- 36. Tout en prenant dûment note de ce qui précède, le comité ne peut que regretter que, au cours de la période de deux ans pendant laquelle le syndicat de la KESC avait le statut d’agent négociateur dans l’entreprise, aucune négociation n’ait eu lieu entre le syndicat et la direction, et que les parties se soient trouvées mêlées à des procédures judiciaires suite aux nombreuses pétitions contre le syndicat, empêchant ainsi la résolution pacifique des problèmes de longue date par la négociation collective. Le comité souhaite rappeler à cet égard qu’employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s’efforçant d’arriver à un accord, et des relations professionnelles satisfaisantes dépendent essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque. La reconnaissance par un employeur des principaux syndicats représentés dans son entreprise ou du plus représentatif d’entre eux constitue la base même de toute procédure de négociation collective des conditions d’emploi au niveau de l’établissement. Le comité souligne qu’il est important que les conflits sociaux se déroulent et trouvent une solution de manière pacifique dans le cadre de la négociation collective. Dans le cas où les négociations engagées n’ont pas pu aboutir à cause de désaccords, le gouvernement devrait envisager avec les parties des voies de sortie d’un tel blocage par un mécanisme de conciliation ou de médiation ou, si les désaccords persistaient, via l’arbitrage d’un organe indépendant ayant la confiance des parties. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1329, 1355, 1235 et 1322.] Observant qu’un nouveau référendum a été initié pour déterminer l’agent négociateur dans l’entreprise, le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur le résultat du référendum et veut croire que la procédure sera menée rapidement, de manière transparente, et que l’agent négociateur dûment élu pourra engager des négociations collectives de bonne foi avec l’employeur. Le comité prie également le gouvernement, quels que soient les résultats du référendum, de continuer à encourager le dialogue entre le syndicat de la KESC et l’entreprise en vue de résoudre toutes les autres questions en suspens dans ce cas, comme indiqué ci-dessous, et de le tenir informé du résultat des réunions entre les parties organisées par le président de la NIRC.
- 37. En ce qui concerne la question de longue date du versement d’une indemnisation adéquate à quelque 460 travailleurs qui avaient été licenciés, mais n’avaient pas été réaffectés et les plaintes en instance pour discrimination antisyndicale déposées par le syndicat de la KESC auprès de la NIRC, le comité observe, d’après les informations fournies par les organisations plaignantes, qu’après des procédures prolongées la NIRC a rendu des décisions en faveur de plus de 400 travailleurs, y compris la décision de réintégrer 100 travailleurs, mais que l’entreprise a refusé de se conformer aux ordonnances, les contestant devant la chambre plénière de la NIRC ou la Haute Cour du Sind. Le comité croit comprendre que bon nombre des travailleurs concernés ont depuis lors atteint l’âge de la retraite et prend note des préoccupations des organisations plaignantes selon lesquelles l’entreprise a refusé de fournir des lettres de retraite et d’accorder aux travailleurs leurs cotisations, créant ainsi des obstacles à la perception de la pension. Tout en accueillant favorablement les décisions de la NIRC favorables aux travailleurs, le comité se doit d’exprimer sa préoccupation, d’une part, quant à la nature prolongée du litige évoquée par les organisations plaignantes, qui semble avoir diminué l’effet de toute mesure ordonnée, et, d’autre part, quant au non-respect présumé par l’entreprise des ordonnances rendues (le comité ne dispose pas de détails quant aux mesures ordonnées, à l’exception de l’ordonnance de réintégrer 100 travailleurs). Dans ces circonstances, regrettant l’absence de réponse du gouvernement sur ces questions et rappelant que le retard pris pour mener à bien les recours judiciaires qui donnent accès à la réparation réduit par lui-même l’efficacité de ces recours, étant donné que la situation ayant fait l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible, de sorte qu’il devient impossible d’ordonner une réparation appropriée ou de revenir à la situation antérieure [voir Compilation, paragr. 1144], le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de toute procédure en cours concernant la réintégration, l’indemnisation ou toute autre réparation pour des actes de discrimination antisyndicale ordonnée par la NIRC ou les tribunaux. Il prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que toute décision judiciaire ou quasi-judiciaire ordonnant une réparation sera rapidement et intégralement mise en œuvre par l’entreprise et que les travailleurs retraités seront autorisés à percevoir leur pension. Compte tenu des préoccupations relatives à la nature prolongée des litiges, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour garantir l’accès à des moyens de réparation efficaces en cas de préjudice allégué fondé sur l’appartenance ou les activités syndicales.
- 38. Enfin, en ce qui concerne les poursuites engagées par l’entreprise contre les travailleurs licenciés, le comité rappelle, à la lumière de ses précédents examens du cas, que le ministère des OPHRD s’efforçait de persuader l’entreprise d’abandonner les poursuites et d’indemniser les travailleurs licenciés. Le comité regrette de constater, d’après les informations fournies par les organisations plaignantes, que, malgré les efforts du ministère, l’entreprise n’a retiré aucune des poursuites en cours. Considérant que des poursuites pénales en cours contre des travailleurs licenciés pendant une période prolongée, en particulier dans des circonstances de conflit collectif en cours entre le syndicat qui les représente et l’employeur, peuvent avoir de graves conséquences sur l’exercice par le syndicat d’activités syndicales légitimes, le comité prie le gouvernement d’intensifier ses efforts pour réunir la direction et le syndicat en vue de trouver une solution à ce problème de longue date.